Notre ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution européenne relative à la lutte contre le terrorisme.
Nous débattons dans un contexte marqué par l'attentat terroriste qui a été perpétré ce matin même à Tunis. Nous exprimons notre respect pour celles et ceux qui ont payé de leur vie cet acte odieux, ainsi qu'aux nombreuses personnes qui ont été blessées.
Je rappelle que ce texte résulte d'une série de travaux qui ont été conduits à partir du programme que notre bureau avait arrêté le 21 janvier.
Au cours des dernières semaines, nous avons ainsi entendu six communications :
- sur la création d'un PNR (Passenger Name Record) européen avec Simon Sutour ;
- sur le renforcement de l'espace Schengen avec André Reichardt ;
- sur les déchéances de nationalité avec Michel Mercier ;
- sur la création d'un Parquet européen avec Jean-Jacques Hyest et Philippe Bonnecarrère ;
- sur le renforcement de la coopération policière européenne, notamment à travers EUROPOL, avec Michel Delebarre et Joëlle Garriaud-Maylam ;
- sur la lutte contre la propagande terroriste sur internet avec Colette Mélot et André Gattolin.
Je veux remercier très sincèrement nos rapporteurs de s'être mobilisés très rapidement. Ils nous ont livré des analyses très fines de l'état du droit et des pratiques dans les domaines qu'ils ont traités. Ils ont aussi formulé des propositions très pertinentes qui ont donné lieu à des échanges au sein de la commission.
À partir de ces différentes contributions, une proposition de résolution européenne a été élaborée. Elle a fait l'objet d'une concertation entre les différents rapporteurs et avec la commission des lois. Les observations formulées à cette occasion ont été prises en compte.
Je rappelle que nous nous réunirons avec la commission des lois le mercredi 25 mars à 14h30. Celle-ci adoptera formellement la proposition de résolution européenne sur le rapport de notre collègue Jean-Jacques Hyest.
Le texte sera examiné en séance publique le mercredi 1er avril à 18h30. Je rappelle par ailleurs que le lundi 30 mars, soit deux jours avant le débat en séance, les présidents des commissions des affaires européennes du Bundesrat, de la Chambre des Lords, du Folketing danois, du Seimas de Lettonie et du Sénat espagnol ont accepté de venir au Sénat pour marquer l'unité de nos chambres respectives dans la lutte contre le terrorisme. À cette occasion, une déclaration sera adoptée.
Chacun d'entre vous a pu prendre connaissance de la proposition de résolution européenne qui vous a été adressée. Je ne serai donc pas trop long pour en présenter l'économie générale.
Dans une première partie, il est souligné dans neuf considérants que le terrorisme porte une atteinte directe aux valeurs fondamentales de l'Union européenne et qu'au nom de ces valeurs, les citoyens sont en droit d'exprimer des attentes fortes quant à leur sécurité. Nous le ressentons tous dans nos départements. Certes, la sécurité demeure de la responsabilité de chaque État membre. Mais l'Union doit oeuvrer à son niveau notamment en développant la coopération judiciaire et policière.
Nous rappelons qu'une menace terroriste grave et sans doute durable pèse désormais sur les sociétés européennes et aux frontières de l'Union. Elle justifie une réponse commune de façon urgente. Or la mise en oeuvre opérationnelle des instruments existants demeure insuffisante. Je conserve à l'esprit que plusieurs d'entre vous avaient insisté sur cette urgence, notamment pour l'adoption d'un système PNR européen.
Dans le même temps, chacun est bien conscient qu'une réflexion doit être conduite sur les causes profondes du phénomène terroriste et sur les moyens d'y remédier sur la durée. Pour cela, il faut des actions communes, notamment dans le domaine éducatif.
Pour tous ces motifs, il nous paraît nécessaire d'adopter une législation anti-terroriste commune. La deuxième partie de la proposition en détaille l'économie.
