Le cœur du sujet, c’est que nous croyons que lorsqu’il est à la fois social et économique, le dialogue apporte de la valeur.
J’ai cité deux exemples, celui de la prévention des risques psychosociaux et, plus rapidement, celui des fusions-acquisitions. Je voudrais vous en donner deux autres.
Le cœur du sujet est la valeur ajoutée dans le dialogue par la possibilité de parler à la fois de l’économique et du social.
Je prendrai d’abord un exemple très quotidien : un salarié saisit son délégué du personnel pour lui faire part de ses difficultés de santé pour continuer à travailler en équipe. Cela arrive tous les jours dans l’entreprise.
Actuellement, le délégué du personnel va poser la question à l’employeur pour essayer d’avoir une réponse individuelle. Et cela s’arrête là, alors que dans la même entreprise, plusieurs personnes peuvent rencontrer le même type de difficultés. Avec le comité social et économique, cette question sera traitée individuellement dans le respect du secret médical, mais l’aspect organisationnel, qui ne concerne jamais une seule personne, pourra également être pris en compte. Les aspects touchant à l’organisation et à la qualité de vie au travail pourront susciter des réflexions qui iront plus loin.
L’un des sujets récurrents lorsqu’il y a une personne handicapée dans une équipe est de savoir si les aménagements doivent concerner uniquement la personne handicapée ou si cela peut être l’occasion de revoir les conditions de travail, les horaires, l’organisation et les questions de qualité. Or ce n’est pas la même instance qui peut décider d’aménagements individuels ou plus larges.
Ce type de sujet est quotidien dans les entreprises, et le fait de pouvoir associer les deux volets permettra d’aller plus loin sur la prévention, sur l’organisation.
D’ailleurs, je constate que de nombreux pays européens, qui en général n’ont qu’une seule instance, obtiennent de meilleurs résultats que nous en matière de sécurité au travail. Celle-ci n’est donc pas liée au nombre d’instances, mais à la manière dont elles travaillent, à ce qu’on met sur la table, au pouvoir de discussion et de négociation et au degré d’engagement aussi bien de l’employeur que des représentants du personnel.
Le second exemple que je voudrais donner est personnel. Je vous prie de bien vouloir m’en excuser mais, ayant quelque expérience en matière de ressources humaines, j’ai forcément pas mal d’exemples.
Il y a une dizaine d’années, le groupe dont j’étais directrice générale des ressources humaines a mis en place grâce à une négociation mondiale une protection sociale pour l’ensemble des 100 000 salariés dans le monde ; 60 000 d’entre eux n’avaient alors pas de protection sociale, ou une protection très faible, ou encore celle-ci était-elle parfois réservée aux cadres. Même en France, il y avait un certain nombre de disparités.
Pourquoi était-il important de ne pas en faire simplement une discussion sociale ? Si cela avait été le cas, le coût aurait dissuadé une grande partie des directeurs des cent filiales concernées. En matière d’avancée sociale, il y a toujours environ un tiers d’opinions favorables. Mais les autres directeurs n’auraient pas été convaincus et n’auraient vu dans cette mesure qu’un coût supplémentaire. L’économique et le social auraient été en conflit.
Nous avons raisonné en intégrant les dimensions économique et sociale. Cela renvoie d’ailleurs au rapport que vous évoquiez, monsieur le sénateur. En mesurant les résultats grâce à des indicateurs sociaux et économiques, nous avons pu apprécier qu’une meilleure protection sociale permettait non seulement – et c’est le plus important – de sauver des vies, mais aussi de faire baisser l’absentéisme et d’augmenter le taux d’engagement.
De manière générale, cette mesure, qui concerne tous les pays du monde dans l’entreprise Danone, perdure, et ce quoi qu’en pensent les gens. Grâce à l’articulation entre le social et l’économique, nul n’est besoin pour la soutenir d’être militant. §L’OIT s’est d’ailleurs saisie de ce sujet et en a fait un exemple. Celui-ci est actuellement suivi par 300 entreprises dans le monde, et l’OIT a engagé une réflexion pour montrer que le fait de raisonner sur les plans social et économique apportait à la fois du progrès social et la performance économique.
Des exemples comme celui-ci, des DRH et des syndicalistes m’en ont donné beaucoup d’autres. Faites confiance aux acteurs, ils vont trouver des idées qui apportent de la valeur.