La commission a apporté des restrictions à l’alinéa 12 en cantonnant le périmètre au territoire français. La rédaction de la commission préjuge encore une fois les résultats de la concertation avec les partenaires sociaux.
Il est surtout évident que cette rédaction a pour finalité de revenir sur une jurisprudence de la Cour de cassation qui exige de prendre en compte la diversité des situations des entreprises pour retenir un périmètre national, européen ou mondial.
Nous avons tous en mémoire des cas de leverage buy-out, ou LBO, dans lesquels la trésorerie des entreprises a été délibérément asséchée pour financer d’autres reprises dans un système de cavalerie mondialisée.
Nous avons aussi vu des groupes cesser tout investissement dans une filiale française pour investir dans d’autres pays, sur d’autres continents. Pas nécessairement sur des marchés plus porteurs parce que non encore saturés, mais tout simplement pour ne pas avoir à rémunérer une main-d’œuvre dépourvue de tous droits économiques et sociaux, quitte à faire revenir ensuite la production en Europe, où se trouvent encore des clients solvables, grâce à des coûts de transport réduits, mais une empreinte carbone élevée.
En tant qu’élus locaux, en tant que représentants des territoires de la République, nous avons tous eu à traiter les problèmes économiques et les difficultés sociales qui résultent immanquablement de ces comportements de prédateurs.
Mais sans même qu’il soit besoin de prendre en compte ces manipulations en vue de créer des difficultés à une filiale française dans un groupe multinational, la prise en compte de la situation globale du groupe doit demeurer un élément d’appréciation de la réalité des difficultés économiques.
Au-delà de la seule question économique, c’est un aspect de la souveraineté nationale qui est en cause. Considérez-vous que notre justice est légitime à prendre en compte les agissements d’un groupe multinational sur notre territoire, à mesurer ces agissements à l’aune des profits réalisés grâce à eux ?
Avons-nous le droit de sanctionner des agissements qui, sans être même délictueux, sont délibérément préjudiciables à notre économie et à nos citoyens ?
La réponse à cette question semble aujourd’hui négative, de votre point de vue. Pourtant, les conséquences économiques, sociales et évidemment politiques de cette soumission sont déjà bien présentes. Il est plus que temps de s’en inquiéter.