Intervention de François Baroin

Réunion du 18 novembre 2010 à 11h00
Loi de finances pour 2011 — Discussion d'un projet de loi

François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur, avec Christine Lagarde, de vous présenter le projet de loi de finances pour 2011, approuvé hier par l’Assemblée nationale.

Compte tenu de l’état de ma voix, je vous demande un peu d’indulgence à mon égard. Au demeurant, cela n’a rien à voir avec la séance d’hier à l’Assemblée nationale, qui s’inscrivait pleinement dans l’application du règlement de cette assemblée, lequel autorise le Gouvernement à solliciter une seconde délibération.

En matière de finances publiques nationales et, plus généralement, européennes, il y a un avant-crise et un après-crise. Incontestablement, la crise économique aura eu un effet important sur l’état de nos finances publiques. Le transfert de dettes de la sphère privée vers la sphère publique, la crise grecque, l’attaque menée cette année contre l’euro – Christine Lagarde évoquera certainement ce point au cours de son intervention – ont renforcé notre détermination à mener une politique vertueuse en matière de finances publiques.

Nous devons absolument réduire le déficit public de façon importante. La reprise sera d’autant plus pérenne qu’elle sera soutenue par le redressement de nos finances publiques.

Nos objectifs en matière de réduction du déficit nous ont conduits à effectuer des choix responsables, justes et équitables, comme nous le démontrerons au cours du débat devant la Haute Assemblée.

Je laisserai à Christine Lagarde le soin d’expliquer l’impact réel de la crise sur les caisses de l’État.

Je rappellerai simplement que, dans le cadre d’un effondrement des recettes fiscales, nous avons fait le choix courageux de ne pas augmenter les impôts afin de permettre aux amortisseurs sociaux de jouer leur rôle. Notre pays a pu ainsi traverser la crise le moins mal possible.

Je m’arrêterai quelques instants sur les objectifs définis dans ce projet de loi de finances en matière de réduction des déficits publics, ce qui me permettra de décrire la méthode retenue dans ce texte.

Pour l’année prochaine, la réduction du déficit de l’État sera de l’ordre de 60 milliards d’euros, soit près de 40 %. C’est une baisse historique. Parce qu’il tourne le dos à des années d’augmentation du budget de l’État, parce qu’il appelle un véritable changement des mentalités et des habitudes à l’égard de la dépense publique, le budget 2011 marquera l’histoire de nos finances publiques.

Cette réduction du déficit, ce dernier passant de près de 150 milliards d’euros à 92 milliards d’euros en 2011, s’explique par la combinaison de la maîtrise des dépenses, du redressement des recettes et de la fin de mesures exceptionnelles, tels le plan de relance de l’économie et les investissements d’avenir essentiellement.

Concernant le déficit public, nous nous sommes fixé un objectif intangible : passer de 7, 7 % du PIB en 2010 à 6 % en 2011. Une telle réduction ne s’est jamais vue non plus dans les cinquante dernières années. C’est un effort considérable.

Certains doutent de notre capacité à y parvenir. Nous nous efforcerons d’apporter tous les arguments contraires. J’aimerais rappeler que, voilà un an, on nous accusait déjà d’insincérité et d’irréalisme lorsque nous prévoyions une croissance de 0, 75 % et un déficit de 8, 5 % du PIB pour 2010. Pourtant, cette année, nous faisons davantage : 1, 6 % de croissance et 7, 7 % de déficit ! Ces chiffres montrent que la stratégie économique et financière mise en place depuis de nombreuses années est indiscutablement en train de produire ses fruits.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il n’est nul besoin de recourir aux grands auteurs de la pensée économique pour savoir que les déficits d’aujourd’hui sont les dettes de demain et les impôts d’après-demain. C’est bien la raison pour laquelle notre détermination en matière de réduction des déficits doit être sans faille et sans faiblesse, quels que soient les débats que nous pouvons avoir ici ou là. C’est un choix politique et c’est un choix économique. C’est également une question de souveraineté, comme l’a souvent rappelé le Premier ministre. Je crois qu’il est tout à fait en phase avec la réalité de ce que peuvent représenter ces déficits comme épée de Damoclès sur les générations actuelles et suivantes.

