Le projet de budget pour 2014 nous est transmis cette année dans des conditions très particulières. Présenté le 28 juin par la Commission, il nous a été soumis le 11 juillet dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, les États membres étant censés l'adopter au cours du dernier Conseil avant l'interruption estivale, le 22 juillet : les délais pour nous prononcer sont très courts. Cette situation est la conséquence du retard pris par le Conseil et le Parlement européen pour trouver un accord sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020, dont le destin était en outre lié à un accord sur le financement complet du budget de 2013.
Tout a été dit sur des sujets que nous avons abordés à de multiples reprises depuis deux ans, au sein de notre commission comme en séance publique. Il s'agit de l'étape ultime du processus, de l'approbation formelle par le Conseil. Il me semble donc qu'il n'y a pas d'obstacle à ce que nous levions la réserve du Sénat sur ce projet de budget, de manière à ce que le Gouvernement puisse lui-même l'approuver formellement la semaine prochaine.
Il en est ainsi décidé.
En une première étape, nous avons présenté une proposition de résolution sur la subsidiarité, c'est-à-dire sur la compétence de l'Union dans le domaine du transport ferroviaire. Nous avions émis des critiques sur l'interprétation de la Commission européenne à propos des structures verticales intégrées. Nous travaillons à présent sur les projets de directives et de règlements que l'on dénomme « quatrième paquet ferroviaire ». Publié le 30 janvier par la Commission européenne, il inclut trois projets de règlements et trois projets de directives.
Six textes, en effet, pour quatre problématiques distinctes. Une proposition de règlement abroge des dispositions comptables spécifiques aux entreprises de chemin de fer, qui n'ont jamais été appliquées en France. Une proposition de règlement et l'une des propositions de directive forment ensemble la dimension technique du quatrième paquet ferroviaire pour étendre les pouvoirs attribués à l'Agence ferroviaire européenne en matière de certification, notamment des équipements de sécurité. Le principal dossier est la généralisation du système européen de signalisation et de surveillance du trafic ferroviaire ERTMS (European Rail Traffic Management System). Les trois textes restants abordent deux problématiques essentielles : l'ouverture à la concurrence et la gouvernance de l'infrastructure ferroviaire.
À l'image de toute la législation de l'Union européenne relative à la concurrence, le quatrième paquet ferroviaire est placé sous le signe de la théorie néoclassique, fondée sur l'hypothèse d'un marché où il y a pour chaque producteur un niveau d'offre au-delà duquel les dépenses s'accroissent de façon plus que proportionnelle. Une entreprise en situation de monopole limite sa production à un niveau qui maximise son profit grâce à un prix de vente égal au coût marginal de production. En revanche, des entreprises concurrentes ne peuvent accroître leurs profits qu'en augmentant leur production, ce qui fait baisser le prix de marché, d'où l'intérêt pour les consommateurs de s'approvisionner sur un marché fortement concurrentiel.
Selon cette conception, plus on s'éloigne de la concurrence « pure et parfaite », plus l'offre est restreinte et plus les prix sont élevés. Pour échapper à ces conséquences funestes, les économistes néoclassiques préconisent d'introduire la concurrence où il n'y en a pas ; de la rétablir là où elle a disparu.
Or, les transports ferroviaires nécessitent des investissements considérables pour construire lignes, gares et ouvrages d'art, sans parler du matériel roulant. Une fois les investissements réalisés, ajouter des passagers supplémentaires dans un train ne coûte rien et reste sans incidence sur la qualité du service de transport, puisque des trains pleins roulent aussi vite que des trains à moitié vides. Si l'on veut à toute force trouver au moins l'apparence de rendements décroissants dans le domaine ferroviaire, il faut observer ce qui se passe les jours de gros départs en vacances. Ce que l'on constate est en fait une saturation du réseau, non la conséquence d'un prix de revient excessif pour l'opérateur. On bute sur un obstacle physique, pas sur une limite économique : même ce cas de figure ne rattache pas le chemin de fer aux théories néoclassiques.
Il n'est donc pas surprenant que la libéralisation du fret ferroviaire à l'échelle de l'Union européenne, opérée par référence au cadre conceptuel néoclassique, n'ait pas abouti au résultat escompté. Le recul du temps nous offre l'opportunité de connaître l'incidence réelle de l'ouverture à la concurrence depuis vingt ans de tout le fret ferroviaire, national et international, dans les 25 États membres concernés, ainsi qu'en Norvège : autoriser tout opérateur à présenter une offre commerciale sur telle liaison qu'il juge rentable n'a en rien profité au développement du fret ferroviaire par rapport à la route. Quels que soient les indicateurs, aucun lien positif ne peut être établi. Le coefficient de corrélation reste systématiquement nul. Les faits sont têtus : la prétendue stimulation du fret ferroviaire par sa libéralisation se traduit graphiquement par une droite à la parfaite horizontalité - un électroencéphalogramme plat. J'ai participé ce matin à une réunion du comité fret-transport à la SNCF : le déclin du fret ferroviaire se confirme, accéléré par la crise depuis 2008.
Nous ne sommes pas pour autant dépourvus de tout cadre utilisable. La théorie des « marchés contestables » a précisément été formulée dans le but d'appréhender ce qui se passe lorsqu'une activité économique est caractérisée par l'ampleur des frais fixes et la modestie des coûts marginaux, si bien que le prix de revient n'augmente jamais quand la production s'accroît. Il ne s'agit pas de marchés dignes d'être critiqués, comme peut le faire croire une mauvaise traduction de l'anglais, mais de marchés où la situation dominante, voire exclusive, d'un producteur est à la merci d'un nouvel arrivant qui voudrait lui disputer sa place. La simple possibilité juridique, économique et technique de voir un nouvel arrivant mettre à profit toute faiblesse dans la gestion doit inciter le producteur, même en situation de monopole, à proposer une offre optimale, pour un prix aussi bas que possible au vu des techniques de production disponibles. Dès lors que le marché est ainsi rendu « contestable », l'absence concrète de concurrence est le signe d'une utilisation optimale des moyens. En termes de politique publique, cette approche incite à adopter les dispositions autorisant l'ouverture à la concurrence, mais sans imposer, ni directement ni indirectement, une présence concrète de nouveaux opérateurs. L'épée de Damoclès suffit !
