Et pourquoi la plupart des pays n’ont-ils pas autant d’instances pour représenter le personnel ?
L’enjeu de cette fusion est d’avoir un débat à la fois stratégique et opérationnel dans l’entreprise. Aujourd’hui, lorsque les instances sont séparées, il y a un lieu, un moment et des interlocuteurs pour parler de la marche des affaires, la marche de l’entreprise, l’organisation de l’entreprise ; il y a un autre lieu, un autre temps et souvent d’autres interlocuteurs pour parler des conditions de travail, de la sécurité et de la santé au travail ; et il y a encore d’autres interlocuteurs, les délégués du personnel, pour parler des problèmes quotidiens que peuvent rencontrer les salariés.
Le fait que ces discussions aient lieu séparément empêche une compréhension d’ensemble et limite le dialogue social, car on traite de l’économique ou du social mais pas des deux de façon articulée. Deux sénatrices m’ayant fait l’honneur de citer le rapport que j’avais rédigé avec Henri Lachmann et Christian Larose en 2010, je prendrai l’exemple des risques psychosociaux.
Lors de notre enquête, nous avions constaté, ce qui a été maintes fois confirmé par la suite, que les risques psychosociaux augmentaient, mais de façon minoritaire, à cause de comportements individuels liés au management, aux collègues, aux clients, et que nombre de ces risques résultaient en réalité de décisions organisationnelles de l’entreprise. Ainsi, un centre de décision éloigné fait qu’on ne met plus un nom ou un visage sur la personne avec laquelle on doit discuter et les décisions deviennent très abstraites.
En outre, l’organisation matricielle peut placer le salarié dans une situation où il doit répondre par lui-même à des injonctions contradictoires, avec deux lignes hiérarchiques opposées. Enfin, les modalités de mise en place des institutions représentatives du personnel ont des incidences pour les salariés. Nous avions déjà préconisé à l’époque le rapprochement des points de vue du CHSCT et du comité d’entreprise, car pour assurer la prévention primaire des risques psychosociaux, une partie des solutions provient du comité d’entreprise. Mais cela ne sera jamais à l’ordre du jour de ses réunions, puisque de tels sujets n’entrent pas dans ses attributions.
De deux choses l’une : soit les discussions sont redondantes et on parle de tout partout, soit elles ont lieu dans des instances fusionnées, leur donnant plus de valeur. Dans le même temps, vous avez raison, nous devons veiller à ne pas perdre en qualité.
Nous avons beaucoup discuté sur ce point avec les partenaires sociaux. Tout d’abord, cette instance qui fusionnera les trois instances d’information et de consultation, et qui pourrait s’appeler « le comité social et économique », conservera l’intégralité des compétences des trois anciennes instances. Ce sera dans les ordonnances. Il n’y a pas de diminution du champ de compétences. §Ensuite, cette instance unique aurait la capacité d’ester en justice et de recourir à des expertises sur l’ensemble de son champ dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui. Elle disposerait d’un budget de fonctionnement propre.
À partir d’une certaine taille, à définir, et dans les secteurs à haut risque, il faut probablement prévoir d’emblée qu’elle ait une sous-commission qui se concentre plus sur les questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail, car il y a beaucoup de matière à discuter.