Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 20 juillet 2017 à 15h00
Convention fiscale avec le portugal — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’avenant signé le 25 août 2016 avec le Portugal cible deux catégories de dispositions prioritaires pour les autorités françaises.

Il s’agit en premier lieu de résoudre les difficultés de nos compatriotes exerçant des activités de service public au Portugal, et notamment des enseignants de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, qui participent au lien culturel entre nos deux pays.

Il s’agit en second lieu de renforcer notre coopération administrative, de manière très opérationnelle, dans le but de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

La France et le Portugal sont liés, en matière d’impôts sur le revenu, par une convention fiscale de 1971. Or, dans le cas des rémunérations et des pensions publiques, celle-ci prévoit un droit d’imposer partagé entre l’État de résidence et celui d’origine du revenu, à charge pour le premier d’éliminer la double imposition.

Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que les diplomates obéissent quant à eux à un régime différent, qui leur est propre, celui de la convention de Vienne de 1961.

Dès lors que le Portugal a commencé à exercer son droit d’imposer les rémunérations et pensions publiques versées par la France à compter des revenus de 2009, le système complexe prévu par la convention fiscale actuelle a donné lieu à de nombreuses difficultés. Nos agents publics, et notamment les enseignants des lycées français, qui avaient généralement déclaré leurs rémunérations et payé leurs impôts en France, ont immédiatement exprimé une forte incompréhension face aux contrôles entrepris à leur égard par l’administration portugaise, même si ces derniers étaient conformes à la convention fiscale.

Le ministère des finances français a donc engagé sans tarder des démarches auprès des autorités portugaises pour remédier à cette situation.

La France et le Portugal étant membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, les travaux se sont appuyés sur le modèle de convention fiscale publié par celle-ci.

L’OCDE prévoit que les rémunérations et pensions publiques sont imposables exclusivement dans l’État d’origine du revenu, ou bien dans celui de résidence si le contribuable en a la nationalité. Ce principe d’imposition exclusive par un État est une simplification essentielle par rapport à l’état actuel de la convention franco-portugaise.

Ainsi, de manière concrète, aux termes du dispositif qui vous est soumis, nos compatriotes résidents au Portugal percevant des rémunérations publiques d’origine française seraient désormais exclusivement imposables en France.

En outre, dans le but de tenir compte notamment de la situation des établissements d’enseignement, le gouvernement portugais a accepté d’aller plus loin que ne le prévoyait le modèle de l’OCDE et de répondre favorablement à notre demande d’étendre ce régime aux binationaux franco-portugais, et je tiens ici à en remercier le Portugal et ses autorités.

Pour les pensions publiques, le même principe s’appliquerait, à savoir l’imposition exclusive dans l’État d’origine. Toutefois, dans ce cas, il n’a pas été possible de déroger au modèle de l’OCDE. En conséquence, les personnes percevant des retraites publiques d’origine française seraient imposables exclusivement en France, sauf si elles ont la nationalité portugaise, qu’elles soient binationales ou non, auquel cas seul le Portugal pourrait alors les imposer.

Enfin, de manière à régler des situations actuellement pendantes auxquelles sont confrontés nos agents publics au Portugal, ces dispositions s’appliqueraient de manière rétroactive aux rémunérations et pensions versées à compter du 1er janvier 2013.

Là encore, les autorités portugaises ont été sensibles aux liens d’amitié et culturels existant entre nos deux pays ; nous les en remercions à nouveau.

L’avenant qui vous est soumis comporte un autre volet, également très important, qui concerne l’effectivité de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

En effet, il actualise le dispositif bilatéral d’échange de renseignements de la convention fiscale et y ajoute un mécanisme d’assistance au recouvrement, en se conformant dans les deux cas aux normes les plus récentes de l’OCDE. Rappelons que, conformément à la directive européenne de 2014, la France et le Portugal doivent par ailleurs échanger automatiquement leurs informations relatives aux comptes financiers d’ici au 30 septembre 2017.

Enfin, l’avenant introduit dans la convention fiscale une clause anti-abus destinée à éviter les montages d’optimisation visant à bénéficier indûment des avantages conventionnels. Cette clause s’inscrit dans la ligne du projet de lutte contre l’érosion de la base fiscale et les transferts de bénéfices, le fameux projet BEPS, Base Erosion and Profit Shifting, de l’OCDE et du G20, et anticipe en particulier, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, l’application de l’accord multilatéral signé dans ce cadre le 7 juin 2017 à Paris par plus de soixante pays.

Pour ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, l’entrée en vigueur de l’avenant à la convention fiscale entre la France et le Portugal est très attendue. Le Portugal a achevé sa procédure de ratification le 3 avril 2017 ; l’application de l’avenant interviendra dès que la France aura fait de même. Je vous invite donc à approuver sa ratification ; ce texte est en effet porteur de progrès fiscal et facilitera la vie de nos agents et retraités publics au Portugal.

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