Il ne faut surtout pas répéter l'expérience du fret ferroviaire. La Commission européenne distingue, parmi les transports ferroviaires internes de passagers, les liaisons commerciales et celles motivées par un objectif de service public, autrement dit celles non rentables. Les premières devraient impérativement être libéralisées, à l'horizon 2019 ; les secondes devront soit être mises en régie, soit faire l'objet de marchés de délégation de service public, attribués par appel d'offres dans un cadre concurrentiel, avec un cahier des charges élaboré par les autorités organisatrices de transport. Ce distinguo a le mérite de ne pas négliger l'aménagement du territoire, mais, pour le reste, nous retrouvons le schéma appliqué au fret depuis une vingtaine d'années. La Commission souhaite mettre en concurrence les liaisons rentables, et équilibrer par de l'argent public celles qui ne le sont pas. Est-ce la meilleure solution ?
Je vous propose de défendre une définition plus large des marchés de délégation de service public, de façon à ce que le marché inclue des lignes rentables et d'autres qui ne le sont pas. Tout en préservant ainsi l'équilibre global d'exploitation de l'opérateur, l'allotissement éviterait aux collectivités territoriales de verser des subventions compensatoires. La délégation verra-t-elle son périmètre étendu à des lignes non rentables ? Dans les cas où l'extension de l'aire géographique ne semble pas envisageable, un système d'enchères pour l'accès aux lignes commerciales pourrait alimenter un fonds chargé de couvrir au moins partiellement le déficit des autres liaisons. Idéalement, la masse des sommes versées par les concurrents pour se voir attribuer des sillons rentables équilibrerait la charge imputable aux liaisons de service public. Si les recettes sont inférieures aux dépenses, les collectivités territoriales bénéficieront à tout le moins d'une certaine atténuation de leurs charges, que celles-ci résultent d'une délégation de service public ou d'une régie.
Je vous propose également que la reprise du personnel en place par un nouvel opérateur obtenant une délégation de service public ait un caractère obligatoire, alors que la rédaction de la Commission européenne en fait une simple faculté pour l'autorité établissant le cahier des charges.
La Commission européenne n'a pas renoncé à son aversion pour les structures verticalement intégrées, alors qu'elles ont fait leurs preuves, notamment en Allemagne. Elle entend se réserver le pouvoir exorbitant, à l'horizon 2019, d'autoriser ou non, de façon souveraine pour ne pas dire arbitraire, la participation à la concurrence d'un opérateur de chemin de fer faisant partie d'une structure verticalement intégrée. Ce pouvoir d'appréciation ne trouve aucun fondement, ni dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni dans le règlement du 16 décembre 2002 qui lui attribue certains pouvoirs limités de sanctions en cas d'infraction au droit de la concurrence. À l'encontre des États, la Commission européenne peut saisir la Cour de justice selon une procédure accélérée, mais elle ne peut infliger elle-même une sanction qu'aux seules entreprises.
Une séparation complète entre gestionnaire d'infrastructures ferroviaires et opérateur de transport lors de l'adoption du quatrième paquet ferroviaire serait irréversible. Cela me paraît inacceptable, tant du point de vue du principe de subsidiarité qu'au regard du principe d'égalité entre États membres. Je vous propose de laisser chaque État membre libre de scinder totalement ou de réunir sous un même toit le gestionnaire de l'infrastructure et un opérateur de transports ferroviaires, à condition d'attribuer impartialement les parts de marché et en évitant tous flux financiers croisés entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'opérateur de transports. Dans le même état d'esprit, je vous propose de supprimer les mesures quasiment vexatoires prévues par la Commission à l'encontre des holdings, comme les limitations apportées aux mouvements des cheminots entre ces deux employeurs.
Le transport ferroviaire est une solution d'avenir, une véritable alternative à des modes de transports plus polluants et plus dangereux, comme en témoigne un récent accord de fret ferroviaire entre la Chine et la Pologne : les quelque 10 000 kilomètres séparant les villes de Chengdu et Lodz seront parcourus en douze jours, soit un gain d'une semaine par rapport à la voie maritime utilisée jusqu'à présent avec deux ruptures de charge, l'une à Shanghai et l'autre à Gdansk ; la vitesse moyenne s'établissant à 30 kilomètres-heure, cette nouveauté dispose d'une solide marge de progrès...
Si l'on souhaite à la fois réduire l'accidentologie liée aux transports, diminuer la pollution chimique de l'air et contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, développer la modalité ferroviaire constitue une impérieuse nécessité. Pourtant, la voie que la Commission européenne nous propose d'emprunter n'est pas la bonne, parce qu'elle reproduit des schémas inadaptés au ferroviaire. Il faut au contraire privilégier des solutions qui conviennent à ses caractéristiques particulières. L'essor du chemin de fer est un objectif, l'ouverture à la concurrence n'est que l'un des moyens pouvant contribuer à l'atteindre.
Votre rapport est très explicite. Je l'ai lu avec intérêt, même si certains concepts mathématiques me sont peu familiers.
Ma philosophie, que j'avais exposée lors de l'examen de la subsidiarité, est différente. Je ne suis pas pour autant favorable à une ouverture soudaine à la concurrence. Le gouvernement restructure la SNCF autour de filiales et de holdings pour acquérir une vision globale du transport ferroviaire dans notre pays.
Entreprise historique, la SCNF n'est pas une petite affaire. Le groupe emploie 240 000 salariés, dont 157 000 dans la maison mère et 83 000 dans les 937 filiales. Pour en avoir été administrateur, je sais qu'il est très bien géré. Le gouvernement de M. Juppé a créé Réseaux ferrés de France (RFF) pour porter la dette et s'occuper de l'infrastructure. La SNCF continue toutefois à entretenir le réseau ferroviaire pour le compte de RFF, à travers SNCF Infra, qui emploie 53 000 personnes. Nous en avions discuté à l'époque : RFF est une structure entièrement publique, les transferts de personnel ne posent aucun problème.
Votre rapport le signale, la Cour de justice de l'Union européenne a prononcé une condamnation à l'encontre de la France le 18 avril dernier. Quoiqu'indépendant, RFF passe pour l'entretien de l'infrastructure ferroviaire des contrats avec la SNCF, qui comprend toujours une direction de la circulation ferroviaire (DCF), dont le directeur est censé être nommé indépendamment du président-directeur général de la SNCF, mais reste intégré dans l'entreprise. J'ai souhaité que la DCF et la gestion des travaux sur le réseau reviennent à RFF. La SNCF doit être un transporteur. Elle n'a pas à craindre la concurrence, du moins pendant encore un siècle.
D'après le rapport, l'ouverture à la concurrence n'aurait pas développé le fret ferroviaire. Le Grenelle de l'environnement débouchait sur des transferts de charges vers le réseau ferré. Voyant que les petites lignes de proximité étaient déficitaires, la SNCF les a supprimées. Leur impact environnemental était d'ailleurs plus défavorable que celui de camions utilisés sur courte période. La SNCF était obligée de se restructurer. Le fret ferroviaire marche bien mieux dans d'autres pays, comme la Chine ou les États-Unis : c'est qu'il est adapté à des distances de plus de mille kilomètres. J'ai bien connu Pierre Blayau, qui s'occupait de ces aspects. Nous vivons malheureusement une phase baissière.
Certains personnels pourraient avoir à quitter la SNCF pour des entreprises. La Commission européenne demande qu'ils puissent être pris par les sociétés attributaires du marché. C'est ce qui se passe dans nos collectivités, lorsque nous passons une délégation pour l'eau ou l'assainissement. Je suis pour une ouverture à la concurrence, et ne partage donc pas l'analyse de M. Ries. La SNCF doit aller sur les marchés européens et mondiaux. Elle n'a pas eu de marché aux États-Unis, mais nous ne pouvons pas continuer à considérer qu'elle doit avoir le monopole sur notre territoire. Vous auriez pu auditionner M. Francis Grignon, qui a fait un rapport sur l'ouverture à la concurrence des transports de voyageurs régionaux, ainsi qu'un transporteur concurrent. C'est un des seuls secteurs où nous souhaitons maintenir un monopole.
Certes, il ne revient pas au contribuable de payer le déficit. S'il doit y avoir de la concurrence, il faut associer des ensembles rentables et non rentables. La concurrence doit remplir la démarche de service public. Les transports régionaux sont bien déficitaires : si le prix du billet représente environ 30% du coût du transport, la SNCF les subventionne bien. Un équilibre pourrait être trouvé. Je ne voterai pas la proposition de résolution.
J'approuve l'orientation exposée par M. Ries. Nous venons de loin, nous bougeons un peu et l'identité française mérite d'être défendue. J'installerais volontiers quelques économistes dans un wagon de la ligne Pologne-Chine : ce n'est pas d'un modèle idéal dont nous avons besoin. La note de nos collègues communistes comprend des points intéressants. Je suis favorable à l'octroi de garanties aux personnels, ainsi qu'au non-refus des structures intégrées. Le contexte est tel que nous devrions ajouter un mot sur la sécurité des installations.
J'ai un esprit plutôt libéral. L'ouverture à la concurrence telle qu'elle a été pratiquée pour le fret ferroviaire n'a pas contribué à l'essor de ce mode de transport au sein de l'Union européenne. J'avais étudié ce sujet lorsque nous avons évoqué l'écotaxe, qui sera un drame pour la ruralité. L'ouverture à la concurrence pour le fret ferroviaire n'a pas été faite avec assez de clarté. La SNCF ayant freiné des quatre fers, le résultat n'est pas surprenant.
La Commission ne reviendra pas sur l'ouverture à la concurrence. Mais certains pans du territoire ne sont pas rentables et une totale ouverture à la concurrence créera des drames ! Tout en saluant l'instauration de clefs de sécurité, je ne voterai pas cette résolution car nous devons évoluer davantage.
Je remercie le rapporteur de nous avoir rappelé la théorie économique, et partage son keynesianisme. Y a-t-il des pays européens où le fret ferroviaire fonctionne bien ? L'exemple de la ligne Pologne-Chine est biaisé : sept mille kilomètres de la ligne sont situés en Russie... Les marchés mixtes financent la partie non rentable avec la partie rentable. Comment cela fonctionne-t-il et que ferait-on en Bretagne, par exemple ? La voie ferrée a des effets induits. Comment les appels d'offre sont-ils préparés ? En quoi consiste l'Agence ferroviaire européenne ? La SNCF, c'est la France : quand on entre dans une gare, on se sent chez nous.
Il est en effet nécessaire de mentionner l'objectif de sécurité. Les lignes non rentables doivent être liées à l'aménagement du territoire, auquel le chemin de fer a pendant longtemps contribué en désenclavant des régions. Voilà une mission importante du transport ferroviaire.
J'insiste aussi sur la sécurité. Il suffit de se rappeler de ce qui s'est passé en Angleterre : la rentabilité ne doit pas passer avant.
Michel Billout et Eric Bocquet nous ont communiqué des commentaires qui vous ont été distribués et qui seront annexés à nos débats.
Le train arrive à l'heure ! Nous avons déjà eu ces débats, qui révèlent entre nous des divergences comme des convergences. Ne rien faire serait une impasse : le contexte européen s'impose. Idéologique, la voie préconisée par la Commission européenne repose sur des illusions : la régulation ne s'établira pas spontanément en marché libre et ouvert. C'est pourquoi je suis favorable à une concurrence régulée. Le transport public urbain fonctionne ainsi. Des autorités organisatrices locales, les plus petites, choisissent la régie ; elles s'interdisent par conséquent d'aller sur d'autres marchés. Si d'autres choisissent la mise en concurrence, faisons en sorte que celle-ci soit régulée, et que des garde-fous empêchent les opérateurs de se focaliser sur les lignes rentables, afin qu'on ne privatise pas les profits pour socialiser les pertes. Il faut tenir compte des spécificités du ferroviaire. Nous ne pouvons pas nous opposer frontalement à la mise en concurrence. Les organisations syndicales en sont bien conscientes : même la CGT ne manifeste pas d'hostilité franche et massive.
Je suis très critique sur la position de la Commission en matière de gouvernance : pour elle, une muraille de Chine devrait séparer le gestionnaire d'infrastructure de l'opérateur historique. Nous avons essayé de la mettre en place en France, maladroitement sans doute, mais elle a plus d'inconvénients que d'avantages, avec trop de doublons, de compétitions, de dysfonctionnements, de surcoûts. La structure-chapeau prévue par M. Cuvillier pour définir les stratégies globales du système ferroviaire et veiller à la complémentarité des deux EPIC-filles me paraît une bonne solution. La Commission, toujours suspicieuse par rapport à cette structure verticale intégrée, souhaite avoir un droit de veto sur l'émergence de telles structures sur le marché européen. L'irréversibilité me paraît une position idéologique.
Il est vrai, en revanche, que nous devons souligner l'enjeu de la sécurité, qui doit être une priorité permanente comme nous le rappelle le tragique accident de Brétigny-sur-Orge.
