Séance en hémicycle du 27 juillet 2017 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • licenciement
  • nuit
  • pénibilité

La séance

Source

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, hier au soir, le journal l’Humanité, daté de ce jour, a révélé des éléments sur l’énorme plus-value que vous avez réalisée le 30 avril dernier à l’occasion de la vente des stock-options que vous aviez obtenues pour vos états de service en tant que directrice des ressources humaines du groupe Danone.

Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC brandissent des exemplaires de l’Humanité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cette plus-value s’élève à 1, 129 million d’euros. Elle a été réalisée grâce à une flambée boursière en faveur de Danone faisant suite à l’annonce de la suppression de 900 emplois.

Ce point est extrêmement grave sur le plan éthique et, peut-être, sur le plan juridique : de par vos fonctions, vous avez organisé ce plan social et vous en avez récolté les fruits pour votre profit personnel. De là à parler d’initié, il n’y a qu’un pas à franchir…

De plus, cette révélation est grave sur le plan politique.

Madame Pénicaud, vous êtes ministre du travail. Or le projet de loi dont vous êtes chargée et dont nous discutons aujourd’hui porte en lui une véritable atomisation du code du travail, dont la conséquence sera la précarisation et l’appauvrissement de milliers et de milliers de salariés. Le plafonnement des indemnités de licenciement en est un exemple concret.

Madame la ministre, cette situation n’est pas supportable. À l’heure où votre gouvernement se livre à des comptes d’apothicaire pour serrer de plusieurs crans la ceinture de notre peuple – réduction des aides personnalisées au logement, les APL, gel des salaires de la fonction publique, casse des services publics –, nous apprenons, alors que vous occupez une fonction ministérielle de premier plan, que vous avez engrangé des bénéfices indécents sur le dos de 900 salariés, au prix de leur souffrance et de celle de leurs familles.

Des explications sont nécessaires, de toute urgence, alors que nous débattons du projet de loi que vous défendez. Nous vous demandons donc de nous apporter les éléments nécessaires en ce début de séance !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre du travail

Madame la sénatrice, j’entends votre question.

Je pense que nous tous, dans cet hémicycle, sommes d’accord sur ce point : nous sommes ici pour fabriquer la loi, et non pour nous livrer à des approximations, voire à des propos démagogiques, au sujet de faits concernant une personne présente dans cet hémicycle - aujourd'hui moi, demain, il pourrait s’agir de quelqu’un d’autre.

Chacun, chacune peut avoir son appréciation quant au niveau de rémunération…

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

… des dirigeants des grandes entreprises françaises présentes à l’international et performantes, en France et dans le monde. Chacun est libre d’exprimer son opinion sur ce sujet.

La seule chose que je veux dire ici, très fermement et avec force, c’est qu’il s’agit d’une rémunération décidée des années avant le plan de départs volontaires. Ce plan, qui a concerné 200 salariés chez Danone - au total, 233 solutions ont été trouvées – était donc bien ultérieur.

Par démagogie, laisser interpréter autre chose que les faits me semble aller hors du champ de la discussion sereine qui doit avoir lieu au Sénat. Si j’ai à m’exprimer sur ce sujet, je le ferai dans d’autres lieux et en d’autres temps.

Pour l’heure, je propose d’en rester aux faits, et, les faits, c’est que nous sommes ici pour fabriquer la loi : c’est notre responsabilité collective.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements n° 127 et 157 sont identiques.

L'amendement n° 127 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 157 est présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 22

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 127.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la ministre, avec cet alinéa 22, on continue dans la série des reculs sociaux. Votre gouvernement a toujours la même volonté de nous faire croire que les mesures avancées, toujours aussi floues, vont dans le sens de l’intérêt des salariés, de l’amélioration de leurs conditions de travail.

Ce qui est ciblé ici, c’est le travail de nuit, et le Gouvernement saisit une nouvelle fois l’occasion de déréguler un peu plus le code du travail.

Comme chacun le sait, le travail de nuit est aujourd’hui réglementé et limité par la loi aux cas exceptionnels : continuité du service public, obligation de maintien de la production, etc. Il présente des contreparties obligatoires en matière de repos et de rémunération. La période de travail de nuit correspond aux horaires effectués entre 21 heures et 7 heures du matin.

