Intervention de René Danesi

Commission des affaires européennes — Réunion du 31 mars 2016 à 8h35
Institutions européennes — Arrangement pour le royaume-uni : communication de mme fabienne keller

Photo de René DanesiRené Danesi :

Je ne suis pas un chaud partisan de la doxa anti-Brexit, au contraire. J'ai voté non au référendum organisé par le président Pompidou sur l'adhésion de la Grande-Bretagne, et je ne l'ai pas regretté une minute. J'étais convaincu à l'époque - et les faits ont montré que je n'avais pas tort - que la Grande-Bretagne n'entrait dans le marché commun que pour veiller à ce qu'il reste un simple marché commun. Il s'agissait de tuer dans l'oeuf toute ambition d'une Europe politique, d'une Europe fédérale - que j'appelais de mes voeux. L'Europe est de fait devenue un vaste ensemble économique libéral où sévit la concurrence entre les salariés, entre les économies, entre les États. Avec cette conséquence que la dérégulation, par le haut, produit, à l'autre bout, des milliers de normes. En revanche, pas l'ombre d'un chantier social, pas l'ombre d'un chantier fiscal. Au contraire, la Grande-Bretagne est en train de devenir, au nez et à la barbe de tout le monde, un paradis fiscal, avec son taux de 17% d'impôt sur les sociétés - que je vous invite à comparer au taux français.

Comment en est-on arrivé là ? Par l'élargissement permanent. Si bien qu'avec 28 États, la dynamique franco-allemande, qui était le moteur du processus européen, est noyée. Cela entraîne à l'évidence une paralysie des institutions. La règle de l'unanimité ne fonctionne pas, elle ne peut pas fonctionner. Et les deux avancées que constituaient, par rapport au marché commun, l'euro et Schengen, sont en voie de dislocation. Sous le coup des événements, certes, mais aussi parce qu'à un si grand nombre, on n'arrive jamais à se mettre d'accord.

Sans compter que cette course à l'élargissement a jeté l'Europe dans une politique extérieure parfaitement aventureuse. Sous l'égide de L'OTAN, c'est à dire des États-Unis. Il y a une dizaine d'années, de bons esprits nous expliquaient que la Turquie faisait partie de l'Europe et qu'il fallait qu'elle y entre. Personne n'a voulu voir que le Président Erdogan se servait de ce miroir aux alouettes pour régler son compte à l'armée qui veillait à ce que la Turquie reste un État laïc. Et il a réussi à liquider son influence politique, donc celle de la laïcité, sous les applaudissements de l'Europe. Il faut le faire ! A suivi cette aventureuse politique de voisinage, qui oubliait que nos voisins avaient d'autres voisins. Et quels voisins ! La Russie ! Sans doute dans les années 1990 était-elle encore très déstabilisée mais dès que l'ours russe s'est remis sur ses pattes, ce n'était plus jouable. Cela nous a amenés tout droit à la confrontation. Avec, accessoirement, les conséquences que l'on sait sur le monde agricole français.

Ceci pour dire que j'espère que les Anglais voteront non. Puissent-ils nous quitter, enfin ! Et que l'Europe saisisse sa chance de revenir à ses fondamentaux. Si cela doit passer par une Europe à plusieurs vitesses, peu importe, ce qui compte, c'est le noyau dur. Si je dis dur, c'est en n'oubliant pas que l'Allemagne a la tête dure, mais enfin... La conséquence - je parle sous le contrôle de notre ami Yves Pozzo di Borgo - c'est que l'on retrouvera des relations apaisées avec la Russie. Comme l'a fort bien dit le général de Gaulle, l'Europe va de l'Atlantique à l'Oural. Mais pas jusqu'à Washington !

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