Intervention de Charles Guené

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 14 février 2017 à 15h30
Proposition de loi relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d'agglomération issues de la transformation de syndicats d'agglomération nouvelle ex san — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Charles GuenéCharles Guené, rapporteur spécial :

La proposition de loi de notre collègue député Dominique Lefebvre, dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, comporte trois articles.

L'article 1er maintient pour 2017 les modalités de calcul du potentiel fiscal des communautés d'agglomération (CA) comportant un ancien syndicat d'agglomération nouvelle (SAN), que la loi de finances rectificative pour 2016 prévoyait de faire évoluer. L'article 2 précise les conditions de participation des parlementaires aux commissions départementales de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). L'article 3 prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur l'opportunité de conserver les modalités dérogatoires de calcul du potentiel fiscal des CA comportant un ancien SAN.

Les villes nouvelles ont été mises en place dans les années 1970, principalement en Île-de-France, et se sont immédiatement organisées en intercommunalités, essentiellement sous la forme de SAN. Cette catégorie d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) était temporaire, les SAN étant appelés à se transformer en EPCI de droit commun et notamment en CA.

Dès 1999, lorsqu'a été créée la catégorie des CA dans le cadre de la loi dite « Chevènement », le choix a été fait d'accorder un avantage aux anciens SAN qui s'étaient convertis en CA. En effet, les SAN se distinguaient par un niveau très élevé de bases fiscales, notamment sur les entreprises. Si on les avait comparés directement aux autres CA, les anciens SAN auraient vu leur dotation d'intercommunalité diminuer de façon importante.

Aussi, depuis 1999, le potentiel fiscal des CA issues de SAN est-il pondéré par le rapport entre les bases de taxe professionnelle des CA et les bases de taxe professionnelle des SAN et anciens SAN. Dès lors, leur potentiel fiscal est à peu près divisé par deux, ce qui leur permet de recevoir une dotation plus importante. Cet avantage était notamment justifié par le fait que les SAN supportaient un endettement extrêmement lourd, du fait des investissements considérables qui avaient dû être effectués.

Cet avantage s'est perpétué : la loi de finances pour 2012 a adapté ce dispositif à la réforme de la taxe professionnelle en faisant désormais référence à la cotisation foncière des entreprises (CFE) ; à l'initiative de l'Assemblée nationale, la loi de finances pour 2013 a étendu cette pondération au calcul du potentiel fiscal agrégé d'un ensemble intercommunal, utilisé pour calculer les versements et attributions au titre du fonds national de péréquation des ressources communales et intercommunales (FPIC). Indirectement, le coefficient s'est donc également appliqué au potentiel fiscal des communes membres de l'EPCI, compris dans le potentiel fiscal agrégé. Enfin, pour tenir compte du fait que les anciens SAN étaient intégrés à de nouveaux EPCI, la loi de finances pour 2016 a prévu que le dispositif bénéficie également aux CA issues de la fusion d'EPCI dont l'un au moins est un ancien SAN. La pondération ne joue toutefois que sur le périmètre de l'ancien SAN.

L'article 79 de la loi de finances rectificative pour 2016, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de la rapporteure générale et avec un avis de sagesse du Gouvernement, a diminué l'avantage accordé aux CA issues de SAN. Le coefficient de pondération ne s'appliquerait plus à l'ensemble du potentiel fiscal de l'ancien SAN, mais uniquement à la part de ce potentiel correspondant à la CFE. Cette modification s'applique tant au potentiel fiscal utilisé pour la répartition de la dotation d'intercommunalité qu'au potentiel fiscal agrégé utilisé pour la répartition du FPIC.

La présente proposition de loi revient sur cet article 79 en s'appuyant sur deux arguments. D'une part, l'amendement est passé inaperçu à l'Assemblée nationale, ayant été présenté comme la correction d'une erreur. D'autre part, les conséquences financières sont considérables pour les collectivités territoriales concernées et celles-ci ne sont pas en mesure de les absorber en une seule année. Par ailleurs, les auteurs reconnaissent qu'il pourra être nécessaire d'examiner si cet avantage est encore justifié aujourd'hui.

Je rappelle qu'à l'automne dernier, notre commission avait donné un avis favorable à sa suppression, en considérant que « l'avantage accordé aux SAN ne devait pas se perpétuer indéfiniment ».

La proposition de loi a été modifiée en séance : dans la version transmise, l'avantage est bien maintenu en 2017 dans les mêmes conditions qu'en 2016, mais il sera totalement supprimé à partir de 2018. En d'autres termes, pour l'après-2017, le dispositif adopté va plus loin que le texte voté à l'automne.

J'en viens maintenant aux conséquences financières. Les anciens SAN continuent à bénéficier de bases fiscales plus importantes que les autres CA. En matière de fiscalité économique, leurs bases de CFE par habitant sont supérieures de 81 % à celles des autres CA ; celles de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) le sont de 65 %. De même, elles bénéficient de façon plus importante des compensations de la réforme de la taxe professionnelle. Les effets de la pondération demeurent donc importants et réduisent de 50 % environ le potentiel fiscal de ces CA.

Nous n'avons pas pu obtenir de simulation de l'article adopté en loi de finances rectificative pour 2016. En tout état de cause, il conduit à une baisse de la dotation d'intercommunalité perçue par ces EPCI et à une dégradation de leur solde au titre du FPIC. D'après les auteurs de la proposition de loi, qui ont indiqué s'être appuyés sur les estimations des cabinets de conseil ayant travaillé sur les budgets des EPCI concernés, les pertes seraient concentrées sur le FPIC et s'élèveraient à 26 millions d'euros en 2017. Ces montants représentent entre 3,2 % et 8,5 % des recettes réelles de fonctionnement des CA concernées, sous réserve que les chiffres indiqués dans l'exposé général de la proposition de loi soient bien ceux correspondant à la perte des EPCI et non à la perte des ensembles intercommunaux.

Ces chiffres peuvent être comparés à la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) des communes, qui représente environ 2 % de leurs recettes réelles de fonctionnement ; la suppression du dispositif aurait donc effectivement des conséquences importantes pour ces EPCI. Naturellement, ce coût repose sur les autres collectivités territoriales. En 2013, l'extension de la pondération au calcul du potentiel fiscal agrégé a ainsi permis à deux anciens SAN qui contribuaient au FPIC d'en devenir bénéficiaires, tandis que d'autres voyaient leur contribution diminuer fortement.

J'en viens à ma position sur l'article 1er.

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