Madame la garde des sceaux, je suis navré de devoir émettre un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, comme vous le savez, la Constitution fait du Sénat le représentant des collectivités territoriales de la République. Or nous avons malheureusement constaté des excès de sévérité dans la condamnation d’élus dont les comportements ne portaient pourtant nullement atteinte ni à la probité ni même à l’objectivité, mais qui avaient pris part à des délibérations accordant des subventions à des associations auxquelles ils appartenaient, d’ailleurs souvent à la demande de la collectivité elle-même !
La notion d’« intérêt quelconque » pris par un élu à l’occasion des délibérations d’une collectivité est absolument floue. Le mot « quelconque » l’indique suffisamment.
Avec l’article 1er bis, la commission a cherché le meilleur équilibre, afin de ne punir que les faits qui sont réellement contraires à la probité. C’est notre collègue Pierre-Yves Collombat qui a suggéré cette rédaction équilibrée consistant à définir l’intérêt qui caractérise la prise illégale d’intérêts comme « un intérêt personnel distinct de l’intérêt général ».
En conservant l’article 1er bis, on adopterait une définition qui reste très large et qui offre suffisamment de garanties contre des décisions qui présumeraient d’un manque de probité de leur auteur, sans pour autant courir le risque de voir la Cour de cassation se croire obligée, en raison du flou de la rédaction adoptée par le législateur, de confirmer des condamnations qui ne sont véritablement pas justifiées. Faisons entrer un peu de pragmatisme et de bon sens dans les règles relatives à la prise illégale d’intérêts, tout en restant sévères à l’égard de tout comportement qui porterait atteinte à la probité !