L'Agence européenne doit certifier des matériels, ce qui n'empêche pas l'Autorité de régulation des activités financières de jouer son rôle. Nous pourrions indiquer dans la proposition de résolution que nous approuvons l'accroissement du rôle de certification dévolu à l'Agence ferroviaire européenne, notamment en matière de sécurité.
Le deuxième amendement concerne le point n° 20, qui pourrait se lire ainsi : « estime notamment que les périmètres des marchés de délégation de service public doivent pouvoir inclure, dans une perspective d'aménagement du territoire, des liaisons déficitaires et des liaisons rentables, de telle sorte que leur exploitation globale soit équilibrée au moment de la passation du marché. » Cela supposera sans doute une participation publique, mais pourquoi faire une chasse gardée des secteurs rentables et ne pas intégrer au moins partiellement les lignes déficitaires dans les périmètres concernés ? Cela existe déjà au niveau urbain. Un distinguo catégorique sur le périmètre me semble inacceptable. Le système ferroviaire est un tout.
La difficulté porte davantage sur le transport de voyageurs que sur le fret.
L'Allemagne et les Pays-Bas, pour ne citer qu'eux, ont fait preuve d'un dynamisme bien supérieur au nôtre. Pour Richard Yung, la SNCF, c'est la France : il y a encore des progrès à faire. Que pense la Deutsche Bahn de cette ouverture à la concurrence ? Que disent les entreprises ? L'ouverture à la concurrence ne semble pas avoir donné les résultats escomptés. C'est regrettable. Bien sûr, il faut encourager le chemin de fer plutôt que la voiture, pour des raisons écologiques notamment. Or, j'ai trouvé la SNCF très crispée sur le sujet. Il est facile de mettre des bâtons dans les roues quand on n'est pas motivé... Pour reprendre les propos de M. Delebarre, nous bougeons un peu, il faudrait bouger un peu... plus !
Ils sont plus rusés que nous. La Commission européenne, d'abord réticente, a même fini par accepter leur holding.
Rien ne nous interdit de nous montrer malins...
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté par seize voix contre douze la proposition de résolution dans la rédaction suivante :
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la Communication COM(2013)25 de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions relative au quatrième paquet ferroviaire Achever l'espace ferroviaire unique européen pour stimuler la compétitivité et la croissance européennes,
Vu la proposition de règlement COM(2013)26 du Parlement européen et du Conseil abrogeant le règlement (CEE) n° 1192/69 du Conseil relatif aux règles communes pour la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer,
Vu proposition de règlement COM(2013)27 du Parlement européen et du Conseil relative à l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer et abrogeant le règlement (CE) n° 881/2004,
Vu la proposition de règlement COM(2013)28 du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1370/2007 en ce qui concerne l'ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer,
Vu la proposition de directive COM(2013)29 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, en ce qui concerne l'ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l'infrastructure ferroviaire,
Vu la proposition de directive COM(2013)30 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, en ce qui concerne l'ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l'infrastructure ferroviaire,
Vu la proposition de directive COM(2013)31 du Parlement européen et du Conseil relative à la sécurité ferroviaire (refonte),
Vu le rapport de la Commission COM(2013)32 au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur les progrès réalisés dans la voie de l'interopérabilité du système ferroviaire,
Vu le rapport de la Commission COM(2013)33 au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur le profil et les taches des autres personnels de bord des trains,
Vu le rapport de la Commission COM(2013)34 au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur la mise en oeuvre des dispositions de la directive 2007/58/CE relative à l'ouverture du marché des services internationaux de transport de voyageurs par chemin de fer accompagnant la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur le quatrième paquet ferroviaire,
- Sur l'orientation de la politique en matière de transports ferroviaires :
Approuve l'objectif de faciliter concrètement la circulation des personnes et de privilégier la modalité ferroviaire au sein de l'espace européen dans les meilleures conditions de sécurité ;
Estime néanmoins que l'ouverture à la concurrence, telle qu'elle a été pratiquée pour le fret ferroviaire, n'a pas contribué à l'essor de ce mode de transport au sein de l'Union européenne ;
Invite en conséquence le Parlement européen, la Commission et le Conseil à ne pas appliquer aux chemins de fer la construction intellectuelle de la concurrence dite « pure et parfaite », caractérisée par une offre atomisée sur un marché aux rendements décroissants, pour lui substituer la référence aux marchés dits « contestables », mieux adaptée aux caractéristiques des transports ferroviaires ;
Approuve l'accroissement du rôle dévolu à l'Agence ferroviaire européenne, notamment en matière de sécurité ;
- Sur l'ouverture à la concurrence des transports nationaux de voyageurs :
Affirme que les États membres doivent avoir la maîtrise du processus de libéralisation, notamment pour préserver la pérennité de liaisons déficitaires qu'ils estiment nécessaire de conserver pour des raisons de service public ;
Rappelle son attachement au libre-choix par les autorités organisatrices du mode d'attribution de leurs obligations de service public ;
Estime notamment que les périmètres des marchés de délégation de service public doivent pouvoir inclure, dans une perspective d'aménagement du territoire, des liaisons déficitaires et des liaisons rentables de telle sorte que leur exploitation globale soit équilibrée au moment de la passation du marché ;
Demande que la reprise du personnel en fonction fasse systématiquement partie du cahier des charges en cas de délégation de service public, dans des conditions salariales et statutaires identiques à celles applicables au moment de ladite délégation ;
Propose que l'ouverture à la concurrence de liaisons rentables permette de couvrir au moins en grande partie les charges de service public inhérentes aux lignes déficitaires soit par un dispositif d'enchères pour l'accès à la liaison, soit par un mécanisme de réaffectation des bénéfices d'exploitation ;
S'oppose à ce que les opérateurs ferroviaires faisant partie d'une entreprise verticalement intégrée subissent des restrictions spécifiques au moment d'offrir leurs services hors des frontières d'origine dans le cadre de l'ouverture à la concurrence des transports internes de passagers ;
- Sur la gouvernance des chemins de fer :
Déplore la méfiance de la Commission européenne envers toute entreprise ferroviaire verticalement intégrée ;
Approuve la nécessité d'une répartition claire des compétences entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'opérateur historique de transports ferroviaires, chacun assumant ses tâches de façon directe ;
Estime en outre indispensable que toute subvention croisée soit exclue entre le gestionnaire de l'infrastructure et tout opérateur de transport ;
Propose toutefois une exception à ce principe pour les opérateurs ferroviaires de proximité en charge de la gestion d'une infrastructure d'intérêt local ;
Demande en revanche que les mouvements de personnel entre opérateur historique de transports et gestionnaire d'infrastructures puissent avoir lieu sans qu'aucune entrave spécifique ne soit introduite lorsque ces deux entités font partie d'une même structure verticalement intégrée ;
Souhaite que le ministre en charge des transports ait la responsabilité de surveiller l'activité du gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire et celle de tous les opérateurs de transport ;
Souhaite que la participation des autorités organisatrices de transport soit clairement reconnue au sein des structures de gouvernance des chemins de fer des États membres ;
Insiste pour que chaque État membre reste en permanence libre d'avoir ou non une entreprise verticalement intégrée, le choix opéré n'étant pas juridiquement irréversible ;
Chers collègues,
Nous tenons tout d'abord à vous présenter nos excuses pour notre absence, étant empêchés tous les deux ce jour. Nous souhaitons néanmoins vous faire part de nos appréciations concernant la PPR.
