Intervention de Alain Milon

Réunion du 26 juillet 2017 à 21h30
Renforcement du dialogue social — Article 3, amendement 76

Photo de Alain MilonAlain Milon, rapporteur :

L’amendement n° 76 rectifié tend à supprimer le référentiel obligatoire pour fixer l’indemnité sans cause réelle et sérieuse.

À notre sens, ce référentiel est très attendu par les employeurs.

Cet amendement vise en outre à supprimer le droit à l’erreur des employeurs lors des procédures de licenciement et la réduction des délais de contestation des licenciements. Il a donc pour objet de revenir sur les apports de la commission des affaires sociales.

La commission émet donc un avis défavorable.

Pour ce qui concerne les amendements identiques n° 40 rectifié bis, 117, 161 et 194 rectifié, la commission des affaires sociales est opposée à la suppression du barème.

Vous le savez, mes chers collègues, ce barème est très attendu par les employeurs. Seul existe aujourd’hui un plancher de six mois, mais pas de plafond, ce qui crée de l’incertitude, aggravée par la grande disparité des pratiques des juges sur le territoire.

Le Conseil constitutionnel a accepté le principe du barème. Dans sa décision du 5 août 2015, il a en effet considéré que le principe même d’un encadrement de l’indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse n’était pas contraire à la Constitution : en cherchant à « assurer une plus grande sécurité juridique » et à « favoriser l’emploi en levant les freins à l’embauche », le législateur a « poursuivi des buts d’intérêt général ».

Je rappelle que le juge restera toujours libre d’individualiser l’indemnité en respectant le plafond fixé. Il pourra ainsi retenir, par exemple, le quart, la moitié ou les trois quarts du plafond, selon le préjudice subi.

Je rappelle aussi que les cas de harcèlement et de discrimination seront exclus du barème et que le Gouvernement nous propose un amendement, l’amendement n° 229, dont l’objet est d’élargir ces exceptions.

Je veux enfin souligner que beaucoup de nos voisins européens ont adopté un encadrement de l’indemnité, comme le rappelle l’étude de législation comparée du Sénat annexée au rapport de la commission. Ainsi, en Belgique, le plafond de l’indemnité est compris entre trois et dix-sept semaines de rémunération. Le plafond est de six mois en Suisse, de douze mois en Allemagne, où il est même de dix-huit mois si le salarié est âgé de plus de cinquante-cinq ans et bénéficie de plus de vingt ans d’ancienneté.

Avis défavorable, donc, sur les amendements identiques n° 40 rectifié bis, 117, 161 et 194 rectifié.

L’amendement n° 119 vise, selon la commission des affaires sociales, à autoriser le juge à verser à un salarié des dommages et intérêts indépendamment du barème obligatoire s’il remplit certains critères. Il revient donc à réduire la portée et l’ambition du référentiel, qui est de verser une seule et unique indemnité pour les dommages et intérêts liés à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si l’on multiplie les indemnités parallèles, le référentiel perd de son intérêt.

J’ajoute que le référentiel devrait au moins comporter un critère, celui de l’ancienneté du salarié. Mais le Gouvernement pourra en rajouter d’autres dans l’ordonnance s’il le souhaite.

Enfin, les critères mentionnés dans l’amendement seront, bien entendu, utilisés par le juge pour individualiser l’indemnité, sans dépasser le plafond fixé dans le référentiel.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° 118, qui lui semble dépourvu de toute portée normative.

En revanche, l’avis est favorable sur l’amendement n° 169 rectifié ter. En effet, l’article 266 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, la loi Macron, qui instituait un référentiel obligatoire pour fixer l’indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais qui a été censuré par le Conseil constitutionnel, prévoyait un cumul avec les indemnités de licenciement. Cet amendement de clarification pourra rassurer certains de nos collègues.

J’en viens à l’amendement n° 167 rectifié ter.

Il existe actuellement un référentiel indicatif en phase de jugement : son plafond est fixé à vingt et un mois et demi pour un salarié ayant plus de quarante-trois ans d’ancienneté. Un référentiel indicatif en phase de conciliation établit, quant à lui, un plafond de vingt-quatre mois pour les salariés ayant plus de trente ans d’ancienneté. Un référentiel impératif en phase de jugement, qui figurait à l’article 266 de la loi Macron avant sa censure par le Conseil constitutionnel, prévoyait même un plafond de vingt-sept mois pour les salariés ayant plus de dix ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 300 salariés. L’étude de législation comparée du Sénat, qui a été annexée au rapport de la commission, montre que des plafonnements sont fréquents en Europe.

Madame la ministre, comme vous avez annoncé votre souhait de relever les indemnités légales de licenciement, qui sont parmi les plus faibles d’Europe, on pourrait peut-être accepter de baisser un peu le plafond maximal du référentiel obligatoire. Je reconnais en tout cas que la question du montant des différentes indemnités est complexe et qu’elle nécessite une approche globale et cohérente.

La commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement, en attendant l’avis du Gouvernement.