En premier lieu, il faut revoir la définition des infractions terroristes, notamment pour mieux prendre en compte les nationaux qui partent combattre à l'étranger en vue de commettre des actes de terrorisme.
À la suite de la communication d'André Reichardt, le texte demande un contrôle renforcé des frontières extérieures de l'espace Schengen et une révision du code frontières Schengen. Des contrôles doivent pouvoir être effectués sur des ressortissants des pays membres en fonction d'indicateurs de risque. Nous souhaitons une augmentation des moyens humains et financiers de FRONTEX et la création d'un corps de gardes-frontières européens. Il faut renforcer le système d'information Schengen (le SIS) et réfléchir plus activement à une politique européenne des visas.
Sur le rapport de Simon Sutour, nous avons débattu ici-même d'un PNR européen. La résolution que nous avons adoptée et qui est devenue définitive en souligne l'urgence tout en rappelant que toutes les garanties doivent être prévues pour protéger les données personnelles.
La lutte contre le terrorisme passe aussi par une action ferme contre les sources de financement et le trafic d'armes. Des textes existent et doivent être appliqués. D'autres sont en préparation. Ils doivent être adoptés rapidement. Dans ce domaine, la coopération internationale est par ailleurs essentielle.
Nous avons par ailleurs intégré les suggestions de Michel Delebarre et Joëlle Garriaud-Maylam sur la coopération policière. La mise en place d'une plate-forme européenne de lutte contre le terrorisme au sein d'EUROPOL serait en particulier très utile.
La coopération judiciaire est un autre enjeu essentiel. Nous avons entendu les arguments de Jean-Jacques Hyest et Philippe Bonnecarrère en faveur d'un Parquet européen. Il doit être collégial et décentralisé comme le Sénat l'avait demandé dans une précédente résolution. Ses compétences doivent être élargies à la lutte contre la criminalité grave transfrontière.
Sur la place d'internet dans la lutte contre le terrorisme, André Gattolin et Colette Mélot nous ont fait part de leurs suggestions. Le texte les reprend. Il rappelle notamment la responsabilité des acteurs privés de l'internet. Il demande aussi l'extension des compétences du Centre européen sur le cybercrime et le renforcement des moyens d'EUROPOL.
Le texte reprend également les analyses que nous a livrées Michel Mercier sur les déchéances de nationalité et ce qui ressort du droit international dans ce domaine.
Enfin, il insiste sur le besoin d'une stratégie éducative de précaution et de lutte contre la radicalisation, ainsi que sur la nécessité d'une coopération internationale renforcée.
En toute hypothèse, l'efficacité des instruments dont dispose l'Union européenne doit être évaluée de façon systématique. Le texte l'indique expressément.
Voilà les précisions que je souhaitais vous donner en guise d'introduction au débat que nous allons avoir maintenant. Nous examinerons ensuite le texte qui vous est proposé.
J'ouvre le débat.
J'observe, tout d'abord, que le point 50 du texte qui nous est proposé sur les déchéances de nationalité ne fait que rappeler l'état du droit existant. Il ne donne lieu, contrairement aux autres points abordés, à aucune proposition alors qu'une résolution européenne est par nature « prescriptive ». En second lieu, je rappellerai que la question des déchéances de nationalité est purement nationale et trouve mal sa place dans un texte qui s'adresse aux Européens.
Je me félicite, pour ma part, de l'initiative de la commission des affaires européennes. J'approuve la démarche tendant à faire approuver une déclaration commune sur le terrorisme par d'autres parlements européens. J'insiste sur le fait que la proposition qui nous est présentée est un texte de compromis et d'équilibre entre les groupes politiques du Sénat, d'une part, entre notre commission et la commission des lois, d'autre part. Il ne faudrait pas remettre en cause ce consensus.
Je rappelle que le 3 février 2011, nous avions adopté une déclaration commune sur la réforme de la PAC avec les représentants du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Bundestag allemand.