Le recours au travail de nuit suppose la conclusion d’un accord collectif, et je rappelle que les règles qui l’encadrent ont été considérablement modifiées, successivement par la loi Macron et par la loi El Khomri. Visiblement, ce n’était pas encore suffisant !

Vous essayez de nous rassurer en affirmant que les adaptations que vous proposez seront de portée limitée : il ne s’agirait que d’une fourchette de quinze à vingt minutes liée par exemple au temps d’habillage, de déshabillage ou de comptage de caisses. En définitive, il ne s’agirait là que de mesures assez techniques. Mais pourquoi n’avoir pas envisagé d’élargir ce qui définit actuellement la période de nuit plutôt que de la restreindre ? Cela ne constituerait-il pas une vraie valeur ajoutée pour les salariés ?

Comme vous le savez, dans notre pays, environ 3, 5 millions de personnes travaillent de nuit, soit 15, 4 % des salariés. Personne ne peut nier l’impact de ces horaires atypiques sur la santé : troubles du sommeil, augmentation du risque du cancer du sein, etc.

Nous sommes fortement inquiets, d’autant qu’avec votre logique, ce qui est aujourd’hui considéré comme exceptionnel et encadré pourra être discuté entreprise par entreprise.

Après l’élargissement du travail du dimanche, mené par l’actuel Président de la République lorsqu’il était ministre de l’économie, ce sont de nouvelles protections des salariés qui sont laminées. Vous comprendrez que nous demandions, au travers de cet amendement, la suppression de cet alinéa 22.

Une vraie mesure sociale aurait été de proposer la limitation du travail de nuit. Ce n’est pas le choix que vous avez fait : dans ce domaine, vous ouvrez encore un peu plus la brèche de la déréglementation, comme l’ont fait avant vous Myriam El Khomri et Emmanuel Macron.

Nous refusons de vous suivre sur ce chemin qui nuit à la santé des salariés. Vous le voyez, on est loin des stock-options. À l’évidence, il y a deux poids, deux mesures…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 157.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Des effets avérés sur le sommeil, des effets probables sur la santé psychique, des performances cognitives diminuées, l’obésité, le diabète, les maladies coronariennes, le risque de développer un cancer : voilà, mes chers collègues, la liste des conséquences avérées du travail de nuit sur la santé des salariés.

Si l’Organisation mondiale de la santé, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, le Conseil économique, social et environnemental, le Centre international de recherche sur le cancer s’accordent pour donner l’alerte sur les risques qu’entraîne le travail de nuit, alors il est de la responsabilité du législateur d’en limiter les cas de recours.

À ces risques sanitaires s’ajoutent des conséquences sociales pour les travailleurs concernés, qui vivent à un rythme décalé de la majorité de nos concitoyennes et concitoyens. Demandez à une infirmière qui travaille la nuit comment elle concilie son métier avec sa vie familiale et sociale ; pourtant, elle est bien obligée de faire avec, elle !

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons fermement à ce que le travail de nuit soit facilité, en particulier s’il s’agit, comme nous le craignons, de répondre à une demande de commerces ouverts tard le soir. Nous estimons que le travail de nuit doit rester exceptionnel et limité à certains secteurs d’activité. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’alinéa 22.

Madame la ministre, puisqu’il me reste un peu de temps de parole, je me permets de réagir à vos derniers propos.

Effectivement, nous sommes là pour faire la loi. Mais, au sein de cette assemblée, nous sommes un certain nombre à penser qu’il y a trop d’inégalités, et que ces dernières sont justement un facteur de pauvreté dans ce pays. Quel crédit pouvons-nous accorder à quelqu’un qui – certes, tout à fait légalement – a bénéficié d’une prime d’un montant mille fois supérieur à ce que touchent les salariés licenciés ? Ce n’est pas rien ! Cette personne nous écoutera-t-elle lorsque nous critiquerons les stock-options et les parachutes dorés ?

Je comprends qu’alors vos oreilles se ferment ! De fait, vous ne pouvez pas être sensible à nos arguments, puisqu’ils entrent en contradiction avec ce que vous avez pu vivre.

