Selon le vieux principe de Greenspan, « si vous avez compris ce que je veux dire, c'est que je me suis mal exprimé ». Le flou a parfois du bon.
Ce projet de réforme du Parlement européen procède d'une erreur conceptuelle : normaliser les formes de représentation européenne. Dans une fédération, chaque composante conserve les particularités de sa vie politique. Le meilleur exemple en est le Canada. Les listes communes accentueront l'éloignement de l'électeur et favoriseront le regroupement d'apparatchiks.
J'ai tenu la plume lorsque l'on a modifié le statut du PSE pour que le candidat à la présidence de la Commission soit désigné par accord entre les partis contribuant à des listes convergentes. Nous avons d'ailleurs été surpris que le PPE nous suive. Cette évolution n'a pas imposé de modification du traité car, dans sa perspective, ce ne sont pas les résultats électoraux qui valident la désignation d'un candidat. C'est heureux : ces résultats ne sont pas toujours interprétables, ils recensent en réalité les gens qui s'inscrivent dans un groupe politique au moment de la constitution du Parlement européen, avec tout ce que cela comporte de manoeuvres opportunistes.
Le Conseil européen joue un rôle décisif dans la désignation du président de la Commission. Le Parlement européen, même s'il le désire ardemment, n'a pas à le contester, à moins de tomber dans l'autocaricature en allant contre les traités.
Quant à la sélection des candidats, elle pose un problème de légitimité. Quand nous avons modifié les statuts du PSE, nous avions veillé à tenir compte des traditions nationales. Les socialistes français voulaient une primaire ; les Britanniques, une sélection par le Conseil national du parti ; les Allemands, une consultation des adhérents du parti. Il a fallu trouver une solution respectant les lois de chaque pays. La Constitution française prévoit ainsi que les partis s'administrent librement, avec parfois les conséquences funestes que l'on sait... En instaurant des procédures internes à des partis unifiés à l'échelle européenne, nous perdrions le contact avec la réalité politique des États membres.
Enfin, la Nouvelle-Calédonie est la seule collectivité d'outre-mer française qui détient formellement le pouvoir législatif. Les autres disposent d'un pouvoir normatif encadré par la loi. Certains territoires sont représentés au Parlement européen alors que l'essentiel des dispositions qui y sont votées ne les concernent pas. C'est paradoxal. Traditionnellement, la représentation des départements d'outre-mer ou des collectivités d'outre-mer au Parlement européen est concentrée sur les plus peuplés.