Ces mesures préventives sont plus importantes encore que les mesures punitives. Chaque fois que l’on empêchera que des vies humaines soient fauchées par des terroristes, on aura rendu aux Français le service le plus éminent que l’on puisse leur rendre. On aura assuré leur sécurité et, à ce titre aussi, nous nous positionnons dans le cadre de l’État de droit, républicain, établissant une parfaite distinction entre prévention et punition.
Il s’agit donc ici de prévenir, en prenant des mesures administratives qui ne sont pas privatives de liberté.
Il est question non d’enfermer l’individu, mais de réduire sa liberté d’aller et venir pour mieux le surveiller, dans des conditions précisées par la loi, sous le contrôle du Conseil d’État dont chacun sait l’exigence en matière de protection des libertés et de vérification de la proportionnalité de la mesure aux finalités que le législateur autorise le ministre de l’intérieur à poursuivre.
J’ajouterai que ce régime, consistant à limiter la liberté de mouvement d’un individu dangereux, est plus souple que celui des assignations à résidence, pourtant très utiles, qui ont été prononcées pendant la durée de l’état d’urgence. Alors que ces dernières peuvent intervenir en dehors de toute menace terroriste, par exemple en cas de menace pour la sécurité, lui se restreint au seul terrorisme.
Sa souplesse tient aussi au fait que les exigences de la vie professionnelle et familiale de l’individu mis sous surveillance sont prises en compte, que ce dernier peut se déplacer sur le territoire de sa commune, au moins, et sur un périmètre plus large si le ministre de l’intérieur le décide.
Enfin, la mesure est prononcée pour trois mois et son renouvellement, grâce aux initiatives de notre rapporteur, sera assorti de conditions extrêmement sévères, avec une intervention obligatoire du Conseil d’État.
Donc, le dispositif proposé est beaucoup plus souple que celui de l’assignation à résidence.
Enfin, la question de l’efficacité a été posée, et c’est une vraie question. M. le ministre de l’intérieur aura-t-il besoin de ce dispositif ? Oui, j’en suis convaincu. Mais c’est là une profession de foi que nous devons pouvoir vérifier.
C’est pourquoi nous avons décidé, au sein de la commission des lois, d’imposer au ministre de l’intérieur de nous rendre compte, comme il l’a fait pendant l’état d’urgence, des dispositions qui seront prises en application de cet article.
Chaque année, nous saurons combien de mesures auront été engagées, dans combien de cas le Conseil d’État aura annulé la décision du ministre et dans combien de cas nous aurons réussi – et c’est un objectif utile – à judiciariser la surveillance, c'est-à-dire à permettre au juge judiciaire, en cas de délit commis par l’individu placé sous surveillance, d’engager des poursuites et, éventuellement, de condamner celui-ci à une peine de prison.
Le Parlement pourra s’appuyer sur ce rapport annuel lorsqu’il aura à se prononcer, à nouveau, sur le dispositif que je vous propose aujourd'hui de voter.
Nous avons effectivement prévu, au sein de la commission, que ce dispositif soit temporaire : ces dispositions législatives tomberont donc d’elles-mêmes le 31 décembre 2021, si elles ne sont pas reconduites par un nouveau vote de l’Assemblée nationale et du Sénat.
À nouveau, nous nous inspirons du régime mis en place pour l’état d’urgence, dont l’une des forces a été, selon nous, nos yeux, d’adosser au contrôle du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État notre propre contrôle.
Ainsi, nous avons instauré une mission de suivi, dont le rapporteur spécial était Michel Mercier. Cette mission de suivi a été dotée par le Sénat des pouvoirs d’investigation d’une commission d’enquête, si bien que nous savons tout de ce qui a été mis en œuvre par l’État dans le cadre de l’état d’urgence. Qui plus est, toute prolongation de ce dernier implique un vote de notre part.
De la même manière, nous devrons voter à nouveau pour prolonger, au-delà du 31 décembre 2021, les présentes mesures. Grâce à cette clause d’autodestruction que nous avons introduite, le ministre de l’intérieur sera tenu d’en démontrer l’utilité et vos doutes, mes chers collègues, seront alors soit confirmés, soit levés. Quoi qu’il en soit, le dispositif ne survivra pas, si les exigences de la lutte contre le terrorisme ne l’imposent pas.