Ce n’est pas votre probité qui est mise en question, mais votre capacité à entendre des remarques de gauche, des remarques sincères sur la détresse des travailleurs. Cette détresse s’aggrave et, dans le même temps, beaucoup bénéficient de droits que, pour notre part, nous trouvons exagérés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 46 rectifié, présenté par Mme Génisson, MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Supprimer les mots :

ainsi qu’en renforçant le champ de la négociation collective dans la définition du caractère exceptionnel du travail de nuit

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Le travail de nuit est gravement nuisible pour la santé, chacun le sait. Il est démontré depuis longtemps que la durée de vie des personnes qui ont travaillé de nuit est réduite, ainsi que la durée de vie en bonne santé.

À ce titre, permettez-moi de citer deux sources.

En 2007, le Centre international de recherche sur le cancer a ajouté le travail posté à la liste des agents probablement cancérogènes.

De son côté, dans son rapport du 22 juin 2016, l’ANSES affirme que les risques de troubles du sommeil et de troubles métaboliques sont avérés. Il existe des risques probables de cancer, d’obésité, de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires, de troubles psychiques, et cette liste n’est sans doute pas complète !

La proposition de soumettre le caractère exceptionnel du travail de nuit à la négociation collective est donc particulièrement inquiétante.

Le travail de nuit n’est déjà que trop répandu. Il a malheureusement en partie perdu son caractère exceptionnel. Mais ce caractère exceptionnel est un élément de la protection sanitaire du monde du travail. À ce titre, il est un principe d’ordre public sanctionné par l’article L. 3122-1 du code du travail.

Vous prenez pour prétexte le fait que certaines cours d’appel ne suivent pas la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle, en application de ce principe, est évidemment restrictive.

Nous connaissons tous l’arrêt Sephora, grande enseigne des Champs-Élysées, en vertu duquel « le travail de nuit ne peut pas être le mode d’organisation normal du travail au sein d’une entreprise et ne doit être mis en œuvre que lorsqu’il est indispensable à son fonctionnement ».

En réalité, le Gouvernement entend revenir sur cette jurisprudence en « créant une forme de présomption de légalité du recours au travail de nuit dès lors que l’entreprise peut s’appuyer sur un accord collectif autorisant cet aménagement du temps de travail ».

Je vous rappelle que le Sénat a voté, contre notre avis d’ailleurs, une présomption de légalité de l’accord collectif.

En d’autres termes, il suffirait qu’un accord soit obtenu dans une entreprise, conclu par des délégués du personnel non mandatés ou par référendum sur l’initiative de l’employeur pour que le travail de nuit soit présumé légal. Il est aisé d’imaginer en quels termes la question serait en réalité présentée aux salariés et les conditions dans lesquelles un accord favorable au travail de nuit serait obtenu.

On voit, dans ces conditions, ce qu’il adviendra d’un principe d’ordre public protecteur de la santé des salariés.

Pour ces raisons, nous sommes opposés à l’introduction de cette disposition dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 66 rectifié, présenté par M. Gabouty, Mmes Billon, Férat et Joissains et MM. Capo-Canellas, D. Dubois, Kern et Longeot, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Après le mot :

exceptionnel

insérer les mots :

ou non

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Il s’agit là de dispositions rédactionnelles, mais pas uniquement.

Le travail de nuit peut avoir un caractère exceptionnel. Il doit effectivement être encadré en fonction des professions et en priorité par les accords de branche.

Toutefois, si le travail de nuit n’est pas « naturel » – c’est le terme qu’il faut employer –, eu égard au rythme biologique de l’être humain, il n’a pas nécessairement de caractère exceptionnel. Il est inhérent à certaines fonctions, comme la continuité du service public, la sécurité et un certain nombre d’autres activités. Dire que le travail nocturne a un caractère exceptionnel pour un veilleur de nuit, c’est commettre un non-sens : pour lui, ce qui est exceptionnel, c’est le travail de jour.

À mon sens, il faut donc aborder le caractère exceptionnel ou non du travail de nuit.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Bien entendu, nous ne pouvons que partager totalement les préoccupations exprimées par les auteurs de ces quatre amendements : compte tenu des risques avérés qu’il fait courir à la santé des travailleurs, le travail de nuit ne doit pas être banalisé. Il doit rester exceptionnel ; mais cela n’empêche pas d’apporter quelques modifications à ce titre, notamment pour assouplir à la marge la plage horaire du travail de nuit.

