La séance est ouverte à onze heures cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mon rappel au règlement porte sur le droit d’amendement.
Il paraît nécessaire, avant d’entamer la discussion budgétaire, non seulement d’insister sur les prérogatives du Parlement, mais aussi de rappeler à l’ordre le Gouvernement. En effet, hier, à l’Assemblée nationale, ce dernier a une nouvelle fois bafoué le Parlement et méprisé les députés, y compris ceux de sa propre majorité.
En abusant de la pratique de la seconde délibération, qui aboutit de fait à un vote bloqué – il s’agissait de supprimer une quarantaine d’amendements adoptés par l’Assemblée nationale –, le Gouvernement, par l’entremise de François Baroin, ministre du budget, a une nouvelle fois eu recours à une procédure qui fait violence aux assemblées.
Cela intervient après le recours, ici même, au Sénat, à la procédure du vote bloqué lors de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites, et après les pressions inadmissibles, à la limite des pratiques républicaines, exercées sur les sénateurs pour qu’ils valident d’extrême justesse le projet de réforme des collectivités territoriales, si majoritairement contesté.
La preuve en est donc une nouvelle fois apportée, le Gouvernement considère que le débat parlementaire est inutile.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, à quoi bon entamer la discussion si nous savons que toute proposition, même mineure, sera retoquée par le Gouvernement ? À quoi bon mener le débat parlementaire ? Quel est désormais le sens de celui-ci ?
Nous demandons donc solennellement que le Gouvernement s’engage dès maintenant à prendre réellement en compte les travaux du Sénat.
Vous l’aurez bien sûr compris, ma démarche n’est pas partisane. Elle concerne le respect des assemblées, du principe de la séparation des pouvoirs et, tout simplement, de la démocratie parlementaire.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein d’un organisme extraparlementaire.
La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Jacques Pignard pour siéger, en tant que membre titulaire, au sein du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, en remplacement de M. Jean-Léonce Dupont.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
J’ai reçu aujourd’hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale.
Le projet de loi est imprimé sous le numéro 110, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances et pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.
J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2011 (n° 110), dont la commission des finances est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des affaires sociales et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur, avec Christine Lagarde, de vous présenter le projet de loi de finances pour 2011, approuvé hier par l’Assemblée nationale.
Compte tenu de l’état de ma voix, je vous demande un peu d’indulgence à mon égard. Au demeurant, cela n’a rien à voir avec la séance d’hier à l’Assemblée nationale, qui s’inscrivait pleinement dans l’application du règlement de cette assemblée, lequel autorise le Gouvernement à solliciter une seconde délibération.
En matière de finances publiques nationales et, plus généralement, européennes, il y a un avant-crise et un après-crise. Incontestablement, la crise économique aura eu un effet important sur l’état de nos finances publiques. Le transfert de dettes de la sphère privée vers la sphère publique, la crise grecque, l’attaque menée cette année contre l’euro – Christine Lagarde évoquera certainement ce point au cours de son intervention – ont renforcé notre détermination à mener une politique vertueuse en matière de finances publiques.
Nous devons absolument réduire le déficit public de façon importante. La reprise sera d’autant plus pérenne qu’elle sera soutenue par le redressement de nos finances publiques.
Nos objectifs en matière de réduction du déficit nous ont conduits à effectuer des choix responsables, justes et équitables, comme nous le démontrerons au cours du débat devant la Haute Assemblée.
Je laisserai à Christine Lagarde le soin d’expliquer l’impact réel de la crise sur les caisses de l’État.
Je rappellerai simplement que, dans le cadre d’un effondrement des recettes fiscales, nous avons fait le choix courageux de ne pas augmenter les impôts afin de permettre aux amortisseurs sociaux de jouer leur rôle. Notre pays a pu ainsi traverser la crise le moins mal possible.
Je m’arrêterai quelques instants sur les objectifs définis dans ce projet de loi de finances en matière de réduction des déficits publics, ce qui me permettra de décrire la méthode retenue dans ce texte.
Pour l’année prochaine, la réduction du déficit de l’État sera de l’ordre de 60 milliards d’euros, soit près de 40 %. C’est une baisse historique. Parce qu’il tourne le dos à des années d’augmentation du budget de l’État, parce qu’il appelle un véritable changement des mentalités et des habitudes à l’égard de la dépense publique, le budget 2011 marquera l’histoire de nos finances publiques.
Cette réduction du déficit, ce dernier passant de près de 150 milliards d’euros à 92 milliards d’euros en 2011, s’explique par la combinaison de la maîtrise des dépenses, du redressement des recettes et de la fin de mesures exceptionnelles, tels le plan de relance de l’économie et les investissements d’avenir essentiellement.
Concernant le déficit public, nous nous sommes fixé un objectif intangible : passer de 7, 7 % du PIB en 2010 à 6 % en 2011. Une telle réduction ne s’est jamais vue non plus dans les cinquante dernières années. C’est un effort considérable.
Certains doutent de notre capacité à y parvenir. Nous nous efforcerons d’apporter tous les arguments contraires. J’aimerais rappeler que, voilà un an, on nous accusait déjà d’insincérité et d’irréalisme lorsque nous prévoyions une croissance de 0, 75 % et un déficit de 8, 5 % du PIB pour 2010. Pourtant, cette année, nous faisons davantage : 1, 6 % de croissance et 7, 7 % de déficit ! Ces chiffres montrent que la stratégie économique et financière mise en place depuis de nombreuses années est indiscutablement en train de produire ses fruits.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il n’est nul besoin de recourir aux grands auteurs de la pensée économique pour savoir que les déficits d’aujourd’hui sont les dettes de demain et les impôts d’après-demain. C’est bien la raison pour laquelle notre détermination en matière de réduction des déficits doit être sans faille et sans faiblesse, quels que soient les débats que nous pouvons avoir ici ou là. C’est un choix politique et c’est un choix économique. C’est également une question de souveraineté, comme l’a souvent rappelé le Premier ministre. Je crois qu’il est tout à fait en phase avec la réalité de ce que peuvent représenter ces déficits comme épée de Damoclès sur les générations actuelles et suivantes.
Concernant les axes définis pour réduire les déficits, sur lesquels nous allons engager le débat, deux possibilités s’offraient à nous : soit augmenter les impôts, soit réduire les dépenses, voire faire les deux, ce qui pourrait être tentant pour certains. Il est incontestable que, lorsque la dépense publique d’un pays représente plus de 56 % de sa richesse nationale, c’est l’axe prioritaire sur lequel il faut intervenir.
Le Gouvernement a écarté l’augmentation d’impôt pour deux raisons.
Il s’agit d’un engagement du Président de la République depuis 2007, et nous le tiendrons. Nous refusons cette facilité, d’autant qu’il existe, comme je le disais à l’instant, de véritables marges de manœuvre du côté de la baisse des dépenses publiques.
Il s’agit également d’un choix économique. La France a le triste privilège d’appartenir au peloton de tête mondial pour son niveau de prélèvements obligatoires. Ce serait donc irresponsable d’augmenter encore davantage ces prélèvements. Nous n’augmenterons donc ni l’impôt sur le revenu, ni l’impôt sur les sociétés, ni la TVA.
Notre pays détient également un record en termes de dépense publique. C’est l’un des niveaux les plus élevés au monde. Notre seul levier d’action pour réduire nos déficits est donc la maîtrise de la dépense dans la durée.
Les moyens de l’État feront l’objet d’une réduction en termes réels puisqu’ils seront stabilisés en valeur. L’inflation étant estimée à 1, 5 % en 2011, il s’agit d’une baisse réelle des dépenses de l’État. Cette stabilisation en valeur, hors dette et pensions qui sont des dépenses héritées du passé, est un premier axe de travail et d’action sur l’une des sources essentielles de dépense publique qu’est l’État. Nous travaillerons également sur les sources de dépenses que constituent la sécurité sociale et les collectivités locales.
Une telle diminution des dépenses est inédite dans l’histoire budgétaire de notre pays. Cette baisse n’est pas ponctuelle, et la règle du « zéro valeur » sera maintenue les années suivantes.
Comment, concrètement, allons-nous réduire les dépenses de l’État ? Nous allons jouer aussi bien sur les dépenses de fonctionnement que sur les dépenses d’intervention. Nous réduirons le train de vie de l’État à travers la première et la deuxième phase de la révision générale des politiques publiques. À titre d’exemple, je citerai la politique de réduction du parc automobile de l’État, la mise en place d’un service des achats de l’État, la mutualisation en matière de logistique et de services informatiques…
Nous poursuivrons la réduction des effectifs dans la fonction publique, qui a déjà permis de supprimer 100 000 postes depuis 2007. Nous avons opté pour un nombre de suppressions équivalent dans le budget triennal – 97 000 postes –, alors même que les départs en retraite commencent à être un peu moins importants.
Dans ce contexte, nous allons aussi poursuivre toutes les mesures d’économie additionnées les unes aux autres. Pour le ministre du budget, il y a non pas de petites économies, des économies symboliques, mais une addition d’efforts partagés à la mesure des moyens des uns et des autres.
La baisse des dépenses de l’État ne se fera pas à l’aveugle. Certains budgets seront préservés – je pense aux budgets de la justice, de l’enseignement supérieur et de la recherche, et de la sécurité intérieure – au sein même d’un budget contraint avec des choix à effectuer. Nous définissons des priorités en les mettant en lumière.
Pour la sécurité sociale, la réforme des retraites, la reprise de la dette sociale par la CADES et la maîtrise renforcée des dépenses, notamment celles de l’assurance maladie, permettront de maintenir la trajectoire fixée.
Nous prévoyons que l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, évoluera à un rythme historiquement bas : 2, 9 % en 2011 après 3 % en 2010. Pour la première fois depuis 1997, l’ONDAM a été respecté en 2010.