Nous partageons la plupart des contenus de cette résolution.
Notamment, parmi les points positifs, nous pouvons souligner :
- la reconnaissance par cette résolution que la libéralisation du fret a entériné son déclin ;
- le refus de voir s'appliquer au transport de voyageurs une concurrence dite « pure et parfaite » ;
- le rappel à l'attachement de la faculté reconnue aux autorités organisatrices de recourir à la régie pour les transports ferroviaires ;
- la demande que le mouvement des personnels entre opérateur historique et gestionnaire d'infrastructure puisse avoir lieu sans qu'aucune entrave ne soit introduite. Cela signifie clairement permettre la mobilité des cheminots et leur rattachement à l'EPIC de tête ;
- le soutien à la création d'une entreprise verticalement intégrée.
Pour autant, cette résolution aurait pu être plus exigeante. Notamment, elle propose simplement de laisser la maîtrise aux États membres du processus de cette libéralisation. Nous estimons pour notre part, que cela n'est pas suffisant.
Premièrement, nous considérons que les institutions européennes doivent engager avant toute évolution législative, un moratoire sur les trois premiers paquets ferroviaires tant qu'un bilan contradictoire et indépendant sur l'impact en terme d'emplois, d'aménagement du territoire et de la qualité du service rendu de la libéralisation du transport ferroviaire, ainsi que la réalisation d'un bilan carbone de ces politiques n'auront pas été réalisés.
Deuxièmement, aujourd'hui, rien n'impose la libéralisation totale du transport voyageur à l'horizon 2019, le règlement OSP permettant notamment le maintien du monopole de la SNCF pour le transport national de voyageurs.
Il n'y a donc pas lieu de se placer dans le cadre de la concurrence.
Nous estimons, en effet, que la libéralisation des transports ne permet pas le maintien d'un service public ferroviaire performant et qu'il convient donc de s'opposer purement et simplement aux dispositions contenues dans le 4ème paquet ferroviaire allant en ce sens.
Comme je vous l'ai indiqué dans le rapport que j'ai présenté en février dernier devant notre commission, il a fallu attendre 2009 pour que le sport fasse officiellement partie du champ de compétences de l'Union européenne. J'insiste sur le mot « attendre », car en pratique le sport avait déjà fait l'objet de nombreuses interventions de la part des institutions communautaires. Le principal interlocuteur des autorités sportives était la Cour de justice - vous connaissez tous l'arrêt Bosman - et en deuxième rideau, la Commission européenne, toutes deux chargées de vérifier la conformité de la règle sportive aux grandes libertés du marché intérieur : liberté de circulation des travailleurs et liberté de la concurrence.
La donne a sensiblement évolué ces dernières années avec la prise en compte, quoique limitée et encadrée, de la spécificité du sport.
Aujourd'hui l'Union européenne entend défendre un modèle sportif européen, combinant plusieurs principes : solidarité financière entre amateurs et professionnels, organisation pyramidale, ligues ouvertes, etc.
L'Union européenne s'est dotée aujourd'hui d'une compétence d'appui pour promouvoir ce modèle sportif européen, en ciblant trois priorités : les aspects économiques, la défense de l'intégrité du sport face au dopage et au trucage des matchs et le thème plus consensuel des valeurs sociales du sport.
C'est d'autant plus utile qu'en Europe la tendance est plus à un rapprochement avec le « sport spectacle » à l'américaine qu'à un retour aux fondamentaux olympiques.
La proposition de résolution européenne que nous présentons aujourd'hui avec Dominique Bailly est d'une part le fruit du travail que notre commission m'avait confié et d'autre part, de la réflexion qu'il a mené au titre du groupe de travail sur l'éthique du sport créé au sein de la commission des affaires culturelles. Nous sommes chacun de notre côté arrivé au même constat : l'Union européenne a incontestablement un rôle à jouer en vue de préserver l'esprit du sport, quand bien même celui-ci se professionnalise inexorablement.
Il ne faut pas nier pour autant les limites inhérentes à toute politique européenne du sport. Elles sont, principalement, au nombre de deux :
- la faiblesse de la base juridique : l'Union européenne est dotée d'une compétence d'appui, elle peut coordonner l'action des États membres mais elle ne peut pas les harmoniser ;
- le sport européen ne se limite pas aux Vingt-Huit : c'est une Europe à 54, comme le nombre d'États affiliés à l'Union européenne des associations de football, l'UEFA.
Il n'en reste pas moins que l'Union dispose de moyens pour faire avancer l'idée d'un sport professionnel plus responsable.
Venons-en au premier point : la formation, qui fait partie de ce qu'on pourrait appeler un modèle sportif français. Nous saluons l'initiative de l'Union européenne d'encourager les « double-projets », qui permettent aux jeunes sportifs de combiner apprentissage de leur discipline et formation académique. Il est indispensable d'arriver à une véritable labellisation européenne des centres de formation pour souligner l'effort des clubs en faveur d'un enseignement académique de qualité, destiné à répondre à l'échec éventuel d'une carrière sportive. Tous les sportifs ne deviennent pas professionnels, il convient de prévoir leur retour à la vie normale. Le dialogue social mis en place au niveau européen doit, en outre, permettre une harmonisation des parcours de formation au niveau européen et déboucher sur la signature automatique du premier contrat professionnel au sein du club formateur.
