Séance en hémicycle du 26 juillet 2017 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CDD
  • CDI
  • barème
  • indemnité
  • licenciement
  • prud’hommes

La séance

Source

La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable (16 voix pour, 2 voix contre et 1 bulletin blanc) à la nomination de Mme Catherine Guillouard aux fonctions de président-directeur général de la RATP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 3.

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin :

1° De renforcer la prévisibilité et ainsi de sécuriser la relation de travail ou les effets de sa rupture pour les employeurs et pour les salariés de droit privé, en :

a) Chargeant l’autorité administrative compétente de faciliter l’accès par voie numérique de toute personne au droit du travail et aux dispositions légales et conventionnelles qui lui sont applicables et en définissant les conditions dans lesquelles les personnes peuvent se prévaloir des informations obtenues dans ce cadre ;

b) Modifiant les dispositions relatives à la réparation financière des irrégularités de licenciement, d’une part, en fixant un référentiel obligatoire, établi notamment en fonction de l’ancienneté, pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’exclusion des licenciements entachés par des actes de harcèlement ou de discrimination et, d’autre part, en modifiant en conséquence, le cas échéant, les dispositions relatives au référentiel indicatif mentionné à l’article L. 1235-1 du code du travail ainsi que les planchers et les plafonds des dommages et intérêts fixés par le même code pour sanctionner les autres irrégularités liées à la rupture du contrat de travail ;

c) Adaptant les règles de procédure et de motivation applicables aux décisions de licenciement ainsi que les conséquences à tirer du manquement éventuel à celles-ci, en amont ou lors du recours contentieux, en permettant notamment à l’employeur de rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de motivation si elles sont sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement ;

d) Réduisant les délais de recours en cas de rupture du contrat de travail, notamment en diminuant au moins de moitié le délai de contestation portant sur la régularité ou la validité d’un licenciement pour motif économique ;

e) Clarifiant les obligations de l’employeur en matière de reclassement pour inaptitude d’origine professionnelle ou non professionnelle et en sécurisant les modalités de contestation de l’avis d’inaptitude ;

e bis) (Supprimé)

f) Favorisant et sécurisant les dispositifs de gestion des emplois et des parcours professionnels ;

g) Favorisant et sécurisant les plans de départs volontaires, en particulier en matière d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel ainsi que d’accompagnement du salarié ;

2° De modifier les dispositions relatives au licenciement pour motif économique en :

a) Définissant les éventuels aménagements à la règle selon laquelle les difficultés économiques et la sauvegarde de la compétitivité d’une entreprise appartenant à un groupe sont appréciées au niveau des entreprises appartenant au même groupe, situées en France et relevant du même secteur d’activité ;

b) Prenant toute disposition de nature à prévenir ou tirer les conséquences de la création artificielle ou comptable de difficultés économiques à l’intérieur d’un groupe à la seule fin de procéder à des suppressions d’emploi ;

c) Précisant les conditions dans lesquelles l’employeur satisfait à son obligation de reclassement ;

d) Définissant les conditions dans lesquelles sont appliqués les critères d’ordre des licenciements dans le cadre des catégories professionnelles en cas de licenciement collectif pour motif économique ;

e) Adaptant les modalités de licenciements collectifs à la taille de l’entreprise et au nombre de ces licenciements ;

f) Facilitant les reprises d’entités économiques autonomes ;

3° De modifier les règles de recours à certaines formes particulières de travail en :

a) Favorisant le recours au télétravail et au travail à distance en vue d’assurer une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale ;

b) Prévoyant la faculté d’adapter par convention ou accord collectif de branche, dans les limites d’un cadre fixé par la loi, les dispositions, en matière de contrat à durée déterminée et de contrat de travail temporaire, relatives aux motifs de recours à ces contrats, à leur durée, à leur renouvellement et à leur succession sur un même poste ou avec le même salarié ;

c) Favorisant et sécurisant, par accord de branche, dans les limites d’un cadre fixé par la loi, le recours aux contrats à durée indéterminée conclus pour la durée d’un chantier ou d’une opération ;

d) Sécurisant le recours au travail de nuit, lorsque celui-ci relève d’une organisation collective du travail, en permettant une adaptation limitée de la période de travail de nuit de nature à garantir un travail effectif jusqu’au commencement et dès la fin de cette période, ainsi qu’en renforçant le champ de la négociation collective dans la définition du caractère exceptionnel du travail de nuit ;

e) Favorisant et sécurisant, par une adaptation des dispositions en droit du travail et en droit fiscal, le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif entre un groupe ou une entreprise et une jeune entreprise ;

4° D’encourager le recours à la conciliation devant la juridiction prud’homale, en modifiant les règles de procédure applicables durant la phase de conciliation, et de modifier le régime fiscal et social des sommes dues par l’employeur et versées au salarié à l’occasion de la rupture de contrat de travail, afin d’inciter à la résolution plus rapide des litiges par la conclusion de ruptures conventionnelles, de transactions, d’accords devant le bureau de conciliation et d’orientation, ou de toute autre modalité de règlement, notamment devant l’autorité mentionnée à l’article L. 5542-48 du code des transports ;

5° De prolonger jusqu’au 31 mars 2018 le mandat des conseillers prud’hommes sortants pour leur permettre de rendre les décisions relatives aux affaires débattues devant eux et pour lesquelles ils ont délibéré antérieurement durant leur mandat, à l’exclusion de toutes autres attributions liées au mandat d’un conseiller en exercice ;

6° De supprimer l’interdiction de cumuler le mandat de conseiller prud’homme avec, d’une part, celui d’assesseur du tribunal des affaires de sécurité sociale et, d’autre part, celui d’assesseur du tribunal du contentieux de l’incapacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

L’article 3 du projet de loi d’habilitation comporte, lui aussi, des reculs en matière de droit du travail pour les salariés.

En effet, sauf explicitation de votre part, madame la ministre, cet article, tel qu’il est rédigé, entraîne une diminution énorme des obligations des employeurs en matière de licenciement, au travers du plafonnement des indemnités de licenciement, de la baisse des obligations de reclassement, de la réduction des critères de motivation lors du licenciement, de la diminution des sanctions en cas d’irrégularités, du raccourcissement des délais de recours pour les salariés en cas de contestation et, plus largement, de l’assouplissement du droit du licenciement économique et de la modification des règles concernant les contrats à durée déterminée.

Cet article permet également d’étendre le contrat de chantier, notamment dans le secteur du bâtiment, via le contrat de projet. Cette extension, voire cette généralisation, ne saurait que créer une société d’intérimaires.

Madame la ministre, je ne vois pas a priori en quoi cet article offre une part de sécurisation aux salariés, ni en quoi ces réductions de droits pour les salariés vont renforcer le dialogue social. Je compte sur les explications que vous donnerez dans vos réponses aux amendements des différents groupes politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Cet article prévoit principalement d’instaurer un barème des dommages et intérêts pouvant être alloués par un juge aux prud’hommes. Je me réjouis de cette mesure ; j’avais d’ailleurs, par le passé, déposé un amendement visant à plafonner ces indemnités. Je la soutiens, car le coût d’un licenciement en France paraît être un frein à l’embauche.

Le Gouvernement propose de créer un référentiel obligatoire des dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il en exclut les licenciements caractérisés par une faute de l’employeur particulièrement grave. Ce qui est en cause, c’est non pas le principe de la réparation du préjudice subi, mais bien le manque de visibilité des employeurs sur les conséquences financières des licenciements.

En effet, 30 % des licenciements pour motif personnel font l’objet d’un recours, et, comme l’indique le rapport de la commission, les montants peuvent osciller d’un rapport de 1 à 620 : autant de risques de contentieux qui dissuadent certaines entreprises de recruter.

La mise en place d’un barème est un début de solution. Encore faut-il que d’autres promesses n’en annulent pas les effets. À cet égard, je souhaiterais avoir votre avis, madame la ministre, sur un sujet : des organisations patronales ont manifesté leur réprobation à la suite de votre annonce d’augmenter les indemnités légales de licenciement. Votre décision prend-elle en compte l’existence de tous les autres types d’indemnités, de préavis, de congés payés, supralégales ?

Je comprends que la recherche d’un apaisement avec les organisations syndicales puisse justifier cette annonce. Mais avez-vous prévu une piste de simplification ? Quoi qu’il en soit, il faut aller plus loin en matière de procédure devant les prud’hommes, en revoyant notamment les délais d’instruction, comme le proposait ma collègue Françoise Gatel dans un amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet article est un blanc-seing donné à l’employeur pour faciliter les licenciements illégaux et limiter les recours et l’indemnisation des salariés après avoir, au préalable, écarté les gêneurs, c’est-à-dire les représentantes et représentants du personnel et les délégués syndicaux, et remplacé le juge judiciaire par un décret.

Apprécier la situation particulière d’un salarié et évaluer son préjudice par décret en lieu et place d’un juge est une approche profondément choquante de la justice que je refuse de partager, et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même.

Profondément choquante et inacceptable aussi est la possibilité, pour apprécier la cause économique d’un licenciement, de dissocier l’entreprise ou le secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise. Nous avons trop d’exemples, dans nos territoires, d’entreprises appartenant à des groupes florissants, bénéficiant d’ailleurs souvent d’aides publiques, actives sur des créneaux porteurs, qui distribuent les dividendes et organisent la faillite ou la casse de leur outil au détriment de l’emploi, des salariés et du développement industriel. Oserez-vous dire aux salariés menacés et aux élus locaux que vous avez autorisé cette procédure ?

Non moins choquante est la sécurisation des « départs volontaires », qui masquent en général des départs contraints, comme à General Electric Hydro à Grenoble, dont je vous ai parlé hier soir et dont la proposition de « plan de sauvegarde de l’emploi », qui porte bien mal son nom, est indécente. J’ai d’ailleurs sollicité le Gouvernement sur le cas de cette entreprise. Peut-être pourrez-vous m’apporter une réponse pendant ce débat ? J’ai également demandé au préfet d’organiser le plus rapidement possible une table ronde pour réunir tous les protagonistes.

Mais sans doute les plus jeunes des salariés licenciés pourront-ils être réembauchés plus tard en CDD ou en contrats de mission renouvelables à l’envi, puisque vous comptez étendre les possibilités de CDD.

Les jeunes mettent déjà aujourd’hui six à huit ans avant de décrocher un CDI. Ce sont les mêmes à qui Emmanuel Macron a sans doute pensé en imaginant un nouveau bail de location limité dans le temps de trois à douze mois maximum, étrangement adapté à la durée de leur futur contrat de travail.

Comment, mes chers collègues, pouvez-vous adopter de telles mesures et ensuite aller à leur rencontre en les assurant que la jeunesse est votre priorité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Les besoins en qualifications et en connaissances n’ont jamais été aussi grands dans notre pays et appellent des efforts de formation sans précédent.

Nous avons été très choqués d’entendre Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, affirmer dans cet hémicycle la semaine dernière : « Il est temps de dire à certains jeunes qu’il est impossible qu’ils réussissent. » Ainsi, votre collègue abandonne la mission qui doit être la sienne, celle de former au mieux les jeunes de notre pays afin qu’ils aient accès à l’emploi dans les meilleures conditions, pour littéralement les « projeter » dans plus de précarité. En élargissant grandement le recours aux contrats de mission, la précarité concernera autant les jeunes qualifiés qui seront remerciés à l’issue de leur contrat que les jeunes non qualifiés promis aux petits boulots.

Comment inciter les jeunes à faire des études si la seule perspective que vous leur offrez est la précarité ? Comment réduire le chômage qui frappe – faut-il le rappeler ici ?– un quart des jeunes si la seule perspective que vous leur offrez est la flexibilité ?

La flexibilité fragilise encore davantage les personnes aux avant-postes de la précarité, à savoir les jeunes, les femmes et les immigrés. En fait, il s’agit de l’extension, à tous les niveaux et dans tous les secteurs, d’un CDI intermittent. Que l’on ne s’y trompe pas : il porte bien le nom de CDI pour rassurer – dormez, braves gens, on s’occupe de vous ! –, mais il a le goût du CDD, favorisant l’explosion de la précarité.

Comment un jeune qui entre de plus en plus tard sur le marché de l’emploi peut-il accéder à un logement, fonder une famille, avec vos contrats de mission ? C’est parfaitement impossible, vous le savez. Vous le comprendrez aisément, mes chers collègues, nous nous opposons à l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

La loi Macron a largement modifié la procédure devant le conseil de prud’hommes. Le décret du 20 mai 2016 pris en application de cette loi en fait une procédure écrite et la rend plus complexe tant au moment de la saisine qu’au niveau de l’appel.

Depuis le 1er août 2016, tout salarié doit ainsi saisir les prud’hommes au moyen d’une requête écrite, compliquée, alors que cette saisine pouvait jusqu’alors se faire oralement en se rendant au siège du conseil des prud’hommes.

Cette difficulté semble dissuader le nombre de salariés de faire valoir leurs droits. Un peu partout en France, les conseils de prud’hommes le constatent.

Au conseil de prud’hommes de Paris, durant la période allant d’août à décembre 2016, a été constatée une baisse de 40 % du nombre de saisines par rapport à la même période en 2015.

Une forte baisse est aussi constatée du côté des prud’hommes de Bobigny, une diminution telle que la juridiction a été obligée d’annuler un bureau de conciliation sur le collège de l’encadrement par manque de demandes.

Du côté des prud’hommes de Lyon – on pourrait citer de nombreux autres exemples –, on a enregistré une baisse d’environ 40 % des saisines sur la période allant du mois d’août au mois de février entre 2015-2016 et 2016-2017.

Le problème posé est donc celui de l’accessibilité au droit, rendue plus difficile pour les salariés. La disparition d’environ 60 conseils de prud’hommes depuis la loi Dati oblige, nous disait un syndicaliste lors des auditions sénatoriales, des salariés à faire jusqu’à 110 kilomètres aller-retour pour assister aux audiences. Plutôt que de vouloir à tout prix limiter les contentieux, le Gouvernement serait mieux inspiré de faciliter la reconnaissance des droits des salariés victimes de la non-application du code de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

L’article 3 a pour objet de sécuriser la relation de travail, ce dont nous pouvons nous réjouir. Nous devons tout faire, en effet, pour lutter contre la dualité du marché du travail qui oppose les heureux détenteurs d’un CDI à ceux qui sont embauchés en CDD ou en contrats de travail temporaire, contrats pourtant plus coûteux pour l’entreprise, mais moins risqués en matière de contentieux.

Dans une tribune publiée en mars 2016, plusieurs économistes, dont le prix Nobel Jean Tirole, avaient montré que les jeunes et les moins qualifiés étaient les « grands perdants d’un marché du travail qui exclut les plus fragiles ou les relègue dans les emplois précaires, tant les entreprises craignent d’embaucher en CDI ». Aussi, toute réforme qui contribue à faire tomber les barrières à l’embauche en CDI est la bienvenue.

Je regrette pourtant que le projet de loi n’ait pas prévu de pousser la logique jusqu’au bout. Prenons le cas des contrats de chantier : l’étude d’impact du projet de loi précise qu’« un tel contrat peut concerner toute opération dont l’objet est précisément défini, le début et la fin clairement identifiés mais dont la durée et le terme sont incertains ». Il est indiqué ensuite que « ce type de contrat ne serait pas généralisé, mais bien limité aux branches ayant conclu un accord pour la mettre en œuvre ».

Il est dommage d’en limiter d’office l’usage, car les chefs d’entreprise sont aujourd’hui confrontés en permanence à la gestion de projets de nature très variée, dont les contraintes sont les mêmes que celles des chantiers. Le refus de la généralisation de ce type de contrat est un déni de la réalité à laquelle sont confrontées les entreprises françaises.

Au printemps 2016, la délégation sénatoriale aux entreprises avait réalisé un sondage auprès de son réseau d’entrepreneurs pour savoir quelles réformes ils jugeaient prioritaires : arrivait en tête de leurs besoins l’instauration d’un CDI prédéfinissant les conditions et causes de rupture, telles que la fin d’un projet ou la fin de fabrication d’un produit.

Nous devons tout mettre en œuvre pour favoriser la souplesse du contrat de travail. Ainsi, nous favoriserons l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Monsieur le président, madame la ministre, l’article 27 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées confirme que, dans la dynamique d’inclusion, celles-ci ont droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouvert.

Mais si, au cours des dernières années, à la suite du renforcement de l’obligation d’emploi des personnes handicapées par la loi de 2005, le nombre de personnes identifiées en emploi a progressé, dans le secteur tant privé que public, elles restent cependant insuffisamment présentes en milieu ordinaire de travail, au regard de l’exclusion massive dont elles font l’objet.

Elles sont davantage exposées au chômage, dont le taux atteint un niveau inacceptable avec près de 500 000 demandeurs en situation de handicap, qui le sont souvent dans des conditions très défavorables notamment en termes de durée, ce qui rend leur accès ou leur retour à l’emploi difficile. Elles sont dès lors davantage exposées à la précarité, aux minima sociaux, aux ruptures de droits et aux difficultés périphériques. Elles sont vulnérables dans l’emploi et courent un risque important de perte d’emploi, notamment dans un marché du travail très concurrentiel.

Le maintien dans l’emploi n’est pas encore un réflexe dans l’entreprise, et la mise en œuvre de l’obligation de reclassement par les employeurs largement améliorable. Plus de 90 % des avis d’inaptitude sont souvent suivis d’un licenciement.

Le droit fondamental à exercer un travail reste un droit fragile et insuffisamment soutenu, en dépit des dispositifs et des moyens déployés. Leur trajectoire vers et dans l’emploi reste insuffisamment sécurisée pour garantir un véritable droit au travail des personnes en situation de handicap.

J’attire également l’attention sur les difficultés spécifiques d’accès, de maintien ou de retour en emploi rencontrées par les proches aidants de personnes en situation de handicap.

Ces inquiétudes pour l’emploi des personnes en situation de handicap et de leurs proches aidants seraient surmontées par une garantie d’accès au droit de façon à permettre le déploiement de trajectoires vers et dans l’emploi pour tous, dès l’âge de seize ans et jusqu’à l’âge de la retraite, le pilotage des politiques publiques pour l’emploi des personnes en situation de handicap, qui doit inclure les moyens de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation, et, enfin, une attention permanente à la meilleure manière de reconnaître les aptitudes et les compétences des travailleurs handicapés, leur capacité contributive à la vie économique.

Puisque l’article 3 vise à renforcer la prévisibilité et à sécuriser la relation de travail, mais aussi à clarifier les obligations de l’employeur en matière de reclassement pour inaptitude, je proposerai des amendements visant à préciser les droits des personnes handicapées en milieu de travail ordinaire et la préservation de leur accès.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Madame la ministre, une question prégnante me taraude : comment donc un salarié peut-il s’épanouir et contribuer à la vie de l’entreprise au sein de l’inquiétant dispositif que vous proposez dans votre texte, et tout particulièrement dans le carcan de mesures prévues à l’article 3 ?

Le sens régressif de ces mesures est clair. Elles visent toutes à conforter les droits de l’employeur et à fragiliser ceux de l’employé. Je ne pense pas que cela renforce le dialogue social et sécurise les travailleurs au sein de l’entreprise. À mon sens, cela ne peut que durcir le dialogue social.

Mon intervention porte plus particulièrement sur le dispositif prévu à l’alinéa 22, c’est-à-dire la promotion, voire la banalisation, des formes de travail précaire et atypique.

Je m’explique : le travail de nuit était, jusqu’à aujourd’hui, considéré par la loi et la jurisprudence comme « ayant un caractère exceptionnel ». Il n’est pas un mode normal d’organisation du travail et ne doit, à ce titre, être mis en œuvre que lorsqu’il est indispensable au fonctionnement de l’entreprise.

Je pensais cette affirmation partagée par le plus grand nombre d’entre nous dans cet hémicycle. Il semble bien que non. Je me rends tristement compte que cette conception du travail, cette conception de l’exceptionnel, est celle-là même qui nous divise.

Avant, nous aurions été nombreux à dire qu’il était indispensable, pour préserver la santé et la sécurité des salariés, de maintenir le caractère exceptionnel du travail de nuit. Car son caractère gravement nuisible à la santé est avéré depuis longtemps : il engendre des effets délétères sur la santé mentale et la vie sociale des employés.

Aujourd’hui, madame la ministre, vous voulez aller plus loin que la loi El Khomri avant même qu’elle ne soit évaluée, en faisant preuve d’une volonté de faire entrer l’exceptionnel dans l’ordinaire. Vous essayez de promouvoir un modèle que je trouve particulièrement déshumanisant pour notre société : celui de l’ubérisation, des « mini-jobs », des contrats de chantier, celui du licenciement expéditif, bref celui de la précarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Comme si la précarité était le modèle efficace qui allait nous permettre d’affronter les mutations des trente prochaines années…

Intégrant l’infamante notion de travail effectif, vous entendez donc faciliter le travail de nuit en raccourcissant les périodes considérées par la loi comme du travail de nuit et en donnant la possibilité de négocier son caractère exceptionnel.

Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Je m’oppose à cette mesure. C’est pourquoi j’ai signé les amendements de suppression de l’article 3 et voterai en faveur de ceux qui tendent à supprimer l’alinéa 22.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le début de l’examen de ce projet de loi, je m’exprime dans toute ma liberté de parlementaire avec mesure et nuance, mais aussi avec la cohérence d’un sénateur ayant appuyé la loi El Khomri et selon mes convictions profondes.

Je poursuis sur cette voie ce soir à l’occasion de l’examen de l’article 3, qui prévoit le plafonnement des dommages et intérêts pour licenciement illégal, la modification du périmètre d’appréciation des difficultés économiques, la création du contrat de projet ou encore le reclassement pour inaptitude.

S’agissant du plafonnement des dommages et intérêts dans le cadre de licenciements sans cause réelle et sérieuse, il n’est ici question que de permettre aux entreprises de budgétiser des licenciements illégaux. Le Gouvernement opte pour la ligne dure des syndicats patronaux plutôt que pour celle des syndicats de salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Vous invoquez, madame la ministre, trois arguments.

Sur 150 000 contentieux portés devant les prud’hommes chaque année, dites-vous, l’entreprise est paralysée par les condamnations pour vice de forme du licenciement, par les délais de jugement et par la variation du montant des dommages et intérêts pour une même ancienneté.

Je suis de votre avis s’agissant du vice de forme. S’il doit être procédé aux licenciements selon les formes prévues par les lois et règlements, un vice de forme affectant une lettre de licenciement ne doit pas être automatiquement de nature à entacher d’illégalité la décision prise s’il n’a pas privé l’intéressé d’une garantie.

Je suis en désaccord, en revanche, avec la suite de votre analyse.

D’abord, la durée du jugement n’est pas en lien avec l’existence ou non d’un plafond du montant de dommages et intérêts. Il est question de procédure, de stratégie contentieuse, de difficulté à rassembler les pièces, de report d’audiences, et principalement du manque de moyens alloués à la justice.

Vous vous interrogez, ensuite, sur la raison pour laquelle, devant un même conseil de prud’hommes, un collègue qui était dans la même situation d’ancienneté perçoit quatre fois plus d’indemnités. La réponse est simple. La réalité d’un préjudice ne s’estime pas en fonction de l’ancienneté d’un salarié. Le préjudice peut être lié à l’âge de la personne, la difficulté à retrouver un emploi, sa qualification ou son défaut de qualification, son patrimoine, son environnement familial… Oui, une cadre, veuve avec quatre enfants à charge et dix ans d’ancienneté percevra davantage de dommages et intérêts qu’une cadre avec la même ancienneté, sans enfant et mariée à un riche propriétaire.

Alors, oui, il y a des écarts, et il revient au juge d’apprécier au cas par cas le montant de la réparation d’un préjudice.

Je m’exprimerai sur les autres points au cours de l’examen des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je veux m’exprimer, comme ma collègue Gisèle Jourda, sur le travail de nuit, tant comme praticienne du travail de nuit que comme promotrice de la législation sur cette question. Cette législation a été introduite, rappelons-le, au travers d’un amendement gouvernemental lors de l’examen au Sénat, en première lecture, de la proposition de loi concernant l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. En effet, la France risquait d’être condamnée par l’Europe à cause de l’absence de législation sur ce point.

Par ailleurs, il y avait un second enjeu : permettre l’interdiction du travail de nuit pour les femmes, interdiction qui datait, me semble-t-il, de 1892, à une époque où le travail de nuit concernait principalement le secteur industriel et où la pénibilité physique était très importante. Pourtant, dans les années 2000, 800 000 femmes travaillaient de nuit, dont 55 000 dans le secteur industriel. Cela peut paraître paradoxal, dans la mesure où le travail de nuit n’est pas un progrès social – tout le monde peut en être convaincu –, comme le soulignait la secrétaire d’État aux droits des femmes de l’époque.

Néanmoins, il était très difficile, dès lors qu’existait une législation encadrant le travail de nuit au nom de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de l’interdire pour les femmes quand, par ailleurs, tant de femmes travaillaient la nuit, non seulement dans le secteur privé, mais encore dans la fonction publique, notamment hospitalière, où les femmes sont très majoritaires.

Je rappelle, comme ma collègue, Mme Jourda, que l’homme est un animal diurne et que le travail de nuit est très préjudiciable à la santé ; nous sommes faits pour travailler le jour et récupérer et dormir la nuit.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. Cela inclut aussi les sénateurs !

Sourires sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Oui, c’est d’ailleurs ce que nous subissons tous ici ce soir, mes chers collègues…

En raison de la désynchronisation entre l’horloge astronomique et l’horloge biologique, le travail de nuit est source de bien des complications et d’importants troubles biologiques ou endocrinaux, notamment par rapport au cortisol. En outre, certaines addictions s’acquièrent la nuit, comme la consommation excessive de café et, parallèlement, de somnifères pour récupérer pendant la journée. Bref, le travail de nuit est extrêmement préjudiciable à la santé.

Pour autant, on sait que, dans certains secteurs, tant dans la fonction publique que dans le secteur privé, le recours au travail de nuit est obligatoire. Il convient donc que ce recours garde un caractère exceptionnel, qu’il y ait des contreparties – force est de reconnaître qu’elles ne sont souvent pas à la hauteur de ce qu’elles devraient être –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Mme Catherine Génisson. … et il faut aussi un encadrement des modalités de surveillance des conséquences du travail de nuit. Ce sera l’objet de nos discussions pendant l’examen de l’article 3.

Mme Dominique Gillot applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Madame la ministre, nous combattons l’article 3, qui synthétise la philosophie du Gouvernement sur ce texte, que l’on pourrait résumer par la formule : « Facilitons les licenciements et les embauches viendront. » Bien que la validité de cet adage n’ait jamais été prouvée, c’est pourtant sur celui-ci que se fonde l’entièreté de cet article.

Il s’agit en vérité d’une thèse d’une grande banalité, qui a prouvé depuis longtemps son échec, mais qui est répétée. Comme le disait le juriste spécialiste de droit social Antoine Lyon-Caen, « ce projet s’inscrit dans une filiation intellectuelle […] d’une grande banalité intellectuelle ». La remarque ne manque pas de sel, venant de quelqu’un dont les travaux ont inspiré la loi El Khomri.

La majorité présidentielle nous accuse souvent de dogmatisme sur ce sujet, mais, en vérité, ce sont les inspirateurs du projet qui rabâchent que ces ordonnances sont une nécessité, sans apporter aucune preuve que cette logique combattra le chômage.

On dit que le pouvoir se gagne par les idées ; c’est souvent vrai, et il est clair que, au-delà des dispositions précises de ce texte, vous menez avec ces ordonnances une bataille culturelle pour justifier la réduction des droits des salariés au nom de la prétendue compétitivité des entreprises. Ainsi, dans le texte, singulièrement dans cet article, tout est à l’avenant.

Selon vous, pour rassurer les employeurs, il faudrait plafonner les indemnités prud’homales ; là encore, il faudra nous expliquer en quoi cela facilitera la création d’emplois, bien que M. Cadic, on a pu l’entendre encore à l’instant, en semble convaincu.

Il faudrait étendre, comme le disait encore Mme Lamure, la possibilité de recourir aux CDI de chantier, sans jamais prouver, là non plus, sauf en le répétant, que cela entraînerait des créations d’emplois. Ce CDI de projet, véritable tour de passe-passe – ce n’est qu’un CDD déguisé –, vise à nous faire prendre la souplesse attendue pour une promesse d’emplois, lesquels ne viendront jamais.

Ainsi, sur tous les alinéas de cet article, en vérité, on retrouve cette philosophie. Nous continuerons donc, pour notre part, à proposer des amendements visant à promouvoir une tout autre logique, celle d’un projet réellement moderne. Il s’agit de faire, contrairement à ce qui nous est proposé, de la sécurisation du travail la nouvelle pierre angulaire d’un projet économique qui soit un projet de développement du progrès social.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Avec cet article, on entre encore plus dans le cœur de ce que M. Pierre Laurent a bien défini : l’idéologie selon laquelle la précarisation, habillée par le mot de « flexibilité », favorisera, dans un monde où l’emploi bouge, où plus personne ne fait carrière dans la même entreprise, la souplesse, laquelle libérerait les patrons de certaines contraintes en vue d’embaucher.

J’ai lu il y a quelques jours – je ne me rappelle plus la source exacte – un compte rendu de ce qui s’est passé aux Pays-Bas. Dans ce pays, un certain nombre de mesures visant à favoriser la flexibilité, sur le fondement de la même doctrine, avaient été prises, car elles étaient censées créer plus de possibilités d’embauches et de passerelles entre différents métiers, et promettaient même d’être plus favorables aux jeunes, qui savent qu’ils devront être flexibles.

Or, après analyse – là-bas, on fait des analyses et on dresse des bilans avant d’envisager tout changement ! –, on s’est rendu compte que la flexibilité n’a fait que créer de l’insécurité à l’intérieur de l’entreprise. En aucun cas, cela ne s’est traduit par l’arrivée de nouveaux salariés. Ce que l’on avait défini comme une souplesse permettant des embauches avait créé, pour ceux qui étaient déjà dans l’entreprise, une précarisation, des incertitudes, une flexibilité : on leur en demandait plus et ils avaient en permanence au-dessus de leur tête la menace de ne pouvoir rester. En revanche, je le répète, cela ne s’est pas soldé par des embauches. Voilà l’analyse objective de la situation.

Vous ne pouvez donc pas nous dire, madame la ministre, parce que vous n’avez aucune sur ce sujet – vous misez, un peu comme on joue à partir d’une idée reçue, d’une idéologie –, que ce que vous faites aujourd'hui favorisera les embauches.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Certes, les patrons disent : « On embauchera ; oui, on embauchera, si vous le faites ! » Mais je me souviens aussi – et j’en viens à ma conclusion – d’une personne qui affirmait qu’elle embaucherait grâce au CICE un million de personnes, mais qui in fine a empoché l’argent sans embaucher personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Je formulerai trois remarques, mes chers collègues.

En premier lieu, l’assouplissement du marché du travail favorise les inégalités et n’a jamais prouvé son efficacité pour créer des emplois. Il appauvrit les plus pauvres et enrichit les plus riches.

Le capital humain est, dans une entreprise, le capital le plus précieux, et précariser revient à le maltraiter. Or, comme le montrent des essais écrits par des économistes très sérieux, par l’OCDE, par le FMI, cela nuit à la productivité.

Cette précarité entraînera certainement une hausse de la pauvreté, du nombre de travailleurs précaires, qui ont du mal à accéder au crédit, et des salariés, qui sont souvent sous le seuil de pauvreté. Comme en Allemagne, depuis les réformes Hartz, on aura la volonté d’avoir une industrie surprotégée, mais avec des services précarisés. Or le FMI vient d’adresser un avertissement à l’Allemagne, arguant que la pauvreté s’y multiplie de façon alarmante.

