Intervention de Robert Ophèle

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 juillet 2017 à 14h05
Article 13 de la constitution — Audition de M. Robert Ophèle candidat proposé par le président de la république aux fonctions de président de l'autorité des marchés financiers amf

Robert Ophèle :

J'ai eu le sentiment de participer à la création de l'Union monétaire puis à celle de l'Union bancaire. Je trouve stimulant de participer à la création effective de l'Union des marchés de capitaux. Si le fait d'avoir fait ma carrière à la Banque de France rassure, je m'en réjouis.

Il y a un superviseur des banques et des assurances et un superviseur des marchés. On trouve toutes les organisations dans le monde et le temps n'est pas aux modifications institutionnelles. La clé, c'est la coopération. Elle fonctionne et elle continuera de fonctionner. Faire des modifications institutionnelles, c'est s'écarter du sujet important. Au Royaume-Uni, on est passé d'un système à l'autre puis on est revenu à l'organisation initiale. Le 13 juillet dernier, le nouveau président de la Securities and Exchange Commission (SEC) a prononcé un discours articulé autour de huit axes ; le dernier était : la coordination entre agences est la clé du succès. C'est important chez nous aussi. Cette coordination existe et on va essayer de l'amplifier. Des modifications institutionnelles seraient donc un divertissement par rapport aux vrais sujets.

Cela dit, au Royaume-Uni, 4 500 personnes sont investies dans la régulation du système financier. En Allemagne, cela représente 3 000 personnes. En France, l'ACPR et l'AMF représentent 1 500 personnes. Cet écart pose des questions, tout de même, eu égard à l'importance du système financier dans notre pays. Si l'on veut qu'il se développe, il faudra bien faire quelque chose. Ainsi, notre budget est plafonné à 94 millions d'euros, mais on récolte environ 110 millions d'euros et on dépense entre 100 et 110 millions d'euros. Par conséquent, si l'on maintient ce plafond, on devra réduire nos effectifs, alors que tous les régulateurs européens les augmentent de façon très significative. Je pense que cela fera l'objet d'un débat le moment venu, mais il est étrange d'avoir un plafond inférieur à nos ressources collectées et aux dépenses effectives.

Une des particularités de l'AMF est qu'elle est très rigoureuse dans ses procédures d'enquête, de contrôle et qu'elle assure un suivi pointu des marchés et fait de l'analyse des données. Vous citiez les transactions à haute fréquence. Grâce à ce suivi, les acteurs qui ne respectaient pas les règles ont été poursuivis et condamnés. L'AMF est la seule autorité en Europe, hors Royaume-Uni, à l'avoir fait, car elle est la seule à avoir la capacité d'analyse très fine nécessaire pour le faire - c'est d'ailleurs peut-être là une manifestation du génie français, on mathématise beaucoup - et il est très important que l'évolution du système d'information maintienne cette capacité. Il s'agit d'une expertise française indispensable.

En ce qui concerne les cyberattaques, il est vital d'être très attentif, car il y a une interconnexion forte des acteurs et beaucoup d'innovation informatique en la matière, ce qui ouvre la brèche à des attaques de plus forte ampleur encore. Ainsi, la directive relative aux systèmes de paiement, permettant d'initier des paiements entre comptes, touche à un domaine dans lequel les risques de cyberattaques sont significatifs ; il faudra bien les mesurer avant de mettre en oeuvre les dispositifs. Par exemple, quand on crée une plateforme de financement participatif, il faut étudier sa résistance aux attaques. En France, l'Agence nationale de sécurité informatique (ANSI) valide les dispositifs touchant à un système d'importance vitale et il faut conserver cette dimension. Ensuite, il y a un réseau européen dans ce domaine ; dès qu'il y a une attaque quelque part, on se tient au courant pour y faire face.

Quant à la supervision unique, c'est un long chemin, cela ne se décrète pas. Le premier stade consiste à se donner des règles communes, à les faire émerger à tous les niveaux, des grands principes aux procédures concrètes. Ensuite, second stade, chacun est censé les mettre en oeuvre au niveau national ; on se regarde les uns les autres et on vérifie que chacun l'applique, de manière cohérente. Enfin, dernière étape, on passe à la supervision unique. On en est très loin. Il y a un marché unique et, un jour ou l'autre, on n'aura plus vingt-neuf superviseurs mais un seul. Telle est ma vision des choses.

Votre question, monsieur Laménie, relève plus du système bancaire que de l'AMF, mais la Banque de France a une implantation territoriale fine, dans chaque département. C'est un choix stratégique, qu'elle a confirmé. Elle est le relais de l'AMF et nous travaillons conjointement pour aider le tissu économique local dans sa recherche de financement ou de crédit, tant pour les entreprises que pour les particuliers. Il y a un droit au compte en France mais pas de droit au crédit ; chacun doit donc faire de son mieux et la présence fine de la Banque de France sur le territoire est cruciale à cet égard.

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