Nous souhaitons enfin qu'un véritable Erasmus des éducateurs sportifs se mette en place afin de favoriser les échanges et une meilleure formation. L'UEFA le fait un peu pour le football. Une telle mesure pourrait être étendue aux autres disciplines.
Au sujet du dopage, notre position est assez simple. Nous devons exploiter les possibilités offertes par les Traités. Il est aujourd'hui envisageable de mettre en oeuvre une directive d'harmonisation pénale visant le trafic de produits dopants, qui prévoirait des sanctions minimales à l'échelle européenne. Ce délit pourrait être intégré aux attributions d'un futur Parquet européen.
En ce qui concerne la gouvernance des clubs, nous préconisons d'aller plus loin que le Fair play financier institué par l'UEFA dans le domaine du football. Aux termes de celui-ci, un club ne peut dépenser plus qu'il ne perçoit. Cela étant ce système risque de consolider l'hégémonie de quelques clubs, empêchant l'émergence de nouveaux champions. En effet aucun mécène ne pourrait avoir le droit de financer à perte son club. Cela pourrait affecter le principe d'ouverture des compétitions. Nous estimons donc que tout système de responsabilisation financière des clubs professionnels doit passer par un encadrement de la masse salariale et du nombre de joueurs ainsi qu'une limitation de l'endettement. Une attention particulière doit être portée aux contrats d'image noués entre les clubs professionnels et certains investisseurs. Ces contrats peuvent, en effet, ne pas correspondre à la réalité du marché publicitaire et s'apparenter à un subventionnement déguisé.
En vue de pérenniser les ressources des clubs professionnels, nous insistons sur la nécessité pour eux de disposer de leurs propres infrastructures : stades et centres de formation. Il convient dans le même temps que l'Union européenne promeuve, comme elle l'a fait pour le Fair play financier, un mode de gestion fondé sur des recettes provenant à parts égales de la billetterie, de la vente de joueurs et de produits dérivés, du sponsoring et des droits télévisés.
A la lumière de l'exemple anglais et au regard du souhait de la Commission européenne de mettre en avant la dimension sociale du sport, nous estimons qu'au moins 3 % des revenus des clubs professionnels devraient être consacrés à des programmes sociaux en direction des villes ou des quartiers où ces formations sont installées.
Ces propositions en faveur d'une meilleure gouvernance des clubs vont aller de pair, selon nous, avec un meilleur encadrement des transferts de joueurs. Je cède la parole à Dominique Bailly pour aborder cet aspect.
Effectivement, améliorer la gouvernance des clubs passe aussi par une meilleure régulation des transferts de joueurs, car les flux financiers en cause - droits de mutations ou salaires - atteignent des montants qui peuvent fragiliser les clubs professionnels.
Nous avons relevé que la Commission européenne entendait s'intéresser à cette question par deux biais : le montant des transactions et le rôle des agents.
Au sujet des transactions en elles-mêmes, il est délicat d'avancer une solution visant à les brider, car elles participent aussi à l'économie du sport. J'observe simplement que nous pouvons ralentir leur progression en limitant les périodes de mutations. Deux périodes de transferts par saison contribuent mécaniquement à la surenchère. Nous estimons en conséquence qu'il conviendrait de limiter les transferts dans chaque discipline aux seules intersaisons sportives.
En ce qui concerne le rôle des agents, nous sommes assez sceptiques sur les solutions avancées qui se limitent à l'heure actuelle à expérimenter une standardisation des critères de qualification des agents. Soyons clairs, se limiter à une certification du métier d'agent, non obligatoire de surcroît, ne permettra pas de mieux contrôler les montages financiers mis en oeuvre avec les clubs ou même de protéger les athlètes, et particulièrement les mineurs.
Nous invitons donc l'Union européenne à définir et encadrer le métier d'agent soit par l'intermédiaire du dialogue social européen soit par celui d'une norme. Le Parlement européen s'est lui aussi montré favorable à cette option, comme l'association européenne des agents de football.
La question de la rémunération devrait notamment être au coeur d'une directive sur le métier d'agent. A l'instar de ce qui a déjà été mis en place en France, le texte pourrait prévoir aux fins de contrôle la transmission aux fédérations des contrats passés par les joueurs et les clubs avec les agents. Il serait également intéressant d'encourager la mise en place de chambres de compensation pour les rémunérations liées aux transferts. Ce système a déjà été mis en place en Grande-Bretagne. Il permet à la fois de suivre les transferts domestiques et internationaux mais surtout de surveiller les commissions des agents.
Le système de régulation des transferts, dit mécanisme TMS, mis en place par la Fédération internationale de football, la FIFA, mériterait également d'être étendu à l'ensemble des disciplines. Cet outil en ligne a permis de rendre les transferts internationaux de joueurs plus rapides, plus simples et surtout plus transparents. Les utilisateurs du TMS doivent ainsi fournir des renseignements concernant l'identité du joueur, le club et les paiements, qu'il s'agisse du montant, des délais ou des informations bancaires.
Il convient également d'être extrêmement vigilant quant aux investissements de tiers sur les transferts (third party ownership), tels qu'on les observe à propos de joueurs venant d'Amérique du Sud par exemple. Ceux-ci permettent à un club et une société de se partager les droits de propriété des joueurs et donc de réduire les dépenses d'un club ou de gonfler ses recettes. Un encadrement de ces pratiques nous semble indispensable.
La protection des mineurs doit également être au coeur de la réflexion sur les agents et les transferts. Une directive sur le métier d'agent devra comporter le principe selon lequel celui-ci ne saurait être rémunéré dans le cadre de la signature d'un contrat entre un club et un joueur mineur. Le texte devra interdire, en outre, les transferts des mineurs de moins de dix-huit ans.
Ce principe d'une interdiction des transferts des mineurs fait aussi écho à notre ambition de mieux garantir l'ancrage local des compétitions. La solution appuyée par la Commission européenne en faveur de la formation dans le football - 8 joueurs sur 25 doivent être formés dans le pays hôte de la compétition, 4 d'entre eux devant être formés au club - est un leurre si on regarde de plus près la composition effective des équipes les soirs de matchs. Nous souhaitons en conséquence qu'une réflexion soit engagée en vue de réviser le dispositif des « joueurs formés localement » afin qu'au moins une moitié des joueurs inscrits sur la feuille de match ait été formée au sein d'un club de la fédération du pays hôte de la compétition.
Jean-François Humbert a abordé dans son exposé une des menaces qui pèse sur l'intégrité du sport, en l'occurrence le dopage. L'autre grand risque tient à la manipulation des résultats sportifs. Il convient de saluer la décision de l'Union européenne de participer aux travaux du Conseil de l'Europe destinés à élaborer une convention internationale sur les matchs truqués.