Nous pourrons ensuite modifier, si nécessaire, l’ordonnance lors de l’examen du projet de ratification.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements n° 127 et 157.

J’en viens à l’amendement n° 46 rectifié.

L’article L. 3122-1 du code du travail, tel que modifié par l’article 8 de la loi Travail, pose comme principe d’ordre public que le travail de nuit est exceptionnel. Son recours doit prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, et il doit être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale, ces deux notions n’étant pas définies par la loi.

En même temps, l’article L. 3122-15 du code du travail renvoie à un accord d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut, à une convention ou à un accord collectif de branche, le soin de justifier le recours au travail de nuit.

Le cadre juridique actuel n’est donc pas satisfaisant, ce qui explique sans doute le manque de cohérence de la jurisprudence, qui a dû combler les lacunes de la loi.

Il est nécessaire de sécuriser juridiquement le travail de nuit sans perdre de vue la nécessité de protéger la santé des travailleurs.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 46 rectifié.

Enfin, l’amendement n° 66 rectifié vise à assouplir le recours au travail de nuit.

Monsieur Gabouty, je le répète, en vertu de l’article L. 3122-1 du code du travail, il convient de distinguer l’activité d’une entreprise, qui peut être normalement et habituellement effectuée la nuit, du travail des salariés la nuit, qui doit rester exceptionnel dans son principe.

La loi n’interdit pas le travail de nuit, mais elle l’encadre pour éviter sa banalisation. Cet équilibre a paru justifié à la commission des affaires sociales.

Je rappelle que les travailleurs de nuit bénéficient d’un « suivi individuel régulier de leur état de santé ». Aussi, la commission – et vous le savez d’autant mieux que vous en êtes membre –, demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle sera obligée d’émettre un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre du travail

Mesdames, messieurs les sénateurs, le présent texte ne prévoit en rien de remettre en cause le caractère exceptionnel du travail de nuit. Sur ce point, il devrait y avoir consensus sur les travées du Sénat.

De plus, il me semble que nous sommes tous très conscients des effets du travail de nuit sur la santé. C’est d’ailleurs pour cela que ce dernier fait partie des dix facteurs de pénibilité récemment confirmés par le Gouvernement.

Cela étant, le Gouvernement souhaite sécuriser les entreprises qui ont recours au travail de nuit tout en veillant à protéger la santé et la sécurité des salariés dans un cas de figure précis.

Tout d’abord, la plage horaire du travail de nuit couvre la période comprise entre 21 heures et 6 heures du matin. Or, sans un changement des règles du travail de nuit, les entreprises ne peuvent pas faire travailler de manière effective leurs salariés jusqu’à 21 heures ou avant 6 heures.

De quoi s’agit-il concrètement ? Certaines entreprises calent leurs horaires de travail sur l’horaire de fermeture à la clientèle, par exemple vingt et une heures. Or le salarié est souvent conduit à rester dans son entreprise quelques instants après 21 heures pour effectuer du rangement ou pour fermer les locaux. Le départ effectif des salariés a donc lieu après 21 heures, sans pour autant que l’employeur ni d’ailleurs les salariés perçoivent cette situation comme relevant intégralement du régime du travail de nuit.

Le Gouvernement entend prendre en compte cet effet de bord sans remettre en cause en quoi que ce soit l’encadrement juridique du travail de nuit. Je le répète, ce dispositif répond aux exigences en vigueur, qu’il s’agisse de protéger la santé ou la vie personnelle du salarié.

De plus, le Gouvernement souhaite sécuriser le recours au travail de nuit. À cette fin, il entend le présumer justifié, notamment au regard de son caractère exceptionnel, en le faisant reposer sur l’accord des partenaires sociaux.

Cette position est conforme à la celle qu’a prise la cour d’appel de Nîmes dans un arrêt rendu le 22 septembre 2016 à l’occasion d’un recours contre un accord d’établissement qui a adopté une interprétation laissant davantage de place à la négociation collective et à la présomption de justification sous réserve de cette négociation collective.

Il faut donc faire confiance aux partenaires sociaux, qui connaissent mieux que quiconque la nécessité de recourir ou non au travail de nuit, qui – j’insiste sur ce point – conservera son caractère exceptionnel.