En deuxième lieu, oser étendre à d’autres secteurs les contrats précaires sans durée définie, les fameux contrats de chantier, constituerait vraiment un affront terrible. Ce serait donner raison à la frange la plus réactionnaire du patronat. Beaucoup de patrons, y compris de grands patrons, ne souhaitent pas y recourir, mais nous, nous nous apprêterions à rendre cela possible au travers de ces ordonnances…

En troisième lieu, enfin, le plafonnement des dommages et intérêts pour licenciement abusif est un véritable appel à licencier. Voyons, c’est un appel aux licenciements abusifs !

Et voilà que l’on se prépare à faire cela, au travers de ces ordonnances ! Les masques tombent : on donne satisfaction aux demandes les plus réactionnaires du grand patronat ! Je le dis franchement, une partie du patronat ne partage pas cette volonté de traiter ainsi le capital humain.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe La République en marche

Caricatural !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 56 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 75 rectifié ter est présenté par M. Antiste.

L’amendement n° 155 rectifié quinquies est présenté par M. Labazée, Mme Lienemann, M. Assouline, Mme Meunier, MM. Durain et Godefroy, Mme Yonnet, MM. Mazuir, Montaugé, Cabanel et M. Bourquin et Mmes Jourda et Monier.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 56.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Les réponses apportées par Mme la ministre depuis le début de l’examen de ce texte ne nous convainquent guère, vous l’avez remarqué, et nous sommes toujours très inquiets des dangers que présente ce projet d’habilitation.

Nous continuons d’essayer de faire preuve de pédagogie pour éclairer ce qui se cache derrière ce projet. Ainsi, si je devais caractériser cet article 3, je dirais qu’il s’agit d’un oxymore : il est en effet contradictoire de l’intituler « dispositions relatives à la sécurisation des relations de travail » et d’y insérer, pêle-mêle, le plafonnement des indemnités prud’homales, la réduction du délai de recours en cas de rupture du contrat de travail, la généralisation des contrats de projets ou encore l’extension du travail de nuit, pour ne citer que quelques alinéas.

Madame la ministre, pouvez-vous m’expliquer en quoi ces dispositions, qui constituent assez clairement et objectivement des reculs pour les salariés, permettent une sécurisation des relations de travail ? À moins que la sécurisation ne s’entende qu’en faveur des employeurs, auquel cas il me semblerait plus pertinent de modifier l’intitulé de cet article afin de faire preuve d’honnêteté et de transparence vis-à-vis de nos concitoyens.

La vérité est que cet article 3 est un véritable tapis rouge pour les employeurs, afin, une nouvelle fois, de leur permettre de payer moins d’indemnités en cas de licenciement abusif. Penser que ces indemnités sont un frein à l’embauche est un contresens. Il s’agit– faut-il le rappeler ici ? – non pas d’un golden parachute accordé au salarié, mais bel et bien de la compensation d’un préjudice subi.

Le taux de chômage extrêmement important de notre pays serait dû en partie, selon vous, à ces indemnités trop élevées ? Mais qui peut croire à cette argumentation ?

Nous entendons toujours la même rengaine : « Il faut baisser le coût du travail pour libérer le travail », et ce, toujours, au détriment des mêmes, de la protection des salariés. Vous refusez de voir que le travail est avant tout source de richesse et que le problème est plutôt le coût du capital. Cela fait des décennies que les gouvernements successifs mettent en place des exonérations de charges patronales, et on connaît les résultats : ils sont très mauvais pour l’économie.

Les mesures prévues sont une attaque en règle contre, une nouvelle fois, les droits des salariés. C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 75 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

L’article 3 du projet de loi vise à assouplir les règles relatives au licenciement, en réduisant les obligations de l’employeur au moment de la rupture du contrat de travail. Toutes les mesures prévues sont autant de régressions : plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, réduction des sanctions prononcées contre l’employeur en cas d’irrégularité dans la procédure de licenciement, diminution des délais de recours contentieux pour les salariés, réduction du périmètre d’appréciation des difficultés économiques, allégement de l’obligation de reclassement.

Parallèlement, l’article 3 prévoit d’accroître la flexibilité des contrats de travail, en élargissant les possibilités de recourir au CDI de chantier et en dérégulant les contrats courts, CDD, intérim.

Pour toutes ces raisons, je propose de supprimer cet article.

Très bien ! sur certaine travée du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 155 rectifié quinquies.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Je serai brève, car cet amendement est identique aux deux précédents.

Nous estimons que l’importance et la portée de cet article méritent mieux qu’un examen contraint par la procédure des ordonnances.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

L’article 3 du texte habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances un certain nombre de mesures en faveur desquelles le Sénat s’est déjà prononcé à plusieurs occasions au cours des dernières années.

En cohérence avec les votes exprimés par la Haute Assemblée lors de l’examen de la loi de 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et de la loi Travail en 2016, la commission des affaires sociales est favorable à un encadrement des dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et à une révision du périmètre d’appréciation de la cause économique d’un licenciement.

Les amendements suivants nous donneront l’occasion de revenir en détail sur les différents éléments de l’article 3, mais la commission des affaires sociales a logiquement émis un avis défavorable sur les amendements de suppression de cet article.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre du travail

Je suis défavorable à ces trois amendements identiques.

Permettez-moi de revenir quelques instants sur le sens de l’article 3. Oui, il s’agit bien de sécuriser un certain nombre de dispositions afférentes aux relations de travail.

Pour avoir passé, au cours des derniers jours, plusieurs heures ensemble, nous commençons à mieux nous connaître. Vous l’aurez compris, je pense, nous sommes attachés – je ne suis pas le seul membre du Gouvernement à raisonner ainsi – à ce que les choses fonctionnent dans la réalité. Nous souhaitons prendre en compte la réalité d’aujourd’hui pour voir comment, dans une vision de long terme que l’on peut partager, on peut progresser.

Or les relations de travail, de leur point de vue juridique, constituent l’un des sujets qui nous pénalisent beaucoup en matière d’emploi. Pourquoi ? Certes, ce ne sont pas ces mesures qui créeront directement de l’emploi, nous en sommes d’accord – là n’est pas le sujet –, mais, parmi les freins à la création d’emplois figure, notamment pour les petites entreprises et les investisseurs étrangers, mais aussi, de manière générale, pour les entreprises de toute taille en France, l’insécurité juridique ; c’est un facteur inhibiteur de création d’emplois.

Évidemment, on ne créera pas d’emplois s’il n’y a pas de marché, …

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Mme Muriel Pénicaud, ministre. … mais on observe aujourd’hui une reprise de la croissance. Or celle-ci n’est pas saisie par tout le monde. Nous connaissons tous ici, dans notre entourage, des chefs d’entreprise ou de PME, des artisans qui tiennent le raisonnement suivant : « Je pourrais avoir un marché ici, mais je ne vais pas m’en saisir, soit parce que je ne trouverai pas les compétences requises, soit parce que j’ai trop peur de ce qui me tombera sur la tête après. »

M. Olivier Cadic opine.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il y a donc un levier portant sur la compétence, je l’ai dit dès le début de notre discussion lundi dernier ; il s’agit de l’un des éléments essentiels, car, sans elle, on ne peut faire face à un marché – ce sera d’ailleurs l’objet des projets de loi que nous examinerons au printemps prochain sur la formation professionnelle, l’apprentissage et l’assurance chômage. Mais il existe aussi une insécurité juridique dans de nombreux domaines. Nous ne lèverons pas, au travers de ce projet de loi d’habilitation, tous les blocages, mais nous souhaitons en lever un certain nombre, les plus importants.

J’en citerai trois, que j’ai déjà mentionnés dans mon discours introductif, mais sur lesquels je veux revenir.

Il s’agit en premier lieu des barèmes des dommages et intérêts aux conseils de prud’hommes.

Je rappelle, non pas pour votre assemblée, qui a l’expertise, mais pour le grand public, qui n’a pas toujours une connaissance claire des indemnités, les indemnités légales, les indemnités conventionnelles et les dommages et intérêts. Il est de notre devoir d’expliquer d’emblée qu’il y a trois étages différents, deux étages correspondant aux deux types d’indemnités et un étage applicable en cas de contentieux et de jugement défavorable à l’entreprise, à savoir les dommages et intérêts.

Ceux-ci sont particulièrement peu encadrés en France par rapport à d’autres pays. Quelles en sont les conséquences ?

D’abord, pour des cas identiques – je parle bien de situations comparables, dans l’entreprise et y compris du point de vue personnel, par l’âge ou l’ancienneté –, la Chancellerie elle-même estime que les montants varient d’un à quatre. Ainsi, il n’y a bien évidemment pas de visibilité du côté de l’entreprise, mais, même du point de vue du salarié, il peut y avoir un sentiment d’iniquité : quand un collègue qui est dans la même situation touche quatre fois plus ou quatre fois moins de dommages et intérêts qu’un autre, la perception de l’équité n’est pas évidente.

C’est pourquoi, dans tous les domaines, le droit, s’il ne tient pas la main du juge, doit lui donner des repères, encadrer sa réflexion dans un souci d’équité et de visibilité. Le droit doit être équitable et, pour l’être, il doit être connu à l’avance.

Ensuite, la durée des contestations est également très pénalisante. Le contentieux dure en moyenne 21, 9 mois devant les prud’hommes, voire 29 mois en cas de formation de départage ; c’est très long. Or ce n’est pas forcément plus protecteur pour les entreprises ni pour les salariés. Tous ces délais de contentieux en première instance et en appel – je rappelle qu’un licenciement individuel sur cinq fait l’objet d’un recours aux prud’hommes et que 60 % d’entre eux donnent lieu à un appel –, toute cette mécanique, sont le lot quotidien des entreprises et des salariés qui recourent aux prud’hommes.

Cela rend toute projection dans l’avenir très difficile. Pour la petite entreprise ou la TPE qui a cinq ou six salariés, avoir devant soi un an et demi ou deux ans d’incertitude l’empêche d’embaucher ou de se réorganiser. Cela constitue donc un vrai frein.

C’est également vrai pour le salarié. Nous connaissons tous, dans notre entourage, des personnes qui ont fait un recours aux prud’hommes comme salariés – en tout cas, pour ce qui me concerne, vu mon grand âge et mes fonctions antérieures, je connais la situation des deux côtés –, et on sait qu’il est très difficile de se projeter dans l’avenir quand on est en suspens, dans l’attente d’un jugement. Là aussi, penser au délai pour calibrer les choses ne procède pas de « moins de droit », mais de « mieux de droit », si je puis dire.

Certes, toujours pour ce qui concerne ces barèmes, on observe aujourd’hui moins de contentieux aux prud’hommes qu’il y a quelques années, comme cela a été relevé. L’une des raisons principales en est le développement de la rupture conventionnelle, qui a donné lieu à environ 400 000 signatures l’année dernière ; cela relève d’une logique de conciliation, puisqu’il s’agit d’une transaction.

Néanmoins, ce sont surtout les grandes et les moyennes entreprises qui ont recours à la rupture conventionnelle. Les petites entreprises connaissent moins ce mécanisme et ce sont donc surtout elles qui vont aux prud’hommes. Or il intervient ici un autre élément essentiel : la question du fond et de la forme, c’est crucial. Aujourd’hui, le juge statue en droit. Or que dit le droit ? Si la lettre de licenciement est mal rédigée, l’employeur est condamnable.

On trouve ainsi des exemples à foison d’artisans, d’agriculteurs ou de petits employeurs qui sont sanctionnés aux prud’hommes non parce qu’ils sont des voyous ou qu’ils ont fait de mauvaises choses – ce qu’il faudrait évidemment sanctionner –, mais parce qu’ils ont écrit dans leur lettre de licenciement que, ayant perdu un marché, ils ne pouvaient pas garder leur salarié au lieu d’indiquer simplement qu’ils supprimaient le poste. Cela constitue, aujourd’hui, un motif légitime pour condamner un employeur.

Il relève donc de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement d’établir un droit plus clair, plus précis, donnant plus de repères, tout en permettant au juge d’apprécier la situation dans sa décision. Il me semble que c’est même un devoir civique que de faire en sorte que le droit soit lisible pour le justiciable, dans tous les domaines ; et, dans ce domaine-là, on a des progrès à faire.

Par ailleurs, nous pensons également que tout ce qui intervient le plus en amont possible est préférable. La rupture conventionnelle du contrat était, selon moi, une bonne réforme. De nombreux efforts ont été réalisés par les gouvernements précédents pour renforcer la conciliation, et nous voulons continuer dans cette direction, qui est la bonne. Cela dit, il y aura évidemment toujours des cas où il faudra aller aux prud’hommes, et ce sont ceux que nous visons.

C’est aussi dans cette volonté de favoriser un règlement en amont que nous souhaitons augmenter les indemnités légales de licenciement, qui s’élèvent, je le rappelle, à un cinquième de mois par année d’ancienneté, soit plutôt dans la moyenne basse en Europe. Tout ce qui est fait en amont doit permettre de libérer les juridictions et de réserver aux prud’hommes ce qui constitue de vrais contentieux, dans lesquels on n’a pas réussi à se mettre d’accord, dans lesquels il y a un conflit de fond, un préjudice. Là, c’est tout à fait normal, on a besoin des prud’hommes, du juge, pour sanctionner.

Je suis volontairement très détaillée, très opérationnelle, parce que toutes ces données mises bout à bout suscitent un engorgement des conseils de prud’hommes pour des sujets qui ne sont pas tous, en réalité, de fond – les sujets de fond doivent évidemment, je le répète, être traités, sanctionnés, il n’y a aucun débat sur ce point.

En deuxième lieu, certains d’entre vous ont évoqué les différents types de contrats ; ce sujet est relié au rôle des branches, évoqué à l’article 1er.

À la demande des partenaires sociaux, et plutôt d’ailleurs des organisations syndicales de salariés, nous avons ajouté dans les dispositions de branche, avec verrou obligatoire – c’est non pas l’entreprise qui définit les règles, mais la branche –, la possibilité, non l’obligation, pour la branche de définir de la norme sociale, encadrée par la loi, dans le domaine de la gestion et de la qualité de l’emploi, notamment dans celui des contrats courts – CDD, intérim –, et de mettre en place, dans certaines conditions et dans certaines branches, l’équivalent du contrat de chantier. Pourquoi ? Pour faire face à toute une série de situations ; je pense en particulier à un cas qui s’est présenté, voilà quelques mois, dans la construction navale.

Mme Nicole Bricq opine.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

En l’espèce, un contrat de trois ou quatre ans se présentait à un employeur, mais celui-ci, bien qu’étant disposé à recruter beaucoup de demandeurs d’emploi, notamment des jeunes, ne pouvait recourir au CDI classique, car il n’était pas sûr d’obtenir un nouveau marché par la suite. Finalement, il n’a pas pu répondre au marché parce qu’il aurait dû recourir à une succession de contrats d’intérim et de CDD, ce qui est contraire à la loi, ce secteur exigeant une formation pendant un certain temps.

Ce fut là une chance manquée pour une entreprise française d’obtenir un marché et de sortir un certain nombre de jeunes de la précarité.

Pourquoi positionne-t-on cette faculté à l’échelon de la branche ? Toujours pour la même raison : parce que nous faisons confiance au dialogue social.

Le dialogue social dans la branche, mettant face à face les organisations patronales et les organisations syndicales de salariés, est toujours équilibré ; il prévoit toujours des contreparties. Je ne connais pas d’accord de branche où l’on ait fait signer n’importe quoi, cela n’existe pas. Les partenaires sociaux discuteront longtemps, mais ils trouveront une solution équilibrée.

Ainsi, on souhaite permettre à certains secteurs, là où cela a du sens, comme dans l’informatique ou la construction navale – cela n’aurait aucun sens, nous sommes d’accord, dans la boulangerie –, de recourir à ce contrat, car il nous semble préférable d’avoir un CDI de chantier plutôt qu’une succession de CDD ou de contrats d’intérim. C’est dans cet esprit que cette mesure est proposée.

Je rappelle par ailleurs que la mention « CDI de chantier » n’apparaît pas sur la feuille de paie ; il s’agit d’un CDI. Les banques et assureurs ne le savent donc pas. Vous pouvez tout à fait emprunter de l’argent, avoir un logement, ce qui n’est pas possible en CDD. Demandez à n’importe quelle personne si elle préfère un CDD ou un CDI de chantier, dont la durée est plus longue et qui permet d’avoir plus d’autonomie dans la vie, je pense que sa réponse sera tranchée.

Encore une fois, s’il est bien utilisé, c’est un outil de sortie de précarité, car, nous en serons tous d’accord, si notre socle de CDI tient bien – 85 % des emplois sont des CDI –, il n’en reste pas moins que 80 % des embauches sont des emplois précaires. La difficulté consiste donc à passer de l’emploi précaire à l’emploi en CDI, en particulier pour les jeunes. C’est dans cet esprit que les partenaires sociaux ont souhaité pouvoir discuter des modalités de ce contrat et les adapter, les besoins variant selon les secteurs.

En troisième lieu, enfin, j’évoquerai le télétravail.

J’en ai longuement parlé dans mon propos initial. Il s’agit d’un domaine typique dans lequel le droit est quasiment muet et inadapté, car toutes nos règles ont été conçues, cela se comprend, dans un contexte où tout le monde travaillait sur le même lieu, en même temps et tout le temps. C’est encore le cas pour la majorité des salariés, mais 14 % d’entre eux ont aujourd’hui une activité partielle en télétravail et, surtout, 61 % des salariés le demandent.

En effet, on observe une très forte demande sociale en la matière et de nouvelles attentes dans les zones rurales, de la part de travailleurs handicapés, de personnes ayant des contraintes familiales à un moment donné, de personnes aidantes, ou pour toutes les autres raisons de la vie qui plaident pour le télétravail. Aujourd’hui, le télétravail n’est sécurisé ni pour le salarié ni pour l’employeur. Voilà donc un autre domaine de sécurisation que nous devons traiter : là, tout le monde s’accordera à reconnaître qu’il est parfaitement équilibré entre les besoins des salariés et ceux des entreprises.

Je vous parle donc non pas de remèdes miracles, mais de choses très concrètes de la vie, des verrous aujourd'hui observés sur le terrain. Nous voulons tout simplement résoudre un certain nombre de problèmes opérationnels, en vue de libérer un peu plus l’initiative, la confiance, la création d’emplois et la sécurité.

Tel est le sens de l’article 3 que nous vous soumettons, mesdames, messieurs les sénateurs.

Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche. – M. Olivier Cadic applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je voterai en faveur de ces amendements de suppression.

Plusieurs des sujets ont déjà été évoqués.

En dépit de ce que vous avez pu en dire, madame la ministre, je reste convaincue que la définition d’un barème objectif applicable aux prud’hommes est un danger absolu, parce que cela met en cause les principes du droit.

Le droit du travail et le droit pénal ne peuvent pas poser de principes différenciés. Le principe du droit, en France, c’est l’individualisation de la peine, du dédommagement, la prise en compte des situations.

Je vous rappelle, mes chers collègues, les débats extrêmement importants que nous avons pu avoir sur divers thèmes relatifs au droit pénal, notamment sur les peines planchers automatiques.

Certains d’entre vous défendent peut-être cette conception. Pour ma part, je considère qu’il n’existe pas de barème aujourd'hui. C’est l’arbitrage du juge, en l’occurrence des juges prud’homaux, qui doit être déterminant.

Par ailleurs, la réduction du délai de recours pour les licenciements est une fragilité supplémentaire. On nous explique que ce délai ne doit pas être très long, pour ne pas faire peur aux chefs d’entreprise.

Mais je vous rappelle que, d’après une étude de l’INSEE, pour les chefs d’entreprise, le droit du travail et les conditions de licenciement comptent pour peu de chose dans la décision de recruter, au contraire de ce qu’ils appellent « l’incertitude économique », à savoir la capacité d’avoir du travail.

Pour recruter, les patrons doivent aussi trouver des salariés compétents pour les tâches qu’ils demandent. Or il ne faut pas s’étonner qu’un certain nombre de salariés compétents ne cherchent plus à occuper certains emplois quand ces derniers sont extrêmement fragilisés, pénibles et ne sont pas valorisés ! Et, quand on regarde de près les emplois qui ne sont pas pourvus, on se rend compte qu’il s’agit, pour une large part, d’emplois précaires, pénibles ou mal rémunérés, qui imposent aux salariés des conditions de travail inacceptables. On peut toujours nous dire que les salariés sont des feignants…

Je me souviens du débat que nous avons eu dans cette enceinte au moment de l’examen de l’accord national interprofessionnel, l’ANI. On a alors entendu de grandes théories sur les avantages de la flexibilité et sur les mécanismes de négociation qui allaient diminuer le nombre de contrats courts… Pour ma part, j’observe que, chaque fois que l’on nous présente des outils pour réduire la durée des CDD, c’est l’inverse qui se produit !

Les chiffres du chômage sont absolument dramatiques aujourd’hui en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Si le nombre de chômeurs de catégorie A a baissé ce mois-ci, celui des CDD de quelques jours a, lui, explosé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

L’article 3 aborde largement l’épineuse question des licenciements économiques.

Mme la ministre nous assure qu’elle compte en revoir les modalités, notamment la question du périmètre d’appréciation des difficultés économiques.

La commission des affaires sociales a réécrit cet article d’une façon qui me convient. J’espère qu’un compromis sera trouvé, car il faut à tout prix simplifier les règles.

Le juge ne doit pas être en capacité d’apprécier la décision de mettre en œuvre des licenciements économiques autrement qu’au travers de cette question du périmètre.

L’article 3 habilite par ailleurs le Gouvernement à développer le recours à certaines formes particulières de travail. Ce faisant, il est proposé de favoriser le travail, l’adaptation des contrats temporaires ou des CDD et le recours aux CDI de chantier, comme Mme la ministre l’a expliqué.

Le droit du travail, notamment les types de contrats, doit s’adapter aux activités, qui évoluent beaucoup plus rapidement que notre droit, de manière à favoriser les embauches.

Toutes ces mesures vont dans le sens d’une plus grande flexibilité. Je répète que cette souplesse permettra des embauches, car les entreprises sauront que le droit du travail leur permet de s’adapter aux réalités de leur marché.

M. Pierre Laurent proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Mais, comprenez-moi bien, mes chers collègues, tout cela doit être équilibré par des mesures de sécurité.

Nous avons une différence avec nos collègues communistes et socialistes : contrairement à certains d’entre nous, ils n’ont pas passé leur vie à développer des entreprises.

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

S’ils avaient créé des entreprises, risqué leurs biens pour les faire naître, pour les faire vivre, ils ne considéreraient pas que la multiplicité des règles, des instances, des représentants et des procédures est une sécurité pour les salariés. Bien au contraire, cela alourdit le droit, est source d’insécurités et empêche des créations d’emploi, pourtant nécessaires à l’activité économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Et les retraites chapeau ? Et les parachutes dorés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

M. Olivier Cadic. Nous voterons donc contre ces amendements.

Nouvelles protestations sur les mêmes travées. – M. Loïc Hervé applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention.

Par principe, les membres du RDSE ne sont pas très favorables aux suppressions d’article qui, selon nous, empêchent la discussion. Cependant, à titre personnel, et je suis ravi d’être là ce soir pour l’exprimer, je suis tenté de voter en faveur de ces amendements, et je vais vous dire pourquoi.

Monsieur Cadic, j’ai bien compris que vous défendiez une certaine partie du projet de loi.

Il se trouve que j’ai eu la chance d’appartenir aux deux mondes : après avoir été très longtemps salarié, je suis, à un moment de ma vie, devenu chef d’entreprise. Mais, intrinsèquement, j’ai la fibre salariée.

Il me semble que sous les présidences de MM. Hollande, Sarkozy, Chirac et Mitterrand – je n’inclus pas, pour le moment, les gouvernants qui viennent d’accéder au pouvoir –, les discussions sur le monde du travail se sont toujours faites au détriment des salariés. §Je ne connais pas d’exemple où l’on a tordu la main aux chefs d’entreprise pour favoriser l’embauche.

J’ai la faiblesse de croire, madame la ministre, que, demain, vous aurez trouvé des remèdes miracles. Je le souhaite ! Je comprends très bien qu’il faille simplifier le droit du travail qui, aujourd'hui, est compliqué. Mais, de grâce, n’attaquons pas à tout bout de champ des acquis qui ont été obtenus de haute lutte !

Je parie que, dans deux ans – je serai encore là pour m’en rendre compte, puisque mon mandat se termine en 2020 –, la courbe du chômage ne se sera pas inversée. Je me demande ce que vous viendrez nous dire encore !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je peux comprendre et je respecte les inquiétudes de mes collègues qui ont déposé ces amendements de suppression de l’article 3.

Il est toujours très délicat de supprimer un article, raison pour laquelle je me rallierai à l’avis du rapporteur.

J’ai écouté avec beaucoup d’attention vos propos pédagogiques, madame la ministre.

Je crois qu’il ne faut pas opposer les salariés et les patrons. De nombreux patrons, quelle que soit la taille de leur entreprise, se sacrifient pour créer et maintenir des emplois. La situation est ce qu’elle est, mais, s’il n’y avait plus de patrons qui veulent vraiment s’engager pour leurs salariés, les difficultés seraient encore bien plus grandes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Dès lors, je crois que le respect doit être mutuel.

Cela dit, on sait que les CDD ne sont pas la solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Les CDI de chantier et les CCD de trois jours indéfiniment renouvelables non plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

L’intérim n’est pas non plus la solution idéale.

Il faut essayer de trouver les meilleures solutions pour que l’économie puisse tout de même fonctionner.

C’est pour cela que j’irai dans le sens de la commission des affaires sociales, en remerciant M. le rapporteur de son engagement.

M. Loïc Hervé applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. Je pensais que l’on allait arriver, à l’orée de la soirée, à « objectiviser » ce débat. Il semble que ce ne sera pas le cas.

Mme Annie David s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

J’entends bien les arguments des uns et des autres.

Le relèvement des indemnités de licenciement en cas de contentieux a été annoncé très tôt par Mme la ministre au cours de la discussion, ce qui a satisfait toutes les organisations syndicales. De fait, compte tenu de leur faible montant par rapport à celles qui peuvent exister chez nos voisins européens, il importait de relever leur niveau.

Reste le problème des dommages et intérêts.

Je rappelle que nous avons déjà eu cette discussion lors de l’examen de l’article 83 de la loi Macron. Après y avoir consacré beaucoup d’heures, en commission comme en séance, nous étions parvenus à un barème indicatif. Il ne faut donc pas dire qu’il n’y a pas de barème. Il existe un référentiel, qui, du reste, ne sort pas de nulle part : il tient compte de la jurisprudence.

Il existera désormais un barème prescriptif. Le problème est de savoir quels en seront le plafond et le plancher. Cependant, le juge continuera à exercer son droit de regard et à trancher.

Pour ce qui concerne ce que l’on appelle, par facilité, les « contrats de chantier », je rappelle qu’ils sont le fruit d’une expérimentation lancée à partir de l’adoption de la loi de 2008. Ils ne datent donc pas d’hier ! Ils ont été pérennisés par la loi de simplification de 2014 dans des secteurs importants – je pense notamment aux contrats de recherche, utilisés dans les universités – et rendent bien service.

Nous en sommes arrivés aux contrats de chantier dans le bâtiment. Un verrou très utile a été prévu. Nous demandons que ce soient les branches qui déterminent les secteurs d’activité qui en ont besoin. On sait très bien que ceux de la chimie ou de la métallurgie, par exemple, n’ont pas besoin de tels contrats et que ces derniers ne sont pas non plus la tradition dans le secteur de l’automobile. En revanche, les contrats de chantier sont utiles dans d’autres secteurs, où ils représentent un progrès, en termes de visibilité, pour les salariés et les entreprises. S’il est vrai que le nombre de CDD explose, il vaut mieux que l’objet des contrats soit défini.

Je considère donc que l’on nous propose en l’espèce de donner notre accord à un progrès. La loi de ratification en définira les contours plus précisément. Au reste, on n’achète pas un lapin dans un sac ! §Un certain nombre d’engagements ont été pris, et des discussions ont eu lieu avec les organisations syndicales.

Je ne suis par conséquent pas du tout favorable aux amendements de suppression.

Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Je veux évoquer les banques, qui ont annoncé qu’elles allaient supprimer de nombreux emplois.

La Société Générale, par exemple, compte 136 filiales dans des paradis fiscaux, où elle investit 30 % de ses bénéfices. Elle a créé 1 005 sociétés offshore. Elle est citée je ne sais combien de fois dans l’affaire des « Panama papers ».

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Pensez-vous, chers collègues, qu’il ne faut pas s’attaquer à ce problème ?

On évoque les causes des suppressions d’emploi pour nous proposer une flexibilité plus importante. On s’attaque à notre protection sociale et au travail salarié, mais le vrai problème de la France, c’est que l’évasion fiscale lui coûte très cher, de 60 à 80 milliards d’euros par an. Tout le monde se taira sur ce sujet, mais pas nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

En effet, ma chère collègue.

Le « verrou » de Bercy a été maintenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

De fait, le petit artisan va subir un redressement, quand Googlepourra discuter…

J’ai l’impression que les choses se font à sens unique. On veut régler les problèmes de la France en s’attaquant au travail salarié, en le flexibilisant et en le maltraitant. Non, cela ne réglera pas tout !

Pour ce qui nous concerne, nous faisons un autre choix. Nous pensons qu’une autre société est possible, une société où l’on essaiera de réduire les inégalités, qui sont le problème numéro un de la France et des pays développés. Le creusement des inégalités conduit à une croissance molle et explique nos difficultés.

Je le répéterai aussi souvent qu’il le faut : une entreprise qui embauche est une entreprise qui a reçu des commandes. Je le constate bien dans mon département.

Ce n’est pas en flexibilisant le travail, comme on le fait depuis je ne sais combien d’années, que l’on règle les problèmes des entreprises. C’est avec des commandes et de la croissance !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je ne voterai pas en faveur de ces amendements.

L’article 3 prévoit un barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse. Il répond par là même à une demande de sécurité extrêmement forte de la part des petites et moyennes entreprises, surtout des petites.

Une entreprise qui se retrouve aujourd’hui aux prud’hommes se heurte à l’inconnu

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Le texte prévoit l’application, par le juge, d’un plancher et d’un plafond établis en fonction de l’ancienneté du salarié. Je trouve que ce n’est pas du tout précariser les salariés ; c’est tout à fait les respecter ! Je ne vois pas où est le problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Dans ce débat compliqué sur les contrats de chantier, je veux rappeler que chaque Président de la République a cherché à marquer son territoire dans la lutte contre le chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. Le Président de la République n’est pas un chat !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Je pense à tout ce que la gauche a pu mettre en place : les travaux d’utilité collective – les TUC –, les contrats d’avenir, les contrats de génération, les CDD, la réduction du temps de travail…

Les contrats de chantier, qui sont des CDD déguisés, puisque leurs titulaires seront payés à la mission – cela permet une rupture du contrat quand la mission est finie –, me paraissent problématiques. On voit bien la perversion qui a conduit à la généralisation des CDD, qui avaient été assortis de charges sociales allégées pour favoriser l’embauche. L’humain est ainsi fait, qui pervertit tout ce qu’il peut toucher… Je crains qu’il ne se passe exactement la même chose pour les contrats de chantier. Certains collègues ont cité des chiffres qui montrent bien que les CDD sont quasiment plus nombreux que les CDI.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Les contrats de chantier sont des CDI. Dès lors, pourquoi ne pas parler de simple CDI, sans faire référence à une mission ? On sait bien comment cela va se terminer.