S’agissant des collectivités territoriales, je ne doute pas que nous aurons un débat utile et efficace sur ce sujet avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Il y aura une stabilisation en valeur des concours de l’État hors fonds de compensation de la TVA. C’était une demande des élus à laquelle le Gouvernement a répondu. Le FCTVA évoluera donc librement en fonction de l’investissement réalisé par les collectivités locales. La clause de revoyure de la réforme de la taxe professionnelle permettra d’assurer la péréquation horizontale, tout aussi nécessaire. En cela, le projet de loi de finances tire les conséquences de certaines de vos recommandations.
J’ajoute, enfin, que la structure de l’enveloppe des concours de l’État aux collectivités locales a été largement bouleversée du fait de plusieurs réformes : la réforme de la fiscalité locale ; l’instauration de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la cotisation foncière des entreprises en lieu et place de la taxe professionnelle ; la réforme du circuit des amendes de police.
Notre stratégie d’inflexion de la dépense repose ensuite sur la réduction des dépenses fiscales. Vous le savez, la réduction des niches sociales et fiscales devrait permettre un gain de 10 milliards d’euros. C’est bien supérieur à l’objectif de notre programme de stabilité qui fixait une réduction de 2 milliards d’euros par an pendant trois ans.
Travailler sur les niches, c’est encore travailler sur les dépenses. Nous pouvons avoir des débats sur tel ou tel point, mais réduire de 10 milliards d’euros les niches fiscales, c’est réduire de 10 milliards d’euros les dépenses de l’État sous forme d’exonération ou de crédit d’impôt.
Construire un budget revient donc naturellement à opérer des choix. Dans un souci d’équité, l’effort de maîtrise des dépenses sur les uns et les autres s’efforce, naturellement – je dis bien « naturellement » –, de protéger les publics les plus fragiles. Nous préservons le RSA dont la vocation est d’être un véritable « bouclier social » en favorisant l’activité et en luttant contre la pauvreté. Il continuera sa montée en puissance en 2011 et au cours des années suivantes.
S’agissant des niches fiscales et sociales, il a été décidé de supprimer celles qui bénéficiaient aux particuliers employeurs et aux structures agréées, et, en contrepartie, de préserver intégralement les avantages fiscaux. Je rappelle, concernant cette mesure qui a fait l’objet de débats, qu’elle ne touchera pas les publics les plus défavorisés. Je prends cet exemple car il est révélateur : voilà un dispositif qui bénéficiait d’avantages de nature fiscale et de nature sociale. Nous avons fait le choix de préserver les avantages fiscaux et de remettre en cause les avantages sociaux.
Je voudrais souligner un point important concernant la politique de réduction des niches fiscales. L’objectif est de protéger notre État-providence et notre politique de redistribution : 70 % des gains réalisés en réduisant les niches fiscales et sociales, soit près de 7 milliards d’euros, seront affectés aux organismes de sécurité sociale. Cela correspond évidemment à un souci de préservation d’un modèle auquel nous sommes très attachés. Ce dernier, pendant la crise que nous venons de traverser, a été mis en difficulté mais a aussi montré ses vertus. Il doit être réformé et protégé en termes d’endettement pour permettre aux générations suivantes de bénéficier des mêmes efforts de solidarité et de redistribution que ceux dont nous avons profité.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, nos choix s’inscrivent dans la continuité de notre stratégie mise en place depuis la crise. Ils sont intangibles et clairs : réduire le déficit public, baisser les dépenses publiques, ne pas augmenter les impôts. Ils montrent que nous protégeons les plus fragiles. Nos choix sont cohérents – nous avons en tout cas la faiblesse de le penser.
Ce budget est le socle sur lequel nous devons, après cette crise difficile, retrouver la croissance. Le Gouvernement propose une vision à long terme. Notre système fiscal est complexe et marqué par des particularités, et tout le monde s’accorde sur la nécessité de le réformer. Le Président de la République a proposé aux Français que le Gouvernement présente une réforme de la fiscalité du patrimoine par le biais d’un projet de loi de finances rectificative au printemps 2011. C’est un engagement qui a été pris et qui sera respecté. Ce sera un complément très précieux et très utile au projet de loi de finances pour 2011 et à la loi de programmation des finances publiques que vous avez d’ores et déjà votée. L’objectif de cette réforme est simple : avoir une fiscalité équitable, acceptable, acceptée par tous, et assurer une meilleure compétitivité de notre pays dans un contexte international très concurrentiel.
Nous aurons également un rendez-vous avec un collectif budgétaire assez dense. Il y sera question de la révision des valeurs locatives. Nous commencerons par les baux commerciaux. Nous traiterons également du soutien apporté aux conseils généraux des départements en difficulté.
Vous le voyez, les travaux de nature à réduire le déficit, à améliorer la compétitivité et à exprimer la solidarité de l’État vis-à-vis de nos partenaires comme les collectivités territoriales qui sont parfois dans la difficulté nous permettront de nous retrouver.
Je vous remercie encore de votre compréhension pour un souffle qui manque mais une voix qui ne me fera pas défaut longtemps, car je sais la qualité des débats qui nous attendent.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j’organiserai mon propos tout d’abord autour de l’examen de la situation macroéconomique de la France et des atouts dont cette dernière dispose pour améliorer sa sortie de crise ; je me concentrerai ensuite sur trois objectifs majeurs qui sous-tendent l’articulation de ce projet de loi de finances pour 2011.
S’agissant de la situation macroéconomique actuelle de notre pays, la sortie de crise est très clairement d’ores et déjà avérée, comme le montrent les chiffres de la croissance aux deuxième et troisième trimestres. Au deuxième trimestre 2010, je vous le rappelle, la croissance du produit intérieur brut français a été de 0, 7 %, après 0, 2 % au premier trimestre. Au deuxième trimestre de 2010, pour la première fois depuis la crise de 2008, l’investissement des entreprises a progressé. Je rappelle que, pendant la période de crise, c’était le facteur de croissance qui s’était effondré le plus brutalement et le plus gravement.
Au troisième trimestre – les chiffres viennent de tomber –, la croissance a atteint 0, 4 %. C’est un chiffre qui consolide l’entrée dans l’après-crise et qui est intéressant car, si on l’examine attentivement, on s’aperçoit que la consommation a augmenté deux fois plus vite qu’au deuxième trimestre : elle est de 0, 6 % alors qu’elle était auparavant de 0, 3 %.
L’investissement des entreprises continue de progresser, même si ce n’est pas dans les mêmes proportions qu’au deuxième trimestre 2010. Nous avions alors eu un effet de base extrêmement important.
On s’aperçoit également – et c’est fort intéressant dans le contexte d’une des mesures que nous proposons dans ce projet de loi de finances – que les Français ont recommencé à investir dans le logement.
Je pense que la croissance du deuxième semestre 2010 sera au moins aussi bonne que celle du premier semestre 2010. En effet, les perspectives pour le quatrième trimestre 2010 sont bien orientées, comme l’indiquent la plupart des enquêtes de conjoncture.
La France est donc bien en sortie de crise, n’en déplaise aux oiseaux de mauvais augure. Je me souviens encore d’un certain nombre de commentaires critiquant la politique économique qui nous ont été adressés. À ceux qui disaient : « votre plan de relance est insuffisant », je réponds que nous avons injecté 45 milliards d’euros dans l’économie française entre 2009 et 2010, soit 2, 4 % du PIB, mesure qui a été jugée « appropriée » par le FMI. À ceux qui nous disaient : « les banques ont été privilégiées », je réponds simplement que, dans cette relance indispensable, nous devions réamorcer les circuits financiers, et que l’État français y gagne au passage 2, 4 milliards d’euros en intérêts sans avoir pris le moindre risque ; nous aurions certes pu prendre un risque nous offrant des potentialités de plus-values, mais c’était un risque.
À ceux qui nous reprochaient alors de ne pas soutenir suffisamment la consommation des ménages, moteur de la croissance française, qui nous invitaient à faire plus, je répondrai que, contrairement à ce qui s’est passé dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, la consommation des ménages n’a pas connu le moindre trimestre de baisse dans notre pays.
Grâce à notre politique économique et au plan de relance, la France a mieux traversé la crise que ses partenaires. Ainsi, alors que l’activité économique de l’Allemagne s’est effondrée de 4, 7 % en 2009, celle de la France n’a baissé que de 2, 6 %.
Nous avions dit que nous sortirions de la crise dès lors que l’économie française recommencerait à créer de l’emploi, lequel mobilise toute notre attention.
Depuis le début de cette année, la France a créé plus de 100 000 emplois nets, cependant que l’emploi salarié a rebondi au troisième trimestre – 44 600 postes créés, après 24 000 postes créés au deuxième trimestre de 2010. Nous avons d’ores et déjà dépassé l’objectif que nous nous étions assigné dans la loi de finances pour 2010, à savoir la création par l’économie française de 80 000 emplois. Nous sommes donc sur une tendance positive.
Plus généralement, le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, après avoir connu un pic à 9, 6 %, est maintenant redescendu à 9, 3 %. Ainsi, trimestre après trimestre, ce taux décroît dans notre pays.
Là encore, je me rappelle les incantations de certains, qui affirmaient que le taux de chômage atteindrait 11 % ; or les politiques que nous avons mises en place et la vigueur de nos entreprises nous ont permis de faire face à la crise.
Alors que nous sommes en train de sortir de la crise, que constatons-nous dans l’ensemble des économies des pays développés ?
D’abord, le chômage s’est accru dans l’ensemble de ces pays : il a augmenté non seulement dans les pays de la zone euro, mais aussi aux États-Unis, où le taux de chômage frise les 10 %, ce qui n’était pas arrivé depuis des décennies.
Ensuite, l’endettement public de la plupart des pays développés a crû, parfois dans des proportions très fortes : l’augmentation représente 40 points de produit intérieur brut aux États-Unis et 20 points en Europe. Cet endettement était évidemment nécessaire, parce que l’État était le seul à même de relancer la machine économique.