D’après les chiffres établis par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, pour l’année 2014, en France, 15, 4 % des salariés des secteurs public et privé confondus travaillent la nuit. Le secteur public en représente une proportion importante, tout le secteur hospitalier étant concerné.

Il ne s’agit en rien d’augmenter considérablement le nombre de salariés concernés. Il s’agit simplement de sécuriser à la marge les entreprises lorsqu’elles recourent au travail de nuit.

Pour ces raisons, je suis défavorable aux amendements n° 127, 157 et 46 rectifié.

Quant à l’amendement n° 66 rectifié, il vise à étendre le champ de l’habilitation afin que la négociation collective s’étende non seulement au travail de nuit, mais aussi à son caractère exceptionnel.

Ces dispositions se heurtent au principe que j’ai précédemment indiqué : conserver le caractère exceptionnel du travail de nuit. Toute ouverture en dehors de ce champ nous paraît inappropriée.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame la ministre, j’ai du mal à comprendre ce que vous avez dit. Il faudrait permettre des dérogations entre 21 heures et 21 heures 30 pour fermer le magasin ou ranger du matériel ? La boutique ne peut donc pas fermer à 20 heures 45 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Vous êtes en train de déréguler tout le marché du travail pour quelqu’un qui va ranger les placards à 21 heures 15 ! Vous nous diriez que, grâce à ça, il va y avoir une expansion économique formidable, que les Chinois, on les connaît, viennent consommer entre 21 heures et 23 heures, que c’est un gros secteur d’activité et, donc, qu’il faut ouvrir, nous pourrions comprendre et, de notre côté, nous aurions alors défendu le social contre l’économie. Mais non, là, l’enjeu, c’est de ranger les balais ! On dérégule pour ranger les balais !

Sourires sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Évelyne Yonnet et M. Dominique Watrin rient.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C’est tout de même un argument formidable ! Pendant un siècle, on a fait des lois sociales, et, en dix minutes, pour ranger les placards, on dérégule tout ! Cette histoire est de moins en moins sérieuse… Il va être temps que cela s’arrête !

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Martial Bourquin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix les amendements identiques n° 127 et 157.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur Gabouty, l’amendement n° 66 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

En la matière, notre droit suit une approche un peu hypocrite : si le travail de nuit est bien exceptionnel dans son principe, il ne l’est pas dans la réalité, lorsqu’il n’a pas de caractère temporaire ou lorsqu’il n’existe pas de solution de substitution.

On se donne bonne conscience par un effet de langage, en classant le travail de nuit comme « exceptionnel », alors que, pour un certain nombre d’activités, il ne l’est pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Cela étant, je retire mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 66 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 128, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Christian Favier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Le présent alinéa pourrait avoir toutes les apparences du bon sens et du bien-fondé. La question posée semble la suivante : comment faire en sorte que, de manière ponctuelle, les compétences de certains salariés soient utilisées dans d’autres entreprises afin d’en assurer le fonctionnement pour telle ou telle problématique ?

Comme chacun le sait, le prêt de main-d’œuvre est une procédure autorisée, mais assez précisément définie par le code du travail.

Par ailleurs, il est évident que l’entreprise utilisatrice doit, dans un premier temps, s’être tournée vers d’autres modes de recrutement de personnels extérieurs, notamment au réseau des agences d’intérim.

Que signifie donc « favoriser et sécuriser », pour reprendre les termes de cet alinéa ? S’agit-il, comme nous sommes tentés de le croire, de favoriser le nomadisme professionnel plus ou moins organisé par les directions d’entreprise et de groupe en revenant, autant que faire se peut, sur l’abondante jurisprudence qui a souvent établi son caractère illicite ?

S’il s’agit de cela, pourquoi offrir cette nouvelle « souplesse » aux entreprises ? Encore un effort, et l’existence de voies de recours contre les abus de droit sera inutile, puisque tous les outils de l’ancienne fraude seront inscrits dans la loi !

Nous ne pouvons soutenir des mesures si négatives pour les salariés. Tel est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 222, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Compléter cet alinéa par les mots :

ou une petite ou moyenne entreprise

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Avec cet amendement, le Gouvernement souhaite assurer la montée en compétence au sein des PME et des TPE. À cette fin, il veut leur faire bénéficier des conseils d’entreprises de plus grande taille.