Le problème de l’article 3, c’est qu’il définit de nouveaux contrats, de nouvelles règles en matière de prud’hommes, de travail de nuit… Il touche en même temps à plein d’aspects de la protection des salariés. On ne peut pas demander au législateur de valider un ensemble de mesures restrictives, qui vont à rebours du progrès social.

Je pense que, malgré toute la bonne volonté que peut y mettre Mme la ministre, la relance des contrats de chantier ne résoudra pas le problème du chômage de façon définitive, quand bien même elle permettra certainement de le faire baisser momentanément, pendant un ou deux mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mme Laurence Cohen. De quoi parle-t-on ? De femmes et d’hommes victimes de licenciements économiques abusifs et d’entrepreneurs qu’il faut sanctionner pour avoir utilisé ce moyen pour faire plus de profits.

M. Daniel Chasseing s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

On veut nous faire pleurer sur les difficultés des entreprises qui seront sanctionnées, alors qu’il s’agit parfois de grands groupes, mais on méprise complètement celles et ceux qui sont licenciés. Arrêtez donc de mélanger les choses et de ne pas parler des humains !

Vous pensez, en dépit du taux de chômage, qu’être licencié aujourd’hui n’est pas un problème. Vous nous proposez des mesures qui réduiront encore les possibilités de ces femmes et de ces hommes qui sont jetés à la rue. Va-t-on raboter des indemnités, alors que certains se mettent des stock-options plein les poches ? On marche sur la tête !

Depuis le début, cette discussion nourrit une vision des choses complètement faussée. On ne voit pas la réalité du chômage, on ne voit pas les difficultés des gens, on ne voit pas que le pouvoir d’achat est en berne et on ne veut pas voir, finalement, que les taux de profit des grands groupes sont énormes – on pourrait pourtant citer des exemples.

Mes chers collègues, je vous appelle à réfléchir à ce que l’on nous propose de voter : il s’agit bien d’adapter les règles de procédure et de motivation des licenciements et de réduire les délais de recours.

Au final, ce sont toujours les mêmes qui trinquent et on nous dit, avec le sourire : « Faites-nous confiance ! » Vraiment, on marche sur la tête !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix les amendements identiques n° 56, 75 rectifié ter et 155 rectifié quinquies.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 135 :

Le Sénat n’a pas adopté.

L'amendement n° 134 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Au début de cet article

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 1233-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emplois sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positif au cours des deux derniers exercices comptables.

« Est également dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stock- options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Il s’agit de compléter l’article L. 1233-2 du code du travail par les deux alinéas suivants :

« Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emplois sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positif au cours des deux derniers exercices comptables.

« Est également dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stock- options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions. »

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet amendement vise à interdire les licenciements économiques dits « boursiers », dont l’unique objectif est l’augmentation de la rentabilité financière de l’entreprise.

Cet amendement est issu d’une proposition de loi de 2011 dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur. Nous avons au moins le mérite de la cohérence et de la continuité dans la défense des valeurs de gauche.

Chacun dans cet hémicycle connaît des exemples emblématiques de licenciement boursier dans son département. Il ne tient qu’à nous de limiter ces pratiques insupportables en votant des garde-fous logiques et sensés.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Watrin ne dit pas qu’il faut interdire les licenciements, même dans les entreprises qui ont réalisé des bénéfices les deux années précédentes ou dans celles qui ont distribué de généreux dividendes à leurs actionnaires.

J’aurais pu comprendre votre position, madame la ministre, s’il s’était agi d’interdire les licenciements et donc de porter atteinte à l’organisation d’une entreprise pour les années à venir. Or il s’agit simplement, lorsqu’une entreprise a fait des bénéfices ou distribué d’importants dividendes, d’interdire le recours au motif du licenciement économique.

Cela me semble logique : on parle de licenciement économique quand il y a un problème économique. Vous auriez pu, par exemple, dans le cadre de ces ordonnances qui vont tout changer, proposer des « licenciements d’organisation » ou des « licenciements stratégiques ».

Encore une fois, il s’agit non pas d’interdire les licenciements, mais de refuser d’appeler « économiques » des licenciements qui n’ont aucun fondement économique.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 135 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Au début de cet article

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 1233-3 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1233 -3. – Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives à une cessation d’activité ou à des difficultés économiques qui n’ont pu être surmontées par la réduction des coûts autres que salariaux ou, à des mutations technologiques indispensables à la pérennité de l’entreprise, et dès lors que l’entreprise n’a pas recours au travail intérimaire ou à la sous-traitance pour exécuter des travaux qui pourraient l’être par le ou les salariés dont le poste est supprimé.

« L’entreprise doit avoir cherché par tous moyens adaptés à sa situation d’éviter un licenciement pour motif économique, de sorte que le licenciement pour motif économique constitue le dernier recours pour assurer sa pérennité.

« L’appréciation des difficultés économiques ou des mutations technologiques s’effectue au niveau de l’entreprise si cette dernière n’appartient pas à un groupe.

« Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’appréciation des difficultés économiques ou des mutations technologiques s’apprécie au niveau du secteur d’activité du groupe.

« Les situations visées au premier alinéa qui seraient artificiellement créées ainsi que celles résultant d’une attitude frauduleuse de la part de l’employeur ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

« Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivant, résultant de l’une des causes énoncées au premier alinéa. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement, très important à nos yeux, vise à prendre le contre-pied de l’évolution du droit du travail en matière de licenciement, et plus précisément de licenciement économique.

Madame la ministre, vous affichez la volonté d’améliorer le dialogue social. Comment vous y prendrez-vous, alors que la réalité vécue par les salariés est celle d’une détérioration continue des conditions de licenciement ?

Depuis la loi dite « El Khomri », une entreprise peut enclencher des licenciements économiques dès lors que ses commandes ou son chiffre d’affaires affichent une baisse. Seule exigence, un critère temporel : cette baisse doit être constatée au moins sur un trimestre pour une entreprise de 11 salariés et, au maximum, sur quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.

Fait crucial, le juge n’a plus le pouvoir de juger du motif économique, même si ce dernier reste encadré par la loi.

Votre projet, madame la ministre, va donc plus loin. Vous proposez, par exemple, de rendre négociable, au niveau de l’entreprise, et donc en amont, la motivation économique des licenciements. Pour notre part, nous ne voulons pas que le salarié devienne la variable d’ajustement des fluctuants mouvements d’activité de l’entreprise.

Nous proposons tout d’abord de préciser les motifs économiques en rétablissant le pouvoir d’appréciation du juge.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame Bricq, pourriez-vous nous épargner vos sempiternels commentaires ? Cela devient lassant !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous précisons ensuite que le licenciement économique doit être le dernier recours de l’employeur. Le code du travail doit être un outil de préservation de l’emploi et non d’amplification du chômage.

Enfin, et c’est crucial, nous proposons de graver dans le marbre de la loi la jurisprudence selon laquelle les difficultés économiques sont appréciées à l’échelon du secteur d’activité du groupe, au plan national ou international.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La commission est défavorable à cet amendement.

La loi Travail, votée l’an dernier, a déjà défini les critères justifiant des difficultés économiques et les critères de sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

La refonte des règles du licenciement économique proposée par les auteurs de cet amendement entraînerait une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre qui serait sans doute censurée par le Conseil constitutionnel.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Par ailleurs, madame Assassi, vous me voyez très troublée, car plusieurs de vos propos ne correspondent pas du tout au texte.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il n’a, bien évidemment, jamais été question d’autoriser les négociations dans l’entreprise sur les motifs du licenciement.

Vous proposez de réécrire dans son intégralité l’article L. 1233-3 du code du travail profondément modifié l’année dernière par la loi du 8 août 2016 qui définit déjà le motif économique de façon très précise.

Le juge s’appuie sur cette définition juridique récente et – apparemment – claire. Nous y trouvons l’élément matériel – suppression ou transformation d’emplois ou modification du contrat de travail –, le périmètre d’appréciation, l’élément causal et ses quatre critères – difficultés économiques, mutation technologique, réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité et cessation d’activité. La jurisprudence est bien établie sur ce sujet.

Vous proposez également de supprimer le motif de réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité.

Il s’agit pourtant d’un motif essentiel dont l’utilisation permet de limiter les suppressions d’emplois quand l’entreprise pressent des difficultés économiques importantes du fait de son positionnement sur son marché. Mieux vaut prévenir que guérir et mieux vaut se réorganiser qu’être acculé ensuite à des licenciements beaucoup plus importants. De nombreux échecs et fermetures cachent en fait des réorganisations ou des modifications mal anticipées. Contrairement à ce que vous avancez, ce motif a un caractère essentiellement préventif.

Vous proposez aussi de préciser que le licenciement doit être décidé en dernier recours par l’employeur. Toutefois, celui-ci est déjà soumis à une obligation préalable de recherche de reclassement et doit formuler des offres écrites précises individuelles aux salariés.

Vous évoquez enfin le périmètre d’appréciation de la cause économique et les situations de création artificielle de difficultés. Ce dernier point, dont nous avons déjà discuté avec les partenaires sociaux, fera l’objet de dispositions spécifiques au sein de l’ordonnance. Il nous semble en effet nécessaire d’apporter des précisions supplémentaires.

Sur tous les autres points, je n’ai pas reconnu dans vos propos le texte dont nous discutons. Je pense qu’il s’agit d’une réelle incompréhension.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

L’habilitation ne porte pas du tout sur ces sujets.

Ma chère collègue, vous proposez de réécrire l’article 67 de la loi Travail. Il aurait été plus clair de nous le dire, j’aurais mieux compris.

Le texte dont nous discutons permet d’ouvrir de nouveau la réflexion sur la façon d’appréhender la notion de difficultés artificielles et comptables qui avait disparu des nombreuses versions du projet de loi Travail que nous avons eu à examiner.

Je n’ai pu m’empêcher de réagir en constatant que nous parlions non pas de l’habilitation, mais de la loi El Khomri, raison pour laquelle je ne voterai pas votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il me semble que la commission des affaires sociales n’a pas jugé notre amendement irrecevable et qu’il est possible, au cours d’un débat parlementaire, de revenir sur un texte antérieur que l’on a combattu pendant des jours et des nuits.

Nous n’étions pas favorables à cet article de la loi El Khomri et nous voulons revenir sur la définition du licenciement économique.

Vous nous dites, madame la ministre, que la création artificielle de difficultés économiques sur certains sites conduisant à la faillite, alors que le groupe va bien, constitue un vrai sujet – c’est votre expression de la soirée – sur lequel il faudra revenir.

En revanche, vous nous dites aussi qu’il vaut mieux se réorganiser que d’avoir à licencier en masse par la suite. Mais certaines de ces réorganisations, madame la ministre, comme a tenté de vous le faire entendre Dominique Watrin, servent de prétexte à des licenciements boursiers déguisés qui permettent de faire remonter le cours de l’action de l’entreprise. Au passage, les dirigeants qui ont la chance de bénéficier de stock-options font de sacrées plus-values.

Il s’agit d’une réalité. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous contestons le plafonnement des indemnités prud’homales. Eu égard à la cotation en bourse de certaines sociétés et aux sommes colossales que peuvent empocher certains dirigeants par le biais de ces licenciements boursiers, il nous semble normal que les salariés soient en droit d’être indemnisés à hauteur du préjudice qu’ils ont subi par la juridiction prud’homale.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 224, présenté par MM. Vanlerenberghe et Cadic, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

de droit privé

par les mots :

mentionnés à l'article L. 2211-1 du code du travail

La parole est à M. Olivier Cadic.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cet amendement est le pendant de l’amendement n° 198, des mêmes auteurs, à l’article 1er.

Il s’agit de faire référence à l’article L. 2211-1 du code du travail qui dispose que les dispositions relatives à la négociation collective s’appliquent aux employeurs de droit privé ainsi qu’à leurs salariés, aux établissements publics à caractère industriel et commercial, aux établissements publics à caractère administratif lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé.

Par coordination avec sa position sur l’amendement n° 198, la commission émet un avis de sagesse positive sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il s’agit de préciser que tous les salariés de droit privé, quel que soit le statut de l’employeur, entrent dans le champ de l’ordonnance. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant.

Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement, comme il l’a été aux amendements similaires déposés aux articles 1er et 2.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 38 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

accès

insérer les mots :

et garantir la compréhension, notamment par l’utilisation du français facile à lire et à comprendre,

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

L’accès au droit, dont le fonctionnement est régi par des dispositions écrites, codifiées, venant de sources très variées et dont le présent projet relève la complexité, est un sujet fondamental.

La connaissance du droit est un marqueur fort dans notre pays entre ceux qui ont le temps et les compétences pour développer une expertise juridique ou les moyens de s’attacher cette expertise, et les autres, laissés pour compte dans leur ignorance, stigmatisés et isolés.

L’alinéa 3 de l’article 3 dont nous discutons constitue une avancée en ce qu’il charge l’autorité administrative de faciliter l’accès à l’ensemble des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles opposables à un salarié et à son profit, ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier peut se prévaloir des informations obtenues dans ce cadre.

Toutefois, deux des aspects de ce dispositif méritent d’être améliorés.

Les informations disponibles et fournies au travailleur peuvent être d’une grande complexité. Il est indispensable que l’explication soit assurée de la façon la plus compréhensible possible, afin que chaque travailleur puisse pleinement prendre connaissance de tous les éléments, quel que soit son niveau de compétence juridique ou cognitive.

Le niveau de compréhension juridique d’une personne n’est pas le seul frein à la compréhension du droit. Il convient de prendre en compte l’ensemble des situations de handicap de communication, que ce soit l’illettrisme, les troubles neurodéveloppementaux ou les déficiences intellectuelles, souvent non visibles.

Pour pallier ces difficultés assez fréquentes, mon amendement tend à suggérer l’utilisation du français facile à lire et à comprendre, le FALC.

Il s’agit d’une méthode reconnue, garantissant la bonne compréhension de l’information à délivrer, notamment écrite, à travers la mise en page, le format, le type d’écriture, les mots utilisés, la construction de l’argumentation, l’utilisation d’images…

Pour ceux d’entre vous, mes chers collègues, qui veulent en savoir plus sur le français facile à lire et à comprendre, je vous invite à consulter le très bon guide réalisé par l’UNAPEI, l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, avec le soutien de la Commission européenne, sur son utilisation. Certaines branches de nos administrations centrales y ont déjà recours avec un très grand succès.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La commission partage évidemment l’intention des auteurs de cet amendement.

Les sites publics d’information sur le droit du travail doivent être utiles et compréhensibles par l’ensemble des salariés et des employeurs.

Comme le souligne Jean-Denis Combrexelle, le droit du travail est un droit complexe, réservé aux spécialistes, et, en même temps, un droit de proximité qui concerne des millions de nos concitoyens.

Il faut en effet expliquer simplement des notions complexes, voire distinguer les niveaux d’explication sur le site. Le site vie-publique.fr offre un bon exemple de présentation pédagogique, avec des renvois vers des sites plus détaillés.

Je rappelle toutefois que les informations fournies par le site public et prévues à l’alinéa 3 pourront ensuite être opposables par le salarié ou l’employeur en cas de différend administratif ou juridictionnel. Il est donc capital que les informations soient précises. On ne peut pas toujours éviter la complexité du droit.

Afin d’éclairer la commission des affaires sociales, je demande l’avis du Gouvernement, auquel la commission se rangera.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Madame la sénatrice, vous posez deux questions importantes.

La première nous concerne tous : il s’agit de savoir comment le code du travail numérique peut être accessible et compréhensible. C’est un vrai défi, puisque la matière juridique – vous le savez bien au Sénat, où vous maniez ces questions depuis des années avec beaucoup de dextérité – doit embrasser la complexité du monde réel en posant ses propres règles. Il n’est donc pas toujours facile d’expliquer à nos concitoyens ce qui figure dans les textes.

