Le travail de nuit est gravement nuisible pour la santé, chacun le sait. Il est démontré depuis longtemps que la durée de vie des personnes qui ont travaillé de nuit est réduite, ainsi que la durée de vie en bonne santé.
À ce titre, permettez-moi de citer deux sources.
En 2007, le Centre international de recherche sur le cancer a ajouté le travail posté à la liste des agents probablement cancérogènes.
De son côté, dans son rapport du 22 juin 2016, l’ANSES affirme que les risques de troubles du sommeil et de troubles métaboliques sont avérés. Il existe des risques probables de cancer, d’obésité, de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires, de troubles psychiques, et cette liste n’est sans doute pas complète !
La proposition de soumettre le caractère exceptionnel du travail de nuit à la négociation collective est donc particulièrement inquiétante.
Le travail de nuit n’est déjà que trop répandu. Il a malheureusement en partie perdu son caractère exceptionnel. Mais ce caractère exceptionnel est un élément de la protection sanitaire du monde du travail. À ce titre, il est un principe d’ordre public sanctionné par l’article L. 3122-1 du code du travail.
Vous prenez pour prétexte le fait que certaines cours d’appel ne suivent pas la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle, en application de ce principe, est évidemment restrictive.
Nous connaissons tous l’arrêt Sephora, grande enseigne des Champs-Élysées, en vertu duquel « le travail de nuit ne peut pas être le mode d’organisation normal du travail au sein d’une entreprise et ne doit être mis en œuvre que lorsqu’il est indispensable à son fonctionnement ».
En réalité, le Gouvernement entend revenir sur cette jurisprudence en « créant une forme de présomption de légalité du recours au travail de nuit dès lors que l’entreprise peut s’appuyer sur un accord collectif autorisant cet aménagement du temps de travail ».
Je vous rappelle que le Sénat a voté, contre notre avis d’ailleurs, une présomption de légalité de l’accord collectif.
En d’autres termes, il suffirait qu’un accord soit obtenu dans une entreprise, conclu par des délégués du personnel non mandatés ou par référendum sur l’initiative de l’employeur pour que le travail de nuit soit présumé légal. Il est aisé d’imaginer en quels termes la question serait en réalité présentée aux salariés et les conditions dans lesquelles un accord favorable au travail de nuit serait obtenu.
On voit, dans ces conditions, ce qu’il adviendra d’un principe d’ordre public protecteur de la santé des salariés.
Pour ces raisons, nous sommes opposés à l’introduction de cette disposition dans la loi.