Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer notre collègue Aline Archimbaud, auteur de la proposition de résolution qui nous réunit aujourd’hui. Pour des raisons indépendantes de sa volonté, elle ne pourra pas être présente parmi nous pour défendre son texte. Je ne puis qu’imaginer sa déception, tant elle s’est battue sur les questions de santé environnementale depuis son élection.
Pour ma part, j’ai mené, depuis 2011, de nombreux combats au sein de la commission des lois pour que soient toujours protégés libertés individuelles et droits fondamentaux.
Ce qui nous réunit aujourd’hui n’est finalement pas si différent. Il s’agit de permettre à nos concitoyens d’être dûment informés des substances auxquelles ils sont exposés et de protéger la santé de toutes et tous, notamment des plus fragiles et des plus vulnérables.
Cela a été rappelé, en particulier dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution, les perturbateurs endocriniens sont, selon la définition de l’Académie de médecine, des substances ou des mélanges exogènes qui modifient le fonctionnement du système endocrinien et provoquent des effets sanitaires nocifs dans un organisme intact et sa descendance. Ils sont suspectés de provoquer des cancers hormono-dépendants, d’être reprotoxiques, d’avoir des effets néfastes sur la thyroïde, sur le développement neurologique, sur le métabolisme et sur le système cardiovasculaire.
À la lecture de cette liste, on ne peut que percevoir l’immense enjeu de santé publique que constituent les perturbateurs endocriniens.
Le constat est alarmant : malgré l’annonce par l’Union européenne, en 1999, du lancement d’une stratégie commune sur les perturbateurs endocriniens, trop peu a été fait pour agir vraiment contre ce qui pourrait devenir l’une des plus grandes crises sanitaires de notre époque.
Bien sûr, l’inlassable action des lobbies industriels, notamment au niveau européen, est à combattre avec la plus grande énergie. Toutefois, d’autres perspectives concrètes peuvent, et doivent, être le plus rapidement possible, tracées.
Il est ainsi indispensable que la recherche universitaire sur les effets sanitaires des perturbateurs endocriniens soit plus amplement développée. Il faudrait, dès le doctorat, allouer d’importants moyens financiers et humains à la recherche publique, afin de lutter contre la désinformation propagée par les « marchands de doute » et de garantir que les décisions en matière de politique de santé publique puissent être prises en toute indépendance.
Il est également capital que les mécanismes de contrôle de la réglementation en vigueur soient efficaces ; pour ce faire, des moyens considérables sont derechef nécessaires. En effet, aussi insuffisante que soit la réglementation en la matière, il est indispensable qu’elle soit appliquée dans les faits. Il est tout à fait scandaleux que du bisphénol A, pourtant interdit en France depuis 2015, puisse être trouvé dans certaines canettes et boîtes de conserve ; telle est pourtant la conclusion d’une enquête de l’association Santé Environnement France.
De tels investissements sont indispensables pour l’avenir. Rappelons-le : les femmes enceintes et les jeunes enfants sont les premières victimes des perturbateurs endocriniens. À ce titre, les propositions formulées par le Réseau environnement santé en vue de l’élection présidentielle sont tout à fait intéressantes.
Les médecines de prévention, notamment la médecine scolaire et la protection maternelle et infantile, doivent être repensées pour faire face aux enjeux actuels, afin « qu’aucun bébé ne naisse prépollué ». Dans le même sens, la création d’un « chèque bio », qui favoriserait l’accès des femmes enceintes à l’alimentation biologique, constituerait sans doute une avancée.
Enfin, certaines mesures pourraient d’ores et déjà, sans attendre les avancées européennes, être mises en place en France : par exemple, l’interdiction de pulvériser des produits phytosanitaires, qui sont bien souvent des perturbateurs endocriniens, aux abords des zones d’habitation et des écoles. Les initiatives prises par les professionnels de la petite enfance pour faire des crèches et des lieux de garde des lieux exempts de substances toxiques devraient être encouragées. La formation et la sensibilisation des personnes travaillant au plus près des petits enfants devraient être des priorités.
Il ne s’agit pas ici d’hygiénisme ni d’une application exagérée du principe de précaution ; il s’agit plutôt, mes chers collègues, d’encourager l’élaboration d’une véritable politique de santé publique afin d’informer nos concitoyens, de soutenir les initiatives positives en la matière et, surtout, de protéger les générations à venir.