Nous pensons néanmoins qu'il convient d'aller plus loin. Là encore, l'article 83 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne nous permet d'adopter une directive d'harmonisation pénale permettant la définition d'un délit pénal de manipulation des résultats sportifs en lien avec les paris.
Ce texte devrait faire émerger la notion de droit au pari, au terme duquel l'exploitation d'une compétition par un opérateur de paris sportifs en ligne admis sur le marché ne peut plus se faire sans l'accord de l'organisateur. Cette directive pourrait aussi imposer aux intermédiaires financiers d'empêcher les mises sur des paris réalisés sur des sites illégaux. Elle constituerait une première étape en vue de mettre en place une instance européenne de régulation des paris en ligne
Pour conclure, nous estimons avec mon collègue, que l'ensemble des recommandations contenues dans notre proposition de résolution pourrait s'intégrer, à terme, dans une Charte sportive de l'Union européenne, à l'image de la Charte sociale adoptée en 1989. Un tel document permettrait de mieux définir « les enjeux européens du sport » tels que mentionnés dans le Traité de Lisbonne et confèrerait une réelle portée politique au principe de spécificité du sport.
Voici, largement résumée, la philosophie de cette proposition de résolution, qui ne nous semble pas utopique. La Cour a reconnu la possibilité d'entorses proportionnées aux règles de concurrence et de circulation, les mesures que nous avançons aujourd'hui nous semblent répondre à ce critère de proportionnalité.
Il me paraît toujours étrange d'entendre parler de vente de joueurs. Dans le temps, en Russie, le seigneur vendait un village et 500 âmes...
Lorsque les jeux en ligne se sont développés malgré le monopole d'Etat, j'ai assisté à un nouvel exemple de mal-législation absolue. La sous-direction des jeux de la direction des renseignements généraux, avait repéré le modèle américain et l'avait proposé au ministère de l'intérieur. Le droit pour le gouvernement de bloquer les mouvements de compte correspondant à des opérateurs illégaux a été introduit dans une fin de navette en 2007. Cette disposition est passée comme une lettre à la poste, malgré quelques avertissements en commission des lois. Un an après, le ministère des finances établissait un projet de décret.
Ce dispositif était contraire à la jurisprudence en matière de liberté de circulation des capitaux, et il semblait difficile d'assurer que les mouvements de compte des bénéficiaires ne seraient pas tracés. Outre ce problème de protection des données, le dispositif contrevenait aux droits de la défense, puisqu'il s'agissait de faire établir par un ministère une liste de coupables, ce qui doit normalement relever du tribunal pénal. Nous avons expliqué au gouvernement que ce n'était pas une bonne idée. Comme il y allait de 4 milliards, M. Woerth a fait réaliser une étude pilotée par Bruno Durieux, qui a abouti à la formule des sociétés agréées. Depuis, l'Autorité de régulation des jeux en ligne, l'Arjel, a le droit de poursuivre devant la justice et de coopérer avec d'autres organismes. La question de l'intervention de l'organisateur de paris dans l'organisation de matchs est réglée dans le droit français.
Il s'agissait, me semble-t-il, de mettre fin à certains agissements frauduleux du sud-est asiatique.
C'est l'État du Nevada qui a servi d'exemple. Nous reprenons une proposition de l'Arjel lors de son audition. Quant à la liste des coupables, formulation un peu particulière, il s'agit de désigner les sites qui n'ont pas reçu l'agrément. L'on m'avait expliqué que cela pouvait fonctionner. J'entends vos arguments, mais à ce stade, il ne s'agit que d'une proposition.
Je m'étonne toujours que des textes européens évoquent la dimension européenne du sport, la formation professionnelle des joueurs, alors que depuis l'arrêt Bosman on ne parle que du football ! Et le rugby, le basket, les sports individuels ? Autre remarque : les clubs font passer une visite médicale, mais il n'y a aucune instance médicale indépendante susceptible d'informer les joueurs, de les écouter, de les guider. On a décidé que le dopage ne concernait pas le foot : j'attends de voir dans quelques années l'espérance de vie des jeunes joueurs...
Le rapport de la commission d'enquête sur le dopage traitera de tous les sports.
La proposition de résolution traite des centres de formation, parce que l'on sait bien que dans certains pays, ils n'existent que sur le papier. Mettre en place une structure médicale indépendante me semble plus délicat compte tenu du rôle des fédérations. En tout cas, nous avons essayé de relayer la problématique de la formation et des joueurs mineurs.
Un joueur arrivant en centre de formation a-t-il l'occasion de voir un autre médecin que celui qui est attaché à ce centre ou à la fédération ? Les intérêts économiques sont évidents.
Dans les sports mécaniques, les sportifs de haut niveau ou espoirs passent un examen médical annuel auprès d'une instance régionale : ils voient un médecin qui les sensibilise aux dangers du dopage.
