Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 18 novembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la première déclinaison de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 est bâtie, comme la loi de programmation elle-même, sur une hypothèse de croissance qui nuit à sa crédibilité.

Ce matin, Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a salué la prévision de croissance pour 2010, fondée sur les résultats avérés du deuxième trimestre 2010. Elle a même anticipé sur le troisième trimestre. Or on n’établit pas un budget en regardant dans le rétroviseur. Son enthousiasme habituel n’est donc pas de mise aujourd'hui concernant l’année 2011.

Les chiffres du troisième trimestre montrent que l’investissement a ralenti et que la croissance provient essentiellement des stocks des entreprises. Le déficit du commerce extérieur continue de peser sur la croissance. Quant à l’emploi, il est le grand oublié du présent projet de loi de finances.

En l’absence de nouveaux ressorts, la croissance est très fragile. La consommation est le seul moteur qui tienne encore le choc. Maintenir l’hypothèse d’un taux de croissance de 2 % en 2011 est irréaliste alors que l’horizon s’assombrit, particulièrement dans la zone euro. En effet, seule l’Allemagne, qui combine compétitivité, fortes exportations, reprise de la consommation et retour rapide à l’équilibre budgétaire, a tiré provisoirement son épingle du jeu.

L’évolution de la dette est très préoccupante au moment où les taux d’intérêt repartent à la hausse. La charge des intérêts devrait atteindre un pic en 2013 et culminer à 55 milliards d’euros.

À cet égard, permettez-moi de vous citer un extrait du rapport écrit de M. le rapporteur général : « Pour respecter le plafonnement en volume des dépenses de l’État, il faudra trouver la différence dans les crédits des autres missions ou dans les prélèvements sur recettes. » Tout est dit ! Cela signifie qu’à partir de 2012, ce sera vraiment l’austérité.

Après avoir aggravé les déficits, le Gouvernement a bâti son budget sur l’hypothèse d’une baisse des déficits, baisse que vous qualifiez, monsieur le ministre, d’ « historique ». Pour ma part, je dirais plutôt d’elle qu’elle est « optique », dans la mesure où elle résulte, pour l’essentiel, c’est-à-dire à hauteur de 95 %, de l’arrêt du plan de relance pour l’économie et de la sortie de l’emprunt pour les dépenses d’avenir. Vous attendez d’une croissance à 2 % un afflux mécanique de recettes, c’est-à-dire une évolution spontanée.

Côté recettes, le Gouvernement n’aime toujours pas l’impôt, mais il crée tout de même 11 millions d’euros de prélèvements et de taxes diverses. Il préfère prendre des mesures qui pèseront essentiellement sur les ménages du milieu de l’échelle, plutôt que de s’attaquer au réarmement des recettes.

Les collectivités locales, quant à elles, seront condamnées à une double peine. Alors qu’elles ont déjà perdu l’autonomie fiscale en 2010, elles perdront l’autonomie financière et verront leurs dotations financières gelées en 2011, en 2012 et en 2013. Cela signifiera moins de services publics et moins d’investissements – c’est déjà le cas pour l’année en cours ! – pour soutenir l’économie réelle.

Ce projet de loi de finances est, une fois encore, marqué par la non-remise en cause de la politique fiscale du Gouvernement. C’est sur ce sujet que j’insisterai le plus.

La crise rend pourtant insupportables les injustices accumulées depuis 2002 et la fuite en avant des dix dernières années. L’immobilisme dont vous faites preuve, monsieur le ministre, est la marque du conservatisme.

Le Président de la République nous a raconté une belle histoire à la télévision, en nous promettant une réforme fiscale pour le printemps 2011 ; cela lui évite d’assumer les erreurs commises en 2007. À peine sorti de la mise en œuvre de ses promesses électorales de 2007, il en fait de nouvelles. Encore une fois, c’est la fuite en avant…

Au final, ce projet de budget ne contient qu’une poignée de mesures ciblées sur les ménages aisés, lesquelles ne rapporteront, comme l’a indiqué M. le rapporteur général ce matin, que 500 millions d’euros en 2011. Nous sommes loin des annonces faites par le Gouvernement ! Alors qu’il avait annoncé tout au long de sa campagne de communication estivale, lors de la préparation budgétaire, une attaque massive sur les niches, il se contente aujourd’hui de toucher à quelques symboles : un peu aux stock-options, un peu aux retraites chapeaux. La tronçonneuse que nous avait promise Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie s’est transformée en rabot et, pour finir, en lime à ongles !

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