Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 28 juin 2017 à 9h40
Projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président :

Je me souviens de nos délibérations du 13 juillet 2016. Nous avions alors estimé, sur le fondement de votre bilan, qu'il convenait de mettre fin à l'état d'urgence. C'était la veille de l'attentat de Nice. On a beaucoup reproché au Président de la République son discours du 14 juillet, qui adoptait la même position : l'honnêteté m'oblige à reconnaître que c'est une position que nous partagions.

Je ne regrette pas, pour autant, cette position d'alors. Nous sommes toujours, bien sûr, en situation de péril imminent, mais il ne suffit pas que la situation justifie l'état d'urgence pour que l'état d'urgence soit utile. Nous avions de fait observé l'an dernier que les mesures mises en oeuvre à partir de novembre 2015 avaient, au bout de quelques mois, perdu en efficacité ; une efficacité devenue presque nulle à mesure que le temps passait. Je pense notamment aux perquisitions : ceux qui se sentent potentiellement visés prennent leurs dispositions.

Je rappelle que l'état d'urgence peut être rétabli à tout moment, par décret. Une règle parfois méconnue de nos concitoyens qui en viennent à penser que lever l'état d'urgence, c'est lever la garde. Il faut prendre en compte cette perception. Mais nous sommes installés dans l'idée que l'on ne pourra en sortir qu'en inscrivant certaines mesures propres à l'état d'urgence dans le droit commun : le texte à venir s'inspire de cette philosophie dangereuse, pour ne pas dire erronée. Nous avons su prendre l'initiative de renforcer les mesures de lutte antiterroriste. C'est ainsi que nous avons introduit dans la loi du 3 juin 2016 la plupart des mesures contenues dans notre proposition de loi relative à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée qui nous tenaient à coeur, et nous les avons complétées encore dans la loi du 21 juillet 2016 sur l'état d'urgence. Nous nous sommes donc toujours montrés attentifs aux attentes des gouvernements successifs, en renforçant les moyens de la police et de la justice. Pour autant, l'idée que l'on ne pourrait sortir de l'état d'urgence qu'en renforçant encore cet arsenal de mesures me paraît dangereuse. Il y a des inconvénients à prendre des mesures restrictives des libertés applicables dans des temps ordinaires. L'avantage de l'état d'urgence, comme l'ont montré les abondantes jurisprudences du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel, est qu'il est assorti d'un contrôle juridictionnel très resserré, et que son application comporte un contrôle parlementaire régulier, comme en témoignent les mesures de suivi que nous avons prises, ce qui n'est pas le cas des mesures permanentes restrictives des libertés publiques.

Nous serons donc très attentifs au texte à venir. S'il faut des mesures efficaces, celles que prévoit l'état d'urgence le sont davantage. Sans oublier qu'il peut être rétabli à tout moment. Sans préjuger de ce que sera la position de la commission des lois, nous serons nombreux à estimer que s'il existe sans doute des marges de progression dans les moyens reconnus à la police et à la justice, on peut y remédier sans s'inscrire dans la philosophie qui a semblé à l'oeuvre dans la préparation du texte du ministre de l'intérieur.

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