En l’absence de définition juridique du périmètre géographique, le juge français apprécie bien souvent la situation économique de l’entreprise appartenant à un groupe international à l’échelon européen, voire mondial. Ainsi que le soulignait l’étude d’impact de la loi dite « El Khomri », une telle interprétation extensive pénalise l’économie française dans un contexte de concurrence mondialisée. En effet, le refus du juge de valider un licenciement économique en raison de la santé économique du groupe auquel appartient l’entreprise méconnaît la réalité de la vie économique et est de nature à décourager les investissements dans notre pays. L’appréciation au plan national des difficultés économiques, cohérente avec les règles en vigueur chez nos voisins européens, paraît donc pertinente.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable sur les amendements identiques n° 196 et 218 rectifié bis.
S’agissant des amendements identiques n° 43 rectifié bis et 232 rectifié, le projet de loi Travail initial prévoyait un périmètre national pour apprécier la cause économique d’un licenciement. Face à l’opposition des syndicats, l’Assemblée nationale avait supprimé cette disposition.
La loi Travail a toutefois fait un premier pas en objectivant les critères des difficultés économiques. Si ces critères ne sont pas exempts de critiques, ils ont le mérite d’exister, comme la commission l’a largement souligné l’an dernier. Il faut maintenant franchir la deuxième étape, celle du périmètre d’appréciation, afin d’aligner notre législation sur la pratique observée chez la plupart de nos voisins européens. La commission est donc défavorable aux amendements identiques n° 43 rectifié bis et 232 rectifié.
J’en viens à l’amendement n° 174 rectifié ter. Son adoption constituerait un élargissement du champ de l’habilitation que le Gouvernement nous demande de lui accorder. Elle serait par conséquent contraire à la Constitution. Telle est la raison pour laquelle la commission ne peut qu’être défavorable à cette proposition.
Au demeurant, la sauvegarde de la compétitivité économique constitue déjà un motif de licenciement économique, comme la jurisprudence le prévoit depuis plus de vingt ans. Pour mémoire, depuis l’arrêt Vidéocolor du 5 avril 1995, la Cour de cassation admet que « lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité » La notion de sauvegarde de la compétitivité a d’ailleurs été consacrée dans le code du travail par la loi Travail. L’objet de cet amendement est donc d’ores et déjà satisfait par le droit actuel. C’est la raison pour laquelle je suggère aux auteurs de l’amendement n° 174 rectifié ter de bien vouloir le retirer. Sinon, l’avis serait défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 63 rectifié, l’article 30 du projet de loi Travail initial prévoyait que « ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique les difficultés économiques créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d’emplois. » La notion de difficultés comptables n’est donc pas évoquée. Toute difficulté artificielle ayant sa traduction dans la comptabilité de l’entreprise, la notion de difficultés comptables ne semble pas nécessaire, car elle est redondante. Peut-être le Gouvernement pourra-t-il nous éclairer sur ce point. La commission attend de connaître son avis sur cet amendement.
Il en va de même pour l’amendement n° 64 rectifié : la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur ce sujet.
Je partage les objectifs des auteurs de l’amendement n° 123. Toutefois, je pense que la rédaction retenue empêcherait le Gouvernement de prendre une ordonnance pour préciser les conditions du reclassement. Là encore, la commission attend de connaître l’avis du Gouvernement.
J’en arrive à l’amendement n° 175 rectifié ter. Si l’on peut comprendre l’objectif des auteurs de cet amendement, les doutes sont permis sur la portée de celui-ci. S’il s’agit d’une simple précision rédactionnelle, elle n’est pas forcément utile. En effet, soucieux de ne pas alourdir le texte, je ne souhaite pas systématiquement, pour chaque habilitation, rappeler les objectifs de simplification et de sécurisation juridique. C’est à nous, parlementaires, de vérifier si ces principes seront suivis lors de l’examen du projet de loi de ratification des ordonnances. Je demande aux auteurs de l’amendement n° 175 rectifié ter de bien vouloir le retirer. Sinon, l’avis serait défavorable.
Il en va de même pour l’amendement n° 176 rectifié ter.