Je souhaitais intervenir sur cet article pour rappeler que le contexte idéologique qui sous-tend le projet de loi que nous discutons aujourd’hui n’est pas neutre. J’irai même jusqu’à dire qu’il est discutable et discuté ! Je me permets ces rappels de base, après avoir écouté avec étonnement quelques affirmations sur ce texte et sur le code du travail, ces derniers jours.
Madame la ministre, vous avez affirmé hier que notre droit du travail était devenu progressivement inadapté à l’économie de notre temps, non pas dans ses principes, mais dans ses détails. Peut-être cette inadaptation progressive est-elle due aux nombreuses réformes – dix-sept de 2000 à 2013, d’après Les Économistes atterrés ! – visant à libéraliser le marché du travail ces dernières années, autant de réformes qui n’ont pourtant pas réussi à créer des emplois pérennes en nombre suffisant.
Constatant les échecs passés, vous vous préparez à utiliser la même méthode : légiférer vite, sans même attendre le bilan complet des réformes du précédent quinquennat ; légiférer vite, et sans doute mal, pour éviter que nos concitoyens ne s’approprient un débat qui n’a pas été tranché lors de l’élection présidentielle ; légiférer vite, en utilisant des exemples européens bien peu convaincants. Ainsi, il est souvent de bon ton d’appeler la France à se réformer sur le modèle de l’Italie ou de l’Espagne, autant de pays où le taux de chômage est encore supérieur à celui de la France, malgré une démographie largement différente, mais il faut copier Renzi, il faut imiter Rajoy !
Aujourd’hui, madame la ministre, vous souhaitez légitimement soutenir la ligne défendue par le Président de la République : réformons pendant que la cote de popularité est élevée, pendant la torpeur de l’été, pendant que l’ancien monde politique est encore tétanisé !
Mais il reste dans ce pays quelques millions de personnes qui estiment que cette philosophie de la dérégulation n’est pas pertinente socialement et qu’elle n’est pas efficace économiquement, parce qu’elle n’a pas fait la preuve de son efficacité ailleurs, parce que, en France, comme l’indique l’OCDE, les rigidités alléguées du marché du travail ne sont étayées ni en matière de licenciement individuel ni en matière de licenciement collectif, parce que ces dérégulations ont des effets pervers sur le travail des femmes, sur la précarisation de l’emploi, sur l’incitation des employeurs à toujours préférer la réduction des coûts à l’investissement.
C’est pour ces raisons, sur la forme et sur le fond, que je m’opposerai à ce texte.