Enfin, le centre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé vers l’Est, et probablement vers le Sud. Si l’on en juge par les prévisions de croissance notamment pour la Chine, le Brésil ou la Russie, un certain nombre des pays émergents deviendront à terme les moteurs de l’économie mondiale.
Dans cette sortie de crise, la France dispose de six atouts pour lui permettre de rebondir.
Premièrement, sa demande intérieure, mesurée par la croissance de la consommation, est toujours restée positive et dynamique : elle ne s’est pas tarie sur un seul trimestre pendant la période de crise.
Deuxièmement, le territoire français reste attractif pour les investisseurs. La demande mondiale qui lui est adressée devrait croître de 11, 8 % en 2010 et de 7, 7 % en 2011.
Ce matin, j’assistais à la présentation par l’Agence française pour les investissements internationaux des chiffres des investissements étrangers en France : on comptabilise 639 nouveaux projets d’investissements, dont 62 % représentent une création nette de valeurs, ce qui est équivalent aux chiffres de 2007, c'est-à-dire avant le déclenchement de la crise.
Troisièmement, nous sommes parvenus à maîtriser l’inflation, qui a atteint 1, 5 % en 2010. C’est une bonne nouvelle à la fois pour notre économie – c’est un signe de stabilité – et pour le pouvoir d’achat des ménages, car une inflation faible et maîtrisée favorise la consommation.
Quatrièmement, la France a jusqu’à présent préservé sa signature d’émetteur souverain sur les marchés, ce qui lui permet de financer et de refinancer sa dette dans des conditions particulièrement favorables. Au-delà de nos sensibilités politiques, nous devons tous, collectivement, être très attentifs au maintien de la qualité de cette signature.
Cinquièmement, notre démographie est relativement favorable, avec le deuxième niveau de fécondité d’Europe. C’est un élément fondamental en science économique, l’un des seuls sur lesquels il soit possible d’établir des prévisions.
Enfin, sixièmement, notre croissance est bien orientée si on la compare avec celle des pays du pourtour méditerranéen. Nous tablons ainsi sur une progression du produit intérieur brut de 1, 5 % en 2010 – c’est acquis – et de 2 % en 2011.
J’entends déjà certains faire observer que notre prévision de croissance est supérieure, alors que la demande mondiale adressée à la France ne progressera que de 7, 7 % en 2011, contre environ 11 % en 2010. En fait, nous considérons qu’un certain nombre de réformes que nous avons engagées porteront leurs fruits, libéreront les énergies créatrices de valeur dans notre pays et nous permettront de répondre beaucoup plus efficacement qu’à ce jour à la demande intérieure.
J’en viens maintenant aux grandes priorités de ce projet de budget pour 2011 qu’a présenté à l’instant François Baroin.
La première priorité de notre politique économique, c’est l’emploi, bien sûr. En la matière, notre objectif est de ramener avant la fin de l’année 2012 le taux de chômage à ses niveaux d’avant-crise, avec une attention particulière portée aux jeunes et aux seniors, ce qui n’est pas antinomique.
Cet objectif est ambitieux, mais il peut être atteint. Ainsi, le retour aux créations d’emplois depuis le début de l’année 2010 et la baisse du taux de chômage nous conduisent à réviser à la hausse nos prévisions pour 2010-2011 : alors que nous tablions sur 80 000 créations d’emplois, ce sont finalement 100 000 emplois qui seront créés.
En octobre dernier, j’indiquais devant l’Assemblée nationale que cette estimation était prudente. Mon optimisme n’a pas été pris en défaut, car cet objectif a été dépassé dès le troisième trimestre.
La prévision du projet de loi de finances pour l’emploi total, soit plus 167 000 emplois non salariés et emplois aidés en 2010, sera donc sans aucun doute dépassée cette année.
Pour 2011, le redressement des créations d’emplois devrait se poursuivre avec plus 160 000 emplois dans le seul secteur marchand et plus 228 000 emplois au total, en incluant le secteur non marchand. Là encore, je considère, au vu des évolutions récentes constatées, que nos estimations peuvent être confortées. Je ne les révise pas par prudence, mais nous sommes tout à fait dans une prévision conservatrice.
Nous allons tout faire pour accentuer cette tendance, en jouant sur deux leviers.
Premièrement, nous allons nous mobiliser sur la formation professionnelle. Aux termes de la profonde réforme qui a été adoptée par le Parlement et qui entre en vigueur, la collecte des fonds sera rationalisée et l’offre de formation sera en meilleure adéquation avec les besoins de l’économie. Ce sera un grand chantier pour l’année 2011.
Deuxièmement, nous voulons soutenir les formations en alternance, en particulier l’apprentissage des jeunes, domaine dans lequel nous avons obtenu de bons résultats. Cet instrument a fait ses preuves, et c’est pourquoi nous allons poursuivre notre politique en la matière.
La deuxième priorité de notre politique économique, sur laquelle s’est exprimé François Baroin, est la résorption des déficits.
Pour de multiples raisons, à la fois politiques et économiques, nous poursuivrons avec vigueur et détermination la réduction des déficits.
Sur le plan politique, c’est une question de souveraineté nationale.
Il est indispensable que notre pays ne se retrouve pas à la merci de tel ou tel financeur ou refinanceur, victime de ses desiderata, par l’effet d’une dette qui serait devenue trop lourde à porter et dont nous ne pourrions assurer convenablement le remboursement.
C’est aussi une question de justice à l’égard des générations futures, car nous ne pouvons pas éternellement vivre à crédit et faire porter à ces dernières le poids de la dette.
Enfin, sur le plan de la politique économique, il est évidemment nécessaire de rétablir la confiance, notamment celle des agents économiques, afin que ces derniers ne constituent pas une épargne de précaution au motif d’une mauvaise gestion des finances publiques.
J’évoquais dernièrement ce sujet avec mon homologue allemand, alors que nous débattions des politiques de réduction tendancielle des déficits et de la dette.
Alors que nous sortons de la crise, après avoir légitimement creusé les déficits et accru notre endettement, nous devons en revenir à des méthodes de fonctionnement beaucoup plus raisonnables qui nous permettent d’atteindre les trois objectifs que je viens de mentionner. Nous devons le faire par une maîtrise stricte et durable des dépenses budgétaires de l’État et – nous l’espérons – des collectivités locales, et un effort sans précédent de réduction des dépenses fiscales et des niches sociales, comme vient de l’indiquer François Baroin.
Pour y parvenir, nous proposons dans ce projet de loi de finances une série de mesures courageuses : des mesures de financement de la réforme des retraites, auxquelles prendront part l’ensemble des acteurs, y compris les patrimoines les plus taxés puisque nous avons relevé d’un point l’impôt sur les hauts revenus et sur les revenus du capital, nonobstant le bouclier fiscal et l’application de toute autre mesure d’exonération ; des mesures de financement de la dette sociale, qui mettent à contribution principalement le secteur de l’assurance ; des mesures de réduction du déficit de l’État.
Parmi ces dernières mesures, je n’en citerai que trois.
Premièrement, nous avons décidé de réduire les avantages fiscaux en faveur de l’énergie photovoltaïque. Cette décision, parfaitement légitime, ne trahit aucune hostilité de la part de Bercy à l’égard du Grenelle de l’environnement et de la nécessaire politique en faveur de l’environnement et de la croissance durable ; simplement, nous avons considéré que les objectifs en la matière ont été atteints et qu’il n’est pas nécessaire, dans ces conditions, de maintenir des avantages fiscaux pouvant conduire à des excès et à des abus.
Deuxièmement, nous supprimons le régime de faveur accordé, par dérogation, aux offres dites triple play en matière de TVA, dont le coût, du fait de l’évolution technologique, a été multiplié par trente en quatre ans, passant de 27 millions d’euros en 2006 à 835 millions d’euros en 2010. Il était indispensable de recadrer cet avantage, justifié à l’époque où il avait été mis en place.
Troisièmement, nous avons procédé à la réduction homothétique – le « rabot » – de 10 % d’un ensemble de niches fiscales. Cette mesure n’est pas assimilable à une augmentation d’impôt dans la mesure où ce sont les contribuables qui ont délibérément « choisi » de profiter de ces niches.
Nous avons donc fait le choix de privilégier la réduction des dépenses fiscales par rapport à l’augmentation générale des impôts, que nous refusons. C’est une question d’efficacité économique et de justice.
À cet égard, le Gouvernement est bien évidemment sensible à la nécessité d’équilibrer l’effort entre les ménages, d’une part, et les entreprises, d’autre part. Ainsi, ces dernières contribueront à hauteur de 60 % à cet effort en 2011, et à plus de 50 % en 2012.
Notre troisième priorité, sur laquelle je m’attarderai un peu plus longuement, est la compétitivité de notre économie.
Dans un monde qui, comme je l’indiquais tout à l’heure, change fondamentalement avec l’apparition de multiples centres de gravité et l’émergence des nouveaux pôles de concurrence que sont les pays émergents, notre compétitivité dépend de la capacité de notre économie à se positionner en haut de la chaîne de valeur dans tous les secteurs d’activités et de notre aptitude à conserver sur le territoire français notamment des activités à haute valeur ajoutée, mais pas seulement : ainsi, les centres de recherche et développement peuvent nous permettre de nous maintenir en haut de cette chaîne, mais à condition qu’une base industrielle puisse nourrir leurs efforts dans ce domaine.
Vous le savez pour avoir beaucoup contribué à ces évolutions, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons pris, depuis 2007, un certain nombre de mesures dans le cadre de cette politique économique et fiscale destinée à améliorer notre compétitivité. Je me réfère là aux investissements d’avenir – le grand emprunt –, à la modification en profondeur de notre fiscalité locale, avec la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale, plus intelligente et ciblée sur l’encouragement du secteur industriel et des PME, et, évidemment, au crédit d’impôt recherche, sur lequel je reviendrai dans un instant.