Depuis des années, beaucoup d’observateurs disent qu’en France les grandes entreprises n’aident pas assez les TPE et PME à monter en gamme. Au contraire, dans d’autres pays, il existe une véritable solidarité entre les grands groupes et les petites entreprises.

Un certain nombre d’entreprises comme L’Oréal, Carrefour et d’autres ont décidé de s’engager sur cette voie. Sur la base du volontariat, elles proposent à leurs salariés disposant d’une compétence forte qui n’est pas nécessairement disponible au sein d’une TPE, en général des cadres ou des techniciens, de venir, pendant un certain temps, aider et conseiller une petite entreprise.

Cette expérience entrepreneuriale est très demandée par les salariés concernés, car elle leur permet d’enrichir leur parcours et les rend prioritaires à leur retour dans leur entreprise d’origine.

Cette procédure est très demandée aussi par les TPE : ces dernières bénéficient ainsi de compétences de haut niveau qu’elles ne pourraient obtenir seules faute de disposer des moyens financiers nécessaires, compétences dont elles n’ont d’ailleurs pas forcément besoin très longtemps. Je pense par exemple à la mise en place d’un système marketing ou d’une nouvelle technologie.

Or il n’y a pas réellement de définition du prêt de main-d’œuvre à but non lucratif aujourd'hui. Si une grande entreprise prête un salarié volontaire à une TPE, cette dernière doit compenser intégralement à l’entreprise prêteuse les salaires, les charges et les frais professionnels, ce qui lui est impossible.

Cette situation correspond, par exemple, à l’accueil temporaire dans une start-up, afin d’assurer son développement, d’un cadre expérimenté, d’un conseiller juridique ou d’un comptable.

Nous avions prévu de limiter cette faculté aux jeunes entreprises innovantes, mais les TPE et les PME nous ont fait remarquer à juste titre que même les entreprises plus anciennes pouvaient avoir besoin du « coup de main » provisoire d’une compétence de très haut niveau, notamment sur les plans financiers, juridiques et comptables, ainsi que dans les domaines des ressources humaines, du marketing ou de la stratégie commerciale.

Le prêt de main-d’œuvre repose évidemment sur le volontariat des deux entreprises et de la personne concernée.

Cette pratique, qui, grâce à l’habilitation, sera encadrée, sécurisée sur le plan juridique et favorisée, me semble pouvoir contribuer au développement de nos TPE et de nos PME, tout en offrant une expérience professionnelle complémentaire intéressante pour le salarié prêté, qui, bien évidemment, garde tout son salaire, tous ses avantages et les mêmes conditions de travail que dans l’entreprise prêteuse.

Nous vous proposons donc d’en élargir le bénéfice aux TPE et PME, en réponse d’ailleurs à une demande du secteur et des partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

L’alinéa 23 a pour objet de favoriser le prêt de main-d’œuvre à de jeunes entreprises ainsi – sous réserve de l’adoption de l’amendement du Gouvernement – qu’à des TPE et PME ; il ne vise pas le prêt de main-d’œuvre intragroupe.

La commission partageant l’objectif du Gouvernement, elle est défavorable à la suppression de cet alinéa et donc à l’amendement n° 128.

L’amendement n° 222 complète le texte que nous avons adopté en commission et répond à un souhait que nous avions exprimé, mais que nous n’avions pas mis en forme d’amendement : l’avis est favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 128 ?

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Alors que nous voulons élargir, avec la bienveillance de la commission, la pratique des prêts de main-d’œuvre aux TPE et aux PME, nous ne souhaitons bien évidemment pas la suppression de cette possibilité qui va les aider.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 200 rectifié, présenté par MM. Nougein, Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Joyandet, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Perrin, Pierre, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 23

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Permettant à une convention ou un accord d’entreprise ou, à défaut à un accord de branche, de fixer la durée minimale de travail à temps partiel ;

La parole est à Mme Sophie Primas.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Cet amendement vise à confier à la négociation collective d’entreprise ou, à défaut, de branche, le soin de fixer, de manière facultative, une durée minimale de travail à temps partiel, concept que nous avons découvert en 2003.