Le point 50 du texte sur les déchéances de nationalité me convient plutôt même s'il est un peu « frustrant ». Notre collègue Michel Mercier, dans sa communication, nous avait rappelé les conventions internationales et le droit national en la matière. Il avait aussi évoqué la censure possible du Conseil constitutionnel si étaient déchues des personnes ne disposant que d'une seule nationalité. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que le droit international valide, en principe, les déchéances de nationalité
Ce qui me gêne dans le point 50, c'est qu'il intègre, en définitive, dans la résolution un débat franco-français qui ne regarde pas les instances européennes.
Ne pourrait-on pas, dans le texte, faire référence à la situation des binationaux ainsi que l'a fait Michel Mercier dans sa communication ?
Il existe, au niveau de l'Union, une seule citoyenneté européenne. Il n'existe pas de binationalité européenne !
Je voudrais rendre hommage à la pertinence du dispositif dans son ensemble. Son contenu me paraît d'une très grande qualité. Le point 50 a été, selon moi, rédigé avec beaucoup de finesse. Renoncer à aborder la question des déchéances de nationalité nous ferait perdre de la crédibilité. Michel Mercier nous a très bien montré que ce dossier, s'il était complexe, restait ouvert. Il a insisté sur le fait que les binationaux et les mono-nationaux devaient faire l'objet d'un traitement différencié. Il a même signalé, si je me souviens bien, que les déchéances de nationalité ayant pour conséquence une situation d'apatridie pouvaient ne pas être impossibles en droit.
Nous sommes tous d'accord pour coordonner les politiques des États européens dans le domaine policier et judiciaire. Mon groupe est aussi favorable au renforcement des moyens d'organismes européens tels qu'Eurojust ou FRONTEX. Nous sommes aussi, évidemment, d'accord pour lutter contre le trafic d'armes ou le blanchiment des capitaux servant à financer le terrorisme. En revanche, les points 23, 24 et 26 de la proposition de résolution européenne relatifs respectivement à la révision ciblée du « Code frontières Schengen », au contrôle partagé des frontières extérieures de l'Union européenne ou encore au système d'information Schengen nous paraissent poser problème. Je soutiens, par ailleurs, la position de Jean-Jacques Hyest sur les déchéances de nationalité. Cette question constitue un débat franco-français qui n'a pas sa place dans une résolution européenne. Au nom de mon groupe, je ne voterai pas contre le texte qui nous est présenté mais je m'abstiendrai.
Permettez-moi de répéter que, de notre point de vue, la proposition de résolution, telle qu'elle nous est présentée, traduit un équilibre politique subtil. Elle constituera un outil qui nous permettra d'indiquer au Gouvernement ce que nous souhaitons. Je pense que cette démarche nous donne de la force et consolide, en définitive, le rôle des parlements nationaux en Europe conformément au traité de Lisbonne.
Sur le point 50 relatif aux déchéances de nationalité, nous serions éventuellement d'accord pour le supprimer, mais, dans sa rédaction actuelle, il ne nous gêne pas. Je me félicite que nous puissions débattre, le 30 mars prochain, avec les présidents des commissions des affaires européennes d'autres États européens.
Je pense que dans la communication qui sera faite après l'adoption de cette proposition, il conviendra d'expliciter la notion de « PNR ». Soyons conscients que beaucoup de nos concitoyens ignorent de quoi il retourne !
La formulation du point 48 relatif à la création d'une formation à la sécurité informatique dans le cadre du programme Erasmus demanderait à être clarifiée. A-t-on souhaité préconiser la mise en place, dans le programme Erasmus, d'une formation spécifique en matière de sécurité informatique ou a-t-on voulu intégrer dans les formations européennes en informatique une dimension sur la sécurité informatique ? Je penche plutôt pour la seconde solution.
Je voudrais formuler plusieurs observations. Je me demande en premier lieu si la rédaction du point 50 de la proposition de résolution a « reçu l'aval » de Michel Mercier. Je voudrais, en second lieu, souligner le très grand intérêt du point 17 relatif à la création d'une législation antiterroriste commune, au niveau de l'Union européenne, sous la forme d'un « Acte pour la sécurité intérieure ». Cette démarche constituerait, pour moi, un acte très fort. Je rappelle que le « Patriot Act », après bien des controverses, n'est plus contesté aujourd'hui aux États-Unis d'Amérique.
S'agissant du contrôle des frontières extérieures de l'espace Schengen, il me paraît important de rappeler que, souvent, le « Code frontières Schengen » n'est tout simplement pas appliqué. Je pense, en particulier, au contrôle aux frontières de ces milliers de réfugiés qui arrivent par la mer sur les côtes italiennes et parmi lesquels, selon certains, pourraient d'ailleurs se dissimuler des « djihadistes ».
J'estime, pour ma part que les points 22, 23 et 24 du texte sont indispensables et constituent même un « minimum minimorum ».
Au point 26, j'estime que la rédaction selon laquelle « le système d'information Schengen (SIS) doit être perfectionné » est floue. Ce fichier informatisé est bien évidemment alimenté par les États membres. Je note que le texte qui nous est présenté n'inclut pas les relevés ADN dans les données d'identification enregistrées par le SIS II. Je le regrette.
Au point 36, qui préconise une meilleure utilisation des capacités d'EUROPOL, je proposerai de renoncer à la formule « faire en sorte que » qui est imprécise au profit de « demande que ».
Je relève que le point 44 se contente de relever « l'intérêt » des procédures prévues par la dernière loi du 13 novembre 2014 sur le terrorisme permettant d'obtenir des fournisseurs d'accès le blocage de certains sites Internet. Ce qui me paraît fondamental, c'est le point 43 du texte qui rappelle la responsabilité des « acteurs privés » de l'Internet et souhaite les voir mieux impliqués dans la lutte contre le terrorisme. Je rappelle que parmi les acteurs privés dont il s'agit, il y a évidemment les géants du Net comme « Google », mais aussi les « communautés d'internautes » dont l'implication est, elle aussi, absolument indispensable.
Je souligne enfin que la mutualisation de la surveillance des sites Internet au niveau européen est fondamentale. Aux États-Unis, quelque 300 personnes sont chargées de cette mission.
Au point 47, je ferai, moi aussi, une remarque de forme. À la formule « niveau élevé commun de sécurité » des réseaux, je préfère celle de « niveau commun élevé de sécurité ».
Pour la surveillance des sites Internet faisant l'apologie de la violence terroriste, la coopération européenne fonctionne assez bien.
Nous avons tous été invités à faire des propositions de modification du texte avec un délai limite. Le texte qui nous est soumis aujourd'hui tient compte des modifications souhaitées par ceux qui ont bien voulu en présenter. Il est donc le fruit de cette concertation et traduit, encore une fois, un consensus et un subtil équilibre qui peut être rompu à tout moment. Je souhaite, en conséquence, que l'on ne touche plus au texte car nous pourrions, en ce qui nous concerne, ne plus être en mesure d'y apporter notre signature.
Je pense, comme Simon Sutour, que nous sommes en présence d'un texte délicat et très équilibré. En tout état de cause, « notre main doit être ferme » dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Sur la question des déchéances de nationalité, nous sommes tous d'accord sur le fait qu'elle relève du domaine national et que le droit international valide, en principe, ces procédures.
Sur les points 26, 47 et 48 évoqués par André Reichardt et André Gattolin, je vous propose d'apporter au texte les modifications d'ordre formel proposées. Je prends acte, enfin, de l'abstention que je qualifierai de « constructive » de notre collègue Michel Billout.