Nous avons aussi intensifié notre politique de soutien à l’exportation. Les PME et les entreprises de taille intermédiaire doivent impérativement exporter plus. L’affirmer ne suffit pas, il faut aussi repositionner les acteurs publics soutenant l’exportation. Ainsi, nous avons profondément modifié Ubifrance pour en faire un acteur compétitif et efficace auprès des entreprises. Nous avons également modifié les instruments financiers d’aide à l’export, afin que nos entreprises soient en capacité d’affronter les marchés extérieurs et de s’y implanter.
Les mesures que nous vous proposons dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2011, centré sur la compétitivité des entreprises, visent à intensifier ces efforts de réforme structurelle, en agissant dans trois directions.
Le premier volet a trait aux mesures en faveur de l’investissement.
S’agissant de l’investissement immobilier des ménages, comme je l’indiquais tout à l’heure, les chiffres du troisième trimestre de 2010 démontrent que les ménages ont recommencé à investir dans la pierre.
Avec Benoist Apparu, nous avons refondu les trois régimes existants – le crédit d’impôt pour les intérêts d’emprunt, le dispositif du Pass-foncier prévoyant une taxe sur la valeur ajoutée à taux réduit pour la construction de certains logements, et le prêt à taux zéro – pour créer un nouveau prêt à taux zéro amélioré et simplifié, dont nous espérons qu’il sera moins coûteux budgétairement et plus efficace vis-à-vis des Français souhaitant continuer à investir dans l’immobilier.
S’agissant de l’investissement des entreprises et de sa dynamisation, nous avons engagé, d’abord avec Luc Chatel puis avec Christian Estrosi, un travail de concertation avec les entreprises dans le cadre des états généraux de l’industrie. Le but recherché est la détermination des dispositifs les plus efficaces pour soutenir l’investissement.
Nous avons parlé de la contribution économique territoriale, qui permet de mieux cibler les investissements que nous souhaitons solliciter. Mais, bien évidemment, nous trouvons parmi ces dispositifs le crédit d’impôt recherche, qui, de l’avis de tous les investisseurs étrangers, est l’un des facteurs majeurs d’attractivité du territoire français.
Vous connaissez le diagnostic, mesdames, messieurs les sénateurs : la France souffre d’une insuffisance de la recherche privée ; c’est l’effort de recherche et développement qui conditionne notre croissance à long terme ; l’enjeu est donc absolument stratégique pour notre pays, eu égard à la concurrence mondiale que j’évoquais tout à l’heure.
À ce stade de mon intervention, je voudrais donc plaider en faveur du crédit d’impôt recherche, qui, tant dans son architecture que dans ses effets, est probablement l’un des outils fiscaux de politique économique les mieux calibrés, examinés et analysés.
À cet égard, je tiens à saluer la préparation d’un certain nombre de rapports sur la question, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au sein de l’Inspection générale des finances ou de votre commission des finances. Je pense notamment, monsieur le président Arthuis, à l’excellent rapport de M. Christian Gaudin.
Dans tous ces rapports, on trouve sensiblement les mêmes cinq conclusions, que je voudrais rappeler brièvement.
La question est la suivante : cette mesure rapporte-t-elle gros ?
Nous disposons d’éléments de réponse sur ce point. J’insiste une nouvelle fois sur le fait que le crédit d’impôt recherche est l’un des rares outils fiscaux dont on mesure avec un peu de sérieux les effets. Mais ce n’est pas parce qu’on en mesure les effets qu’il faut impérativement décapiter le dispositif !
Première conclusion, un euro de crédit d’impôt recherche génère de un à trois euros de dépenses de recherche supplémentaires. À ceux qui dénoncent un effet d’aubaine, je réponds donc que ce n’est pas du tout le cas : les entreprises qui utilisent le crédit d’impôt recherche multiplient leurs investissements personnels.
Deuxième conclusion, un euro investi dans le crédit d'impôt recherche se traduit par une augmentation du produit intérieur brut de deux euros à l’horizon de quinze ans. Voilà pour le retour sur investissement !
Troisième conclusion, en 2008, première année d’application de la réforme du crédit d’impôt recherche, on a pu constater que les entreprises ont accru de 1, 5 milliard d’euros leur effort de recherche et développement.
Quatrième conclusion, la même année, c’est-à-dire en 2008, 3 000 entreprises supplémentaires sont entrées dans le dispositif ; 60 % d’entre elles n’avaient jamais mené de programme de recherche et développement auparavant.
Cinquième conclusion, pas moins de deux tiers de ces nouveaux bénéficiaires du crédit d'impôt recherche sont des petites et moyennes entreprises.
Je sais par avance, mesdames, messieurs les sénateurs, quels arguments vont m’être opposés : certains chiffres grandiloquents vont être évoqués. J’attire votre attention sur le fait qu’un certain nombre d’entre eux – les plus élevés, ceux que vous allez probablement utiliser dans vos argumentations – incluent le remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche au titre du plan de relance.
Je crois donc qu’il faut raison garder : la juste appréciation de la qualité et de la valeur d’un outil exige de bien mesurer et de bien comprendre quel est le risque, quel est le coût, quel est le retour sur investissement, et ce sans se focaliser sur une année de « dégorgement des tuyaux », si vous me permettez cette expression.
Nous avons eu, à l’Assemblée nationale, des débats nourris sur le sujet. Si je comprends la logique suivie par l’Assemblée nationale, qui a souhaité raboter quelque peu le crédit d'impôt recherche, je crois que nous devons être extrêmement vigilants à cet égard et ne pas considérer cet outil comme n’importe quel autre outil. Ce dispositif est très particulier et, de mon point de vue, extrêmement stratégique.
Mais je sais pouvoir faire confiance à la sagacité de la commission des finances et de la Haute Assemblée dans ce processus d’appréciation des effets du crédit d'impôt recherche et de l’utilité qu’il représente pour notre économie.
Le deuxième volet en matière de réforme structurelle concerne la taxe systémique sur les établissements financiers, la « taxe sur les banques » pour faire simple.
Ajoutée à la contribution au financement de la supervision du secteur bancaire, que nous avons mise en œuvre au début de l’année, et à la contribution exceptionnelle au Fonds de garantie des dépôts instaurée à la fin de l’année 2009, cette taxe portera la contribution des banques à un milliard d’euros en 2013.
Ce dispositif conforte très clairement la position de la France, à un moment où elle prend la présidence du G20 pour toute l’année 2011, pour inciter et encourager, dans une démarche quasi-kantienne, l’ensemble de ses partenaires à adopter le même type de pratiques. Aujourd’hui, ce n’est évidemment pas le cas, mais c’est un combat que nous mènerons aussi.
Enfin, j’en viens au troisième volet de l’effort de réforme structurelle.
J’honorerai bien entendu, au côté de François Baroin, l’engagement que nous avons pris dans l’article 76 de la loi de finances pour 2010, consistant à revenir devant la Haute Assemblée pour évoquer la réforme de la taxe professionnelle : ses effets ; les questions sensibles qu’elle soulève, notamment en matière de péréquation ; le volume, l’assiette et le taux de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, ou l’IFER. Ce rendez-vous me permettra de donner suite à l’excellente initiative qu’a prise votre président de la commission des finances d’organiser, à la fin du mois de septembre, un débat sur les conséquences et les effets de la réforme de la taxe professionnelle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les observations que je souhaitais faire, à titre liminaire, à l’aube de l’examen de ce budget.
Je tiens à remercier tout particulièrement la commission des finances, son président, son rapporteur général et tous ses membres, qui ont examiné avec beaucoup de patience et d’intelligence ce projet auquel nous allons consacrer tant de temps.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entrons dans le troisième stade de notre chronologie budgétaire d’automne.
Le premier stade est celui de la programmation des finances publiques – la trajectoire – : comment retrouver une situation raisonnable, alors que celle que nous connaissons aujourd’hui est encore très compromise ?
Le deuxième stade est celui du financement de la sécurité sociale. À cet égard, je voudrais rendre hommage à nos collègues de la commission des affaires sociales et à mon homologue Alain Vasselle, car le travail réalisé est très remarquable.
Le troisième stade est, si j’ose dire, celui de la « loi mère », la loi de finances.
Je vais m’efforcer de vous apporter quelques éléments de cadrage à ce sujet, en évoquant – dans l’ordre – la dette, le déficit, les recettes, les dépenses. Ma conclusion portera sur le dixième anniversaire d’un texte qui devait nous apporter le salut : la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dite LOLF.
Mais je voudrais dire, en introduction, toute la reconnaissance de la commission des finances aux deux ministres en charge de ces dossiers.
Je voudrais indiquer à M. le ministre du budget que nous l’écouterons aujourd’hui avec encore plus d’attention que d’habitude
Sourires.
Je voudrais en outre inscrire mon propos dans l’analyse de la situation macro-économique faite par Mme Christine Lagarde. Nous sommes bien dans une situation paradoxale, nous sommes bien en sortie de crise, mais un point doit plus particulièrement attirer notre attention : notre déficit de compétitivité ne cesse de se creuser.
Regardez les chiffres du troisième trimestre de l’année 2010, mes chers collègues : nous pouvons, en les observant, soit nous réjouir, soit nous désespérer.
Nous pouvons peut-être nous réjouir, car un taux de croissance de 0, 4 % du produit intérieur brut, la moyenne de la zone euro, est un bien meilleur résultat que celui que certaines Cassandre nous prédisaient.
Nous pouvons nous désespérer, ou au moins exprimer de fortes préoccupations, s’agissant de notre solde extérieur, car, dans cette période où la croissance redémarre, celui-ci ne cesse de se détériorer.
La consommation, quoi que certains disent sur ce point, se porte assez bien ; mais, au fur et à mesure qu’elle se relance, elle contribue à déséquilibrer davantage le solde extérieur.
