Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j’organiserai mon propos tout d’abord autour de l’examen de la situation macroéconomique de la France et des atouts dont cette dernière dispose pour améliorer sa sortie de crise ; je me concentrerai ensuite sur trois objectifs majeurs qui sous-tendent l’articulation de ce projet de loi de finances pour 2011.
S’agissant de la situation macroéconomique actuelle de notre pays, la sortie de crise est très clairement d’ores et déjà avérée, comme le montrent les chiffres de la croissance aux deuxième et troisième trimestres. Au deuxième trimestre 2010, je vous le rappelle, la croissance du produit intérieur brut français a été de 0, 7 %, après 0, 2 % au premier trimestre. Au deuxième trimestre de 2010, pour la première fois depuis la crise de 2008, l’investissement des entreprises a progressé. Je rappelle que, pendant la période de crise, c’était le facteur de croissance qui s’était effondré le plus brutalement et le plus gravement.
Au troisième trimestre – les chiffres viennent de tomber –, la croissance a atteint 0, 4 %. C’est un chiffre qui consolide l’entrée dans l’après-crise et qui est intéressant car, si on l’examine attentivement, on s’aperçoit que la consommation a augmenté deux fois plus vite qu’au deuxième trimestre : elle est de 0, 6 % alors qu’elle était auparavant de 0, 3 %.
L’investissement des entreprises continue de progresser, même si ce n’est pas dans les mêmes proportions qu’au deuxième trimestre 2010. Nous avions alors eu un effet de base extrêmement important.
On s’aperçoit également – et c’est fort intéressant dans le contexte d’une des mesures que nous proposons dans ce projet de loi de finances – que les Français ont recommencé à investir dans le logement.
Je pense que la croissance du deuxième semestre 2010 sera au moins aussi bonne que celle du premier semestre 2010. En effet, les perspectives pour le quatrième trimestre 2010 sont bien orientées, comme l’indiquent la plupart des enquêtes de conjoncture.
La France est donc bien en sortie de crise, n’en déplaise aux oiseaux de mauvais augure. Je me souviens encore d’un certain nombre de commentaires critiquant la politique économique qui nous ont été adressés. À ceux qui disaient : « votre plan de relance est insuffisant », je réponds que nous avons injecté 45 milliards d’euros dans l’économie française entre 2009 et 2010, soit 2, 4 % du PIB, mesure qui a été jugée « appropriée » par le FMI. À ceux qui nous disaient : « les banques ont été privilégiées », je réponds simplement que, dans cette relance indispensable, nous devions réamorcer les circuits financiers, et que l’État français y gagne au passage 2, 4 milliards d’euros en intérêts sans avoir pris le moindre risque ; nous aurions certes pu prendre un risque nous offrant des potentialités de plus-values, mais c’était un risque.
À ceux qui nous reprochaient alors de ne pas soutenir suffisamment la consommation des ménages, moteur de la croissance française, qui nous invitaient à faire plus, je répondrai que, contrairement à ce qui s’est passé dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, la consommation des ménages n’a pas connu le moindre trimestre de baisse dans notre pays.
Grâce à notre politique économique et au plan de relance, la France a mieux traversé la crise que ses partenaires. Ainsi, alors que l’activité économique de l’Allemagne s’est effondrée de 4, 7 % en 2009, celle de la France n’a baissé que de 2, 6 %.
Nous avions dit que nous sortirions de la crise dès lors que l’économie française recommencerait à créer de l’emploi, lequel mobilise toute notre attention.
Depuis le début de cette année, la France a créé plus de 100 000 emplois nets, cependant que l’emploi salarié a rebondi au troisième trimestre – 44 600 postes créés, après 24 000 postes créés au deuxième trimestre de 2010. Nous avons d’ores et déjà dépassé l’objectif que nous nous étions assigné dans la loi de finances pour 2010, à savoir la création par l’économie française de 80 000 emplois. Nous sommes donc sur une tendance positive.
Plus généralement, le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, après avoir connu un pic à 9, 6 %, est maintenant redescendu à 9, 3 %. Ainsi, trimestre après trimestre, ce taux décroît dans notre pays.
Là encore, je me rappelle les incantations de certains, qui affirmaient que le taux de chômage atteindrait 11 % ; or les politiques que nous avons mises en place et la vigueur de nos entreprises nous ont permis de faire face à la crise.
Alors que nous sommes en train de sortir de la crise, que constatons-nous dans l’ensemble des économies des pays développés ?
D’abord, le chômage s’est accru dans l’ensemble de ces pays : il a augmenté non seulement dans les pays de la zone euro, mais aussi aux États-Unis, où le taux de chômage frise les 10 %, ce qui n’était pas arrivé depuis des décennies.
Ensuite, l’endettement public de la plupart des pays développés a crû, parfois dans des proportions très fortes : l’augmentation représente 40 points de produit intérieur brut aux États-Unis et 20 points en Europe. Cet endettement était évidemment nécessaire, parce que l’État était le seul à même de relancer la machine économique.
