Intervention de Michel Delebarre

Commission des affaires européennes — Réunion du 12 mars 2015 à 10h05
Justice et affaires intérieures — Coopération policière dans la lutte contre le terrorisme : communication de m. michel delebarre et de mme joëlle garriaud-maylam

Photo de Michel DelebarreMichel Delebarre :

Je voudrais maintenant évoquer la lutte antiterroriste.

Tous les ans, au mois de mai, Europol publie un rapport annuel sur la lutte antiterroriste. La publication de mai 2014 concerne donc l'année 2013. Au cours de cette année, précise le rapport, on a répertorié :

- 7 personnes décédées sur le territoire de l'Union à la suite d'attaques terroristes ;

- 152 attaques terroristes ;

- 537 arrestations ; le nombre d'arrestations a d'ailleurs presque doublé entre 2012 et 2013 ;

- des poursuites judiciaires pour faits de terrorisme qui ont concerné 313 personnes.

Pour l'office européen de police, la France est un des pays européens les plus exposés au risque terroriste. En 2013, 225 personnes y ont été arrêtées pour cause d'activités terroristes (sur un total européen de 537 !) ; 63 actes terroristes y ont été identifiés (sur un total européen de 152 !).

À la fin de l'année 2013, Europol estimait qu'entre 1 200 et 2 000 Européens étaient retournés sur le territoire de l'Union après un séjour sur un des théâtres d'opérations du Moyen-Orient ; dans le cas de la France, sur l'année 2013, cet effectif aurait augmenté de 75 % en quelques mois.

Un point sur l'opération « Archimède ».

Entre le 15 et le 23 septembre 2014, Europol a procédé à une opération sans précédent contre le crime organisé. Cette opération « Archimède » a mobilisé plus de 20 000 policiers et a été menée dans toute l'Europe. Coordonnée par l'office, elle a associé les 28 pays de l'Union européenne, les États-Unis, l'Australie, la Suisse, la Serbie et la Colombie, mais aussi Eurojust, FRONTEX et Interpol.

Neuf secteurs du crime organisé étaient particulièrement visés parmi lesquels le trafic d'êtres humains, le trafic de cocaïne et d'héroïne, l'organisation de l'immigration illégale et la cybercriminalité.

L'opération a débouché sur 1 027 arrestations, le sauvetage d'une trentaine d'enfants, ainsi que la saisine de 600 kg de cocaïne, 200 kg d'héroïne et 2 300 kg de cannabis.

Pour Rob Wainwright, le directeur d'Europol, « Il s'agit de la plus importante attaque coordonnée jamais organisée en Europe contre le crime organisé. Nous avons voulu nous attaquer à l'infrastructure dans son ensemble et non à de simples cas isolés. La communauté des forces de l'ordre est montée à bord de cette opération pour répondre à ces menaces de manière plus forte que nous l'avions fait jusqu'à présent. Des entreprises criminelles parmi lesquelles les plus graves ont été perturbées à travers l'Europe. »

Nous souhaiterions, en conclusion, formuler un certain nombre de propositions qui seraient, selon nous, de nature à améliorer notre dispositif de coopération policière en Europe pour renforcer la lutte contre le terrorisme.

Ne sera pas abordée ici la question du Code frontières « Schengen » ni celle du PNR puisque ces sujets ont déjà été traités par nos collègues André Reichardt et Simon Sutour même s'il est évident que l'amélioration du contrôle des entrées et des sorties dans l'espace Schengen, responsabilité partagée au niveau de l'Union européenne, conditionne l'efficacité de la coopération policière.

Notre première proposition concernera Europol. On sait qu'Europol est avant tout un instrument de collecte et d'échange de données. Mais cet instrument ne peut fonctionner que s'il est alimenté par les États. On sait qu'à cet égard, certains États de l'Union sont plus actifs que d'autres. Nous pensons qu'il conviendrait de mieux exploiter les capacités d'Europol en faisant en sorte que les services nationaux des États membres fournissent plus systématiquement les informations nécessaires. Une nouvelle législation européenne, peut-être plus contraignante, pourrait être de nature à améliorer la situation.

Nous savons que le siège d'Europol abrite un Centre européen sur le cybercrime qui constitue un outil plutôt performant notamment dans la lutte contre la criminalité organisée sur Internet. Nous souhaitons que le Centre inscrive dans ses priorités, au même titre que la lutte contre la diffusion d'images et de vidéos pédopornographiques, la lutte contre la diffusion de la propagande et du prosélytisme terroristes. Dans ce cadre, il nous paraîtrait intéressant de créer, au sein d'Europol, une unité européenne sur le modèle de la « plate-forme de signalement » française PHAROS pour porter certains contenus terroristes ou extrémistes à l'attention des réseaux sociaux aux fins de leur suppression.

Autre proposition : elle concerne les équipes communes d'enquête. Celles-ci ont été créées par une décision-cadre du Conseil en 2002. Elles associent pour des opérations limitées dans le temps des personnels d'un ou plusieurs États membres auxquels peuvent se joindre des représentants d'Europol, d'Eurojust ou même d'Interpol. Dans la lutte contre le terrorisme, nous estimons que ces structures pourraient être efficaces et nous proposons de mettre en place des dispositifs facilitant le recours, par les États membres, à ces équipes communes d'enquête.

Nous voudrions aussi souligner la nécessité de tarir les sources de financement du terrorisme, en particulier à travers le blanchiment des capitaux et le trafic d'armes. À cet effet nous demandons au Gouvernement de favoriser l'adoption rapide de la proposition de 4e directive du Parlement européen et du Conseil relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. En ce qui concerne le trafic d'armes à feu, la Commission européenne a annoncé de nouvelles propositions législatives pour 2015. Nous souhaiterions que le Gouvernement soit vigilant sur les suites qui seront données à cette annonce.

Enfin, nous appelons de nos voeux une évaluation systématique de l'efficacité de l'ensemble des instruments dont dispose actuellement l'Union européenne pour lutter contre le terrorisme. L'ensemble des instruments, cela signifie bien sûr les législations mais aussi les agences ou autres organismes européens qui oeuvrent dans le domaine de la sécurité intérieure du territoire de l'Union européenne. Rappelons que cette procédure d'évaluation systématique est prévue par l'article 70 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

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