On ne peut donc que souscrire aux propos de Mme Christine Lagarde, quand elle met l’accent sur la compétitivité et la préparation de l’avenir.
J’en viens à mon premier sujet, c’est-à-dire à la dette.
Le projet de loi de finances pour 2011 a simplement pour objectif de ralentir la progression de la dette. Quand j’entends parler de rigueur et de mesures douloureuses, peut-être celles-ci le sont-elles dans certains domaines, mais il ne s’agit que de freiner la progression de la dette.
Qu’il me soit permis de rappeler que le point de retournement en ce domaine, celui au-delà duquel, enfin, la dette régressera en capital – en d’autres termes l’équilibre primaire – n’est prévu, dans notre programmation des finances publiques, que pour 2013. Si l’on s’inscrit bien dans cette trajectoire, cette dette, qui est un fardeau de plus en plus lourd, continuera inéluctablement à progresser jusque-là.
Nous en avons un témoignage très clair en observant les crédits affectés aux charges financières. Depuis les exercices 2005 et 2006, nous nous situons à un étiage compris entre 35 milliards d’euros et 40 milliards d’euros. Nous allons franchir – je n’ose dire allègrement – la limite des 40 milliards d’euros – 45 milliards ? 50 milliards ? – pour atteindre très rapidement, dans trois ou quatre ans, le niveau de 55 milliards d’euros, et ce dans le respect de la trajectoire fixée par la loi de programmation triennale des finances publiques.
Donc, si la loi de finances pour 2011 est difficile à élaborer, les suivantes le seront davantage, …
… n’ayons aucune illusion à ce sujet. Ce n’est qu’un constat matériel : quand on doit dégager 40 milliards d’euros pour payer le remboursement et les intérêts, il faut faire des efforts. Mais lorsque le montant s’élève à 55 milliards d’euros, les efforts à consentir sont plus importants. C’est une réalité à laquelle on ne peut échapper, mes chers collègues.
Évoquons maintenant le déficit.
Nous pouvons nous réjouir ensemble que, par rapport à la prévision pour 2010, le déficit diminue de 60 milliards d’euros. Cela étant, qu’est-ce qui, dans cette réduction, représente un vrai effort de notre part et de celle du Gouvernement ?
Considérez-vous comme anormal que l’on s’efforce de synthétiser les principaux éléments au début de l’examen du projet de loi de finances, chers collègues ? Je pense être dans mon rôle.
Sur cet écart, seuls deux éléments résultent de décisions relevant du Gouvernement : l’augmentation des dépenses, qui est contenue à 4, 5 milliards d’euros, et les effets des mesures nouvelles sur les recettes, pour 1, 7 milliard d’euros.
Les autres facteurs essentiels qui expliquent l’écart de déficit d’une année à l’autre sont les suivants.
Tout d’abord, il faut citer l’évolution spontanée des recettes fiscales – 12 milliards d’euros –, c’est-à-dire l’effet de retour à la croissance, que, par définition, on constate à droit constant.
Ensuite, l’arrêt du plan de relance est important, puisque, même si nous regrettons les rapports très agréables que nous avons eus pendant la durée de sa mission avec Patrick Devedjian, il n’en reste pas moins que le plan de relance est fait pour ne pas se répéter. Donc, il est naturel que l’on engrange une comparaison favorable de 8, 2 milliards d’euros.
Enfin, nous avons un effet comptable résultant de la réforme de la taxe professionnelle ; simplement, celle-ci, pour des raisons purement techniques, coûte 5, 3 milliards d’euros de moins que l’année précédente.
Tout cela contribue à la diminution du déficit budgétaire, et l’on ne peut que s’en réjouir.
Mon propos est simplement de focaliser l’attention sur ce qui relève de véritables efforts effectués par le Gouvernement, et ce propos, vous le voyez, relativise ce que l’on peut entendre ici ou là sur le caractère extraordinairement rigoureux de ce budget.
En effet, ce budget est raisonnable, sérieux ; mais, à mon sens, ce n’est vraiment pas ce que l’on pourrait appeler un budget de rigueur.
Le projet de loi de finances comporte des dispositions qui réduisent le déficit d’administrations publiques autres que l’État, c’est-à-dire les administrations sociales, et c’est une bonne chose.
Il faut enfin souligner que ce projet de loi de finances aura des effets importants sur l’avenir. C’est, en quelque sorte, un « PLF à retardement », car toutes les mesures qui réduiront les dépenses fiscales au titre de l’impôt sur le revenu vont se traduire – c’est une excellente chose – par un rendement en 2012, en 2013 et les années suivantes.
Mais si les réductions de niches fiscales ne « rapportent » qu’environ 500 millions d’euros en 2011, leur rendement sera de 2, 7 milliards d’euros en 2012 et de 3, 6 milliards d’euros en 2013. C’est un aspect tout à fait positif, qu’il faut souligner.
J’en viens aux recettes, et plus exactement à la préservation des recettes, c’est-à-dire à la lutte contre l’excès de dépenses fiscales, avant d’évoquer, en quelques mots, la réforme fiscale à venir.
Le Premier ministre a eu le très grand mérite d’annoncer au mois de mai des orientations qui s’appliquent dans une large mesure à ce budget.
Je pensais, pour ma part, que la réduction, le rabot, de 10 % des avantages fiscaux aurait pu avoir une base encore plus large. L’Assemblée nationale, dans ses votes, a élargi la démarche ; nous le ferons encore, je l’espère.
Je voudrais rappeler que, dans une période comme celle que nous vivons, la réduction proportionnelle est en réalité la méthode la plus juste, la plus équitable, la plus incontestable, car c’est celle qui fait participer tout le monde à l’effort nécessaire. S’il est bien sûr compréhensible que l’on examine de façon plus technique, plus détaillée tel ou tel régime, le fond du raisonnement, c’est tout de même bien la réduction proportionnelle des avantages.
Permettez-moi de redire un propos qui n’est pas seulement une plaisanterie. Lorsqu’on s’adresse à une catégorie qui a été favorisée depuis longtemps par une exonération, une incitation, un avantage quelconque et qu’on lui demande aujourd’hui des efforts en soutenant qu’elle conservera 90 % de ses privilèges, normalement, on devrait avoir en face de soi des individus satisfaits de conserver 90 % de ce qui n’est qu’un avantage financé par les deniers publics.
Lorsqu’on entend les raisonnements qui nous sont tenus sur le crédit d’impôt recherche ou les emplois à domicile, on se dit que les bénéficiaires de ces mesures devraient avoir le réalisme et l’honnêteté de constater que l’essentiel est conservé et leur est garanti.
En ce qui concerne, par exemple, les emplois à domicile, le « rabot » ne s’applique pas au dispositif fiscal, qui est intégralement préservé.
Mes chers collègues, nous ne devons pas trop être victimes des intérêts particuliers et il faut être capable de rappeler que, dans une période difficile, des efforts doivent être faits par toutes et tous, des efforts proportionnés aux capacités contributives.
À mon avis, le talent et le grand mérite du Premier ministre britannique, madame le ministre, c’est de dire avec franchise que, mieux on est pourvu, plus on doit faire d’efforts, et que, dans une période comme celle que nous connaissons actuellement, nul ne peut s’en exonérer.
Je suis de ceux qui pensent que c’est ce langage qu’attend l’opinion publique, …
… en tout cas l’opinion sérieuse et responsable, et que rien ne sert d’essayer de caresser quelques intermédiaires ou lobbies dans le sens du poil, car en réalité ils sont – j’en ai la conviction – très peu représentatifs, sinon de leurs propres intérêts.
Pour ce qui est de la préservation des recettes, nous nous efforcerons de vous soutenir, et nous vous soumettrons quelques idées complémentaires.
Par ailleurs, nous allons aborder un thème que la commission des finances a fait sien depuis déjà un certain temps : l’adaptation des assiettes fiscales à l’évolution des technologies. En d’autres termes, le monde change, les technologies se modernisent, …
… les habitudes des consommateurs et leur comportement se modifient. La fiscalité peut-elle rester identique ?
S’agissant, par exemple, des « étranges lucarnes », doit-on ne considérer que la technologie par laquelle s’exprimaient Léon Zitrone, Pierre Bellemare ou Catherine Langeais ? §
Les choses n’ont-elles pas un tout petit peu changé depuis ? Cette démarche est commune à la commission des finances et à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Nous estimons que ce sujet doit être mis sur la table et traité de façon responsable.
De la même façon, les plates-formes de transaction sur Internet sont un sujet que nous avons souhaité mettre au premier plan de nos préoccupations. D’ailleurs, madame le ministre, la crise irlandaise est là pour illustrer et mettre en valeur nos propos.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Lorsque nous proposons de taxer les achats d’espaces publicitaires sur de grandes plates-formes Internet, nous observons que c’est la seule solution pour récupérer un peu de contribution, afin de faire participer ces fonctions économiques à nos besoins collectifs, à nos services publics.
Mme la ministre opine.
Souvenons-nous que l’entreprise la plus emblématique, celle qui a d’ailleurs suscité l’intérêt du Président de la République pour le sujet, c’est une entreprise dont le siège est en Irlande.
Bien entendu, nous ne pouvons que compatir au malheur actuel des structures financières de ce pays. Nous sommes solidaires dans l’euro, et un dispositif d’aide mutualisé est susceptible de se mettre en place.
Cependant, madame le ministre, n’est-il pas indispensable, par souci d’équité à l’égard d’autres États comme la Grèce ou le Portugal, de demander au gouvernement irlandais, au titre des conditionnalités, de bien vouloir réviser sa politique fiscale ?
Un certain consensus existe ici même sur le sujet, me semble-t-il.
