Intervention de Nicole Bonnefoy

Réunion du 21 février 2017 à 14h30
Économie circulaire : un gisement de matières premières et d'emploi — Débat organisé à la demande du groupe écologiste

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la transition vers une économie circulaire vise à dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter, en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires, ainsi que, par ordre de priorité, à la prévention de la production de déchets, notamment par le réemploi des produits, et, suivant la hiérarchie des modes de traitement des déchets, à une réutilisation, à un recyclage ou, à défaut, à une valorisation des déchets.

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, en son article 70, a ainsi défini l’économie circulaire, et l’a fait entrer pour la première fois dans notre droit.

L’économie capitaliste intensive, bâtie sur le cycle linéaire « extraction, production, consommation, rejet », n’est en effet plus soutenable.

Il n’est pas nécessaire de s’étendre longuement sur le diagnostic de l’épuisement de nos ressources, de l’augmentation des pollutions diverses issues du modèle de production dominant et des conséquences néfastes qui affectent l’environnement, la biodiversité et le climat. Nous le connaissons, et nous le partageons.

Toutefois, il demeure souvent utile de faire un détour et de rappeler ce point : cette économie fondée sur l’émission d’externalités négatives est source d’injustice, puisqu’elle conduit essentiellement à une privatisation des profits et à une diffusion communément subie des conséquences sanitaires et environnementales. Les coûts induits de la pollution de l’eau, de l’air et des sols, des émissions de gaz à effet de serre et des atteintes multiples à la biodiversité, occasionnés par l’agriculture intensive, la surexploitation des ressources halieutiques ou forestières, la production d’énergie carbonée sont ainsi partagés par toute la société.

L’économie circulaire propose une sortie de ce cycle, en vue d’un retour à un cycle plus fermé, minimisant la consommation de ressources et les rejets associés par l’optimisation de l’utilisation des matières premières, l’augmentation de la durée de vie des produits et la limitation des pertes induites en ressources. Cette évolution doit conduire à découpler la consommation des ressources et l’émission de rejets et d’externalités du volume d’activité économique.

La transition vers une économie circulaire implique des réallocations sectorielles entre les activités intensives en matières et celles qui contribuent à les économiser. Cela concerne l’approvisionnement durable, l’écoconception des produits, les progrès de la productivité matière et de l’efficacité énergétique, l’utilisation d’énergies ou de matériaux renouvelables moins polluants, l’agriculture biologique et l’agro-écologie plus économes en sols, les technologies environnementales réduisant les risques de pollution.

Plus simplement, la sobriété se retrouve également dans la réparation des produits, l’extension de leur cycle de vie par le recours à l’occasion, le partage et la location, qui diminuent le nombre de biens à produire.

Le développement de l’économie du partage facilite cette évolution de l’économie et est aujourd’hui fortement créateur d’emplois.

L’« ubérisation » de l’économie constitue d’ores et déjà un fort gisement d’emplois, mais il est indispensable d’aborder pleinement, et au plus vite, les problématiques qui en découlent en termes de qualité d’emplois. Celles-ci relèvent, en effet, de la précarisation accélérée des jeunes générations et de la polarisation exponentielle des ressources au bénéfice de quelques plateformes détentrices de rentes de situation.

Dans sa note d’analyse d’avril 2016, France Stratégie souligne que la production moyenne de déchets par habitant est supérieure à la moyenne des pays de l’Union européenne et qu’une marge de progression importante existe pour aboutir à un taux plus important de valorisation par le recyclage de la matière et la récupération d’énergie.

Au sein de notre système mondial d’échanges, de plus en plus intégré et productif, notamment depuis les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, avec la montée en puissance du marché unique européen et des accords commerciaux impulsés par l’Organisation mondiale du commerce, le secteur secondaire de notre économie, comme celui de plusieurs pays dits « développés », souffre de nombreuses pertes d’emploi, qui ne sont qu’en partie compensées par un accroissement du secteur tertiaire.

Dans ce contexte, le recours aux circuits courts est à même de redynamiser notre économie affectée par les délocalisations, de constituer un gisement d’emplois et de requalifications. De plus, le moindre recours aux importations que suppose la relocalisation de la production de biens conduit à une réduction induite des émissions de gaz à effet de serre et autres polluants.

Depuis 2012, le Gouvernement a souhaité accélérer l’engagement du pays dans la voie de l’excellence environnementale et de l’économie circulaire, via des initiatives telles que l’appel à projets « territoires zéro déchet zéro gaspillage » ou le lancement d’un nouveau programme de prévention des déchets pour la période 2014-2020, prévoyant la mise en place d’actions concrètes pour réduire notre production de déchets et promouvoir leur réemploi et leur recyclage.

Surtout, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a été une occasion réussie d’introduire de nombreux objectifs et dispositifs à l’horizon de dix ans. La réduction de 10 % des déchets ménagers et assimilés, la lutte contre l’obsolescence programmée des produits manufacturés grâce à l’information des consommateurs, l’augmentation de la part de déchets valorisés ou la réduction de 50 % des quantités de produits manufacturés non recyclables avant 2020 sont autant d’objectifs à même d’encourager le développement de l’économie circulaire en France.

La réduction du recours aux sacs et emballages en plastique, le renforcement du principe de proximité et d’autosuffisance en matière de gestion des déchets ou la mise en place d’incitations financières par les éco-organismes pour la prévention des déchets et leur gestion à proximité des lieux de production sont parmi les mesures concrètes qui complètent ce train d’objectifs.

C’est là une avancée significative, qui devra nécessairement être amplifiée par les futurs gouvernements et parlementaires de la législature à venir.

Aussi, mes chers collègues, je vous remercie les uns et les autres pour le travail que nous avons su mener, ici, ensemble, tout en rappelant, bien sûr, qu’il reste encore beaucoup à faire sur le sujet.

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