Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 13 avril 2006 à 15h00
Accès des jeunes à la vie active en entreprise — Article 1er

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Eh oui, chères collègues ! C'est le cas des dispositions instaurant l'apprentissage et le travail de nuit des adolescents, le contrat dit de responsabilité parentale, mais également de ce qui a été ajouté par voie d'ordonnance, à savoir le contrat nouvelles embauches, frère jumeau du CPE.

Si la perspective immédiate du CPE s'éloigne et, avec elle, celle d'un contrat unique au rabais pour l'ensemble des salariés, la droite persiste en cherchant à abaisser le coût du travail et à rendre plus flexible le marché du travail.

Cette proposition de loi en est la preuve dans la mesure où, sous couvert de lutte contre le chômage des jeunes les moins qualifiés, elle ajoute de nouvelles aides financières au bénéfice des entreprises. Une étude du cabinet d'audit KPMG confirme pourtant les bas coûts salariaux de la France sur le plan mondial.

Le diagnostic établit sur les causes de la faiblesse du volume d'emploi reste inchangé : la France ne serait pas victime du rythme lent de sa croissance, elle souffrirait plutôt d'une excessive rigidité de l'emploi. L'indice de rigueur global de la protection de l'emploi construit par l'OCDE dément cette assertion. Notre pays est ainsi considéré comme « relativement plus flexible que la majorité de ses partenaires européens s'agissant du CDI et des procédures de licenciement collectif », comme l'a rappelé Henri Guaino.

Dans une récente interview accordée au Figaro, la patronne des patrons ne cache pas son optimisme. À terme, dit-elle, le débat de ces deux derniers mois autour du CPE sera bénéfique, car il aura permis à beaucoup de prendre conscience de la nécessité de la flexibilité.

Son de cloche identique du côté du patron de l'UMP, qui, lui, a appelé la droite à ne pas renier ses valeurs, dont la défense de la flexibilité. C'est dire si la thématique de la précarité reste d'actualité, et ce quels que soient les leurres agités, principalement celui de la sécurité sociale professionnelle.

Désormais, la sécurisation de l'emploi est dans toutes les bouches, sans pour autant revêtir le même sens.

Rapidement, nos concitoyens ont compris que l'échange proposé - plus de flexibilité pour les entreprises contre davantage de sécurité pour les salariés - était manifestement déséquilibré, ce dernier conduisant avant tout à renforcer la soumission des uns aux autres en sécurisant la procédure de licenciement au bénéfice de l'employeur.

À l'analyse, le dispositif proposé pour remplacer le CPE incite les employeurs à utiliser les emplois subventionnés, à bas prix, sans que, en contrepartie, on élève le niveau de protection de ces mêmes emplois.

Quels sont les « plus » pour les bénéficiaires de ces contrats en termes de formation, de rémunération et d'insertion dans l'emploi durable ?

S'il est difficile de répondre à cette question, il est en revanche aisé de remarquer que les employeurs, grâce à l'extension par la proposition de loi de dispositifs existants, auront la certitude de bénéficier d'aides supplémentaires à l'embauche : aides forfaitaires mensuelles doublées par rapport au dispositif actuel du SEJE, aides cumulables avec les exonérations générales de cotisations sociales.

Alors que l'ampleur des effets des mesures d'allégement du coût du travail sur le volume d'emploi fait largement débat, des voix s'élèvent pour demander au moins l'évaluation des dispositifs, voire la conditionnalité de ces aides publiques à l'emploi ou leur remboursement lorsque les entreprises ne remplissent pas leurs obligations.

Nous n'attendons rien de positif du bricolage et du recyclage du contrat jeunes en entreprise ni du CIVIS. Vous non plus, mes chers collègues, sinon pourquoi avoir prévu pour 2006 une baisse des crédits du SEJE, principale charge augmentée par la proposition de loi ?

Le fait que l'article unique du texte que nous examinons sonne le glas du CPE, comme le souhaitent majoritairement les Français, ne nous dispense pas d'un rejet de la solution de repli proposée, laquelle n'a pour ambition que d'offrir d'énièmes cadeaux aux entreprises financés par redéploiement, c'est-à-dire en sacrifiant d'autres actions de la mission « Travail et emploi ».

Lesquelles ?

Nous ne le savons pas aujourd'hui, mais il faut dire que c'est une habitude au Parlement : désormais, nous ne savons rien des sujets sur lesquels nous débattons. Un certain nombre de questions ont été posées, et pas uniquement sur les travées de gauche, mais aucune réponse ne leur a été apportée pendant les quatre-vingt-quinze ou quatre-vingt-dix-sept heures de débats. C'est probablement ce que l'on appelle la transparence des débats parlementaires !

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