Je rappelle que notre commission des affaires européennes a commencé ses travaux sur les questions liées au terrorisme dès le 21 janvier. Nous avons désormais l'« ardente obligation » d'envoyer des messages au Gouvernement.
Certains sujets suscitent de nombreux débats. Ceux que nous venons d'aborder en font partie. La future loi sur le renseignement va en susciter bien d'autres.
Je suis personnellement sceptique sur la nécessité d'un « Patriot Act » européen. Je pense, pour ma part, que notre objectif doit être d'inciter les gouvernements européens à développer les coopérations et les pratiques communes comme dans le cas du « PNR européen ».
J'estime qu'il ne faut pas « mélanger » les débats franco-français et le débat européen. Par conséquent, je reste opposé à l'introduction, dans le texte, du point 50 sur les déchéances de nationalité.
Le Gouvernement pourra s'appuyer sur cette résolution européenne qui traduit la volonté de la représentation nationale. La question abordée par le point 50 du texte relatif aux déchéances de nationalité rappelle les règles issues du droit international. Dans ce domaine, ce sont les États qui agissent mais sous le contrôle des cours européennes.
À l'issue de ce débat, la proposition de résolution européenne a été adoptée dans le texte suivant, M. Michel Billout s'abstenant.
1. Le Sénat,
2. Vu l'article 88 4 de la Constitution,
3. Vu les articles 2 et 4 du traité sur l'Union européenne ainsi que les articles 67, 69 et 73 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
4. Vu la décision cadre du Conseil du 13 juillet 2002 relative à la lutte contre le terrorisme et la décision cadre du Conseil du 28 novembre 2008 modifiant ladite décision cadre,
5. Vu la stratégie de l'Union européenne visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement des terroristes adoptée le 30 novembre 2005 et révisée en 2008 et en 2014,
6. Vu les conclusions relatives à la lutte contre le terrorisme adoptées par le Conseil des affaires étrangères le 9 février 2015,
7. Vu la déclaration des membres du Conseil européen du 12 février 2015 sur la lutte contre le terrorisme,
8. Considérant que le terrorisme constitue une atteinte directe aux valeurs fondamentales, énoncées à l'article 2 du traité sur l'Union européenne, de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, sur lesquelles l'Union est fondée; que ces valeurs sont communes à tous les États membres ;
9. Considérant qu'au nom des valeurs fondamentales énoncées audit article 2, les citoyens européens sont en droit d'exprimer des attentes fortes quant à leur sécurité ; que la lutte contre le terrorisme et l'utilisation des moyens conférés à cette fin aux États membres doivent respecter les valeurs de l'Union et l'État de droit ;
10. Considérant que l'Union respecte les fonctions essentielles de l'État, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale et que ladite sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre ;
11. Considérant que l'Union constitue un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques des États membres ; que l'Union oeuvre pour assurer un niveau élevé de sécurité par des mesures de coordination et de coopération entre autorités policières et judiciaires et autres autorités compétentes, ainsi que par la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale et, si nécessaire, par le rapprochement des législations pénales ;
12. Considérant qu'en vertu des traités, il est loisible aux États membres d'organiser entre eux et sous leur responsabilité les formes de coopération et de coordination qu'ils jugent appropriées entre les services compétents de leurs administrations chargées d'assurer la sécurité nationale ;
13. Considérant le rôle des parlements nationaux pour veiller au respect du principe de subsidiarité, conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité ;
14. Considérant qu'une menace terroriste grave et sans doute durable pèse désormais sur la plupart des sociétés européennes et justifie une réponse commune urgente ;
