Intervention de Dominique Bailly

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 juillet 2013 : 1ère réunion
Questions sociales et santé — Politique européenne du sport : proposition de résolution européenne de mm. dominique bailly et jean-françois humbert

Photo de Dominique BaillyDominique Bailly :

Effectivement, améliorer la gouvernance des clubs passe aussi par une meilleure régulation des transferts de joueurs, car les flux financiers en cause - droits de mutations ou salaires - atteignent des montants qui peuvent fragiliser les clubs professionnels.

Nous avons relevé que la Commission européenne entendait s'intéresser à cette question par deux biais : le montant des transactions et le rôle des agents.

Au sujet des transactions en elles-mêmes, il est délicat d'avancer une solution visant à les brider, car elles participent aussi à l'économie du sport. J'observe simplement que nous pouvons ralentir leur progression en limitant les périodes de mutations. Deux périodes de transferts par saison contribuent mécaniquement à la surenchère. Nous estimons en conséquence qu'il conviendrait de limiter les transferts dans chaque discipline aux seules intersaisons sportives.

En ce qui concerne le rôle des agents, nous sommes assez sceptiques sur les solutions avancées qui se limitent à l'heure actuelle à expérimenter une standardisation des critères de qualification des agents. Soyons clairs, se limiter à une certification du métier d'agent, non obligatoire de surcroît, ne permettra pas de mieux contrôler les montages financiers mis en oeuvre avec les clubs ou même de protéger les athlètes, et particulièrement les mineurs.

Nous invitons donc l'Union européenne à définir et encadrer le métier d'agent soit par l'intermédiaire du dialogue social européen soit par celui d'une norme. Le Parlement européen s'est lui aussi montré favorable à cette option, comme l'association européenne des agents de football.

La question de la rémunération devrait notamment être au coeur d'une directive sur le métier d'agent. A l'instar de ce qui a déjà été mis en place en France, le texte pourrait prévoir aux fins de contrôle la transmission aux fédérations des contrats passés par les joueurs et les clubs avec les agents. Il serait également intéressant d'encourager la mise en place de chambres de compensation pour les rémunérations liées aux transferts. Ce système a déjà été mis en place en Grande-Bretagne. Il permet à la fois de suivre les transferts domestiques et internationaux mais surtout de surveiller les commissions des agents.

Le système de régulation des transferts, dit mécanisme TMS, mis en place par la Fédération internationale de football, la FIFA, mériterait également d'être étendu à l'ensemble des disciplines. Cet outil en ligne a permis de rendre les transferts internationaux de joueurs plus rapides, plus simples et surtout plus transparents. Les utilisateurs du TMS doivent ainsi fournir des renseignements concernant l'identité du joueur, le club et les paiements, qu'il s'agisse du montant, des délais ou des informations bancaires.

Il convient également d'être extrêmement vigilant quant aux investissements de tiers sur les transferts (third party ownership), tels qu'on les observe à propos de joueurs venant d'Amérique du Sud par exemple. Ceux-ci permettent à un club et une société de se partager les droits de propriété des joueurs et donc de réduire les dépenses d'un club ou de gonfler ses recettes. Un encadrement de ces pratiques nous semble indispensable.

La protection des mineurs doit également être au coeur de la réflexion sur les agents et les transferts. Une directive sur le métier d'agent devra comporter le principe selon lequel celui-ci ne saurait être rémunéré dans le cadre de la signature d'un contrat entre un club et un joueur mineur. Le texte devra interdire, en outre, les transferts des mineurs de moins de dix-huit ans.

Ce principe d'une interdiction des transferts des mineurs fait aussi écho à notre ambition de mieux garantir l'ancrage local des compétitions. La solution appuyée par la Commission européenne en faveur de la formation dans le football - 8 joueurs sur 25 doivent être formés dans le pays hôte de la compétition, 4 d'entre eux devant être formés au club - est un leurre si on regarde de plus près la composition effective des équipes les soirs de matchs. Nous souhaitons en conséquence qu'une réflexion soit engagée en vue de réviser le dispositif des « joueurs formés localement » afin qu'au moins une moitié des joueurs inscrits sur la feuille de match ait été formée au sein d'un club de la fédération du pays hôte de la compétition.

Jean-François Humbert a abordé dans son exposé une des menaces qui pèse sur l'intégrité du sport, en l'occurrence le dopage. L'autre grand risque tient à la manipulation des résultats sportifs. Il convient de saluer la décision de l'Union européenne de participer aux travaux du Conseil de l'Europe destinés à élaborer une convention internationale sur les matchs truqués.

Nous pensons néanmoins qu'il convient d'aller plus loin. Là encore, l'article 83 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne nous permet d'adopter une directive d'harmonisation pénale permettant la définition d'un délit pénal de manipulation des résultats sportifs en lien avec les paris.

Ce texte devrait faire émerger la notion de droit au pari, au terme duquel l'exploitation d'une compétition par un opérateur de paris sportifs en ligne admis sur le marché ne peut plus se faire sans l'accord de l'organisateur. Cette directive pourrait aussi imposer aux intermédiaires financiers d'empêcher les mises sur des paris réalisés sur des sites illégaux. Elle constituerait une première étape en vue de mettre en place une instance européenne de régulation des paris en ligne

Pour conclure, nous estimons avec mon collègue, que l'ensemble des recommandations contenues dans notre proposition de résolution pourrait s'intégrer, à terme, dans une Charte sportive de l'Union européenne, à l'image de la Charte sociale adoptée en 1989. Un tel document permettrait de mieux définir « les enjeux européens du sport » tels que mentionnés dans le Traité de Lisbonne et confèrerait une réelle portée politique au principe de spécificité du sport.

Voici, largement résumée, la philosophie de cette proposition de résolution, qui ne nous semble pas utopique. La Cour a reconnu la possibilité d'entorses proportionnées aux règles de concurrence et de circulation, les mesures que nous avançons aujourd'hui nous semblent répondre à ce critère de proportionnalité.

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