Notre ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution européenne relative à la lutte contre le terrorisme.
Nous débattons dans un contexte marqué par l'attentat terroriste qui a été perpétré ce matin même à Tunis. Nous exprimons notre respect pour celles et ceux qui ont payé de leur vie cet acte odieux, ainsi qu'aux nombreuses personnes qui ont été blessées.
Je rappelle que ce texte résulte d'une série de travaux qui ont été conduits à partir du programme que notre bureau avait arrêté le 21 janvier.
Au cours des dernières semaines, nous avons ainsi entendu six communications :
- sur la création d'un PNR (Passenger Name Record) européen avec Simon Sutour ;
- sur le renforcement de l'espace Schengen avec André Reichardt ;
- sur les déchéances de nationalité avec Michel Mercier ;
- sur la création d'un Parquet européen avec Jean-Jacques Hyest et Philippe Bonnecarrère ;
- sur le renforcement de la coopération policière européenne, notamment à travers EUROPOL, avec Michel Delebarre et Joëlle Garriaud-Maylam ;
- sur la lutte contre la propagande terroriste sur internet avec Colette Mélot et André Gattolin.
Je veux remercier très sincèrement nos rapporteurs de s'être mobilisés très rapidement. Ils nous ont livré des analyses très fines de l'état du droit et des pratiques dans les domaines qu'ils ont traités. Ils ont aussi formulé des propositions très pertinentes qui ont donné lieu à des échanges au sein de la commission.
À partir de ces différentes contributions, une proposition de résolution européenne a été élaborée. Elle a fait l'objet d'une concertation entre les différents rapporteurs et avec la commission des lois. Les observations formulées à cette occasion ont été prises en compte.
Je rappelle que nous nous réunirons avec la commission des lois le mercredi 25 mars à 14h30. Celle-ci adoptera formellement la proposition de résolution européenne sur le rapport de notre collègue Jean-Jacques Hyest.
Le texte sera examiné en séance publique le mercredi 1er avril à 18h30. Je rappelle par ailleurs que le lundi 30 mars, soit deux jours avant le débat en séance, les présidents des commissions des affaires européennes du Bundesrat, de la Chambre des Lords, du Folketing danois, du Seimas de Lettonie et du Sénat espagnol ont accepté de venir au Sénat pour marquer l'unité de nos chambres respectives dans la lutte contre le terrorisme. À cette occasion, une déclaration sera adoptée.
Chacun d'entre vous a pu prendre connaissance de la proposition de résolution européenne qui vous a été adressée. Je ne serai donc pas trop long pour en présenter l'économie générale.
Dans une première partie, il est souligné dans neuf considérants que le terrorisme porte une atteinte directe aux valeurs fondamentales de l'Union européenne et qu'au nom de ces valeurs, les citoyens sont en droit d'exprimer des attentes fortes quant à leur sécurité. Nous le ressentons tous dans nos départements. Certes, la sécurité demeure de la responsabilité de chaque État membre. Mais l'Union doit oeuvrer à son niveau notamment en développant la coopération judiciaire et policière.
Nous rappelons qu'une menace terroriste grave et sans doute durable pèse désormais sur les sociétés européennes et aux frontières de l'Union. Elle justifie une réponse commune de façon urgente. Or la mise en oeuvre opérationnelle des instruments existants demeure insuffisante. Je conserve à l'esprit que plusieurs d'entre vous avaient insisté sur cette urgence, notamment pour l'adoption d'un système PNR européen.
Dans le même temps, chacun est bien conscient qu'une réflexion doit être conduite sur les causes profondes du phénomène terroriste et sur les moyens d'y remédier sur la durée. Pour cela, il faut des actions communes, notamment dans le domaine éducatif.
Pour tous ces motifs, il nous paraît nécessaire d'adopter une législation anti-terroriste commune. La deuxième partie de la proposition en détaille l'économie.
En premier lieu, il faut revoir la définition des infractions terroristes, notamment pour mieux prendre en compte les nationaux qui partent combattre à l'étranger en vue de commettre des actes de terrorisme.
À la suite de la communication d'André Reichardt, le texte demande un contrôle renforcé des frontières extérieures de l'espace Schengen et une révision du code frontières Schengen. Des contrôles doivent pouvoir être effectués sur des ressortissants des pays membres en fonction d'indicateurs de risque. Nous souhaitons une augmentation des moyens humains et financiers de FRONTEX et la création d'un corps de gardes-frontières européens. Il faut renforcer le système d'information Schengen (le SIS) et réfléchir plus activement à une politique européenne des visas.
Sur le rapport de Simon Sutour, nous avons débattu ici-même d'un PNR européen. La résolution que nous avons adoptée et qui est devenue définitive en souligne l'urgence tout en rappelant que toutes les garanties doivent être prévues pour protéger les données personnelles.
La lutte contre le terrorisme passe aussi par une action ferme contre les sources de financement et le trafic d'armes. Des textes existent et doivent être appliqués. D'autres sont en préparation. Ils doivent être adoptés rapidement. Dans ce domaine, la coopération internationale est par ailleurs essentielle.
Nous avons par ailleurs intégré les suggestions de Michel Delebarre et Joëlle Garriaud-Maylam sur la coopération policière. La mise en place d'une plate-forme européenne de lutte contre le terrorisme au sein d'EUROPOL serait en particulier très utile.
La coopération judiciaire est un autre enjeu essentiel. Nous avons entendu les arguments de Jean-Jacques Hyest et Philippe Bonnecarrère en faveur d'un Parquet européen. Il doit être collégial et décentralisé comme le Sénat l'avait demandé dans une précédente résolution. Ses compétences doivent être élargies à la lutte contre la criminalité grave transfrontière.
Sur la place d'internet dans la lutte contre le terrorisme, André Gattolin et Colette Mélot nous ont fait part de leurs suggestions. Le texte les reprend. Il rappelle notamment la responsabilité des acteurs privés de l'internet. Il demande aussi l'extension des compétences du Centre européen sur le cybercrime et le renforcement des moyens d'EUROPOL.
Le texte reprend également les analyses que nous a livrées Michel Mercier sur les déchéances de nationalité et ce qui ressort du droit international dans ce domaine.
Enfin, il insiste sur le besoin d'une stratégie éducative de précaution et de lutte contre la radicalisation, ainsi que sur la nécessité d'une coopération internationale renforcée.
En toute hypothèse, l'efficacité des instruments dont dispose l'Union européenne doit être évaluée de façon systématique. Le texte l'indique expressément.
Voilà les précisions que je souhaitais vous donner en guise d'introduction au débat que nous allons avoir maintenant. Nous examinerons ensuite le texte qui vous est proposé.
J'ouvre le débat.