Mais cela n'aide pas !
Les bourses de l'Union, en particulier la Deutsche Börse mais aussi Euronext, n'ont pas intérêt à servir de simples boîtes aux lettres. La Deutsche Börse et Euronext ont une carte à jouer pour accueillir non seulement les entreprises de la zone qui veulent être cotées, mais aussi les entreprises internationales qui souhaitent être cotées en Europe. En effet, l'excèdent de paiements courants en Europe est de 300 milliards d'euros par an : le marché européen est donc très attractif.
En Europe, il existe d'importantes chambres de compensation. En France, Clearnet, filiale de la London Clearing House (LCH), elle-même filiale de LSE Group, compense des produits d'Euronext et, de façon très significative, des opérations de pension livrée (repo) en euros et de couverture de défaillance (Credit Default Swap). En Allemagne, Eurex a également une capacité de compensation extrêmement forte.
La localisation de la compensation suscite beaucoup d'émotion des deux côtés de la Manche, car elle renvoie à la question de la reconnaissance des établissements situés dans des pays tiers. Le Brexit conduit à revoir cette question de manière brutale. Nous n'aurions jamais imaginé que cette reconnaissance concernerait des établissements à nos frontières, et non plus des établissements en Asie ou aux États-Unis.
La Commission européenne a proposé une révision de la réglementation en la matière, dite « Emir » (European Market and Infrastructure Regulation), qui me paraît intéressante. En effet, on peut appliquer une réglementation impeccable, absolument équivalente à la nôtre, dans un pays tiers ; pour autant, cela ne signifie pas que nous avons le droit de compenser 100 % du produit concerné dans cette chambre. C'est une question non pas de qualité de supervision, mais de souveraineté. Si les règles appliquées par le pays tiers, aujourd'hui équivalentes de facto, sont modifiées alors que la totalité des produits y est compensée, nous perdons toute capacité de peser dans le débat. S'agissant de certains produits sensibles pour nos économies, il doit y avoir, selon moi, des alternatives effectives dans l'Union européenne. C'est ce qui est en filigrane dans l'approche à trois niveaux de la proposition de la Commission européenne : les chambres de compensation standards, systémiques et super-systémiques.
Sur la question de la publicité, l'AMF est face à un dilemme. Aujourd'hui, elle vérifie les publicités ex ante, ce qui est extrêmement lourd, pour une efficacité certes réelle mais pas totale. Tout dépend des moyens qui lui sont accordés. La formation des publics doit mobiliser tous les acteurs intéressés. L'AMF est très présente dans ce domaine, notamment avec lafinancepourtous.com, une plateforme internet qui offre de nombreux supports éducatifs. Nous avons intégré cet outil dans une approche plus large conduite avec la Banque de France, qui a été investie d'une mission nationale. La clé, c'est l'éducation financière. Il faut donner des réflexes aux jeunes. De nombreuses conventions sont en train d'être conclues avec les rectorats afin de fournir des supports sur le terrain, en s'appuyant sur le réseau de la Banque de France.
J'en viens aux ETI, qui sont moins nombreuses en France qu'ailleurs. Pour qu'une PME devienne une ETI et pour que cette ETI prospère, deux éléments sont à prendre en considération. Le premier est le marché boursier (Alternext, le compartiment B...). Le second, sur lequel nous nous sommes mobilisés avec la chambre de commerce de Paris-Île-de-France, le ministère de l'économie, l'AMF et la Banque de France, est le développement d'un marché de placements privés. Une ETI ne peut pas faire d'émission obligataire, car le marché doit connaître l'émetteur et ainsi faire confiance à sa signature. Si une entreprise émet pour 20 millions d'euros, et surtout si elle ne le fait qu'une seule fois, cela n'intéressera personne !
Nous avons considéré qu'il fallait développer un marché du placement privé, avec des investisseurs institutionnels, pour des émissions de 10 à 20 millions d'euros - des montants qui correspondent aux investissements des ETI. Pour que ce marché se développe, il faut que personne n'ait le sentiment qu'il pourrait exister un conflit d'intérêts. Il faut une charte de bonne conduite qui doit être respectée sur ce marché. C'est ce que nous avons élaboré avec les parties prenantes - avocats, banques, émetteurs.
En ce qui concerne le marché boursier, un travail est actuellement mené pour faciliter la sortie de ce marché. L'idée est que l'on ne rentre sur le marché que si l'on sait que l'on peut en sortir.
Certains d'entre vous ont fait remarquer que l'Union des marchés de capitaux est décevante, qu'elle n'avance pas. La directive prospectus est une avancée, mais elle ne constitue pas un progrès assez significatif. Néanmoins, il faut garder espoir, car on s'aperçoit qu'il faut traiter trois sujets, même s'ils sont compliqués, pour réussir cette union.
Le premier sujet est le droit de la faillite. Aux États-Unis, le Chapter 11 constitue une règle commune. Si le droit de la faillite est complètement différent d'un pays à l'autre dans un marché unique, un investisseur ne fera pas l'effort de connaître toutes ces règles. Pour aller vers une plus grande fluidité, il faut progresser sur ce point. Nous y travaillons.
Le deuxième sujet, qui n'est pas décisif, est les normes comptables. Si elles sont très différentes, elles peuvent constituer un obstacle.
Le troisième sujet est la création de produits paneuropéens de long terme. Les fonds d'investissement de long terme (Long Term Investment Funds, LTIF) existent déjà ; un produit paneuropéen de pension individuelle est en projet. Pour l'instant, ce produit n'est pas satisfaisant, mais il constitue une base à améliorer.
S'agissant du Parquet national financier (PNF), il faut raisonner en termes de vitesse de sanction. La vitesse n'est pas la même à l'AMF et au PNF. Mais les peines sont différentes. Même si elles sont virtuelles, les peines de prison ne doivent pas être négligées. L'enquête est toujours conduite par l'AMF qui propose au PNF de se saisir de l'affaire. Le PNF se saisit souvent du dossier lorsqu'il existe des affaires connexes, afin d'obtenir un « effet masse ». Le non bis in idem a été une surprise pour beaucoup. Nous avons trouvé une solution équilibrée à ce stade. Il est trop tôt pour faire un bilan, mais les échos que j'ai entendus ne sont pas négatifs.
Pour ce qui concerne les bulles financières, nous avons en France un Haut Conseil de stabilité financière, dont la fonction est d'identifier, le plus en amont possible, d'éventuels risques, que ce soit chez nous ou à l'étranger, s'ils peuvent avoir des conséquences dans notre pays.
On peut distinguer différentes sortes de bulles : celles qui touchent les avoirs financiers ; celles qui atteignent les prix de l'immobilier et qui sont plus dangereuses, car elles concernent un nombre plus important de personnes, dont la mobilité est de fait réduite, ont des effets durables et touchent le secteur du bâtiment.
Aujourd'hui, le risque n'est pas considéré comme alarmant pour l'immobilier des particuliers. Nous avons eu une inquiétude sur l'immobilier commercial, mais la bulle ne semble pas prospérer. On examine aussi l'endettement des entreprises, considéré comme un peu trop rapide en France, mais il faut analyser de manière plus granulaire les faiblesses que cela peut révéler. On surveille également le risque que peut représenter la valorisation élevée des bourses aux États-Unis, ainsi que le niveau inquiétant des crédits automobiles et des crédits aux étudiants dans ce même pays.
La surveillance s'exerce à tous les niveaux : français, européen, mondial.