15. Considérant que l'Union européenne dispose, d'ores et déjà, d'un certain nombre d'instruments susceptibles d'être utilisés à titre préventif pour lutter contre le terrorisme et, partant, réduire la menace ; que la mise en oeuvre opérationnelle de ces instruments demeure toutefois insuffisante ; que l'utilisation accrue de ces instruments doit s'accompagner d'une intensification de la coopération entre les différents services chargés de la sécurité intérieure des États membres tant dans le domaine du renseignement et de la surveillance que dans celui des enquêtes, des poursuites et de la répression ;
16. Considérant que cette coopération plus développée ne dispensera pas d'une réflexion en profondeur sur les causes du phénomène terroriste dans nos sociétés et les moyens d'y remédier sur la durée par des actions communes notamment dans le domaine éducatif ;
17. Estime que, afin de répondre aux attentes légitimes des citoyens européens et d'assurer la sécurité intérieure de l'Union européenne, une législation antiterroriste commune devrait être rapidement adoptée par l'Union européenne sous la forme d'un « Acte pour la sécurité intérieure » ;
18. - Sur la définition des infractions terroristes :
19. Considère qu'il s'agit de mieux prendre en compte les nationaux qui partent combattre à l'étranger dans le dessein, comme le souligne, en particulier, la résolution n° 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les « combattants étrangers », de « commettre, d'organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d'y participer ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, notamment à l'occasion d'un conflit armé... » ;
20. Insiste sur la nécessité de disposer d'un cadre juridique européen facilitant la surveillance, les poursuites et les mises en cause en ce qui concerne les « combattants étrangers » ;
21. - Sur la révision du Code frontières Schengen et le contrôle des frontières extérieures :
22. Souhaite qu'à droit constant, il soit procédé rapidement, sur le fondement d'indicateurs de risque appliqués uniformément par les États membres, à des contrôles approfondis quasi systématiques de ressortissants des pays membres de l'espace Schengen lorsqu'ils entrent et sortent de cet espace ;
23. Demande également la révision ciblée du Code frontières Schengen pour autoriser, sur le fondement d'indicateurs de risque appliqués uniformément par les États membres, les contrôles approfondis systématiques de ressortissants des pays membres de l'espace Schengen qu'il serait nécessaire d'effectuer de manière permanente ;
24. Considère qu'un contrôle efficace des frontières extérieures doit être une responsabilité partagée au niveau de l'Union européenne ;
25. Constate qu'en l'état actuel, l'agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX) ne peut apporter aux États qu'un appui ponctuel et limité dans le temps pour des opérations ciblées ; estime qu'une mission permanente de contrôle des frontières extérieures de l'Union devrait être dévolue à un FRONTEX disposant de moyens humains et financiers pérennes et considérablement renforcés et dont devrait relever un corps de gardes-frontières européens ; demande instamment le renforcement des moyens aujourd'hui très faibles de FRONTEX ;
26. Souhaite que les dispositifs d'identification des personnes tels que le système d'information Schengen (SIS II) soient perfectionnés ; appelle aussi de ses voeux une intensification et une uniformisation de l'utilisation du SIS II par les États membres ;
27. Invite les États membres à réfléchir plus activement à la définition d'une politique européenne des visas, limitée jusqu'à présent au court séjour et au transit, dont les critères communs prendraient notamment en compte des indicateurs de risque liés à la menace terroriste ;
28. - Sur la mise en place d'un système PNR européen :
29. Rappelle que dans sa résolution n° 78 en date du 15 mars 2015, le Sénat estime urgente l'adoption de la proposition de directive relative à l'utilisation des données des dossiers passagers pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, nommée communément « directive PNR » ; juge que la mise en place d'un tel mécanisme européen serait seul de nature à assurer une coordination efficace entre les PNR nationaux dans le respect des garanties indispensables pour la protection des données personnelles ;