Concernant les axes définis pour réduire les déficits, sur lesquels nous allons engager le débat, deux possibilités s’offraient à nous : soit augmenter les impôts, soit réduire les dépenses, voire faire les deux, ce qui pourrait être tentant pour certains. Il est incontestable que, lorsque la dépense publique d’un pays représente plus de 56 % de sa richesse nationale, c’est l’axe prioritaire sur lequel il faut intervenir.

Le Gouvernement a écarté l’augmentation d’impôt pour deux raisons.

Il s’agit d’un engagement du Président de la République depuis 2007, et nous le tiendrons. Nous refusons cette facilité, d’autant qu’il existe, comme je le disais à l’instant, de véritables marges de manœuvre du côté de la baisse des dépenses publiques.

Il s’agit également d’un choix économique. La France a le triste privilège d’appartenir au peloton de tête mondial pour son niveau de prélèvements obligatoires. Ce serait donc irresponsable d’augmenter encore davantage ces prélèvements. Nous n’augmenterons donc ni l’impôt sur le revenu, ni l’impôt sur les sociétés, ni la TVA.

Notre pays détient également un record en termes de dépense publique. C’est l’un des niveaux les plus élevés au monde. Notre seul levier d’action pour réduire nos déficits est donc la maîtrise de la dépense dans la durée.

Les moyens de l’État feront l’objet d’une réduction en termes réels puisqu’ils seront stabilisés en valeur. L’inflation étant estimée à 1, 5 % en 2011, il s’agit d’une baisse réelle des dépenses de l’État. Cette stabilisation en valeur, hors dette et pensions qui sont des dépenses héritées du passé, est un premier axe de travail et d’action sur l’une des sources essentielles de dépense publique qu’est l’État. Nous travaillerons également sur les sources de dépenses que constituent la sécurité sociale et les collectivités locales.

Une telle diminution des dépenses est inédite dans l’histoire budgétaire de notre pays. Cette baisse n’est pas ponctuelle, et la règle du « zéro valeur » sera maintenue les années suivantes.

Comment, concrètement, allons-nous réduire les dépenses de l’État ? Nous allons jouer aussi bien sur les dépenses de fonctionnement que sur les dépenses d’intervention. Nous réduirons le train de vie de l’État à travers la première et la deuxième phase de la révision générale des politiques publiques. À titre d’exemple, je citerai la politique de réduction du parc automobile de l’État, la mise en place d’un service des achats de l’État, la mutualisation en matière de logistique et de services informatiques…

Nous poursuivrons la réduction des effectifs dans la fonction publique, qui a déjà permis de supprimer 100 000 postes depuis 2007. Nous avons opté pour un nombre de suppressions équivalent dans le budget triennal – 97 000 postes –, alors même que les départs en retraite commencent à être un peu moins importants.

Dans ce contexte, nous allons aussi poursuivre toutes les mesures d’économie additionnées les unes aux autres. Pour le ministre du budget, il y a non pas de petites économies, des économies symboliques, mais une addition d’efforts partagés à la mesure des moyens des uns et des autres.

La baisse des dépenses de l’État ne se fera pas à l’aveugle. Certains budgets seront préservés – je pense aux budgets de la justice, de l’enseignement supérieur et de la recherche, et de la sécurité intérieure – au sein même d’un budget contraint avec des choix à effectuer. Nous définissons des priorités en les mettant en lumière.

Pour la sécurité sociale, la réforme des retraites, la reprise de la dette sociale par la CADES et la maîtrise renforcée des dépenses, notamment celles de l’assurance maladie, permettront de maintenir la trajectoire fixée.

Nous prévoyons que l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, évoluera à un rythme historiquement bas : 2, 9 % en 2011 après 3 % en 2010. Pour la première fois depuis 1997, l’ONDAM a été respecté en 2010.

S’agissant des collectivités territoriales, je ne doute pas que nous aurons un débat utile et efficace sur ce sujet avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Il y aura une stabilisation en valeur des concours de l’État hors fonds de compensation de la TVA. C’était une demande des élus à laquelle le Gouvernement a répondu. Le FCTVA évoluera donc librement en fonction de l’investissement réalisé par les collectivités locales. La clause de revoyure de la réforme de la taxe professionnelle permettra d’assurer la péréquation horizontale, tout aussi nécessaire. En cela, le projet de loi de finances tire les conséquences de certaines de vos recommandations.

J’ajoute, enfin, que la structure de l’enveloppe des concours de l’État aux collectivités locales a été largement bouleversée du fait de plusieurs réformes : la réforme de la fiscalité locale ; l’instauration de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la cotisation foncière des entreprises en lieu et place de la taxe professionnelle ; la réforme du circuit des amendes de police.

