Intervention de Alain Richard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 juin 2017 à 15h05
Projet de loi organique et projet de loi rétablissant la confiance dans l'action publique — Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Je souhaite exprimer quelques demandes de précisions ou suggestions de réflexion à propos de plusieurs dispositions de ces deux projets de loi. Je reviendrai d'abord sur l'attestation fiscale. La rédaction actuelle du projet de loi prévoit que les services des impôts, services administratifs sous la responsabilité de l'exécutif, attestent que la personne élue a, au moment de l'élection, rempli ses obligations. Faute d'un complément à la phrase, cela crée une incertitude : sont-ce les obligations qui résultent de sa dernière déclaration, fût-elle incomplète, ou bien l'administration serait-elle alors mandatée pour faire état de doutes ou de demandes complémentaires que lui inspireraient les dernières déclarations et devrait-elle alors par conséquent faire état d'un contentieux naissant ou en cours ? Il me semble donc nécessaire de compléter cette phrase. La seule façon de concilier le souci de la transparence et la nécessité d'éviter des incertitudes exagérées est de préciser que l'administration atteste que l'intéressé, en l'état de ses déclarations, s'est acquitté de ses obligations.

Deuxièmement, en ce qui concerne les activités de conseil, le Gouvernement a recyclé, si j'ose dire, une liste d'intérêts présente dans le code électoral, liste dont l'objectif est voisin, mais non identique, à savoir la liste des sociétés ou des entreprises dans lesquelles un parlementaire ne doit pas avoir de fonctions de direction. Il serait donc désormais interdit à un parlementaire détenant une société de conseil d'offrir ses services aux sociétés de cette liste. Cela est sans doute bienvenu, mais il faudrait préciser ce qu'est une société faisant appel publiquement à l'épargne ; je suppose que cela désigne une société cotée. Si tel est le cas, il me semble qu'il pourrait toujours y avoir un risque de conflit d'intérêts. Un parlementaire peut en effet avoir une activité substantielle de conseil ou de direction dans des entreprises n'appartenant pas à cette catégorie. Ainsi, des start-up peuvent devenir des sociétés très importantes sans être cotées et donc figurer dans la liste. Je m'interroge par conséquent sur ce point au regard du degré de détail qui nous est imposé dans nos déclarations d'intérêts quant à des relations même occasionnelles - un simple déjeuner, parfois - avec telle ou telle entreprise. Ne serait-il pas possible, et compatible avec le principe de la liberté d'entreprendre, de faire figurer dans la déclaration d'intérêts le chiffre d'affaires de toute entité économique dès lors que ce chiffre d'affaires dépasse un certain seuil. Selon moi, ce serait un mode de prévention plus complet.

Troisièmement, votre prédécesseur, M. François Bayrou, a déclaré le 1er juin, depuis la chancellerie et, ai-je compris, au nom du Gouvernement, que la suppression de la réserve parlementaire serait compensée par la création d'un fonds d'action pour les territoires ruraux, idée éminemment sympathique. Or la création de ce fonds ne figure pas dans ce projet de loi. Les défenseurs des territoires ruraux, qui sont quelques-uns dans cette assemblée, vont tout de même se montrer attentifs. Mentionnons au passage la possibilité d'un petit problème constitutionnel, puisque la réserve ne pose pas, à l'heure actuelle, de limite de population. Madame la garde des sceaux, entre-t-il dans les intentions du Gouvernement de maintenir au bénéfice des collectivités territoriales, les quelque 140 millions d'euros de crédits, pour l'essentiel d'investissement, qui sont aujourd'hui distribués suivant un mode qui est critiqué ? J'imagine que, en particulier dans cette assemblée, puisque nous avons eu le bonheur d'être saisis en premier, nous serons quelques-uns à imaginer des propositions qui pourraient être faites au Gouvernement dans ce domaine. D'ailleurs, il y a débat pour déterminer si le maintien de cette somme, qui est une pratique, peut faire l'objet d'un amendement parlementaire sans contrevenir à l'article 40 de la Constitution. Il me semble en tout cas que la déclaration du précédent garde des sceaux devrait inspirer le Gouvernement.

Enfin, puisque vous avez eu la délicatesse d'indiquer que le sujet du niveau de rémunération des parlementaires devrait être abordé lors de la discussion sur l'IRFM, il me semble qu'il n'y a pas là débat. En effet, si cette réflexion aboutit, ce ne peut-être que sur la proposition du Gouvernement, puisque, à l'évidence, un amendement parlementaire qui oserait toucher à ce sujet aurait pour objet la création d'une charge publique et serait donc inconstitutionnel.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion