Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 juin 2017 à 15h05
Projet de loi organique et projet de loi rétablissant la confiance dans l'action publique — Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président :

J'ai le plaisir d'accueillir Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, que les membres de la commission des lois connaissent déjà, car ils ont eu à se prononcer voilà quelques années sur sa nomination en qualité de membre du Conseil constitutionnel, fonction qu'elle a exercée jusqu'à sa nomination au Gouvernement.

Cette audition est ouverte à tous les sénateurs souhaitant y assister, y compris à ceux d'entre eux qui ne sont pas membres de la commission des lois, et à la presse.

Nous allons vous entendre sur deux textes, madame la garde des sceaux, dont l'objet est d'améliorer la régulation de la vie publique. Je remercie le Gouvernement d'avoir fait le choix de déposer ces textes en premier au Sénat. Sans doute ce choix s'explique-t-il par le statut de « chambre de réflexion » de notre assemblée. Le Sénat a en effet une certaine antériorité sur les questions de déontologie et d'éthique. Le travail collectif accompli au Sénat sous l'impulsion du président Gérard Larcher a débouché sur l'adoption d'un certain nombre de règles dont on trouve la trace dans les deux projets de loi qui nous sont aujourd'hui soumis.

Je rappelle ainsi les travaux de la commission des lois sur la prévention des conflits d'intérêts en 2011, ainsi que ceux de notre comité de déontologie parlementaire, du groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat et du groupe de travail sur la gouvernance du Sénat.

Des instructions ont été prises par le bureau et le règlement du Sénat a été modifié en 2015 à la suite de l'ensemble de ces travaux. Les réformes adoptées prévoient le renforcement du rôle du comité de déontologie, des sanctions en cas de manque d'assiduité à nos travaux et des règles applicables à l'indemnité représentative de frais de mandat, l'IRFM. Nous sommes prêts, sur toutes ces questions, à discuter encore de possibles améliorations, ayant déjà nous-mêmes fortement progressé sur la voie de la régulation et de la transparence. Nous avons également adopté des règles concernant l'encadrement et la transparence de la réserve parlementaire, instauré une obligation de publicité et prévu une égalité d'accès à ces crédits de l'État pour tous les parlementaires.

En tant que « chambre de réflexion », nous serons hostiles en général aux amendements de surenchère ou de démagogie, car nous avons à coeur de faire des choix responsables pour progresser sur la voie d'une plus grande transparence et d'une meilleure régulation de la vie publique.

Le Sénat, madame la garde des sceaux, est aussi l'héritier d'une longue tradition de défense de la Constitution, des libertés et des droits fondamentaux. C'est la raison pour laquelle nous veillerons particulièrement à ce que les projets de loi ne viennent pas restreindre de manière disproportionnée ces droits et ces libertés et à ce qu'ils ne portent pas atteinte à la séparation des pouvoirs, sans laquelle l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dit qu'il n'y a point de Constitution.

Nous serons également vigilants, et je sais que ce sera également votre cas, madame la garde des sceaux, sur les propositions qui fleurissent en dehors de notre assemblée sur l'immunité parlementaire, laquelle a été créée après le régime de la Terreur pour éviter aux représentants de la nation souveraine de faire l'objet d'arrestations arbitraires. Il n'y a pas de place pour les lubies et les fantaisies dans un travail qui se doit d'être aussi sérieux et objectif que possible.

Nous serons également vigilants concernant les garanties fondamentales, la liberté de candidature, qui est un attribut de la citoyenneté en démocratie que nous devons absolument préserver, la libre activité des partis politiques, prévue à l'article 4 de la Constitution, la non-discrimination face à l'emploi en fonction des origines - cela vaut naturellement pour les collaborateurs parlementaires -, l'indépendance du Parlement, représentant la nation souveraine face aux autres pouvoirs, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Au cours de l'examen des deux textes que vous allez nous présenter, madame la garde des sceaux, le Sénat n'oubliera jamais qu'il représente les collectivités territoriales de la République, conformément à la Constitution. Il veillera donc à ce que les communes rurales de notre pays puissent avoir accès à des crédits de l'État - je pense à la réserve parlementaire - dans des conditions qui ne privilégient pas la majorité gouvernementale et le pouvoir discrétionnaire de l'exécutif.

Plus généralement, nous demandons le respect des 600 000 élus de France, dont l'engagement dans la sphère publique et le désintéressement sont le dernier refuge dans une société de plus en plus marchande et consumériste.

Parler de projets de loi de « moralisation », comme on le fait trop souvent, est non seulement stupide à certains égards - une loi ne crée pas de morale philosophiquement, elle peut seulement en découler -, mais aussi injurieux pour tous ces Français dont il faut rappeler la probité, l'honnêteté et l'engagement au service des autres. Ce sont des Français comme les autres, ils doivent être traités comme les autres Français. L'intitulé des projets de loi traduit une prévention excessive à l'égard des élus des Français. Des mesures de défiance ne sont pas justifiées.

Sous ces quelques réserves, nous abordons l'examen de ces textes avec une grande bienveillance, madame la garde des sceaux.

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