Ne conviendrait-il pas de demander au gouvernement irlandais d’éviter de pratiquer du dumping et d’avoir des attitudes qui – on peut le constater avec les problèmes que connaît aujourd’hui l’Irlande – ne sont pas une solution pour disposer d’un modèle économique pérenne, pour se mettre à l’abri des difficultés ou des crises ?
De telles politiques, qui sont des politiques non coopératives, devraient normalement évoluer au moment où il est fait appel à la solidarité communautaire, qui est sans doute la seule solution pour disposer d’une visibilité sur les années à venir.
Nous inscrivons nos propositions dans ce cadre pour que les acheteurs de biens ou de services sur les grandes plates-formes soient soumis à une taxation raisonnable et que les petits États qui ont mis en place des fiscalités très attractives se voient contrariés dans leurs politiques non coopératives.
Ces politiques ont d’ailleurs été critiquées, en termes beaucoup plus vifs que ceux que je viens d’employer, par le président de notre commission des finances, qui a déclaré : « Le Grand-Duché nous fait les poches ! » En effet, la TVA s’applique, même si c’est à un taux faible, aux plates-formes qui sont installées sur son territoire, …
… et non pas aux consommateurs de services auxquels il est fait appel et qui habitent dans les États les plus peuplés de l’Union européenne.
Je voudrais à présent, en quelques mots, évoquer les dépenses.
Même si la norme de dépenses est de plus en plus exigeante, certaines économies évoquées dans le projet de loi de finances mériteraient d’être documentées avec davantage de précision.
Je rappelle que, dans ce projet de budget pour 2011, les recettes nettes ne couvrent que 70 % des dépenses nettes, ce taux se situant à mi-chemin entre le point le plus bas qui avait été atteint en 2009, à savoir 55 %, et le niveau de 2007, c’est-à-dire 86 %.
Il est donc indispensable d’agir sur les dépenses, et de le faire de façon volontaire. À cet égard, si nous observons un réel effort sur le personnel, et plus encore sur les investissements – les dépenses les plus maltraitées dans ce budget –, nous constatons que, en raison des contraintes qu’elles subissent, les dépenses de fonctionnement et d’intervention n’ont pas diminué de 5 %, comme cela avait été annoncé au printemps. Il faut dire que, compte tenu des dépenses concernées, constituées notamment de nombreuses dépenses de guichets, c’est-à-dire de droits qu’il faut bien honorer, il était difficile d’atteindre cet objectif.
Enfin, notre dernière préoccupation en matière de dépenses tient à la permanence des méthodes employées. Les normes exprimées en taux d’évolution, aussi excellentes soient-elles, n’ont en effet de sens que si les bases retenues sont homogènes, c’est-à-dire si l’on ne procède pas, chaque année, à des rectifications opportunes de périmètres. De ce point de vue, il est de mon devoir de dire que la situation n’est pas encore satisfaisante, et que l’État est encore très loin de s’astreindre à la discipline en vigueur chez les agents économiques privés, en particulier les grandes entreprises.
La présentation des comptes d’une entreprise obéit en effet à des normes strictes, et les analystes financiers veillent scrupuleusement à ce que toute rectification de méthode soit justifiée et détaillée.
Mme la ministre opine.
En guise de conclusion, je dirai quelques mots sur la loi du 1er août 2001 organique relative aux lois de finances, dont nous allons fêter le dixième anniversaire au cours de l’exercice à venir.
Si elle a permis d’innover et de fixer un cap en matière de pluriannualité, il me semble que seule la révision constitutionnelle annoncée par le Premier ministre et le Président de la République permettra d’assurer tout à la fois la prééminence des lois financières sur toute autre forme de législation et la pluriannualité, donc le respect par les lois financières annuelles des engagements pris à ce titre à l’échelon européen.
Dans un registre plus critique, force est de constater que la LOLF n’a pas permis de redonner du sens au principe d’universalité budgétaire. L’« agencisation » de l’État, c’est-à-dire la prolifération des affectations de recettes, qui permettent de sanctuariser certaines dépenses et certaines fonctions, n’a fait que galoper année après année, loi de finances après loi de finances.
M. Jean-Jacques Jégou opine.
En multipliant ainsi les affectations, les opérateurs – que nous avons le plus grand mal à contrôler –, les agences et les taxes en tout genre, nous avons largement tourné le dos aux principes de bon sens sur lesquels nous avions fondé le redressement de l’État à partir de 1958.
Enfin, si la démarche de performance est utile et nécessaire, les observateurs que nous sommes ont parfois le sentiment qu’elle s’est transformée en machine administrative, dépourvue de réelle signification politique, qui tourne sur elle-même pour sa propre satisfaction.
Il faut s’interroger sur l’usage que l’on fait des indicateurs de performance. S’agit-il de critères permettant de piloter l’allocation des ressources et de réaliser des économies budgétaires, ou de simples pratiques administratives qui ne trouvent leur justification qu’en elles-mêmes ?
Madame, monsieur les ministres, nous allons cheminer ensemble quelques semaines, d’abord au cours de cette discussion budgétaire, ensuite lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, dont nous pourrons peut-être anticiper certains aspects dès le projet de loi de finances initiale, afin d’avoir une vue d’ensemble des enjeux et des questions les plus essentielles qui devront être exposés à nos concitoyens.
La commission des finances souhaite qu’un esprit de responsabilité nous anime, et que, sans occulter aucun sujet, nous fassions en sorte de disposer pour l’année 2011 d’un cadre budgétaire raisonnable, susceptible de résoudre quelques-unes de nos contradictions.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Jean-Jacques Jégou applaudissent également.
Madame, monsieur les ministres, permettez-moi tout d’abord de vous dire combien nous nous réjouissons de vous retrouver au banc du Gouvernement. C’est la marque de l’estime que nous vous portons, et je voudrais former des vœux pour que l’action que vous menez, sans doute l’une des plus délicates et des plus éprouvantes qui soit, porte ses fruits.
J’apprécie à sa juste valeur le message que vous venez d’adresser au pays, depuis cette tribune, en cette fin d’année 2010 : l’essentiel de la crise, la plus dure que nous ayons endurée depuis la Seconde Guerre mondiale, est sans doute aujourd’hui derrière nous ; la France convalescente doit maintenant s’atteler résolument au rétablissement de ses comptes publics, sans compromettre la reprise, mais en s’efforçant de rompre avec trois décennies de laisser-aller et de faux-semblants, d’illusionnisme à crédit, en quelque sorte. Rien n’est donc acquis. Dans un monde ouvert, nous devons rester compétitifs, ce qui suppose, notamment, de ne pas décrocher avec l’Allemagne, notre principal partenaire.
Vaste programme, auquel je ne puis, bien sûr, que souscrire ! Cependant, si l’objectif fait consensus, la méthode proposée m’interpelle et c’est sur ce point que je souhaiterais faire entendre une analyse qui divergera sans doute quelque peu de celle qui a été développée par le Gouvernement.
Le projet de loi de finances pour 2011 s’inscrit dans la démarche de programmation approuvée par notre assemblée au début du mois, que nos amendements ont d’ailleurs rendue plus opérationnelle. Car c’est à la condition de nous doter de règles de gouvernance des finances publiques véritablement contraignantes que nous pouvons espérer revenir à 6 % de déficit l’an prochain, et à 3 % d’ici à 2013… ou 2014. Vous connaissez notre prudence sur le sujet, même si elle n’exprime aucune divergence de fond avec l’exécutif.
Comment parvient-on à ce résultat ? Le discours que vous tenez se veut clair et sans ambiguïté : l’objectif sera atteint, prioritairement, par la réduction de nos dépenses publiques. Avec un taux rapporté à la richesse nationale largement supérieur à 50 %, nous figurons incontestablement en tête des pays qui souffrent d’une addiction profonde à l’égard de la dépense publique ! Or, je le souligne d’emblée, ce projet de budget n’apparaît pas, c’est le moins que l’on puisse dire, totalement convaincant sur ce point.
S’il ne fallait retenir qu’un seul développement du travail, toujours aussi fouillé et remarquablement précis, du rapporteur général Philippe Marini, ce serait celui-ci : près des deux tiers de l’amélioration du solde du budget de l’État en 2011 résultera d’économies de constatation liées à la non-reconduction des dépenses du plan Campus et aux investissements d’avenir. Le reliquat s’explique, pour une large part, par le contrecoup de la fin du plan de relance et de la réforme de la taxe professionnelle. L’évolution spontanée des recettes, en phase de reprise de l’activité, fait le reste…
Je ne reviens pas sur ces mécanismes, excellemment décrits par Philippe Marini. Les dépenses augmentent de 4, 5 milliards d’euros, il est vrai exclusivement imputables à la charge de la dette et aux pensions.
Certes, les autres dépenses, prises globalement, sont stables en valeur. Mais je veux rappeler ici que les conférences sur le déficit du printemps dernier avaient assigné deux objectifs forts d’économies au budget de l’État : une diminution de 10 % des dépenses d’intervention et de fonctionnement au cours de la période 2011-2013, et une réduction de 5 % dès la première année d’application de la loi de programmation. Avec une contraction de 1 % des interventions de guichet et hors guichet, et de 0, 5% des crédits de titre 3 entre la loi de finances initiale pour 2010 et le projet de loi de finances pour 2011, convenons, madame, monsieur les ministres, que nous sommes loin de l’objectif assigné au printemps !
J’entends bien l’argumentaire du Gouvernement, qui invoque, sur les interventions, 3, 7 milliards d’euros d’économies brutes par rapport à l’évolution tendancielle. Mais le détail de ces économies fait encore défaut. Surtout, Bercy tarde à nous apporter la preuve que vos ministères ont décidé de rompre avec ce qu’il faut bien appeler les « combines », qui permettent d’améliorer la présentation, au détriment du respect de la norme de dépense.
