Il s'agit d'une question-clé pour l'évolution de l'Union européenne dans les prochaines années, compte tenu du développement de l'économie numérique. Je rejoins intégralement les recommandations du rapporteur. Il faut bien percevoir les incidences d'un tel changement de termes. D'ailleurs, je suis toujours mal à l'aise lorsqu'il est question de terminologie dans un texte européen. En effet, tous les textes européens importants ont été négociés en langue anglaise. Quelle que soit la procédure, l'expression « irréparable » signifie « non susceptible d'être réparé par une indemnité financière » ; ce qui place, pour ainsi dire, la barre très haut. En réalité, la majorité des préjudices économiques, même prolongés, est susceptible d'être réparée par la voie indemnitaire ; ce qui écarte l'immense majorité des préjudices du champ d'application de ce pouvoir d'intervention en urgence. Je suppose que le terme anglais, qui a été traduit dans les autres langues des États membres, recouvre bien un tel concept. Si c'est le cas, le fait de passer à « immédiat » induit ipso facto un effet juridique radical. Telle est bien la voie du changement de texte qui s'impose. Il convient d'expliquer également la relative inertie de la Commission européenne. Je me souviens, à cet égard, d'une discussion avec notre ancien collègue M. Roland Ries sur la thématique de la concurrence ferroviaire qui relève de la compétence de la Commission européenne. Si la Commission est l'organe de défense des intérêts généraux de l'Union d'un point de vue institutionnel et est compétente, à ce titre, en matière de droit de la concurrence, son fonctionnement ne cadre plus avec l'évolution économique. En outre, les décisions de la Commission en matière de concurrence sont collégiales, ce qui génère une force d'inertie au-delà de l'effet d'entraînement dont le commissaire en charge de la concurrence peut être à l'origine. Ainsi, la question de l'abus de position dominante des grands acteurs d'Outre-Atlantique porte atteinte aux intérêts d'une grande majorité des économies européennes, à l'exception toutefois de celle des États qui sont devenus des alliés objectifs de ces GAFA. Ces États, de taille plus réduite, sont devenus des obligés ou des bénéficiaires des retombées de l'activité de ces grands groupes, et peuvent ainsi porter la contradiction au sein de l'Union européenne. Sur le sujet des mesures provisoires, je rejoins tout à fait les observations de notre rapporteur. Un corps quasi-juridictionnel ou qui a, à tout le moins, l'obligation de respecter un vaste champ de procédures, est toujours embarrassé d'en venir à une procédure provisoire de type référé, alors qu'il sait qu'il va devoir ultérieurement se prononcer sur le fond. Par ma simple expérience du contentieux administratif, une juridiction me semble pouvoir, forte des éléments dont elle dispose au niveau du référé, aboutir à une première solution avant de pouvoir justifier, lors de l'examen au fond, d'une autre solution. En termes de lisibilité et de sentiment d'avoir dit le droit de la manière la moins faillible possible, personne n'aime cela ! Un changement de perspective devra intervenir pour que la Commission européenne se mette à faire du référé ! Les préjudices occasionnés par les GAFA sur l'ensemble de l'économie européenne sont suffisamment importants pour convaincre la Commission, garante des intérêts économiques généraux de l'Union, d'évoluer sur cette question. Une telle démarche suppose enfin une coalition d'États mobilisés et soucieux de défendre leurs intérêts économiques.