30. Souligne que cette mesure indispensable pour harmoniser les critères de fonctionnement des PNR nationaux pourrait être appliquée, dans un premier temps, d'une manière expérimentale avant d'être évaluée, réexaminée ou renforcée ; rappelle qu'en tout état de cause, le PNR européen pourra être aménagé pour intégrer le futur cadre de protection des données personnelles en cours de discussion ;
31. - Sur une lutte effective contre les sources de financement du terrorisme et le trafic d'armes :
32. Souligne la nécessité de tarir les sources de financement du terrorisme, en particulier à travers le blanchiment des capitaux et le trafic d'armes ; demande en conséquence l'application résolue des législations européennes en la matière, l'adoption rapide de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme qui actualise la législation existante, des propositions législatives annoncées pour 2015 par la Commission européenne en matière de lutte contre le trafic d'armes à feu, ainsi qu'une coordination accrue des politiques nationales au niveau de l'Union ;
33. Rappelle le rôle fondamental de la coopération internationale en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le trafic d'armes à feu dans des conditions garantissant la protection des droits individuels ;
34. - Sur le renforcement de la coopération policière et judiciaire :
35. Souligne le rôle fondamental des deux agences européennes que sont Europol en matière de coopération policière et Eurojust en matière de coopération judiciaire ; insiste sur le fait que leur potentiel pourrait être développé ;
36. Estime qu'il convient de mieux exploiter les capacités d'Europol et demande que les services nationaux des États membres fournissent plus systématiquement les informations nécessaires ; considère qu'il importe d'accélérer la mise en place, au sein d'Europol, d'une « plateforme européenne de lutte contre le terrorisme » ;
37. Souhaite que le Centre européen sur le cybercrime (EC3), qui dépend d'Europol, inscrive dans ses priorités, au même titre que la lutte contre la diffusion d'images et de vidéos pédopornographiques, la lutte contre la diffusion de la propagande et du prosélytisme terroristes ;
38. Constate que les données transmises à Eurojust par les juridictions des États membres sont quantitativement très en deçà de ce qu'elles pourraient et devraient être ; qu'il importe donc de sensibiliser sans relâche les services judiciaires des États membres à la valeur ajoutée que peut apporter au plan de l'efficacité une agence européenne de collecte et d'échange de données à caractère judiciaire comme Eurojust ;
39. Souhaite que, dans la lutte contre le terrorisme, les États membres aient plus souvent recours aux équipes communes d'enquête, prévues par la décision-cadre 2002/465/JAI du Conseil, avec une participation effective de représentants d'Europol et d'Eurojust ;
40. Souligne tout l'intérêt du mandat d'arrêt européen qui permet d'accélérer les remises de personnes suspectées entre États membres ; fait toutefois valoir que cet instrument devrait être utilisé plus systématiquement dans la lutte contre le terrorisme ;
41. Juge indispensable la mise en place dans un délai rapide d'un parquet européen collégial et décentralisé en application de l'article 86, paragraphe 4 du TFUE ; souligne la nécessité d'étendre sans délai les compétences de ce parquet européen à la criminalité grave transfrontière ;
42. - Sur la place d'internet dans la lutte contre le terrorisme :
43. Rappelle la responsabilité des acteurs privés de l'internet et souhaite les voir mieux impliqués dans la lutte contre le terrorisme ;
44. Relève l'intérêt des procédures administratives telles que prévues par la loi n° 2014-1333 du 13 novembre 2014 sur le terrorisme qui permettent d'obtenir efficacement des fournisseurs d'accès le blocage des sites internet diffusant des contenus illégaux ;
45. Estime qu'il devrait être envisagé d'étendre les compétences du Centre européen sur le cybercrime (EC3) pour porter des contenus terroristes ou extrémistes à la connaissance des réseaux sociaux, aux fins de suppression ;
46. Demande le renforcement des moyens financiers et humains de la section d'Europol consacrée à la recherche et au partage avec les États membres d'informations ayant trait au terrorisme djihadiste sur internet ;
47. Rappelant sa résolution n° 138 du 19 avril 2013, juge urgente l'adoption de la proposition de directive concernant des mesures destinées à assurer un niveau commun élevé de sécurité des réseaux et de l'information dans l'Union ;