Notre projet de code du travail numérique ne consiste bien évidemment pas à éditer le PDF du code actuel. Il s’agit plutôt d’offrir quelque chose d’intelligible qui permette de répondre aux questions que se posent salariés et employeurs, notamment dans les petites entreprises. Tout cela représente déjà un assez gros défi en soi.

Votre seconde question va encore un peu plus loin. Vous nous invitez à pousser plus avant et à rendre ces informations également accessibles aux personnes ayant des difficultés de compréhension, ce qui est encore plus difficile, mais qui profiterait à tout le monde.

Notre intention est d’aller le plus loin possible dans cette direction. Toutefois, comme l’a souligné le rapporteur, il existe une limite : si l’on peut vulgariser certains concepts, l’accès au droit n’est pas pareil selon que l’on est absolument dépendant d’un tiers ou non pour comprendre ses droits fondamentaux.

Nous progresserons, mais nous n’arriverons pas à rendre le droit complètement accessible à l’ensemble de nos concitoyens. Nous sommes prêts à nous engager, à travailler avec des personnalités de la société civile, mais il sera très difficile de rédiger le code du travail dans un langage simplifié, sous forme de phrases courtes.

Pourquoi ne pas regarder la méthode que vous mentionnez, pour voir si elle peut nous pousser à être plus efficaces ? Toutefois, votre amendement soulève un problème : sans préjuger l’avis du Conseil d’État, je ne pense pas que le français facile à lire et à comprendre ait une définition juridique…

Faute de savoir ce qu’est précisément le FALC, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur votre amendement, tout en étant favorable à l’intention qui vous anime, celle d’un français facile à lire et à comprendre auquel nous aspirons tous.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

J’entends bien l’argumentation du rapporteur et de la ministre.

Je pense qu’il était intéressant de tenir cette discussion et que des engagements soient pris pour aller vers une expression la plus compréhensible possible pour tout un chacun. Si l’on s’exprime en cherchant à être compris par ceux qui ont des difficultés de communication, tout le monde en profitera.

Je voudrais simplement rappeler que le CIH, le comité interministériel du handicap, du 2 décembre 2016 a proposé que l’ensemble des exposés des motifs des projets de loi soit aussi rédigé en français facile à lire et à comprendre, ce qui permettrait ainsi à certains parlementaires de mieux les comprendre et d’éviter de faire des contresens…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Cela commence à se faire. La secrétaire d’État chargée des personnes handicapées fait rédiger toutes ses communications en français facile à lire et à comprendre. Progressivement, les administrations comprennent l’intérêt d’une telle démarche pour être mieux comprises par l’ensemble de nos concitoyens.

Je comprends vos doutes, madame la ministre. Le Conseil d’État ne reconnaîtrait sans doute pas le FALC comme un langage universel et légistique suffisant. Je retire donc cet amendement, tout en étant très heureuse que le débat ait pu aller à son terme et que des engagements aient été pris, ce dont témoigneront les comptes rendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 38 rectifié est retiré.

L'amendement n° 39 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

personne

insérer les mots :

, y compris en situation de handicap,

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Cet amendement s’inscrit dans la continuité du précédent, qui a pour objet de s’assurer que l’ensemble de nos concitoyens puissent comprendre les informations mises à leur disposition concernant le droit applicable à leur situation professionnelle. Il vise à garantir l’accessibilité de ces informations au plus grand nombre.

Si la mise à disposition de ces informations par voie numérique est aujourd’hui la meilleure garantie d’assurer cette accessibilité au plus grand nombre, il est toutefois nécessaire de construire cette plateforme en tenant compte de toute forme de handicap éventuel des futurs utilisateurs de celle-ci.

Lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique au Sénat, nous avions déjà débattu de la mise en accessibilité des sites internet pour les utilisateurs malvoyants ou malentendants. La commission mixte paritaire avait préservé les décisions profitables que nous avions adoptées.

L’accessibilité du service public à l’ensemble des usagers doit être une priorité. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, mes chers collègues, je vous soumets cet amendement, qui vise à assurer aux travailleurs handicapés le même accès à l’information concernant leurs droits qu’à leurs collègues dits «valides ».

Le secrétaire d’État chargé du numérique, que j’ai interrogé hier, m’a dit que les choses étaient en cours, mais que les opérateurs de plateformes se montraient réticents. Or cette réticence n’a pas lieu d’être quand il s’agit d’une obligation légale : tous les dispositifs numériques doivent être accessibles à l’ensemble de nos concitoyens, quelle que soit la forme de handicap de ceux-ci. Les applications numériques, l’intelligence artificielle ouvrent aujourd’hui de nouvelles possibilités. Il me semble indispensable de consacrer cette obligation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cet amendement est satisfait par l’article 47 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui oblige les sites en ligne de l’administration à être accessibles aux personnes handicapées.

Cet article dispose en effet : « Les services de communication au public en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées. »

Cette accessibilité concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique. Les recommandations internationales pour l’accessibilité d’internet doivent être appliquées pour les services de communication publique en ligne. Un décret du 14 mai 2009 a d’ailleurs été pris en ce sens pour créer un référentiel d’accessibilité des services de communication publique en ligne.

Ma chère collègue, votre amendement est utile pour rappeler une obligation légale qui n’est pas toujours bien connue de nos concitoyens, mais je ne pense pas nécessaire de le rappeler dans la future loi d’habilitation pour ne pas en alourdir la rédaction.

Votre amendement étant déjà satisfait, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement a une lecture quelque peu différente de celle du rapporteur.

Le concept de mise à disposition nous semble complémentaire du droit existant, raison pour laquelle j’émets un avis favorable sur cet amendement.

Nous sommes tous d’accord sur le fond. Le Gouvernement a commencé à travailler avec certaines associations pour profiter de leur expertise. Là encore, il ne s’agit pas d’un domaine où la perfection est atteignable, mais le fait d’inscrire cet objectif dans la loi va pousser tout le monde à progresser plus vite.

Comme vous l’avez souligné, madame Gillot, les progrès techniques nous offrent de nouvelles opportunités. Ce qui relevait avant de l’artisanat peut maintenant être étendu à une échelle significative. Le moment me semble donc bien choisi pour s’engager plus avant dans cette voie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je voudrais abonder dans le sens de Mme la ministre.

La commission a le souci de ne pas alourdir les textes, surtout lorsque le droit en vigueur semble suffisant, mais si la ministre souhaite réaffirmer cette position dans la loi, je crois qu’il faut soutenir cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je souhaite rappeler que Brigitte Gonthier-Maurin et Nicole Duranton ont aujourd’hui rendu public un rapport d’information sur l’accès à la culture des personnes handicapées, tirant le bilan des dix premières années de la loi Handicap, notamment sur l’accès aux musées et aux sites patrimoniaux.

Depuis dix ans, une multitude d’actions ont fleuri sur le terrain, mais, au final, l’accès des personnes en situation de handicap à la culture, en particulier à la pratique culturelle, n’est pas aujourd’hui pleinement assuré.

Les mesures se sont concentrées sur l’accessibilité et le droit à la compensation. Comme pour la culture, la question de l’accès au droit du travail est un sujet demeuré malheureusement annexe. Je suis vraiment très heureuse, tout comme l’ensemble de mon groupe, de la tenue de ce débat dont je remercie Mme Gillot.

Nous voterons cet amendement du groupe socialiste et républicain. L’accessibilité au droit du travail est une condition indispensable aux personnes en situation de handicap pour pouvoir accéder à un emploi et faire respecter leurs droits.

Tous les éléments apportés au débat me paraissent extrêmement importants, de même que l’attention particulière de Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Je veux vraiment remercier Mme la ministre de sa compréhension. Merci aussi à vous, monsieur le rapporteur.

La loi de 2005 a établi l’accès aux droits fondamentaux des personnes handicapées, mais elle n’est toujours pas appliquée douze après.

Il est important, lors de l’examen de chaque projet ou proposition de loi, de se préoccuper de la mise en œuvre de la loi de 2005 dans le droit commun.

Je me réjouis de cette adhésion générale. Nous allons pouvoir faire un pas supplémentaire en utilisant les nouvelles opportunités offertes par l’intelligence artificielle et les nombreuses applications qui se développent. Les choses seront ainsi plus faciles et l’information plus accessible pour l’ensemble de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Si la commission avait décidé de ne pas voter en faveur de cet amendement, c’était évidemment pour ne pas alourdir le texte, dans la mesure où, en outre, la loi existait déjà.

Si Mme la ministre considère que l’adoption de cet amendement n’alourdirait pas le texte, nous n’y voyons pas d’inconvénient. Néanmoins, la loi de 2005 n’ayant pas été complètement appliquée, j’espère que celle-ci le sera !

Mme Stéphanie Riocreux applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Absolument ! Comptez sur nous pour y veiller !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Les membres du groupe CRC voteront cet amendement ; nous pensons, nous aussi, qu’il est bon que le droit soit présenté de façon pédagogique, adaptée aux personnes n’ayant pas de compétence juridique, déficientes intellectuellement, maîtrisant mal la langue française, ou encore illettrées.

Mais quitte à parler de pédagogie, il faut également évoquer l’école, l’éducation nationale. L’éducation nationale a aussi une responsabilité dans la sensibilisation, l’ouverture vers le monde du travail et la connaissance des droits des futurs salariés. Les jeunes qui vont au collège iront bientôt, pour nombre d’entre eux, en apprentissage ou en préapprentissage ; d’aucuns souhaitent même qu’ils entrent dès l’âge de 14 ans dans le monde du travail. Il est donc particulièrement important, dans ces conditions, que l’accès de ces jeunes au droit du travail soit facilité.

J’ai moi-même rencontré, madame la ministre, une responsable de la JOC, la Jeunesse ouvrière chrétienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Elle avait travaillé avec le cabinet de la précédente ministre du travail, Mme El Khomri. Peut-être même avait-elle rencontré la ministre ; quoi qu’il en soit, elle avait bon espoir, m’avait-elle dit, qu’un module d’initiation au code du travail soit mis en place à l’échelon du collège pour les classes de troisième ou de quatrième.

Il se trouve que, quelques semaines plus tard, la future loi El Khomri était présentée à la presse, et ce projet est sans doute resté dans les tiroirs du ministère du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Madame la ministre, je pense que vous pourriez ressortir ce projet ; ce serait un témoignage de respect à l’égard des responsables de la JOC. L’idée est bonne ; il serait utile de la remettre à l’étude.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je suis saisi de vingt amendements faisant l’objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 76 rectifié, présenté par M. Antiste et Mmes Jourda et Monier, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Maurice Antiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Cet amendement de repli tend à supprimer les dispositions plafonnant les indemnités prud’homales à la charge de l’employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Introduite prétendument au nom de la « sécurisation des relations de travail », cette disposition accroît en réalité l’insécurité des travailleurs en facilitant les licenciements abusifs, l’employeur connaissant à l’avance le prix maximal de son manquement.

Les facilités supplémentaires accordées aux employeurs dans la procédure ainsi que les nouvelles contraintes de délai imposées aux salariés vont dans le même sens.

Pour ces raisons, nous demandons la suppression des alinéas 4 à 6 de l’article 3.

Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Les quatre amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 40 rectifié bis est présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Lienemann, MM. Mazuir, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 117 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 161 est présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.

L'amendement n° 194 rectifié est présenté par Mme Jouve, MM. Arnell, Bertrand, Castelli, Guérini et Collombat et Mme Malherbe.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 40 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

La disposition en cause nous heurte sur le plan de la justice, sur le plan de l’humanité, sur le plan du droit.

En effet, et d’abord – nous l’avons rappelé plus tôt –, en France, l’État de droit pose en principe l’individualisation du jugement. Ce principe est incompatible avec l’idée d’un plafonnement de l’indemnisation accordée. Entendons-nous bien : il ne s’agit pas des indemnités de licenciement ; il s’agit d’évaluer le préjudice réel subi par un salarié licencié indûment ! Il y va donc de moments extrêmement douloureux : ce sont parfois des vies complètement gâchées. Aussi personne n’est capable de dire a priori quelles sont les conséquences financières et morales qui seront subies par le salarié.

Que signifierait la mise en place d’un plafonnement ? Qu’un salarié méritant une réparation de son préjudice à une hauteur beaucoup plus élevée que le plafond prévu se verrait privé de cette réparation. C’est dire au juge : « Vous n’avez pas la capacité d’apprécier la situation ; vous devez vous en tenir à ce que vous dit la loi. » Cela n’est absolument pas acceptable !

Par conséquent, j’espère que, au terme de l’examen des différents amendements qui seront défendus en ce sens, nous reviendrons à meilleure raison et ferons droit à la nécessité d’une justice sereine, que nous devons nous garder de brider !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 117.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je partage la philosophie qui vient d’être exprimée. Nous nous opposons nous aussi au plafonnement des dommages et intérêts pour licenciement illégal – je vous rappelle en effet qu’il s’agit en l’espèce des licenciements abusifs, soit à peu près 80 % des affaires traitées par les conseils de prud’hommes.

En vérité, par cet alinéa 4, madame la ministre, vous voulez reconnaître un permis de licencier abusivement, l’employeur connaissant à l’avance le coût du licenciement.

À l’inverse, si vous voulez rénover les conseils de prud’hommes, bien d’autres propositions sont à explorer : par exemple, le rétablissement de l’élection des conseillers prud’homaux au suffrage universel, la garantie du principe d’oralité de la procédure devant ces juridictions, la gratuité, la simplicité et la proximité de cette justice, à tous les niveaux – je vous rappelle, mes chers collègues, que plus de soixante-dix tribunaux de prud’hommes ont été supprimés. Pour rendre plus efficaces ces tribunaux, le retour des délais de prescription serait également envisageable.

Car enfin, dans votre projet d’ordonnance, madame la ministre, aucune précision n’est donnée ! Le présent alinéa 4 dispose qu’un référentiel obligatoire sera mis en place, mais sans aucune mesure ou échelle du plafonnement envisagé.

En réalité, comme je le disais, vous permettez à l’employeur de licencier abusivement alors que vous condamnez le salarié ou la salariée à la règle de l’arbitraire. Comment un salarié réclamerait-il le paiement de ses heures supplémentaires ou remettrait-il en cause une directive susceptible de porter atteinte à sa santé ou même au bon fonctionnement de l’entreprise si, du jour au lendemain, il peut être mis à la porte sans cause réelle et sérieuse, sans pouvoir se défendre et sans avoir la possibilité de voir reconnu son droit à l’indemnisation à hauteur du préjudice subi ?

Comme je vous le disais en présentant l’amendement n° 134 rectifié, c’est seulement après coup que l’on repère les licenciements boursiers : c’est après coup que l’on constate que les actions de l’entreprise grimpent et que la direction fait au passage de gros bénéfices !

Enfin, je partage la position que vient d’exprimer Jean-Louis Tourenne : le plafonnement proposé revient à méconnaître le rôle du juge, lequel, en fonction de la singularité de chaque situation, est à même de juger de la gravité du préjudice subi par le salarié, chacun étant, face à un licenciement abusif, un individu particulier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 161.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame la ministre, vous avez défendu cet alinéa 4 en expliquant que lorsque les petites entreprises licencient, les employeurs, de bonne foi, commettent des erreurs et sont condamnés. Vous avez dit qu’il y avait, en la matière, des exemples à foison, et que les conseils de prud’hommes n’avaient pas le temps de les traiter.

Je ne partage pas cette analyse. On pourrait d’ailleurs penser, à l’ère du numérique, à l’heure où nous sommes censés rendre le code du travail lisible, que l’administration puisse aider celles et ceux qui ont des problèmes d’ordre administratif pour remplir correctement les dossiers. Ce n’est pas la méthode que vous avez choisie, madame la ministre. Il vaut mieux tout changer, avez-vous dit !

Mais qui craint que les entreprises embauchent peu à cause des contentieux prud’homaux et des frais qu’ils peuvent entraîner ? C’est le MEDEF ! L’organisation patronale affirme continuellement que les entreprises embaucheraient davantage si ce type de contentieux était sécurisé. On a l’impression que tous les chefs d’entreprise tiennent le raisonnement suivant : « oh là là, je ne peux pas embaucher ; rendez-vous compte : les papiers ! ». Vous comprenez : même remplir un bulletin de salaire, c’est difficile !

Sur ces questions administratives, on est donc en plein délire. Afin de répondre à cette demande répétée, le Gouvernement introduit dans le présent projet de loi le plafonnement des indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Sorti par la porte lors de l’examen de la loi El Khomri – il était devenu indicatif à l’issue du processus législatif et politique –, le plafonnement des indemnités prud’homales revient aujourd’hui par la fenêtre.

On constate la détermination du Président de la République sur ce sujet : les premières dispositions en la matière avaient été instaurées par la loi Macron, comme l’a dit Mme Bricq, et celui qui était alors ministre de l’économie n’était pas étranger à la première mouture de la loi El Khomri. Désormais grand décisionnaire, le Président de la République est en mesure d’accéder à cette revendication du MEDEF.

Cette solution nous paraît insatisfaisante à un double point de vue. D’une part, elle s’oppose au principe de la réparation intégrale du préjudice – cela a été dit par M. Tourenne. Selon ce principe du droit privé, tout le dommage causé, mais rien que le dommage causé, doit être réparé. Par définition, il y a contradiction avec l’idée d’un plafonnement des indemnités.

D’autre part, madame la ministre, nous devons faire confiance aux juges prud’homaux, d’autant plus qu’ils représentent à la fois les employeurs et les salariés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l'amendement n° 194 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

À l’article 3, il est proposé notamment d’encadrer les dommages et intérêts dus en cas de licenciement abusif – c’est bien du licenciement abusif dont nous parlons –, sauf, bien entendu, dans les cas de harcèlement et de discrimination.

Lors de la discussion générale, madame la ministre, vous avez déclaré : « Les dommages et intérêts vont d’un à quatre pour le même préjudice, selon la juridiction, d’où un sentiment d’iniquité. Entreprises comme salariés ont besoin de repères. »

Je peux l’entendre ; pour autant, dans les faits, nous savons très bien que le juge prud’homal est relativement raisonnable. Par ailleurs, si l’objectif est d’éviter des disparités et de donner aux entreprises plus de visibilité, je pense que le barème indicatif mis en place par la loi El Khomri, lequel varie en fonction de l’âge, de l’ancienneté et des difficultés du salarié à retrouver un emploi, est suffisant.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’habilitation donnée au Gouvernement pour instaurer cet encadrement des indemnités prud’homales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 119, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après la première occurrence du mot :

licenciement,

insérer les mots :

sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être alloués en considération de la situation de famille, de la situation personnelle, de la qualification professionnelle, de la situation du marché du travail ou de l’âge du salarié

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 118, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après la première occurrence du mot :

licenciement

insérer les mots :

afin de permettre une juste réparation des préjudices subis

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Il s’agit d’un amendement de repli qui vient en complément de celui qu’a déjà défendu ma collègue Annie David et de l’amendement n° 119.

Il vise à assurer que les modifications envisagées auront pour objectif de garantir une juste réparation des préjudices subis. Je rejoins ce qui vient d’être dit par les orateurs qui m’ont précédé : un barème peut être restrictif. Nous parlons, en l’espèce, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, donc de licenciement abusif ; ce qui compte, c’est la réparation intégrale. C’est bien là le principe qui doit dominer tout le reste !

Qu’un barème indicatif existe, pourquoi pas ? Mais le salarié a droit, lorsqu’il est injustement licencié, à une réparation intégrale de son préjudice. Et, en effet, aucun cas n’est identique à un autre, du point de vue tant de l’ancienneté du salarié que de son âge ou de ses difficultés à retrouver un emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 169 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier et Rapin, Mme Imbert, MM. Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

obligatoire

insérer les mots :

et forfaitaire, déterminé sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Il convient d’être plus précis concernant le barème visé en indiquant clairement qu’il n’inclut pas l’indemnité de licenciement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 167 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier et Rapin, Mmes Debré et Imbert, MM. Pellevat et Vaspart, Mmes Canayer et Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

sérieuse

insérer les mots :

et plafonnés à dix-huit mois de salaire brut

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Il incombe à la représentation nationale d’être plus précise sur ce point important et de fixer un plafond de dommages et intérêts, sauf à donner au Gouvernement et aux partenaires sociaux un chèque en blanc. Il est en l’occurrence proposé d’inscrire un plafond de dix-huit mois de salaire dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 228, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

entachés par

insérer les mots :

une faute de l’employeur d’une exceptionnelle gravité, notamment par

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement souhaite préciser le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, et proposé par le Gouvernement. Je l’ai dit, certains cas nous semblent devoir être placés hors plafond, hors barème. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit non pas simplement de questions liées à l’emploi, mais de cas d’une exceptionnelle gravité qui touchent à l’intégrité de la personne ou au respect de droits fondamentaux.

En première lecture, l’Assemblée nationale avait mentionné expressément les situations de discrimination et de harcèlement. À la réflexion, limiter l’exclusion du référentiel à ces deux seuls cas nous semble un peu trop restrictif. D’autres situations correspondent aussi à des atteintes à des principes d’ordre public ou à des libertés fondamentales, sans pour autant se rattacher directement à des actes de harcèlement ou de discrimination.

Ces situations doivent également pouvoir être exclues du barème : par exemple, le licenciement d’une femme enceinte, d’un représentant du personnel, d’un lanceur d’alerte ou d’un salarié qui aurait exercé son droit de grève. Il s’agit de cas d’une « exceptionnelle gravité ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous propose donc d’inclure dans la rédaction du texte la formule de l’« exceptionnelle gravité », qui permet de couvrir ces situations qui conduisent à la nullité du licenciement. Ces cas sont donc hors plafonnement, en dehors du barème.

En revanche, le cas général reste celui du barème plafonné.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 168 rectifié quater, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier et Rapin, Mme Imbert, MM. Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Remplacer la seconde occurrence du mot :

modifiant

par le mot :

supprimant

2° Remplacer les mots :

ainsi que

par les mots :

et en modifiant

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Existent aujourd’hui un barème facultatif devant le bureau de conciliation et un barème facultatif devant le bureau de jugement. Ces deux barèmes ne sont d’ailleurs pas pris en compte dans la pratique. Si un barème obligatoire est introduit, les barèmes facultatifs n’ont plus d’utilité. Il convient donc de simplifier le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 120, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

À travers ces dispositions de l’article 3, le Gouvernement veut alléger les obligations de l’employeur en matière de motivation des licenciements et diminuer les sanctions en cas d’irrégularité de la procédure de licenciement.

La commission des affaires sociales y a ajouté la reconnaissance, pour l’employeur, d’un « droit à l’erreur » : celui-ci serait autorisé à rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de procédure et de motivation mineures qui sont sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Ces mesures, qui transcrivent une demande récurrente des organisations patronales, remettraient en cause des protections fondamentales des salariés en autorisant une rectification a posteriori de la part de l’employeur.

La meilleure preuve de cette interprétation réside dans l’amendement de la commission visant à diviser par deux le délai de recours portant sur le bien-fondé d’un licenciement économique : l’objectif est de diminuer encore les possibilités dont disposent les salariés pour exercer leur droit de contester la décision de licenciement.

Le projet du Gouvernement n’était déjà pas du tout favorable aux salariés ; mais la proposition de la commission aggrave encore les choses. C’est pourquoi nous demandons la suppression des deux alinéas concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 181 rectifié, présenté par Mme Meunier, M. Tourenne, Mme Lienemann, MM. Labazée et Durain, Mmes Jourda et Yonnet, MM. Mazuir, Montaugé, Assouline et Cabanel et Mme Monier, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jérôme Durain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

L’alinéa 5 de l’article 3 prévoit que soient assouplies les exigences de motivation nécessaires et suffisantes applicables aux décisions de licenciement. Ainsi, l’absence de mention de la suppression du poste dans une lettre de licenciement économique pourrait ne plus faire tomber directement la cause réelle et sérieuse.

Nous proposons donc la suppression de cet alinéa, qui est d’ailleurs contraire à la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail et aux règles de la CEDH, la Cour européenne des droits de l’homme, sur l’accès au juge et l’individualisation des peines.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 197, présenté par MM. Arnell, Bertrand, Castelli et Guérini et Mmes Jouve et Malherbe, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

contentieux

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à M. Guillaume Arnell.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

L’article 3 prévoit d’adapter les règles de procédure et de motivation applicables aux décisions de licenciement ainsi que les conséquences à tirer du manquement éventuel à celles-ci, en amont ou lors du recours contentieux.

Il est clair, madame la ministre, que la motivation de la lettre de licenciement est un exercice jugé parfois difficile. Pour autant, il est nécessaire que le salarié connaisse les motifs de son licenciement. C’est ce qui lui permet de préparer sa défense s’il considère que ce licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

La commission des affaires sociales a souhaité reconnaître à l’employeur une forme de droit à l’erreur : celui-ci pourrait notamment corriger des irrégularités mineures de motivation. Certes, l’étude d’impact annexée au projet de loi indique que sur une centaine de décisions récentes, l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement est un motif très souvent mis en avant par les salariés dans les griefs justifiant la procédure contentieuse. Pour autant, cette insuffisance est rarement retenue par les juridictions.

Par ailleurs, d’après l’étude d’impact, il serait envisagé d’établir un modèle type de lettre de licenciement au moyen d’un formulaire CERFA qui permettrait de sécuriser l’employeur sur le plan formel, pour l’aider à énoncer avec suffisamment de précision le ou les motifs de sa décision de licenciement.

Nous proposons donc de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 229, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

, en permettant notamment à l’employeur de rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de motivation si elles sont sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

par les mots :

et déterminant les conditions dans lesquelles le juge apprécie, en cas de pluralité de motifs, la réalité de la cause réelle et sérieuse du licenciement ainsi que celles dans lesquelles une irrégularité de procédure dans la conclusion du contrat à durée déterminée entraîne la requalification de celui-ci en contrat à durée indéterminée

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement souhaite mieux encadrer la contamination entre les motifs et limiter la requalification des CDD et CDI en cas d’erreur formelle.

Les adaptations à apporter aux règles de procédure et de motivation des licenciements ont fait l’objet de nombreux échanges dans le cadre des concertations avec les partenaires sociaux. Deux pistes d’évolution se sont révélées prioritaires. La première porte sur les conditions dans lesquelles le juge apprécie, en cas de pluralité des motifs, c’est-à-dire lorsque plusieurs motifs sont invoqués, la réalité de la cause réelle et sérieuse.

Dans un arrêt du 3 février 2016, la Cour de cassation a déterminé à quelles conditions un motif pouvait à lui seul entraîner la nullité du licenciement. Il apparaît nécessaire de mieux encadrer les conditions dans lesquelles ce principe s’applique. Comment juge-t-on lorsque plusieurs motifs sont invoqués ? Faut-il examiner tous les motifs ? Ou l’un d’entre eux peut-il à lui seul suffire ? En nous appuyant sur la jurisprudence et sur cet arrêt de la Cour de cassation, nous souhaitons clarifier ce point.

La seconde piste de sécurisation – je précise que par sécurisation, il faut entendre clarté de la règle de droit – concerne les modalités de requalification du CDD en CDI lorsque des irrégularités dans la conclusion du CDD n’emportent pas de conséquence sur le fond. Le cas visé est typiquement celui d’un certain nombre de petites entreprises qui ont mal formulé les termes d’un CDD sans que le juge considère qu’un problème se pose sur le fond : il s’agit d’une erreur formelle.

En effet, certaines irrégularités de procédure en matière de conclusion des contrats à durée déterminée, comme une signature plus de 48 heures après l’embauche, représentent un motif de condamnation. Ce genre d’erreur est en général commis de bonne foi ; mais si la signature intervient le troisième jour après l’embauche, la requalification en contrat à durée indéterminée est automatique.

Si de telles règles permettent évidemment d’éviter les abus, il pourrait être nécessaire de prendre en compte les cas où ces irrégularités n’emportent pas de conséquence sur le fond et sont manifestement des irrégularités de bonne foi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Ce point a déjà été évoqué : comme s’il n’était pas suffisant de plafonner le montant des indemnités pour préjudice, la commission propose d’ajouter, au titre des difficultés supplémentaires pour les salariés, la réduction de douze à six mois du délai de recours. C’est négliger que certains employés ne disposent pas forcément du cabinet ou du service juridique leur permettant, dans le temps imparti, de former le recours et surtout de l’alimenter.

Il s’agit donc d’une sanction supplémentaire – c’est vraiment la triple peine : le licenciement, le plafonnement des indemnités, et, désormais, la diminution de moitié du délai de recours !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 193 est présenté par M. Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Costes, MM. Arnell, Bertrand, Castelli et Collombat, Mme Malherbe et MM. Vall et Collin.

L'amendement n° 238 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

d) Réduisant les délais de recours en cas de rupture du contrat de travail ;

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 193.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Actuellement, comme cela a été expliqué déjà plusieurs fois, en cas de rupture du contrat de travail, plusieurs délais de recours contentieux coexistent. Comme vous l’avez rappelé à l’Assemblée nationale, madame la ministre, il est difficile d’expliquer au salarié ou à la petite entreprise que le délai de recours est d’un an pour les licenciements économiques collectifs et de deux ans pour les licenciements économiques individuels. Il nous faut rendre le droit plus lisible et plus accessible.

C’est pourquoi le projet de loi prévoit d’harmoniser les délais de recours contentieux concernant la rupture du contrat de travail, afin de clarifier le régime juridique applicable. C’est là une très bonne chose, bien que ce sujet s’avère particulièrement sensible dans le cadre des concertations menées avec les partenaires sociaux.

Si une harmonisation nous semble souhaitable, nous ne saurions, en revanche, soutenir la proposition de la commission des affaires sociales, qui suggère de réduire au moins de moitié le délai de recours en cas de licenciement économique, comme elle l’avait déjà fait lors de l’examen de la loi El Khomri, en réduisant à six mois le délai de contestation de son licenciement par le salarié.

C’est pourquoi, là encore, nous proposons de revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 238.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement souhaite en effet revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, pour deux raisons. Premièrement, il désire harmoniser les délais. Personne ne s’y retrouve : ni les salariés ni les entreprises. Trop de délais différents coexistent, ce qui complexifie les situations pour tout le monde.

En revanche, et deuxièmement, la commission s’est hâtée d’en tirer une conclusion qui, d’ailleurs, ne tient pas compte des concertations – nous essayons, en matière d’harmonisation de la durée, de trouver le bon équilibre.

Le Gouvernement ne souhaite donc pas suivre la commission sur ce point, mais préfère revenir au texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 171 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier, Rapin, Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après le mot :

recours

insérer les mots :

concernant l’action en paiement ou en répétition du salaire prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail et

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

La baisse des délais de prescription doit être envisagée globalement dans un souci de sécurité juridique. Il serait ainsi judicieux de prévoir un délai de prescription de deux ans, au lieu de trois, en matière de salaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 170 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier et Rapin, Mme Imbert, MM. Pellevat et Vaspart, Mmes Canayer et Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer les mots :

pour motif économique

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

La prescription a pour objet de sécuriser les relations juridiques. Cette diminution de la prescription doit être envisagée pour tous les licenciements et non uniquement pour les licenciements économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose que nous poursuivions nos travaux jusqu’à zéro heure trente, comme à l’accoutumée.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon, rapporteur. Vous me donnez une demi-heure ? Merci, monsieur le président !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. le président. Vingt amendements, à raison de deux minutes trente pour chacun d’entre eux, cela fait plus qu’une demi-heure ! Je vous invite à la concision, monsieur le rapporteur !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

L’amendement n° 76 rectifié tend à supprimer le référentiel obligatoire pour fixer l’indemnité sans cause réelle et sérieuse.

À notre sens, ce référentiel est très attendu par les employeurs.

Cet amendement vise en outre à supprimer le droit à l’erreur des employeurs lors des procédures de licenciement et la réduction des délais de contestation des licenciements. Il a donc pour objet de revenir sur les apports de la commission des affaires sociales.

La commission émet donc un avis défavorable.

Pour ce qui concerne les amendements identiques n° 40 rectifié bis, 117, 161 et 194 rectifié, la commission des affaires sociales est opposée à la suppression du barème.

Vous le savez, mes chers collègues, ce barème est très attendu par les employeurs. Seul existe aujourd’hui un plancher de six mois, mais pas de plafond, ce qui crée de l’incertitude, aggravée par la grande disparité des pratiques des juges sur le territoire.

Le Conseil constitutionnel a accepté le principe du barème. Dans sa décision du 5 août 2015, il a en effet considéré que le principe même d’un encadrement de l’indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse n’était pas contraire à la Constitution : en cherchant à « assurer une plus grande sécurité juridique » et à « favoriser l’emploi en levant les freins à l’embauche », le législateur a « poursuivi des buts d’intérêt général ».

Je rappelle que le juge restera toujours libre d’individualiser l’indemnité en respectant le plafond fixé. Il pourra ainsi retenir, par exemple, le quart, la moitié ou les trois quarts du plafond, selon le préjudice subi.

Je rappelle aussi que les cas de harcèlement et de discrimination seront exclus du barème et que le Gouvernement nous propose un amendement, l’amendement n° 229, dont l’objet est d’élargir ces exceptions.

Je veux enfin souligner que beaucoup de nos voisins européens ont adopté un encadrement de l’indemnité, comme le rappelle l’étude de législation comparée du Sénat annexée au rapport de la commission. Ainsi, en Belgique, le plafond de l’indemnité est compris entre trois et dix-sept semaines de rémunération. Le plafond est de six mois en Suisse, de douze mois en Allemagne, où il est même de dix-huit mois si le salarié est âgé de plus de cinquante-cinq ans et bénéficie de plus de vingt ans d’ancienneté.

Avis défavorable, donc, sur les amendements identiques n° 40 rectifié bis, 117, 161 et 194 rectifié.

L’amendement n° 119 vise, selon la commission des affaires sociales, à autoriser le juge à verser à un salarié des dommages et intérêts indépendamment du barème obligatoire s’il remplit certains critères. Il revient donc à réduire la portée et l’ambition du référentiel, qui est de verser une seule et unique indemnité pour les dommages et intérêts liés à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si l’on multiplie les indemnités parallèles, le référentiel perd de son intérêt.

J’ajoute que le référentiel devrait au moins comporter un critère, celui de l’ancienneté du salarié. Mais le Gouvernement pourra en rajouter d’autres dans l’ordonnance s’il le souhaite.

Enfin, les critères mentionnés dans l’amendement seront, bien entendu, utilisés par le juge pour individualiser l’indemnité, sans dépasser le plafond fixé dans le référentiel.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° 118, qui lui semble dépourvu de toute portée normative.

En revanche, l’avis est favorable sur l’amendement n° 169 rectifié ter. En effet, l’article 266 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, la loi Macron, qui instituait un référentiel obligatoire pour fixer l’indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais qui a été censuré par le Conseil constitutionnel, prévoyait un cumul avec les indemnités de licenciement. Cet amendement de clarification pourra rassurer certains de nos collègues.

J’en viens à l’amendement n° 167 rectifié ter.

Il existe actuellement un référentiel indicatif en phase de jugement : son plafond est fixé à vingt et un mois et demi pour un salarié ayant plus de quarante-trois ans d’ancienneté. Un référentiel indicatif en phase de conciliation établit, quant à lui, un plafond de vingt-quatre mois pour les salariés ayant plus de trente ans d’ancienneté. Un référentiel impératif en phase de jugement, qui figurait à l’article 266 de la loi Macron avant sa censure par le Conseil constitutionnel, prévoyait même un plafond de vingt-sept mois pour les salariés ayant plus de dix ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 300 salariés. L’étude de législation comparée du Sénat, qui a été annexée au rapport de la commission, montre que des plafonnements sont fréquents en Europe.

Madame la ministre, comme vous avez annoncé votre souhait de relever les indemnités légales de licenciement, qui sont parmi les plus faibles d’Europe, on pourrait peut-être accepter de baisser un peu le plafond maximal du référentiel obligatoire. Je reconnais en tout cas que la question du montant des différentes indemnités est complexe et qu’elle nécessite une approche globale et cohérente.

La commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement, en attendant l’avis du Gouvernement.

Par son amendement n° 228, le Gouvernement souhaite que le référentiel ne s’applique pas si le licenciement est entaché par une faute de l’employeur d’une particulière gravité. Ce faisant, il souhaite augmenter le nombre des cas dans lesquels le référentiel ne s’appliquera pas. Le texte prévoit actuellement seulement deux exceptions : la discrimination et le harcèlement. Mais l’ordonnance pourra en prévoir d’autres. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

La commission avait émis un avis défavorable sur ce qui était alors l’amendement n° 168 rectifié ter. Mais, entre-temps, celui-ci a été modifié dans le sens qu’elle demandait. L’amendement qui nous est désormais soumis, c’est-à-dire l’amendement n° 168 rectifié quater, vise à supprimer le référentiel indicatif prévu en phase de jugement, lequel deviendra inutile si le Gouvernement prend par ordonnance le référentiel obligatoire.

Par conséquent, à titre personnel – la nouvelle version n’a pas été examinée en commission, mais nos demandes de modification ont été prises en compte –, j’émets un avis favorable sur cet amendement.

En revanche, je suis défavorable à l’amendement n° 120, dont l’adoption aurait pour effet de supprimer deux apports de la commission des affaires sociales.

La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 181 rectifié.

En effet, l’article 4 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, dispose : « Un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. » L’habilitation demandée par le Gouvernement ne remettra pas en cause ce principe. Elle autorisera seulement l’employeur à rectifier des erreurs de procédure secondaires, notamment sous le contrôle du juge, à condition que l’employeur puisse effectivement s’appuyer sur une cause réelle et sérieuse de licenciement.

J’attire votre attention sur le fait que le législateur a déjà reconnu l’an dernier une forme de droit à l’erreur à l’administration en matière de plan de sauvegarde de l’emploi, mais qui est passée inaperçue. En effet, en cas d’annulation par le juge administratif d’une décision de validation ou d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi en raison d’une insuffisance de motivation, l’autorité administrative est autorisée à prendre une nouvelle décision suffisamment motivée dans un délai de quinze jours. Pourquoi ne pas étendre ce droit à l’erreur aux employeurs, bien évidemment en l’encadrant ?

L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 197, qui vise purement et simplement à supprimer les apports de la commission des affaires sociales.

L’adoption de l’amendement n° 229 aurait pour effet de supprimer l’apport de la commission à l’alinéa 4, qui visait à encadrer la concertation des partenaires sociaux, dans le prolongement des pistes évoquées dans l’étude d’impact. Mais, dans le même temps, il est proposé d’élargir l’habilitation à deux sujets importants.

Le premier concerne les motifs contaminants dans une procédure de licenciement. Le professeur Jean-Emmanuel Ray, que nous avons auditionné, a souligné que la jurisprudence de la Cour de cassation pouvait avoir de graves conséquences sur les employeurs. On appelle « motif contaminant » toute atteinte à une liberté fondamentale, comme le reproche à un salarié par écrit dans une lettre de licenciement d’avoir saisi le juge qui fait tomber toute une procédure de licenciement, même si elle repose sur une cause réelle et sérieuse par ailleurs.

Le second élargissement consiste à mieux encadrer les cas autorisant une requalification d’un CDD en CDI.

Pour toutes ces raisons, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

L’amendement n° 41 rectifié a pour objet la suppression de l’alinéa 6, relatif à la réduction des délais de recours en cas de licenciement.

Les auteurs de cet amendement rappellent avec raison la très forte hétérogénéité des délais pour contester un licenciement, de deux mois à cinq ans. Mme la ministre y a fait référence tout à l’heure.

Une harmonisation s’impose. La commission des affaires sociales a voulu rester cohérente, car nous avons voté l’an dernier la réduction à six mois du délai de contestation d’un licenciement économique. Un tel délai paraît suffisant pour un salarié pour savoir s’il veut former un recours.

Augmenter les délais de prescription n’apporte pas toujours de protection supplémentaire aux salariés. En revanche, cela aboutit systématiquement à créer de l’incertitude pour les employeurs et à nuire à l’attractivité de notre territoire.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Les auteurs des amendements identiques n° 193 et 238 souhaitent revenir sur les travaux de la commission. J’y suis défavorable. En effet, un délai de six mois est suffisant pour qu’un salarié sache s’il souhaite attaquer la cause de son licenciement économique. Je le rappelle, la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a prévu que le recours pour contester l’homologation ou la validation d’un PSE était de deux mois, ce qui n’a posé de difficulté particulière à personne.

L’amendement n° 171 rectifié ter tend à élargir le champ de l’habilitation, aujourd’hui limité aux contentieux en cas de rupture du contrat de travail. Il est donc, selon moi, contraire à l’article 38 de la Constitution. J’en sollicite par conséquent le retrait, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.

Les auteurs de l’amendement n° 170 rectifié ter proposent d’aller plus loin que le texte de la commission. Si je partage l’objectif de réduction et d’harmonisation des délais de contestation, je souhaite que nous nous en tenions à la rédaction de la commission, en espérant que le Gouvernement et les partenaires sociaux trouvent un terrain d’entente pour réduire et harmoniser les délais de contestation. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Je souhaite en préalable procéder à un rappel.

Au mois d’août 2015, le Conseil constitutionnel a admis le barème des dommages et intérêts, estimant que cela permettait une plus grande sécurisation juridique, contribuant à un objectif d’intérêt général en matière d’emploi. Ce principe n’est donc pas un sujet de débat juridique ; certes, il faut discuter de ses modalités d’application.

J’ai présenté la position du Gouvernement au fond. Je peux donc passer rapidement sur certains amendements et m’exprimer sur les seuls amendements portant sur des questions qui n’ont pas déjà été traitées.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 76 rectifié, sur les amendements identiques n° 40 rectifié bis, 117, 161 et 194 rectifié, ainsi que sur l’amendement n° 119 et l’amendement n° 118.

L’amendement n° 169 rectifié ter tend à insérer dans le texte une précision – l’indemnité prévue par le référentiel obligatoire est forfaitaire et n’inclut pas l’indemnité de licenciement – qui semble aller de soi. Mais cela ira peut-être encore mieux en le disant. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

En revanche, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 167 rectifié ter, pour les raisons que j’ai indiquées précédemment : ne limitons pas aujourd’hui ce qui devra être fixé dans les ordonnances après concertation avec les partenaires sociaux.

L’amendement n° 168 rectifié quater vise à prévoir explicitement la suppression, et non la seule modification, du référentiel indicatif. C’est effectivement logique. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement de précision.

Je me suis déjà exprimée sur le sujet qu’abordent les auteurs de l’amendement n° 120 et de l’amendement n° 181 rectifié ; l’avis du Gouvernement est défavorable. Idem sur l’amendement n° 197 et sur l’amendement n° 41 rectifié.

Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 193 au bénéfice de l’amendement n° 238, dont l’objet est identique.

Ainsi que l’a souligné M. le rapporteur, l’amendement n° 171 rectifié ter est un peu « hors champ », puisque ses auteurs proposent d’étendre le périmètre de l’habilitation. Avis défavorable.

Enfin, l’avis est également défavorable sur l’amendement n° 170 rectifié ter.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix les amendements identiques n° 40 rectifié bis, 117, 161 et 194 rectifié.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’amendement n° 228.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement part d’une bonne intention : il est proposé de mentionner, outre les cas de harcèlement et de discrimination, la « faute de l’employeur d’une exceptionnelle gravité ».

Toutefois, on pourrait laisser cela à l’arbitrage des juges prud’homaux. La définition sera de toute manière subjective. On en revient à des notions qui existent déjà : la « cause réelle et sérieuse », la « faute d’une extrême gravité »…

Bref, en partant d’une bonne intention, on risque de déboucher sur un système compliqué.

Par conséquent, je m’abstiendrai. Il me semble préférable d’en rester à ce qui existe actuellement, au lieu d’introduire un nouveau concept sujet à discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Mme la ministre ne m’a pas répondu sur le plancher.

Il y a, semble-t-il, une volonté d’augmenter le plancher des indemnités légales de licenciement. Or, comme vous le savez, les organisations patronales ont rappelé qu’un certain nombre d’indemnités légales de licenciement venaient s’additionner avec le préavis congés payés supralégal, avec pour conséquence mécanique d’augmenter le plancher. Nous aimerions avoir une clarification à cet égard.

Par ailleurs, nous voterons en faveur de l’amendement n° 228.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le relèvement des indemnités légales et le plafonnement des barèmes feront l’objet d’une décision d’ensemble.

Les indemnités légales ont une base beaucoup plus large. Elles s’appliquent à tous les licenciements, alors que les barèmes de dommages et intérêts s’appliquent aux contentieux en cas de condamnation. Ce n’est donc pas la même assiette.

Notre logique est d’agir le plus en amont possible. Les indemnités légales étant assez basses, il paraît justifié de les augmenter dans des proportions raisonnables. Nous voulons aussi donner de la lisibilité au dispositif applicable aux dommages.

La décision d’ensemble sera prise d’ici à la fin du mois d’août ; elle tiendra compte des dernières concertations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Annie Guillemot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Mme la ministre a parlé d’équité. Pourtant, alors que l’on évoque le plafonnement des indemnités prud’homales, personne ne parle de plafonner les retraites chapeau ou les parachutes dorés !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Je me suis reportée aux définitions : « parachute doré », c’est le nom donné à une prime versée lors du débat forcé d’un dirigeant, notamment lors de son limogeage.

Madame la ministre, vous parlez d’équité, de droit, de simplification des règles… Mais c’est comme pour les aides personnalisées au logement, ou APL, et l’impôt de solidarité sur la fortune, ou ISF : ce sont toujours les salariés qui trinquent !

Il n’est tout même pas normal qu’un gouvernement propose le plafonnement des indemnités prud’homales sans revenir sur les parachutes dorés. Dois-je faire référence aux 40 millions d’euros empochés par un dirigeant ? Ou alors préférez-vous que j’évoque l’indemnité de 1, 7 million d’euros et la retraite chapeau de 600 000 euros par an que l’ex-PDG de Dexia a cumulée pendant deux ans avec sa rémunération ? Tout cela, vous n’en parlez jamais ! C’est sans doute votre conception de l’« équité »…

Mme Nicole Bricq proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Madame Bricq, vous nous avez appelés à essayer d’« objectiviser ». Précisément : essayons d’objectiviser un peu !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

L’amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Madame Laborde, l’amendement n° 193 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Mme Françoise Laborde. Non, monsieur le président : puisque cela semble faire plaisir à Mme la ministre, j’accepte volontiers de retirer mon amendement au profit du sien, … qui est strictement identique !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 193 est retiré.

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote sur l’amendement n° 238.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Je voterai cet amendement. Je ne suis pas nécessairement pour la réduction des délais de recours, mais cela me paraît tout de même moins sévère que le dispositif envisagé par la commission.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

En tout cas, cela laisse la porte ouverte à une attitude un peu plus compréhensive. Je préfère donc opter pour le moindre mal.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Madame Morhet-Richaud, l’amendement n° 171 rectifié ter est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Morhet-Richaud

Non, je le retire, ainsi que l’amendement n° 170 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 171 rectifié ter et l’amendement n° 170 rectifié ter sont retirés.

Mes chers collègues, nous avons examiné 70 amendements au cours de la journée ; il en reste 86.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 27 juillet 2017, à neuf heures trente, quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (637, 2016-2017) ;

Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (663, 2016-2017) ;

Texte de la commission (n° 664, 2016-2017) ;

Avis de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (642, 2016-2017).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 27 juillet 2017, à zéro heure vingt-cinq.