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution dans la rédaction suivante :
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 6 et 165 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu la communication de la Commission européenne « Développer la dimension européenne du sport » du 20 mai 2011,
Vu la résolution sur la dimension européenne du sport adoptée par le Parlement européen le 10 novembre 2011,
Vu la résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil concernant la représentation des États membres de l'UE au sein du conseil de fondation de l'Agence mondiale antidopage (AMA) et la coordination des positions de l'UE et de ses États membres avant chaque réunion de l'AMA du 20 décembre 2011,
Vu la déclaration commune de la Commission et de l'Union européenne des associations de football (UEFA) du 21 mars 2012,
Vu la contribution de l'Union européenne à l'Agence mondiale anti-dopage du 4 octobre 2012,
Vu la communication de la Commission européenne sur les jeux de hasard en ligne du 26 octobre 2012,
Vu les 36 lignes directrices du groupe de travail « Éducation et formation professionnelle dans le sport » du Conseil des ministres du 11 décembre 2012,
Salue l'intervention croissante de l'Union européenne dans le domaine du sport professionnel ;
Estime que celle-ci doit permettre de faire émerger un véritable modèle sportif européen préservant l'équité des compétitions, l'intégrité des acteurs, leur ancrage local et la viabilité économique des structures professionnelles ;
Concernant la formation et l'ancrage local des compétitions :
Juge que le dispositif des « joueurs formés localement » soutenu par la Commission européenne ne garantit pas suffisamment l'ancrage local des compétitions ;
Souhaite en conséquence qu'une réflexion soit engagée en vue de réviser le dispositif des « joueurs formés localement » afin qu'au moins une moitié des joueurs inscrits sur la feuille de match ait été formée au sein d'un club de la fédération du pays hôte de la compétition ;
Estime que cette nouvelle règle devra être assortie d'une interdiction des transferts de mineurs de moins de dix-huit ans ;
Considère que l'Union européenne s'est dotée d'outils en vue de mieux encadrer la carrière des jeunes sportifs et qu'il convient de les utiliser ;
Juge ainsi que le dialogue social européen mis en place pour le football professionnel en juillet 2008 et le comité européen pour le dialogue social mis en place le 17 décembre 2012 pour les autres disciplines sportives doivent permettre une harmonisation des parcours de formation au niveau européen et déboucher sur la signature automatique du premier contrat professionnel au sein du club formateur ;
Appuie la position du Conseil en faveur d'une véritable labellisation européenne des centres de formation pour souligner l'effort des clubs en faveur d'un enseignement académique de qualité, destiné à répondre à l'échec d'une carrière sportive ;
Souligne l'intérêt que peut représenter le programme Erasmus + pour permettre des échanges entre éducateurs ;
Concernant la gouvernance économique des clubs :
Salue le soutien apporté par la Commission européenne au Fair play financier institué par l'Union européenne des associations de football (UEFA) ;
Constate que le Fair play financier dans sa rédaction actuelle risque de consolider l'hégémonie de quelques clubs, d'empêcher l'émergence de nouveaux champions et de fragiliser le principe d'ouverture des compétitions ;
Estime donc que tout système de responsabilisation financière des clubs professionnels doit passer par un encadrement de la masse salariale et du nombre de joueurs ainsi que par une limitation de l'endettement ;
Note que le système du Fair play financier est potentiellement contournable par la mise en place de contrats d'image avec les clubs, contrats dont la valeur n'est pas souvent en adéquation avec le marché publicitaire ;
Souhaite en conséquence qu'une attention particulière soit portée aux contrats d'image noués entre les clubs professionnels et certains investisseurs ;
Insiste sur la nécessité pour les clubs professionnels de disposer de leurs propres infrastructures : stades et centres de formation ;
Considère que l'Union européenne devrait encourager un mode de gestion des clubs professionnels fondé sur des recettes provenant à parts égales de la billetterie, de la vente de joueurs et de produits dérivés, du parrainage et des droits télévisés ;
Estime qu'au moins 3 % des revenus des clubs professionnels devraient être consacrés à des programmes sociaux en direction des villes ou des quartiers où ces formations sont installées, à l'image de ce qu'a instauré la Premier League de football en Angleterre ;
Concernant les agents sportifs et les transferts :
Relève la volonté de la Commission européenne d'expérimenter une standardisation des critères de qualification des agents ;
Estime cependant que se limiter à une certification du métier d'agent, non obligatoire, ne permettra pas de mieux protéger les athlètes mineurs ou de contrôler les montages financiers mis en oeuvre avec les clubs ;
Invite donc l'Union européenne à définir et encadrer le métier d'agent par l'intermédiaire du dialogue social européen ou l'adoption d'une norme ;
Juge qu'un agent ne saurait être rémunéré dans le cadre de la signature d'un contrat entre un club et un joueur mineur de moins de dix-huit ans ;
Considère que cet encadrement devrait prévoir aux fins de contrôle la transmission aux fédérations des contrats passés par les joueurs et les clubs avec les agents ;
Souhaite que l'Union européenne encourage à la mise en place de chambres de compensation pour les rémunérations liées aux transferts et favorise l'extension du système de régulation des Transferts (TMS) de la Fédération internationale de football association (FIFA) aux autres disciplines ;
Insiste sur la nécessité de mieux encadrer les investissements de tiers sur les transferts (third party ownership) qui permettent à un club et une société de se partager les droits de propriété des joueurs et donc de réduire les dépenses ou gonfler les recettes d'un club ;
Estime que les périodes de mutations doivent être circonscrites, dans chaque discipline, aux seules intersaisons ;
Concernant la lutte contre le dopage :
Salue la volonté de l'Union européenne de participer de plus près aux travaux de l'Agence mondiale antidopage ;
Relève le soin de l'Union européenne depuis 2010 de lancer des programmes de sensibilisation et de prévention ;
Considère que l'Union européenne dispose néanmoins d'instruments juridiques lui permettant d'aller plus avant dans la lutte contre le dopage ;
Estime ainsi qu'en application de l'article 83 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il pourrait être opportun de mettre en oeuvre une directive d'harmonisation pénale visant le délit de trafic de produits dopants, qui prévoirait notamment des sanctions minimales ;
Juge que ce délit de trafic de produits dopants pourrait être intégré aux attributions d'un futur Parquet européen, si celui-ci venait à être institué en application de l'article 86 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Concernant la lutte contre la manipulation des résultats sportifs :
Relève la volonté de l'Union européenne de participer aux travaux du Conseil de l'Europe destinés à élaborer une convention internationale sur les matchs truqués ;
Estime qu'en application de l'article 83 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il est souhaitable d'adopter une directive d'harmonisation pénale permettant la définition d'un délit pénal de manipulation des résultats sportifs en lien avec les paris ;
Considère que ce texte devra faire émerger la notion de droit au pari, au terme duquel l'exploitation d'une compétition par un opérateur de paris sportifs en ligne admis sur le marché ne peut plus se faire sans l'accord de l'organisateur ;
Souhaite que ce texte impose aux intermédiaires financiers d'empêcher les mises sur des paris réalisés sur des sites illégaux ;
Juge que ce texte pourrait constituer une première étape en vue de mettre en place une instance européenne de régulation ;
Estime que l'ensemble des recommandations contenues dans la présente résolution pourrait s'intégrer dans une Charte sportive de l'Union européenne, à l'image de la Charte sur les droits fondamentaux des travailleurs dite Charte sociale adoptée en 1989 ;
Considère que cette Charte permettrait de mieux définir « les enjeux européens du sport » tels que mentionnés dans le Traité de Lisbonne et confèrerait une réelle portée politique au principe de spécificité du sport ;
Les propositions de résolution que nous venons d'adopter seront déposées à la rentrée, de sorte que les commissions compétentes au fond puissent les examiner dans de bonnes conditions.
Notre prochaine réunion est fixée au 11 septembre prochain.
Je vous souhaite de bonnes vacances.