48. Appelle de ses voeux l'intégration d'une dimension de sécurité informatique dans les formations en informatique dispensées dans le cadre du programme « ERASMUS » ;
49. - Sur les déchéances de nationalité :
50. Rappelle que la nationalité représente, avant tout, pour tout citoyen, le droit d'être protégé par l'État dont il possède la nationalité ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la compétence des États pour désigner leurs nationaux reste une manifestation de leur souveraineté exclusive même si elle n'est plus absolue ; que le droit international valide, en principe, les déchéances de nationalité lorsque sont en jeu la sécurité nationale, l'ordre public, les intérêts essentiels de l'État, ou quand sont commis des crimes particulièrement graves, notamment contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;
51. - Sur une stratégie éducative de précaution et de lutte contre la radicalisation :
52. Soutient le développement de réseaux européens visant à sensibiliser l'ensemble des acteurs européens au phénomène de radicalisation et à proposer des solutions s'insérant dans une logique de contre-discours et notamment le réseau de sensibilisation à la radicalisation (RSR) ;
53. - Sur le renforcement de la coopération internationale :
54. Souligne que la lutte contre le terrorisme international doit constituer une priorité de l'action extérieure de l'Union européenne et de son Service européen pour l'action extérieure (SEAE ) ; qu'il importe, à l'évidence, de construire un partenariat global avec les acteurs régionaux des parties du monde les plus sensibles et que ce dialogue, s'il sait combiner les impératifs de sécurité et de développement, pourrait être de nature à réduire la menace terroriste sur la durée ;
55. - Sur l'évaluation des instruments existants :
Je rappellerai à nos collègues que les créneaux horaires qui seraient dévolus à la commission des affaires européennes seraient, selon les propositions du Bureau du Sénat, le mercredi soir de 19h30 à 21 h, le jeudi matin de 8h30 à 10h30, et le jeudi en début d'après-midi entre 13h30 et 15 h. Il est évident qu'avec de tels horaires, il nous sera difficile d'auditionner des ministres ou des commissaires européens ! Le Sénat doit pouvoir continuer à jouer son « rôle européen » comme le prévoit l'article 88-1 de la Constitution. J'exprime le souhait que notre commission des affaires européennes puisse disposer, en la matière, de ce que j'appellerai une marge de manoeuvre intelligente.
J'ai demandé, pour ma part, que la commission des affaires européennes puisse disposer, pour ses réunions, de tout le jeudi matin. Comme l'a souligné Simon Sutour, nous ne sommes par ailleurs pas maîtres des agendas des ministres ni des commissaires européens. Un peu de souplesse nous permettra d'organiser leurs auditions dans de bonnes conditions. La qualité du travail de notre commission est reconnue. Elle doit donc pouvoir se réunir à un rythme comparable à celui de notre homologue de l'Assemblée nationale avec laquelle nous organisons un certain nombre de réunions communes.
Je partage les sentiments exprimés par Simon Sutour. Il est dommage que les réunions de la commission des affaires européennes soient traitées comme celles d'une délégation.
Je note, pour ma part, que nous avons organisé une audition conjointe avec la commission de l'Assemblée nationale de M. Franz Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne. Compte tenu des contraintes d'agenda de celui-ci, c'était un mardi en fin d'après-midi, à l'Assemblée nationale. Les sénateurs étaient d'ailleurs les plus nombreux dans la salle !
Les propositions de réforme qui nous sont annoncées par le Bureau du Sénat présentent, selon nous, une contradiction en ce qui concerne notre commission des affaires européennes. En effet, celle-ci est plutôt « maltraitée » quant aux créneaux horaires suggérés pour ses réunions hebdomadaires. Dans le même temps, ses prérogatives seraient renforcées à l'horizon 2017. J'observe, en second lieu, que les mêmes propositions de réforme portent atteinte, de notre point de vue, au droit d'amendement en séance.
La réunion est levée à 16 h 20.