Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat est connu depuis longtemps et devient véritablement alarmant : l’accès à un médecin généraliste ou spécialiste est, sur certains territoires, de plus en plus difficile.
Cela résulte de deux phénomènes : d’une part, les départs à la retraite de nombreux professionnels de la génération du baby-boom sans que l’assouplissement du numerus clausus ait encore pleinement produit ses effets – à titre d’exemple, en 2015, deux tiers des médecins généralistes de la ville de Sens avaient plus de 55 ans – ; d’autre part, la mauvaise répartition géographique des professionnels sur le territoire national – dans l’Yonne, le problème touche d’ailleurs non pas seulement les zones rurales comme le Gâtinais, la Puisaye ou le Tonnerrois, mais aussi de plus en plus de villes moyennes comme Sens ou Auxerre.
Les gouvernements successifs ont tenté de prendre des mesures incitatives dont on peut dire, sans faire injure à personne, que les résultats ont été partiels et parcellaires.
Ainsi, dans l’Yonne, la densité médicale des généralistes a chuté entre 2010 et 2015 de 91 médecins pour 100 000 habitants à 79, alors que la moyenne nationale s’établissait à 105… Et Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, nous disait encore tout à l’heure que la situation allait continuer d’évoluer négativement sur un certain nombre de territoires pour atteindre une « dimension critique ».
De plus, l’allongement de la durée de la vie et le vieillissement de la population vont conduire à des besoins croissants.
C’est pourquoi je suis convaincu que, au-delà des mesures « rustines », ou plutôt « pansements », en l’occurrence, il est indispensable de repenser l’ensemble de la chaîne de santé et les missions des différentes professions médicales et paramédicales.
Il s’agit non pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais plutôt de tirer tout le monde vers le haut – professions médicales et paramédicales –, que ce soit au sein de chacune de ces différentes professions ou entre elles.
Alors que la télémédecine va enfin se développer de façon plus importante et que, demain, l’intelligence artificielle apportera aussi des réponses et des solutions, il est largement temps de sortir des querelles de pré carré.
Dès lors que le médecin continue de superviser les soins et qu’il est rémunéré pour cela, il n’est en rien infamant, pour aucun des acteurs, que certaines missions puissent être réalisées par des professionnels paramédicaux, d’autant que le développement des regroupements et de la coordination rend possibles ces évolutions.
Sinon, faute d’ophtalmologistes, faut-il se résoudre à des délais de plusieurs mois ? En la matière, on voit bien que la clé est plutôt à chercher dans une meilleure articulation avec les orthoptistes.
Autre exemple : faute d’aides-soignantes, des aides à domicile, comme celles des UNA – union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles – ou des ADMR – aide à domicile en milieu rural –, doivent-elles être condamnées à réaliser des gestes techniques qu’elles ne sont pas autorisées à faire, mais sans lesquels elles laisseraient des personnes dans une forme d’indignité ?
Oui, la loi HPST comme le pacte territoire-santé comportent des embryons de démarche en ce sens : protocoles nationaux de coopération, adaptés par les acteurs locaux ; suivi des malades par les infirmiers.
Mais que faire pour aller plus vite et plus loin demain ? On entend dire que l’avenir est à la prévention ; les professions paramédicales y joueront certainement un rôle majeur.
Certains de nos voisins sont allés très loin dans le transfert de certaines activités médicales. Je pense à la Grande-Bretagne, où les infirmières interviennent dans le dépistage, les bilans de santé ou le suivi des malades chroniques.
Je conviens que comparaison n’est pas raison ! Chaque système a son histoire et ses spécificités, mais il existe tout de même des marges de manœuvre, en France, pour réorganiser les facultés d’intervention des uns et des autres.
Voilà quelques années, le rapport Berland proposait de décloisonner le système français et de créer une profession intermédiaire. Les qualifications en pratiques avancées vont dans ce sens, mais ce processus doit être enrichi par des ajustements apportés aux formations initiales, la création de meilleures passerelles et le renforcement de la formation continue.
Enfin, je serais incomplet si je n’évoquais pas la nécessaire évolution des règlements d’intervention des ARS dans le cadre de l’accompagnement financier des maisons de santé. Aujourd’hui, des professionnels qui défendent un projet privé ne peuvent pas être aidés. J’ai connu cette situation à Saint-Valérien, où les masseurs-kinésithérapeutes qui en étaient à l’origine n’ont reçu aucun soutien financier de l’ARS, alors que le projet se situait en zone sous-dense.
Or de telles infrastructures constituent des éléments clés et, madame la secrétaire d’État, vous pouvez agir dès demain sur les ARS pour aider les professionnels paramédicaux qui proposent des projets structurants. Ce ne serait qu’une signature pour vous, mais un grand pas pour les patients et les professionnels ! Je vous remercie et ils vous remercient !