Enfin, le centre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé vers l’Est, et probablement vers le Sud. Si l’on en juge par les prévisions de croissance notamment pour la Chine, le Brésil ou la Russie, un certain nombre des pays émergents deviendront à terme les moteurs de l’économie mondiale.
Dans cette sortie de crise, la France dispose de six atouts pour lui permettre de rebondir.
Premièrement, sa demande intérieure, mesurée par la croissance de la consommation, est toujours restée positive et dynamique : elle ne s’est pas tarie sur un seul trimestre pendant la période de crise.
Deuxièmement, le territoire français reste attractif pour les investisseurs. La demande mondiale qui lui est adressée devrait croître de 11, 8 % en 2010 et de 7, 7 % en 2011.
Ce matin, j’assistais à la présentation par l’Agence française pour les investissements internationaux des chiffres des investissements étrangers en France : on comptabilise 639 nouveaux projets d’investissements, dont 62 % représentent une création nette de valeurs, ce qui est équivalent aux chiffres de 2007, c'est-à-dire avant le déclenchement de la crise.
Troisièmement, nous sommes parvenus à maîtriser l’inflation, qui a atteint 1, 5 % en 2010. C’est une bonne nouvelle à la fois pour notre économie – c’est un signe de stabilité – et pour le pouvoir d’achat des ménages, car une inflation faible et maîtrisée favorise la consommation.
Quatrièmement, la France a jusqu’à présent préservé sa signature d’émetteur souverain sur les marchés, ce qui lui permet de financer et de refinancer sa dette dans des conditions particulièrement favorables. Au-delà de nos sensibilités politiques, nous devons tous, collectivement, être très attentifs au maintien de la qualité de cette signature.
Cinquièmement, notre démographie est relativement favorable, avec le deuxième niveau de fécondité d’Europe. C’est un élément fondamental en science économique, l’un des seuls sur lesquels il soit possible d’établir des prévisions.
Enfin, sixièmement, notre croissance est bien orientée si on la compare avec celle des pays du pourtour méditerranéen. Nous tablons ainsi sur une progression du produit intérieur brut de 1, 5 % en 2010 – c’est acquis – et de 2 % en 2011.
J’entends déjà certains faire observer que notre prévision de croissance est supérieure, alors que la demande mondiale adressée à la France ne progressera que de 7, 7 % en 2011, contre environ 11 % en 2010. En fait, nous considérons qu’un certain nombre de réformes que nous avons engagées porteront leurs fruits, libéreront les énergies créatrices de valeur dans notre pays et nous permettront de répondre beaucoup plus efficacement qu’à ce jour à la demande intérieure.
J’en viens maintenant aux grandes priorités de ce projet de budget pour 2011 qu’a présenté à l’instant François Baroin.
La première priorité de notre politique économique, c’est l’emploi, bien sûr. En la matière, notre objectif est de ramener avant la fin de l’année 2012 le taux de chômage à ses niveaux d’avant-crise, avec une attention particulière portée aux jeunes et aux seniors, ce qui n’est pas antinomique.
Cet objectif est ambitieux, mais il peut être atteint. Ainsi, le retour aux créations d’emplois depuis le début de l’année 2010 et la baisse du taux de chômage nous conduisent à réviser à la hausse nos prévisions pour 2010-2011 : alors que nous tablions sur 80 000 créations d’emplois, ce sont finalement 100 000 emplois qui seront créés.
En octobre dernier, j’indiquais devant l’Assemblée nationale que cette estimation était prudente. Mon optimisme n’a pas été pris en défaut, car cet objectif a été dépassé dès le troisième trimestre.
La prévision du projet de loi de finances pour l’emploi total, soit plus 167 000 emplois non salariés et emplois aidés en 2010, sera donc sans aucun doute dépassée cette année.
Pour 2011, le redressement des créations d’emplois devrait se poursuivre avec plus 160 000 emplois dans le seul secteur marchand et plus 228 000 emplois au total, en incluant le secteur non marchand. Là encore, je considère, au vu des évolutions récentes constatées, que nos estimations peuvent être confortées. Je ne les révise pas par prudence, mais nous sommes tout à fait dans une prévision conservatrice.
Nous allons tout faire pour accentuer cette tendance, en jouant sur deux leviers.
Premièrement, nous allons nous mobiliser sur la formation professionnelle. Aux termes de la profonde réforme qui a été adoptée par le Parlement et qui entre en vigueur, la collecte des fonds sera rationalisée et l’offre de formation sera en meilleure adéquation avec les besoins de l’économie. Ce sera un grand chantier pour l’année 2011.
Deuxièmement, nous voulons soutenir les formations en alternance, en particulier l’apprentissage des jeunes, domaine dans lequel nous avons obtenu de bons résultats. Cet instrument a fait ses preuves, et c’est pourquoi nous allons poursuivre notre politique en la matière.
La deuxième priorité de notre politique économique, sur laquelle s’est exprimé François Baroin, est la résorption des déficits.
Pour de multiples raisons, à la fois politiques et économiques, nous poursuivrons avec vigueur et détermination la réduction des déficits.
Sur le plan politique, c’est une question de souveraineté nationale.