Intervention de Nathalie Goulet

Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France — Réunion du 23 juin 2016 à 10h35
Examen de l'avant-projet de rapport

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet, rapporteur :

La formation des imams, deuxième point de notre rapport, est un sujet crucial. La « religion des imams », dans son versant sunnite, majoritaire, se fonde sur l'absence de clergé constitué. L'Islam sunnite est une religion du sacerdoce universel. Cependant, ainsi que l'a souligné la chercheuse Solenne Jouanneau lors de nos auditions, l'imam autoproclamé n'existe pas, puisque l'imam est, par définition, choisi par sa communauté de fidèles. Contrairement à ce que l'on entend ici et là, si n'importe quel fidèle peut devenir imam, tout imam ne l'est que par désignation de sa communauté, généralement parce qu'il est jugé le plus savant. Néanmoins, si l'imam autoproclamé est un mythe, l'imam salafiste n'en est pas un. L'imam Rachid Abou Houdeyfa, qui exerce dans une petite mosquée de Brest, est un exemple de ces imams désignés par une communauté radicale, réduite en nombre, qui prennent appui sur ce statut pour diffuser des propos radicaux sur internet et les réseaux sociaux. Ceci pour dire que le caractère universel du sacerdoce dans l'Islam sunnite ne saurait remettre en question l'exigence d'un encadrement formé, maîtrisant non seulement la théologie musulmane mais le contexte français. J'espère que les membres de notre mission adhèreront à nos développements sur ce point essentiel.

Les statuts des ministres du culte sont divers. Les imams détachés, tout d'abord, constituent un palliatif qui renforce les pays d'origine. Ces imams étrangers sont financés par les pays étrangers, par la voie de détachement de fonctionnaires, dans le cadre d'accords bilatéraux - dont vous aurez copie au rapport - qui constituent à mon sens la violation la plus manifeste de la loi de 1905 : de tels accords entre l'État français et un État étranger, sur un sujet relevant pleinement de l'organisation du culte, n'ont pas lieu d'être. D'après les informations du ministère de l'Intérieur, 150 imams sont envoyés par la Turquie, sous l'appellation d'assistants sociaux, 120 par l'Algérie et 30 par le Maroc. Au total, ce sont 301 imams, sur quelque 2 500 lieux de culte, qui sont financés par les États étrangers. La France n'est au reste pas le seul pays concerné : en Allemagne, l'État turc finance environ 970 imams.

Cette pratique illustre ce que nous avons appelé la double sincérité du discours officiel. Vos rapporteurs se sont interrogés sur la nature juridique et la teneur de ces accords, dont ils ont obtenu communication : il existe, en l'espèce, trois déclarations d'intention bilatérales non soumises à approbation ou ratification du Parlement, encadrant la coopération dans plusieurs domaines en lien avec le culte musulman.

L'idée directrice qui sous-tend ces conventions est qu'en privilégiant le recrutement d'imams sélectionnés et formés dans ces pays selon des canons stricts, la France sera mieux à même de prévenir certaines dérives, car en contrepartie, les imams étrangers invités dans ce cadre à exercer sur le territoire national sont soumis à un certain nombre d'exigences - en matière d'apprentissage du français, notamment - qui conditionnent l'octroi et le renouvellement de leur visa.

Au-delà de dispositions techniques assez classiques, la déclaration d'intention conclue avec l'Algérie va même plus loin, les signataires déclarant souhaiter « accompagner l'émergence en France d'une pratique religieuse musulmane conforme aux valeurs de la République et respectant le principe de la laïcité et de la citoyenneté ».

Nous avons constaté, grâce à l'audition des ambassadeurs des pays concernés, que le Maroc alloue une enveloppe s'élevant, en 2016, à 6 millions d'euros, et l'Algérie, autour de 4 millions d'euros, consacrés à la formation de ces imams.

Si ces accords de coopération apportent sans doute un appui utile au culte musulman en France, ils entretiennent néanmoins un doute sur la position française.

Des constatations que nous avons pu effectuer, il ressort que ces imams ne maîtrisent généralement pas la langue française. Et leur présence contribue à pérenniser l'influence, sur le culte musulman en France, de pays étrangers, que l'on entend pourtant atténuer.

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