Pour certaines de ces questions, la réponse ne peut qu'être européenne.
Pour ce qui concerne les boîtes aux lettres, il s'agit d'une préoccupation majeure. Une politique de localisation n'est pas efficace si la localisation consiste en une simple boîte aux lettres ! Les centres de maîtrise du risque ne sont alors pas localisés.
Comment éviter la boîte aux lettres sans tomber dans l'excès inverse, qui consisterait à obliger à ce que tout soit réalisé sur place, alors même qu'il peut être pertinent que des économies d'échelle induisent des gestions de risque à un niveau plus vaste que le territoire national ou européen, voire à l'échelle internationale ? La réponse n'est pas simple parce qu'elle dépend de l'activité que l'on exerce et de la chaîne de décision du superviseur. En matière bancaire, il existe désormais un superviseur unique.
Notre doctrine est bien ancrée dans un certain nombre de textes. L'externalisation d'une fonction essentielle ne peut être réalisée que sous un certain nombre de règles extrêmement précises.
En matière bancaire, nous avons dit aux établissements qu'ils ne pourraient pas s'installer dans la zone euro et déboucler toutes les opérations qu'ils y réaliseraient sur un centre, par exemple à Londres, où demeurerait l'essentiel. L'existence d'un ancrage réglementaire et d'un superviseur unique, qui le met en oeuvre de façon cohérente et homogène sur la zone, permet donc la mise en place d'un certain nombre de principes.
En matière d'assurance, il n'y a pas de superviseur unique, mais il existe un corpus de règles.
Pour ce qui concerne les sociétés de gestion ou les services financiers, le corpus de règles est très faible. En l'état actuel des textes, l'établissement ne peut pas proposer ses services aux particuliers dans un pays. En revanche, la gamme de libres prestations de services est beaucoup plus étendue pour ce qui concerne les services offerts aux professionnels.
Cela étant, le corpus de règles sur l'externalisation de fonctions essentielles aux établissements qui veulent s'installer en Europe est très faible.
Actuellement, un débat a lieu à l'Autorité européenne des marchés financiers pour harmoniser une approche cohérente entre tous les pays, en particulier sur l'absolue nécessité de la présence physique, in situ, d'un certain nombre de fonctions clés. Ce débat, très complexe, montre bien qu'il faut aller plus loin dans l'harmonisation des règles européennes, pour éviter une concurrence par le bas qui se ferait au détriment de tous. Si l'on peut déjà observer un premier résultat, les personnes devant être physiquement présentes pour la localisation d'un service financier, il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine.
La surtransposition, aussi qualifiée de gold plating, est toujours une tentation. L'approche du Gouvernement sur ce sujet me paraît, d'ailleurs, extrêmement intéressante. Il s'agit de revenir en arrière lorsqu'une surtransposition est constatée. En effet, on fait parfois de la surtransposition sans le vouloir ! Mais le souci de tous les superviseurs, de tous les régulateurs français depuis quelques années est vraiment d'éviter ce phénomène. Vous avez évoqué la transposition de la directive MIF 2 : pour y avoir participé, en tant que membre du collège de l'AMF, je peux vous assurer que nous avons essayé de réduire cette tentation au maximum.
Je prends l'exemple du financement de la recherche, sujet qui a quelque peu ému parce qu'on avait le sentiment, à raison du reste, que la mise en oeuvre des règles résultant de la directive MIF 2 se ferait au détriment de la recherche sur les valeurs moyennes, dont le coût est aujourd'hui mutualisé avec le coût de la recherche sur les grandes valeurs. L'identification du coût de la recherche, sa prise en charge explicite par la société de gestion ou sa refacturation explicite au client, qui doit donner son accord, sont quelque peu compliquées. Après avoir consulté tous les professionnels, l'AMF va rendre public un guide sur la mise en oeuvre de la directive. Vraiment, je crois qu'il n'y a là aucune surtransposition.
J'en viens à la question des Fintech et de l'alternative entre « bac à sable » et approche proportionnelle. On évoque souvent la proportionnalité, le terme a de quoi séduire - la réglementation est très compliquée mais on va l'appliquer de manière proportionnée -, mais, dans les faits, la proportionnalité est très difficile à mettre en oeuvre, d'où l'idée du bac à sable. Votre rapport présente bien les arguments pour et contre ces deux approches mais nous considérons que le vrai bac à sable n'est pas compatible avec la réglementation européenne. Il y a actuellement une consultation européenne en la matière, qui permettra peut-être d'évoluer.
Par exemple, on trouve beaucoup de Fintech dans le système de paiement ; elles peuvent commencer petit, en étant d'abord agents d'un établissement de paiement, puis devenir établissements de paiement avant de se transformer en établissements de crédit. Il existe donc une gradation. L'ACPR et l'AMF travaillent conjointement sur ce sujet, car il faut parfois des combinaisons de licences pour offrir un panel de services. Il faut aider, accompagner ces sociétés. Très souvent, la réglementation sur ces niches n'est pas si lourde qu'on le croit. Ce qui est compliqué, c'est la multiplicité des niches.
À terme, une Fintech qui réussit vraiment, qui se développe, a vocation à avoir le statut le plus général possible, celui d'établissement de crédit, qui fournit l'ensemble des services. Je ne ferai pas ici la cartographie complexe des niches, mais il faut les aider à trouver la bonne licence ; selon moi, ce n'est pas si complexe.
En ce qui concerne la publicité, le combat n'est pas perdu d'avance, mais il ne doit pas être que répressif. Il faut bien sûr l'être, et la loi « Sapin 2 » donne des outils pour cela, mais la clé, c'est l'éducation financière. Il faut que les gens comprennent que la promesse d'une rentabilité de 20 % par an a quelque chose de louche. La Banque de France et l'AMF ont tenté de joindre leurs forces dans ce combat.