Intervention de Jean-François Humbert

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 juillet 2013 : 1ère réunion
Questions sociales et santé — Politique européenne du sport : proposition de résolution européenne de mm. dominique bailly et jean-françois humbert

Photo de Jean-François HumbertJean-François Humbert :

Comme je vous l'ai indiqué dans le rapport que j'ai présenté en février dernier devant notre commission, il a fallu attendre 2009 pour que le sport fasse officiellement partie du champ de compétences de l'Union européenne. J'insiste sur le mot « attendre », car en pratique le sport avait déjà fait l'objet de nombreuses interventions de la part des institutions communautaires. Le principal interlocuteur des autorités sportives était la Cour de justice - vous connaissez tous l'arrêt Bosman - et en deuxième rideau, la Commission européenne, toutes deux chargées de vérifier la conformité de la règle sportive aux grandes libertés du marché intérieur : liberté de circulation des travailleurs et liberté de la concurrence.

La donne a sensiblement évolué ces dernières années avec la prise en compte, quoique limitée et encadrée, de la spécificité du sport.

Aujourd'hui l'Union européenne entend défendre un modèle sportif européen, combinant plusieurs principes : solidarité financière entre amateurs et professionnels, organisation pyramidale, ligues ouvertes, etc.

L'Union européenne s'est dotée aujourd'hui d'une compétence d'appui pour promouvoir ce modèle sportif européen, en ciblant trois priorités : les aspects économiques, la défense de l'intégrité du sport face au dopage et au trucage des matchs et le thème plus consensuel des valeurs sociales du sport.

C'est d'autant plus utile qu'en Europe la tendance est plus à un rapprochement avec le « sport spectacle » à l'américaine qu'à un retour aux fondamentaux olympiques.

La proposition de résolution européenne que nous présentons aujourd'hui avec Dominique Bailly est d'une part le fruit du travail que notre commission m'avait confié et d'autre part, de la réflexion qu'il a mené au titre du groupe de travail sur l'éthique du sport créé au sein de la commission des affaires culturelles. Nous sommes chacun de notre côté arrivé au même constat : l'Union européenne a incontestablement un rôle à jouer en vue de préserver l'esprit du sport, quand bien même celui-ci se professionnalise inexorablement.

Il ne faut pas nier pour autant les limites inhérentes à toute politique européenne du sport. Elles sont, principalement, au nombre de deux :

- la faiblesse de la base juridique : l'Union européenne est dotée d'une compétence d'appui, elle peut coordonner l'action des États membres mais elle ne peut pas les harmoniser ;

- le sport européen ne se limite pas aux Vingt-Huit : c'est une Europe à 54, comme le nombre d'États affiliés à l'Union européenne des associations de football, l'UEFA.

Il n'en reste pas moins que l'Union dispose de moyens pour faire avancer l'idée d'un sport professionnel plus responsable.

Venons-en au premier point : la formation, qui fait partie de ce qu'on pourrait appeler un modèle sportif français. Nous saluons l'initiative de l'Union européenne d'encourager les « double-projets », qui permettent aux jeunes sportifs de combiner apprentissage de leur discipline et formation académique. Il est indispensable d'arriver à une véritable labellisation européenne des centres de formation pour souligner l'effort des clubs en faveur d'un enseignement académique de qualité, destiné à répondre à l'échec éventuel d'une carrière sportive. Tous les sportifs ne deviennent pas professionnels, il convient de prévoir leur retour à la vie normale. Le dialogue social mis en place au niveau européen doit, en outre, permettre une harmonisation des parcours de formation au niveau européen et déboucher sur la signature automatique du premier contrat professionnel au sein du club formateur.

Nous souhaitons enfin qu'un véritable Erasmus des éducateurs sportifs se mette en place afin de favoriser les échanges et une meilleure formation. L'UEFA le fait un peu pour le football. Une telle mesure pourrait être étendue aux autres disciplines.

Au sujet du dopage, notre position est assez simple. Nous devons exploiter les possibilités offertes par les Traités. Il est aujourd'hui envisageable de mettre en oeuvre une directive d'harmonisation pénale visant le trafic de produits dopants, qui prévoirait des sanctions minimales à l'échelle européenne. Ce délit pourrait être intégré aux attributions d'un futur Parquet européen.

En ce qui concerne la gouvernance des clubs, nous préconisons d'aller plus loin que le Fair play financier institué par l'UEFA dans le domaine du football. Aux termes de celui-ci, un club ne peut dépenser plus qu'il ne perçoit. Cela étant ce système risque de consolider l'hégémonie de quelques clubs, empêchant l'émergence de nouveaux champions. En effet aucun mécène ne pourrait avoir le droit de financer à perte son club. Cela pourrait affecter le principe d'ouverture des compétitions. Nous estimons donc que tout système de responsabilisation financière des clubs professionnels doit passer par un encadrement de la masse salariale et du nombre de joueurs ainsi qu'une limitation de l'endettement. Une attention particulière doit être portée aux contrats d'image noués entre les clubs professionnels et certains investisseurs. Ces contrats peuvent, en effet, ne pas correspondre à la réalité du marché publicitaire et s'apparenter à un subventionnement déguisé.

En vue de pérenniser les ressources des clubs professionnels, nous insistons sur la nécessité pour eux de disposer de leurs propres infrastructures : stades et centres de formation. Il convient dans le même temps que l'Union européenne promeuve, comme elle l'a fait pour le Fair play financier, un mode de gestion fondé sur des recettes provenant à parts égales de la billetterie, de la vente de joueurs et de produits dérivés, du sponsoring et des droits télévisés.

A la lumière de l'exemple anglais et au regard du souhait de la Commission européenne de mettre en avant la dimension sociale du sport, nous estimons qu'au moins 3 % des revenus des clubs professionnels devraient être consacrés à des programmes sociaux en direction des villes ou des quartiers où ces formations sont installées.

Ces propositions en faveur d'une meilleure gouvernance des clubs vont aller de pair, selon nous, avec un meilleur encadrement des transferts de joueurs. Je cède la parole à Dominique Bailly pour aborder cet aspect.

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