Notre stratégie d’inflexion de la dépense repose ensuite sur la réduction des dépenses fiscales. Vous le savez, la réduction des niches sociales et fiscales devrait permettre un gain de 10 milliards d’euros. C’est bien supérieur à l’objectif de notre programme de stabilité qui fixait une réduction de 2 milliards d’euros par an pendant trois ans.

Travailler sur les niches, c’est encore travailler sur les dépenses. Nous pouvons avoir des débats sur tel ou tel point, mais réduire de 10 milliards d’euros les niches fiscales, c’est réduire de 10 milliards d’euros les dépenses de l’État sous forme d’exonération ou de crédit d’impôt.

Construire un budget revient donc naturellement à opérer des choix. Dans un souci d’équité, l’effort de maîtrise des dépenses sur les uns et les autres s’efforce, naturellement – je dis bien « naturellement » –, de protéger les publics les plus fragiles. Nous préservons le RSA dont la vocation est d’être un véritable « bouclier social » en favorisant l’activité et en luttant contre la pauvreté. Il continuera sa montée en puissance en 2011 et au cours des années suivantes.

S’agissant des niches fiscales et sociales, il a été décidé de supprimer celles qui bénéficiaient aux particuliers employeurs et aux structures agréées, et, en contrepartie, de préserver intégralement les avantages fiscaux. Je rappelle, concernant cette mesure qui a fait l’objet de débats, qu’elle ne touchera pas les publics les plus défavorisés. Je prends cet exemple car il est révélateur : voilà un dispositif qui bénéficiait d’avantages de nature fiscale et de nature sociale. Nous avons fait le choix de préserver les avantages fiscaux et de remettre en cause les avantages sociaux.

Je voudrais souligner un point important concernant la politique de réduction des niches fiscales. L’objectif est de protéger notre État-providence et notre politique de redistribution : 70 % des gains réalisés en réduisant les niches fiscales et sociales, soit près de 7 milliards d’euros, seront affectés aux organismes de sécurité sociale. Cela correspond évidemment à un souci de préservation d’un modèle auquel nous sommes très attachés. Ce dernier, pendant la crise que nous venons de traverser, a été mis en difficulté mais a aussi montré ses vertus. Il doit être réformé et protégé en termes d’endettement pour permettre aux générations suivantes de bénéficier des mêmes efforts de solidarité et de redistribution que ceux dont nous avons profité.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, nos choix s’inscrivent dans la continuité de notre stratégie mise en place depuis la crise. Ils sont intangibles et clairs : réduire le déficit public, baisser les dépenses publiques, ne pas augmenter les impôts. Ils montrent que nous protégeons les plus fragiles. Nos choix sont cohérents – nous avons en tout cas la faiblesse de le penser.

Ce budget est le socle sur lequel nous devons, après cette crise difficile, retrouver la croissance. Le Gouvernement propose une vision à long terme. Notre système fiscal est complexe et marqué par des particularités, et tout le monde s’accorde sur la nécessité de le réformer. Le Président de la République a proposé aux Français que le Gouvernement présente une réforme de la fiscalité du patrimoine par le biais d’un projet de loi de finances rectificative au printemps 2011. C’est un engagement qui a été pris et qui sera respecté. Ce sera un complément très précieux et très utile au projet de loi de finances pour 2011 et à la loi de programmation des finances publiques que vous avez d’ores et déjà votée. L’objectif de cette réforme est simple : avoir une fiscalité équitable, acceptable, acceptée par tous, et assurer une meilleure compétitivité de notre pays dans un contexte international très concurrentiel.

Nous aurons également un rendez-vous avec un collectif budgétaire assez dense. Il y sera question de la révision des valeurs locatives. Nous commencerons par les baux commerciaux. Nous traiterons également du soutien apporté aux conseils généraux des départements en difficulté.

Vous le voyez, les travaux de nature à réduire le déficit, à améliorer la compétitivité et à exprimer la solidarité de l’État vis-à-vis de nos partenaires comme les collectivités territoriales qui sont parfois dans la difficulté nous permettront de nous retrouver.

Je vous remercie encore de votre compréhension pour un souffle qui manque mais une voix qui ne me fera pas défaut longtemps, car je sais la qualité des débats qui nous attendent.

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