Intervention de Patricia Schillinger

Commission des affaires européennes — Réunion du 12 janvier 2017 à 9h05
Questions sociales et santé — Perturbateurs endocriniens : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mme patricia schillinger et m. alain vasselle

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Le système hormonal ou système endocrinien permet de réguler le développement et le fonctionnement de l'organisme. Différentes glandes telles que la glande thyroïde ou les glandes génitales sécrètent une hormone qui se fixe à un récepteur et déclenche une réaction d'un organe tiers ou l'expression d'un gène.

Les perturbateurs endocriniens altèrent le fonctionnement du système hormonal et empêchent que l'organisme ne réponde de manière adéquate. On les retrouve partout autour de nous - il est donc difficile de s'en prémunir - : dans la nourriture et l'eau potable par le biais des pesticides et des contenants alimentaires mais aussi dans l'air que l'on respire où ils sont propagés lors de l'utilisation des pesticides et des biocides. Ils sont également présents dans certains médicaments et dans les produits cosmétiques. Les plus connus du grand public sont les phtalates, que l'on retrouve dans la matière plastique, et le bisphénol, présent notamment dans les biberons et les revêtements intérieurs des boîtes de conserve.

Parmi plusieurs études scientifiques qui ont mis en évidence les dangers des perturbateurs endocriniens, une étude américaine publiée le 17 juin 2015 a suivi pendant plusieurs décennies des enfants dont les mères avaient été exposées au DDT - un pesticide dont la substance active est un perturbateur endocrinien utilisé dans les années cinquante et soixante et interdit depuis. Cette étude a montré une multiplication des cancers du sein chez les filles et des cancers des testicules chez les garçons directement imputables à l'exposition au DDT. En outre, d'autres études recensent des cas plus nombreux de puberté précoce chez les jeunes filles et de malformation génitale chez les garçons, ainsi qu'une baisse du nombre de spermatozoïdes chez les hommes. De même, les cas de diabète de type 2, d'obésité et d'autisme recensés sont en hausse.

De nombreux indices mettent en cause la responsabilité des perturbateurs endocriniens, mais leur mode d'action ne permet pas toujours d'établir un lien de causalité entre la perturbation endocrinienne et la maladie. En effet, leur mode d'action diffère de celui des autres substances toxiques, pour lesquelles la dose fait le poison : plus la dose est forte, plus l'effet toxique observable est élevé. Toute substance dont il est impossible de trouver une dose maximale sans effet toxique observable est interdite.

Selon la Société internationale d'endocrinologie, les perturbateurs endocriniens n'ont pas directement d'effet néfaste sur une cellule ou un organe, ce qui génère un temps de latence qui rend l'effet indésirable plus difficile à détecter. De plus, ce n'est pas la dose qui fait le poison mais la période d'exposition : le danger est ainsi plus grand pour les femmes enceintes et les enfants de moins de trois ans. En outre, ils peuvent agir selon une relation dose-réponse non linéaire avec des effets à faibles doses plus importants qu'avec des doses plus élevées. Enfin, les effets peuvent se transmettre à la descendance et la multitude des perturbateurs endocriniens entraîne un effet cocktail difficile à analyser.

Compte tenu de ces éléments, il est difficile de considérer les perturbateurs endocriniens comme les autres substances toxiques, et ce malgré les contestations des toxicologues.

Aujourd'hui, la réglementation européenne n'est pas adaptée pour répondre aux enjeux de santé publique que pose l'utilisation de perturbateurs endocriniens. D'une part, les réglementations transversales comme REACH (Enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques), qui permet l'enregistrement des substances chimiques utilisées par les industriels, ou CLP (Classification, étiquetage et emballage des substances chimiques et de leurs mélanges), qui crée un système d'étiquetage permettant d'informer les utilisateurs, ne prennent pas en compte les caractéristiques particulières des perturbateurs endocriniens. D'autre part, parmi les règlements sectoriels, seuls un règlement du 21 octobre 2009 relatif aux produits phytopharmaceutiques et un règlement du 22 mai 2012 relatif aux produits biocides prévoient que les substances reconnues comme perturbateurs endocriniens ne sont pas autorisées.

Ces deux règlements prévoient également que, au plus tard en décembre 2013, la Commission européenne présente un acte d'exécution dans le cas des produits phytopharmaceutiques et un acte délégué dans le cas des biocides pour déterminer les critères permettant l'identification d'un perturbateur endocrinien. Aucune proposition de définition n'ayant été présentée, une action en carence a été intentée contre la Commission européenne par la Suède, rejointe par la France, les Pays-Bas, la Finlande et le Danemark, mais aussi par le Conseil et le Parlement européen, le 4 juillet 2014. Le Tribunal de l'Union européenne a alors condamné le 16 décembre 2015 la Commission pour ne pas avoir proposé dans le délai imparti une définition des critères d'identification des perturbateurs endocriniens. La Commission a finalement présenté ces critères d'identification le 15 juin 2016.

Le choix de recourir à un acte d'exécution et à un acte délégué respectivement sur la base du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques et du règlement relatif aux produits biocides appelle trois critiques : les critères d'identification d'un perturbateur endocrinien quel que soit le produit dans lequel il est utilisé ne peuvent pas être définis, ce qui est regrettable notamment dans le cas des produits cosmétiques appliqués sur la peau. En outre, les dispositions prévoyant déjà l'évaluation des substances actives et l'interdiction de celles identifiées comme des perturbateurs endocriniens sauf dérogation particulière ne pourront pas être modifiées faute de mandat de la Commission. Enfin, le Conseil ou le Parlement européen ne pourront qu'opposer leur veto aux propositions de la Commission, mais pas les amender.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion