Intervention de Jean-Pierre Fourcade

Réunion du 18 novembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre FourcadeJean-Pierre Fourcade :

Le rabotage des niches fiscales suscitera un grand nombre d’amendements, mais il est clair que le dispositif de taux réduit de TVA dans l’hôtellerie, la restauration et le bâtiment représente un coût important sur lequel nous devons réfléchir.

Le présent projet de loi de finances pour 2011 n’est pas un budget de rigueur, parce qu’il ne se caractérise pas par une hausse généralisée des prélèvements obligatoires. Notre groupe approuve ce choix.

Je vous renvoie d’ailleurs aux derniers rapports de la Cour des comptes, ainsi qu’aux déclarations de son président. Les magistrats de la rue Cambon recommandent que l’effort « porte prioritairement sur la dépense publique », dont les effets sont « plus durables » qu’une hausse des recettes. Il est très important de prendre en compte cette préconisation dans nos réflexions.

Néanmoins, monsieur le ministre, tout en vous apportant le soutien complet et unanime du groupe, je tiens à vous faire part de trois inquiétudes.

Première inquiétude : l’endettement de l’État croît à une vitesse considérable, passant d’un niveau compris entre 700 milliards et 800 milliards d’euros, voilà quelques années, à un peu plus de 1 200 milliards d’euros aujourd'hui.

À l’évidence, une telle augmentation – près de 50 % en quelques années ! – pose des problèmes non seulement de financement des intérêts, mais surtout de remboursement. J’ai noté avec un peu d’inquiétude qu’il y aurait un pic de remboursement en 2012. Cette année-là, le niveau des remboursements sera supérieur de près d’une fois et demie à celui de 2010. Par conséquent, il faudra augmenter la dette pour pouvoir rembourser les dettes précédentes !

Ma deuxième inquiétude, plus forte, concerne la faiblesse des investissements privés dans notre pays, c’est-à-dire ce qui détermine le niveau de croissance et d’emploi.

Dans la conjoncture internationale un peu troublée ou, tout au moins, tendue que nous connaissons, nous voyons bien que les ménages comme les entreprises ont un réflexe d’attentisme. Cela se traduit par une augmentation du niveau d’épargne des ménages – nous le percevons clairement au travers des chiffres de la Banque de France ! – et par une tendance des entreprises à investir au minimum. Une progression de l’investissement de 1 % n’est pas suffisante pour entraîner un taux de croissance important. À mon sens, c’est dans notre capacité à répondre à ces craintes et à cet attentisme que réside la véritable clé de l’augmentation du taux de croissance – de 1, 5 % à 2 % ou à 2, 5 %, par exemple –, au cours des prochaines années.

Dès lors, indépendamment des soucis de justice fiscale, de progressivité ou de reprise d’avantages, je pense que nous devons être extrêmement attentifs aux comportements actuels des entreprises en matière de financement de leurs investissements ; c’est la clé de notre développement !

N’oublions pas que seules les entreprises sont capables de créer de véritables emplois ; les emplois administratifs que nous pourrions créer ne sont pas durables.

Ma troisième inquiétude vous concerne directement, monsieur le ministre. Le projet de loi de finances pour 2012 sera très difficile à exécuter.

Si l’aboutissement du plan de relance nous permet de passer, en 2011, d’un niveau de déficit prévisionnel de 7, 7 % à un niveau de déficit de 6 %, il sera difficile de passer d’un taux de 6 % à 4, 5 % ou 4, 6 % l’an prochain ! Il n’y aura plus l’« effet d’aubaine » du plan de relance, et l’effort consenti sur tous les secteurs des niches fiscales et sociales sera considérable.

Aujourd’hui, il est de bon ton de nous prévaloir d’une politique budgétaire plus souple que celle des Britanniques. Or, l’année prochaine, la comparaison avec nos voisins d’outre-Manche qui, eux, ont réalisé les efforts nécessaires, risque de nous être nettement moins favorable.

C’est pourquoi il faut tenir aujourd’hui un langage de vérité, en prévision du langage de responsabilité que nous devrons tenir dans quelques mois. Il y va de notre souveraineté nationale, qui est actuellement quelque peu handicapée : à l’heure actuelle, lorsque nous empruntons sur les marchés internationaux pour boucler nos fins de mois, 70 % des souscripteurs de nos obligations assimilables du Trésor, les OAT, ou de nos bons du trésor à quatre ou cinq ans, ne sont pas des résidents.

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