Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 18 novembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Ave ce projet de loi de finances pour 2011, on nous annonce, pour la énième fois, que nous allons lutter avec détermination et efficacité contre les déficits. Ces déclarations nous laissent dubitatifs puisque les précédentes lois de finances, sous-tendues par les mêmes intentions, n’y sont pas parvenues !

Par ailleurs, nous nous demandons depuis plusieurs années quels sont les vecteurs essentiels de ce déficit public et de cette dette publique, agités comme autant d’épouvantails pour justifier des politiques d’austérité.

Cette démarche, largement inspirée par la Commission européenne, est également défendue becs et ongles par la Chancelière de La République fédérale d’Allemagne, qui sait fort bien, et de longue date, que son pays doit une bonne partie de sa force économique à la manière dont il écrase la concurrence des autres pays de l’Union, notamment sur le plan commercial.

Permettez-moi d’ailleurs de pointer, dès maintenant, l’une des limites essentielles de la politique d’austérité qu’entend mener le Gouvernement.

Alors que nous avons connu en 2008 un épisode inédit de la crise, sous la forme d’une surchauffe des secteurs financiers – un incident dont il convient de sortir ! –, l’Union européenne a décidé d’être la seule partie du monde à mener des politiques d’austérité pour enclencher de nouveau le processus de croissance.

Il n’y a qu’en Europe que l’on entend remettre les économies d’aplomb par la réduction des dépenses publiques et la limitation de la création monétaire !

À peine avions-nous débattu de la loi de programmation que le Gouverneur de la Banque centrale américaine, à la suite des résultats des élections de mi-mandat, annonçait qu’il allait mettre en circulation 600 milliards de dollars supplémentaires pour racheter une partie de la dette publique colossale de l’État fédéral américain ! Quitte à ce que tout cela pèse sur la valeur du dollar – et c’est l’architecture d’une loi de finances fondée sur un euro à parité de 1, 30 dollar qui en prend un coup ! –, car l’objectif est de relancer l’activité économique, une relance qui permettra à la valeur du billet vert d’être adossée à une production réelle de biens et de services !

On pourrait se demander, à ce stade, ce qu’attend Jean-Claude Trichet, arc-bouté sur sa crainte de l’inflation monétaire, pour agir de la même façon …

Pourquoi la Banque centrale européenne ne procède-t-elle pas à des émissions de monnaie ou d’obligations rachetant tout ou partie de la dette publique des États de l’Union, à commencer par les plus mal en point que sont l’Irlande, la Grèce, le Portugal ou l’Espagne ? Comme nous ne pouvons décemment pas demander à la présidence belge de l’Union européenne de le faire, ce serait bien la moindre des choses !

Mes chers collègues, une partie de l’origine de nos difficultés actuelles se situe probablement au niveau européen.

Cela fait en effet quelques décennies que l’Union est conçue comme une vaste zone de libre-échange, fondée sur la recherche permanente du moins-disant fiscal et social et, singulièrement, sur une harmonisation des législations nationales visant à réduire, sans cesse, les taux nominaux d’imposition des sociétés et des ménages les plus aisés, et à faire disparaître, autant que faire se peut, toute taxation supportée par l’entreprise, le capital ou le patrimoine.

La croissance des déficits publics, en ce qu’elle va bien au-delà des dépenses d’équipement de la nation – qui peuvent motiver le recours à l’emprunt, comme pour une famille qui achète une maison mais ne dispose pas immédiatement de l’argent nécessaire ! –, date du milieu des années 1980.

Avec le temps, nous avons en effet connu une dérive des comptes publics qui a ajouté au financement de l’investissement un service de la dette de plus en plus conséquent et une insuffisance des recettes de fonctionnement, tout cela conduisant au fameux effet « boule de neige » de la dette publique. Seuls les exercices budgétaires compris en 1997 et 2002 ont permis d’éviter cet effet.

À quoi tient l’insuffisance des recettes de fonctionnement, sinon aux moins-values constamment réévaluées de recettes fiscales, sous les effets conjugués des baisses des taux nominaux ? Nous sommes en effet passés de 50 % à 33, 33 % pour l’impôt sur les sociétés, et de 65 % à 40 % pour le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu, par exemple. S’y ajoutent des évictions d’assiette, c’est-à-dire les niches fiscales, au sens large.

Le Conseil des prélèvements obligatoires a rendu un avis sur le sujet : 172 milliards d’euros ont été dépensés en 2009 pour alléger les cotisations sociales et les impôts des entreprises, c’est-à-dire plus que le déficit.

Pour le seul impôt sur les sociétés, les mesures d’exonération, les régimes spéciaux, les allégements temporaires et les crédits d’impôt ont coûté 106 milliards d’euros, soit plus de deux fois le rendement net de l’impôt !

Le vrai taux de l’impôt sur les sociétés, en France, n’est pas de 33, 33 %, mais de 10 %. Bien des cadres moyens dépourvus de patrimoine important aimeraient se voir appliquer un tel taux d’imposition !

C’est cette accumulation de niches fiscales plus ou moins bienvenues qui est, aujourd’hui, à la source de l’accumulation de déficits que constitue la dette publique.

Le projet de loi de finances pour 2011 a été annoncé comme celui qui doit remettre en question cette logique infernale et coûteuse, mais nous sommes vraiment très loin de ce qu’il conviendrait de faire. Nous ne sommes aucunement enclins à accepter une telle orientation.

Je n’ai pas tout à fait achevé mon propos, mais je m’interromps afin de respecter le temps de parole qui m’est imparti. Je reviendrai sur cette question lors de la discussion des amendements.

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