Le rapporteur général les a décrites, en évoquant malicieusement une « charte de débudgétisation ». Je n’en retiendrai qu’une, emblématique, même si la discussion budgétaire devrait en atténuer la portée : l’enveloppe de 340 millions d’euros soustraite à la mission « Ville et logement », grâce à l’extension du champ de la contribution sur les revenus locatifs aux offices d’HLM et aux sociétés d’économie mixte, sous le prétexte fallacieux de mettre en place une péréquation interne aux prestataires du logement social… Les mauvaises habitudes ont décidément « la peau dure » !
M. Claude Bérit-Débat marque son approbation. – M. Thierry Repentin applaudit.
Je ne nie pas la difficulté de l’exercice. Le poids des dépenses de « guichet » est incontestable, au moins autant que celui des intérêts catégoriels que leurs bénéficiaires savent si bien défendre lorsqu’ils sont remis en cause. Force est toutefois de constater qu’après trois ans de révision générale des politiques publiques et de discours volontaristes prononcés dans des enceintes solennelles, l’action sur la dépense publique, mes chers collègues, reste toujours embryonnaire et a quelque peine à convaincre. À l’heure de la double norme, des choix vont pourtant devoir être faits. Je souhaite que la commission des finances y prenne toute sa part et soit, elle aussi, une force de proposition.
Mais il faut aller au-delà et s’interroger également sur les recettes.
J’entends bien, là aussi, le discours sur la nécessité de les « protéger », le cas échéant en modifiant les modalités de calcul de l’impôt et en atténuant la portée des « niches fiscales ». Vous me permettrez cependant de ne pas me trouver en pleine communion de pensée avec ces « éléments de langage », qui visent à bien signifier que le Gouvernement n’augmentera pas les prélèvements obligatoires, conformément à une promesse faite avant la crise, dans des circonstances bien différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui. Soyons francs : cette position de principe, affirmée sur tous les tons et de manière quelque peu rigide, ne me paraît pas responsable !
Je souhaite dissiper toute ambiguïté : je ne me fais pas ici l’apôtre des prélèvements obligatoires, pas plus que de la dépense publique. Je dis simplement que la charge pesant sur le contribuable doit être évaluée à l’aune de son efficacité économique dans un monde ouvert et qu’elle doit être équitablement répartie. De ce point de vue, au risque de me répéter une nouvelle fois, je rappelle qu’il n’y a pas d’impôt qui ne soit pas d’une façon ou d’une autre un impôt acquitté par les ménages. Ce sont toujours les ménages qui, en dernier ressort, participent au financement de l’impôt. La seule question que l’on doive se poser à leur égard est donc celle de l’équité dans la répartition de l’effort qui leur est demandé.
La solution à mettre en œuvre était pourtant évidente : il fallait majorer la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, de 0, 26 point.
C’était une question de lisibilité et de justice à l’égard des générations à venir…
… qui n’ont pas à supporter les conséquences des gestions hasardeuses passées. C’était, au fond, une question de respect de nos concitoyens, qui, selon moi, sont parfaitement aptes à comprendre le langage de vérité que la situation actuelle nous impose le devoir de leur tenir. Au surplus, n’est-ce pas aussi, mes chers collègues, une question d’indépendance nationale ? Vient un moment où le choix de la dette perpétuelle aliène la liberté de la nation.
La commission des finances veut tenir ce langage de vérité. Elle accompagnera – croyez-le bien, madame, monsieur les ministres – le Gouvernement dans son travail de remise en cause des niches fiscales. Elle apporte sa contribution, dans le cadre du présent projet de loi de finances, à la réflexion sur les « nouvelles assiettes », avec les amendements du rapporteur général créant une imposition sur les achats de publicité en ligne et de services de commerce électronique. À cet égard, nous devrons nous interroger sur les nouvelles formes de fraude que facilitent ces nouveaux moyens de communication et d’échanges. La proposition de taxation des résidences secondaires et de tout récepteur de télévision, à raison d’une seule contribution à l’audiovisuel public par résidence et quel que soit le nombre de récepteurs, va dans le même sens.
Mais notre réflexion doit aller plus loin. Je parlais à l’instant d’efficacité économique et de justice. Traduit en termes simples, cela veut dire TVA sociale – que je veux bien nommer « TVA anti-délocalisation » –, cela veut dire aussi suppression du bouclier fiscal !
La TVA anti-délocalisation, pourquoi et comment ? Parce que dans une économie mondialisée, tout impôt supplémentaire portant sur les facteurs de production – j’y insiste – organise méthodiquement les délocalisations d’activité et d’emploi. Les ressources provenant des cotisations sociales doivent donc être remplacées par un impôt de consommation, qui mettra enfin sur un pied d’égalité les importations et les produits nationaux.
Madame la ministre, vous soulignez l’importance de la consommation, mais c’est bien souvent l’activation des importations. Par conséquent, la justice, c’est de faire supporter le financement de la protection sociale, à laquelle nous prétendons, par tous ceux qui consomment. Car ceux qui ne consommeraient que des produits venant de l’étranger ne participeraient pas au financement de leur protection sociale.
Je répète ici ma conviction que cet impôt nous permettrait de faire l’économie du coûteux crédit d’impôt recherche, qui, je persiste à le penser, n’empêche pas certaines délocalisations. Madame, monsieur les ministres, le crédit d’impôt recherche finance aussi des travaux de recherche conduits en Europe centrale. Trop de témoignages prouvent qu’une partie non négligeable des travaux de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt recherche ne sont pas réalisés en France. L’allégement des charges sociales sur les salaires des chercheurs serait, convenons-en, une solution plus satisfaisante.
Mais il n’est pas possible d’en rester là. Le pendant de l’objectif de compétitivité, je le disais à l’instant, c’est aussi celui de justice. La fiscalité ne doit pas seulement être efficace, elle doit aussi être lisible et équitable, pour être acceptable et acceptée par tous.
Depuis deux ans, la commission des finances fixe donc le même rendez-vous au Gouvernement : celui du bouclier fiscal, qui demeure une mauvaise réponse apportée à un problème réel. La crise a rendu caduc cet instrument et la Commission européenne vient, je le crois, de lui porter le « coup de grâce » en contestant sa conformité au droit communautaire. Mettre en œuvre les prescriptions de Bruxelles contraindrait l’administration française à rembourser au contribuable le montant d’impôts acquittés à l’étranger, ce qui finirait de légitimer le procès en iniquité dressé contre le « bouclier ». Le mécanisme, convenons-en, est « à bout de souffle » ! Je vous le disais lors du débat sur le projet de loi de programmation : le temps des « rafistolages » est maintenant terminé !
Je me réjouis donc des inflexions entendues ces dernières semaines, notamment dans les propos du Président de la République, sur des évolutions possibles, pour ne pas dire souhaitables. Mais il faudra aller jusqu’au bout !
Le Sénat connaît nos propositions sur le « triptyque », devenu entre-temps la « tétralogie » : suppression de l’ISF et du bouclier fiscal – puisque le bouclier fiscal n’est que la très mauvaise réponse à ce très mauvais impôt qu’est l’ISF –, institution d’une nouvelle tranche d’imposition à l’impôt sur le revenu – qui est un revenu du patrimoine lorsqu’il excède un certain niveau ; le revenu du travail a des limites : vient un moment où c’est la notoriété, la célébrité, oserais-je dire « l’actif incorporel » du bénéficiaire ; c’est donc un revenu du patrimoine et non plus seulement un revenu du travail – et hausse du barème d’imposition des plus-values mobilières et immobilières. Je pense également qu’une réflexion sur l’imposition des successions – j’y insiste – devrait utilement compléter ce tableau, afin notamment de contribuer au financement de la dépendance.
Le précédent gouvernement nous avait confirmé qu’il souhaitait organiser un débat approfondi sur le sujet au premier semestre de l’année prochaine. Je pense, pour ma part, que ce débat peut débuter dès maintenant. Pourquoi devrions-nous l’ajourner encore une fois, avec le risque de reporter d’un an la mise en œuvre de ces dispositions ?
Ma conclusion, voilà un an, en prologue à l’examen du projet de loi de finances pour 2010, était un appel à refonder le pacte républicain sur l’impôt pour permettre à la France de sortir de la crise plus compétitive, plus dynamique et plus solidaire. Je serais tenté de reprendre la même formulation et de souligner l’urgence qui s’attache aujourd’hui à apporter les réponses à la hauteur des défis que nous devons affronter.
Le projet de budget pour 2011, an I de la nouvelle programmation triennale, est un premier pas. À nous de le guider dans la bonne direction !
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – MM. Jean-Pierre Plancade et Jean-Claude Frécon applaudissent également.
Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvon Collin.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, si l’examen du projet de loi de finances est un exercice comptable, les discussions budgétaires permettent de juger des choix économiques et politiques d’un gouvernement. En l’occurrence, le projet de loi de finances pour 2011 fait-il les bons choix ? Répond-t-il aux objectifs d’efficacité et de justice fiscale que nos entreprises et nos concitoyens sont en droit d’attendre dans la période actuelle de sortie de crise ?
Vous ne serez pas surpris si je vous dis que j’ai des doutes quant à la pertinence des options retenues, du moins d’un grand nombre d’entre elles.
Une nouvelle fois, le projet de loi de finances est fondé sur des prévisions de croissance à l’évidence trop optimistes. Je sais bien qu’il n’est pas facile de prévoir avec justesse le taux de croissance de l’année suivante. Des prévisions restent des prévisions. Et d’ailleurs, en matière budgétaire, ne faudrait-il pas, madame, monsieur les ministres, méditer cette pensée de San Antonio, alias Frédéric Dard ? : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible ». La politique, ce n’est l’art de faire des prévisions – art très difficile, surtout quand il concerne l’avenir ! –, c’est plutôt l’art de prendre les bonnes décisions pour améliorer le quotidien des Français et l’attractivité économique de notre pays.
