Intervention de Philippe Bas

Réunion du 13 juillet 2017 à 9h30
Rétablissement de la confiance dans l'action publique — Articles additionnels après l'article 6

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

Les auteurs de ces amendements soulèvent le problème de la participation de parlementaires à des organes de presse, non seulement, d'ailleurs, pour ce qui concerne la propriété ou la direction de ces organes, mais aussi, s’agissant de l’amendement de M. Doligé, pour les activités journalistiques.

Leur adoption aurait pour effet d’interdire aux parlementaires l’exercice du journalisme, notamment la possibilité de signer des articles ou des tribunes dans des journaux.

Elle aurait également pour effet de restreindre le droit de propriété des parlementaires, qui pourraient investir dans un certain nombre d’entreprises, mais pas dans des entreprises de presse, au motif que la presse, si je comprends bien, ne doit jamais exprimer d’opinion et doit se borner à relater des faits de manière objective.

Cette appréciation de la nature même du métier de journaliste n’est pas la mienne. Pour ma part, je constate que tous les journaux ont une « inspiration », et un journalisme qui serait dénué de toute expression directe ou indirecte d’opinion me paraît inaccessible.

L’histoire – je pense à Clemenceau, à Jaurès et à beaucoup d’autres – démontre au contraire la reconnaissance, dans la tradition républicaine, d’un engagement des parlementaires dans des activités de presse et de l’existence d’une presse d’opinion qui s’assume comme telle.

Par conséquent, si je reconnais volontiers que le débat sur les incompatibilités soulevées par ces amendements mérite d’être ouvert, nous devrions peut-être nous y pencher autrement qu’au détour du présent texte, dont je rappelle qu’il porte sur beaucoup d’autres matières.

Je veux aussi souligner qu’en matière d’incompatibilités, les seules règles posées, qui sont constitutionnelles, protègent le parlementaire contre le risque de dépendre d’intérêts. Aucune incompatibilité ne peut être justifiée par d’autres motifs. Or la participation à une entreprise de presse, l’exercice d’une activité de journaliste ne mettent pas en cause l’indépendance du parlementaire lui-même.

En réalité, ces amendements visent à préserver l’indépendance de la presse, et non l’indépendance du parlementaire lui-même. Or la restriction de la liberté d’entreprendre d’un parlementaire ou de sa liberté d’exercice d’une profession comme celle de journaliste, même exercée à titre gratuit, se trouve limitée par des impératifs d’ordre constitutionnel. Dès lors, même si nous admettions leur opportunité, ces amendements se heurtent à des principes fondamentaux, qui ne sont pas de pure forme et touchent à la liberté du citoyen qu’est aussi le parlementaire.

Dans ces conditions, mes chers collègues, si les problèmes que vous soulevez sont sérieux, la commission des lois, bien qu’animée de la meilleure volonté du monde, a estimé devoir s’opposer à ces amendements.

J’ajoute que j’ai été saisi par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui est toujours extrêmement sourcilleuse lorsqu’il s'agit de préserver, comme vous voulez le faire, l’indépendance de la presse. La commission m’a fait part de sa préoccupation : elle considère que l’adoption de ces amendements entraînerait l’obligation, pour les parlementaires qui siègent actuellement dans les conseils d’administration de Radio France ou de France Télévisions, de se retirer. C’est aussi un élément que nous devons prendre en considération. Souvent, j’entends des plaintes sur le traitement de l’information par les médias audiovisuels.

Pour toutes ces raisons, dans l’hypothèse où nos collègues ne retireraient pas leurs amendements, la commission des lois sera obligée d’émettre, à leur sujet, un avis défavorable.

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