Par son amendement n° 228, le Gouvernement souhaite que le référentiel ne s’applique pas si le licenciement est entaché par une faute de l’employeur d’une particulière gravité. Ce faisant, il souhaite augmenter le nombre des cas dans lesquels le référentiel ne s’appliquera pas. Le texte prévoit actuellement seulement deux exceptions : la discrimination et le harcèlement. Mais l’ordonnance pourra en prévoir d’autres. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

La commission avait émis un avis défavorable sur ce qui était alors l’amendement n° 168 rectifié ter. Mais, entre-temps, celui-ci a été modifié dans le sens qu’elle demandait. L’amendement qui nous est désormais soumis, c’est-à-dire l’amendement n° 168 rectifié quater, vise à supprimer le référentiel indicatif prévu en phase de jugement, lequel deviendra inutile si le Gouvernement prend par ordonnance le référentiel obligatoire.

Par conséquent, à titre personnel – la nouvelle version n’a pas été examinée en commission, mais nos demandes de modification ont été prises en compte –, j’émets un avis favorable sur cet amendement.

En revanche, je suis défavorable à l’amendement n° 120, dont l’adoption aurait pour effet de supprimer deux apports de la commission des affaires sociales.

La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 181 rectifié.

En effet, l’article 4 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, dispose : « Un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. » L’habilitation demandée par le Gouvernement ne remettra pas en cause ce principe. Elle autorisera seulement l’employeur à rectifier des erreurs de procédure secondaires, notamment sous le contrôle du juge, à condition que l’employeur puisse effectivement s’appuyer sur une cause réelle et sérieuse de licenciement.

J’attire votre attention sur le fait que le législateur a déjà reconnu l’an dernier une forme de droit à l’erreur à l’administration en matière de plan de sauvegarde de l’emploi, mais qui est passée inaperçue. En effet, en cas d’annulation par le juge administratif d’une décision de validation ou d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi en raison d’une insuffisance de motivation, l’autorité administrative est autorisée à prendre une nouvelle décision suffisamment motivée dans un délai de quinze jours. Pourquoi ne pas étendre ce droit à l’erreur aux employeurs, bien évidemment en l’encadrant ?

L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 197, qui vise purement et simplement à supprimer les apports de la commission des affaires sociales.

L’adoption de l’amendement n° 229 aurait pour effet de supprimer l’apport de la commission à l’alinéa 4, qui visait à encadrer la concertation des partenaires sociaux, dans le prolongement des pistes évoquées dans l’étude d’impact. Mais, dans le même temps, il est proposé d’élargir l’habilitation à deux sujets importants.

Le premier concerne les motifs contaminants dans une procédure de licenciement. Le professeur Jean-Emmanuel Ray, que nous avons auditionné, a souligné que la jurisprudence de la Cour de cassation pouvait avoir de graves conséquences sur les employeurs. On appelle « motif contaminant » toute atteinte à une liberté fondamentale, comme le reproche à un salarié par écrit dans une lettre de licenciement d’avoir saisi le juge qui fait tomber toute une procédure de licenciement, même si elle repose sur une cause réelle et sérieuse par ailleurs.

Le second élargissement consiste à mieux encadrer les cas autorisant une requalification d’un CDD en CDI.

Pour toutes ces raisons, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

L’amendement n° 41 rectifié a pour objet la suppression de l’alinéa 6, relatif à la réduction des délais de recours en cas de licenciement.

Les auteurs de cet amendement rappellent avec raison la très forte hétérogénéité des délais pour contester un licenciement, de deux mois à cinq ans. Mme la ministre y a fait référence tout à l’heure.

Une harmonisation s’impose. La commission des affaires sociales a voulu rester cohérente, car nous avons voté l’an dernier la réduction à six mois du délai de contestation d’un licenciement économique. Un tel délai paraît suffisant pour un salarié pour savoir s’il veut former un recours.

Augmenter les délais de prescription n’apporte pas toujours de protection supplémentaire aux salariés. En revanche, cela aboutit systématiquement à créer de l’incertitude pour les employeurs et à nuire à l’attractivité de notre territoire.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Les auteurs des amendements identiques n° 193 et 238 souhaitent revenir sur les travaux de la commission. J’y suis défavorable. En effet, un délai de six mois est suffisant pour qu’un salarié sache s’il souhaite attaquer la cause de son licenciement économique. Je le rappelle, la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a prévu que le recours pour contester l’homologation ou la validation d’un PSE était de deux mois, ce qui n’a posé de difficulté particulière à personne.

L’amendement n° 171 rectifié ter tend à élargir le champ de l’habilitation, aujourd’hui limité aux contentieux en cas de rupture du contrat de travail. Il est donc, selon moi, contraire à l’article 38 de la Constitution. J’en sollicite par conséquent le retrait, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.

Les auteurs de l’amendement n° 170 rectifié ter proposent d’aller plus loin que le texte de la commission. Si je partage l’objectif de réduction et d’harmonisation des délais de contestation, je souhaite que nous nous en tenions à la rédaction de la commission, en espérant que le Gouvernement et les partenaires sociaux trouvent un terrain d’entente pour réduire et harmoniser les délais de contestation. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

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