Ce projet de loi de finances pour 2011 table sur une hypothèse de croissance du PIB de 2 % en 2011. Pourtant, la moyenne des prévisions du groupe d’experts relatives à la croissance française est de 1, 53 % et la prévision du FMI de 1, 6 %. Cet écart, nous le savons bien, n’est pas anodin en termes de recettes.
Certes, depuis quelques mois, on sent bien s’installer un cycle de reprise assez classique. Le commerce mondial reprend des couleurs, stimulant au passage nos exportations. La demande mondiale adressée à la France aurait augmenté de 11, 8 % cette année et on estime qu’elle sera de 7, 7 % pour 2011.
Vous l’avez dit, madame, monsieur les ministres, l’investissement des entreprises redémarre. La consommation reprend et elle pourrait croître de 1, 7 % en 2011. Enfin, l’emploi se redresse, ce qui engendrera des gains de pouvoir d’achat. Et le taux d’inflation se maintiendrait autour de 1, 5 % en 2011 comme en 2010.
Si on ne peut que souhaiter toutes ces prévisions, il faut surtout faire preuve d’une politique volontariste pour permettre leur réalisation. Et de ce point de vue, un certain nombre d’éléments invitent à la prudence et doivent nous amener à exprimer de profondes réserves.
S’agissant de la reprise mondiale comme moteur de la croissance, vous savez qu’elle est soumise à des aléas.
Même si 2011, avec une prévision de croissance mondiale de 3, 9 %, devrait confirmer la reprise amorcée en 2010, n’oublions pas que depuis l’éclatement des bulles immobilières, en particulier aux États-Unis et en Espagne, les ménages et les entreprises demeurent très endettés. Et cette situation pèsera encore sur l’investissement.
Par ailleurs, j’ajouterai que dans le contexte d’un marché du travail encore très déprimé, la consommation pourrait être moins dynamique que prévu. D’autres incertitudes existent. Je pense notamment à l’évolution des cours du baril de pétrole. Petit rappel : la direction générale du Trésor fonde ses prévisions sur un prix du baril à 80 dollars alors que le groupe technique a établi une fourchette comprise entre 77 dollars et 92 dollars. Quant au taux de change, c’est également souvent une source d’inquiétude, en particulier pour la zone euro. Si le taux de change entre l’euro et le dollar est stabilisé à 1, 30 dollar pour 1 euro en 2011, des instituts prévoient la poursuite de la baisse du dollar en 2011 tandis que d’autres tablent sur son appréciation.
Enfin, quels seront les effets de la normalisation des différentes politiques budgétaires réclamées par le FMI ?
Pour améliorer leur solde budgétaire, de nombreux pays ont mis en place des plans d’austérité, qui ne seront pas sans conséquences sur la demande.
Par ailleurs, si le G20 ne manifeste pas davantage d’empressement à réguler les marchés financiers et à diminuer l’incitation des opérateurs à l’emballement mimétique, nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles tensions obligataires, bancaires ou boursières.
Or, au regard des dernières décisions du sommet de Séoul, auquel vous avez participé, madame le ministre, on ne peut qu’être déçu : la supervision des marchés de gré à gré d’actifs dérivés sera renforcée là où il conviendrait d’imposer des chambres de compensation ; les règles prudentielles de Bâle III sont certes entérinées, mais les mesures ajoutées à l’intention des SIFI limitent, vous le savez, leur portée.
Madame, monsieur les ministres, vous connaissez mon engagement en faveur d’une taxation des transactions financières. Notre proposition de loi avait été discutée ici même en juin dernier et, malgré un accueil très favorable, elle n’avait pu être adoptée au motif d’arguments techniques, qui semblent aujourd’hui se dissiper devant la volonté du Président de la République. Nous ne pouvons que nous en réjouir : il est toujours difficile d’avoir raison très tôt... Mais, peu importe, sachez que nous vous soutiendrons si, au cours de la présidence française du G20, cette disposition forte devait voir le jour.
Alors, oui, nous en convenons tous, il est nécessaire d’agir sur l’endettement de notre pays. D’ailleurs, nous n’avons pas le choix : c’est une question de bon sens ! Qui plus est, nous avons des engagements européens à respecter.
M. le rapporteur général a excellemment démontré les dangers d’un endettement massif, qui pourrait atteindre un jour 90 % du PIB. Il est nécessaire de réagir d’autant plus rapidement que les marchés restent très préoccupés par la soutenabilité des dettes publiques en Europe. Le cas préoccupant de l’Irlande, qui succède à celui de la Grèce, a entraîné de nouveaux mouvements de panique boursière. En cas de nouvelle crise, la France n’est pas à l’abri de voir la prime de risque sur ses emprunts souverains se tendre fortement. Le poids de sa dette pourrait lui faire perdre sa note « triple A », une note qui permet à notre pays de financer ses déficits à un faible coût.
Dans cette perspective, afin de faire glisser le déficit public de 7, 7 % à 6 % en 2011, il est prévu, grâce à l’article 5 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, de compléter la norme « zéro volume » par une norme « zéro valeur ». On ne peut pas vous reprocher de chercher à être vertueux, mais, ce que l’on peut regretter, ce sont les choix qui sont faits pour y parvenir.
En dehors d’une baisse des crédits de fonctionnement et d’intervention qui serait de 5 % l’année prochaine, nous connaissons bien désormais la principale ficelle de la baisse des dépenses publiques. C’est toujours la même, la fameuse RGPP, avec, en particulier, son fameux principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Madame, monsieur les ministres, ne pensez-vous pas que la suppression de tous ces postes pourrait, à terme, avoir une incidence sur le pouvoir d’achat et donc sur la croissance ?
Vous mettez en avant votre capacité à diminuer les dépenses de façon volontaire. Pourtant, c’est aussi grâce à une extinction automatique des dépenses consacrées au plan de relance que vous pouvez vous prévaloir de cette maîtrise. Au même titre, la suppression des programmes liés aux investissements d’avenir entraîne une moindre dépense de 35 milliards d’euros dans le présent projet de loi de finances.
Mais, je vous l’accorde, c’est bien par un rétablissement des recettes de l’ordre de 11, 1 milliards d’euros que vous pouvez vous satisfaire d’une réduction du déficit structurel. Pour autant, la part des recettes fiscales nettes dans le PIB ne fait que diminuer depuis 2004. Comment l’État entend-il poursuivre ses missions à long terme, si cette décrue se poursuit ?
Pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu, c’est bien un choix politique qui avait été opéré par la loi TEPA, avec l’instauration de l’impopulaire bouclier fiscal. Vous l’aviez dit vous-même, monsieur le ministre – en d’autres temps ! –, c’est un impôt injuste.
À défaut de reconnaître que c’était une erreur, je suis heureux de constater que le Président de la République commence à nous entendre et je salue l’idée d’une taxation des revenus du patrimoine, même si je regrette qu’il faille attendre encore plusieurs mois pour la mettre en chantier. Le calendrier politique prime une nouvelle fois sur le calendrier parlementaire.
Concernant l’impôt sur les sociétés, un impôt théoriquement de 33 %, le Conseil des prélèvements obligatoires a publié un rapport édifiant, qui démontre la manière dont les grandes entreprises du CAC 40 réduisent fortement le montant du bénéfice assujetti à l’impôt sur les sociétés. C’est ainsi que le taux de l’impôt sur les sociétés tombe à 20 % pour les entreprises de moins de 500 salariés, à 13 % pour celles qui comptent plus de 2 000 salariés et à seulement 8 % pour celles du CAC 40.
Je constate que certains de mes collègues m’approuvent !
Selon cette étude, tous ces cadeaux coûtent 172 milliards d’euros à l’État. Le régime dit « mère-fille » aurait coûté 34, 9 milliards d’euros depuis 2006. La niche de l’intégration fiscale a entraîné une moins-value pour l’État de 19, 5 milliards d’euros en 2008.
Rappelons, au passage, que ces dispositifs profitent à des entreprises qui engrangent des bénéfices, récupèrent des aides publiques de l’État et, au bout du compte, licencient dès qu’elles le peuvent, pour des questions de rentabilité et d’arbitrage économique.
Puisque ce sont les petites et moyennes entreprises qui créent la majorité des emplois, pourquoi ne pas remettre à plat ces dispositifs afin d’éliminer ceux qui créent des effets d’aubaine fiscale et de faire en sorte que certains soient exclusivement à destination des PME ?
Ce serait une mesure intelligente. Mais vous ne le faites pas, alors que vous savez tout cela ! C’est une façon de laisser perdurer une injustice fiscale. Une de plus, serais-je tenté de dire ! Comme pour les hauts revenus, les grandes sociétés bénéficient de largesses encouragées par le Gouvernement.
Loin d’être révolutionnaire, ce projet de loi de finances serait véritablement audacieux s’il s’attaquait – mais ce n’est pas, je le crains, pour aujourd’hui ! – aux défauts majeurs de notre fiscalité : une fiscalité socialement injuste et parfois économiquement contre-productive. On nous promet une grande réforme de la fiscalité dans les mois qui viennent. Bien évidemment, les membres de mon groupe et moi-même serons très attentifs à la réforme qui sera proposée. Je le dis solennellement, nous n’avons pas d’a priori, nous sommes ouverts, et ce pour œuvrer ensemble dans un esprit très constructif.
En attendant cette grande réforme que nous appelons tous de nos vœux, une grande réforme reposant sur la progressivité de l’impôt sur le revenu, si chère aux radicaux depuis Joseph Caillaux, …
M. Yvon Collin. … et sur une taxation des revenus du patrimoine, il est certain que la majorité de mes collègues du groupe du RDSE et moi-même ne pouvons pas soutenir le projet de loi de finances pour 2011.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mon cher collègue, je vous félicite d’avoir respecté le temps de parole qui vous était imparti, et je vous en remercie.
Je rappelle que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Jacques Pignard pour siéger, en tant que membre titulaire, au sein du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, en remplacement de M. Jean-Léonce Dupont.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Bernard Frimat.