Le seuil de vingt-quatre heures retenu en 2013 ne correspond ni à la réalité des besoins de nombreux secteurs ni même aux demandes des travailleurs à temps partiel. Il a complexifié la vie des entreprises et des salariés. Je pense par exemple aux étudiants qui voudraient un temps partiel inférieur à vingt-quatre heures, mais sont bloqués par cette disposition.

Par cet amendement, nous proposons de laisser aux entreprises et aux salariés la possibilité de fixer une nouvelle durée minimale dans le cadre des accords de branche ou des accords collectifs l’entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

On peut partager le souhait des auteurs de l’amendement d’assouplir les règles encadrant le recours au temps partiel, que nous dénonçons d’ailleurs ici depuis plusieurs années, mais cet amendement tend à ajouter un nouveau sujet à la liste déjà longue des points sur lesquels le Gouvernement nous demande de l’habiliter à prendre des mesures par ordonnances.

Son adoption constituerait, selon la commission, un élargissement du champ de l’habilitation et serait ainsi contraire à l’article 38 de la Constitution.

L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

L’avis du Gouvernement est également défavorable.

En matière de temps partiel, il importe de préserver l’équilibre issu de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, transposé dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

L’instauration du principe d’une durée minimale constitue une réforme structurelle de l’organisation du travail à temps partiel. Celle-ci, à travers l’accord interprofessionnel et la loi qui a suivi, avait pour but de mieux lutter contre le temps partiel subi, qui touche en majorité les femmes et les salariés les moins qualifiés.

Le dispositif, un peu rigide, a été considérablement assoupli depuis lors, notamment parce qu’il est clair qu’une durée inférieure à vingt-quatre heures pouvait également intéresser les salariés.

Il peut déjà être adapté par accord de branche ou en fonction des besoins des salariés qui demanderaient à bénéficier d’une durée de travail inférieure afin de cumuler plusieurs activités ou de faire face à des contraintes personnelles.

Les étudiants salariés de moins de vingt-cinq ans, dont il avait beaucoup été question dans les débats à l’époque, bénéficient ainsi d’une dérogation de plein droit à la durée minimale applicable dans l’entreprise.

C’est également le cas pour les contrats de moins de sept jours ou pour les contrats de remplacement, qui sont exclus du champ.

Le rôle conféré à la branche dans la définition de la durée minimale ne nous apparaît pas comme une source de rigidité, puisque près de quatre-vingts nouveaux accords de branche ont été conclus depuis 2013 et couvrent déjà plus de 80 % des salariés à temps partiel.

Des solutions ont donc été trouvées presque partout et la quasi-totalité des branches qui sont parvenues à un accord se sont emparées de la possibilité de fixer une durée minimale inférieure à vingt-quatre heures, les conditions étant définies en fonction des spécificités des métiers.

Au regard des dispositions de l’article 1er relative au rôle des branches et des entreprises, et de notre intention, comme je vous l’ai dit, de prévoir par ordonnances, à la suite de la demande des partenaires sociaux, un item sur la gestion et la qualité de l’emploi, dont la durée du temps partiel relève intégralement, les branches seront donc amenées à se saisir pour les 20 % du champ qu’il reste à couvrir.

Puisque la dynamique est bonne, il nous semble prudent d’en rester à une approche de branche et de ne pas aller jusqu’à l’accord d’entreprise, sauf tous les cas de dérogation, mais il s’agit de dérogations de droit qui existent déjà.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Mme la ministre a rappelé que les étudiants, dont l’objectif n’est normalement pas de faire plus qu’un mi-temps, pouvaient disposer de dérogations. Et, vingt-quatre heures, c’est en effet la moitié de quarante-huit heures, alors que la durée légale du travail est de trente-cinq heures. La durée minimale était donc dès l’origine bien élevée par rapport à la durée légale.

Or, dans certaines entreprises, et je peux citer par exemple le Sénat, le temps de travail minimal pour les étudiants est fixé à dix-sept heures trente, durée déjà importante qui me semble en contradiction avec les dérogations existantes.

C’est ce qui m’avait amenée à poser une question à la ministre précédente, question que je me permets de reposer à la nouvelle ministre : quelle est la base légale de ce seuil minimal de dix-sept heures trente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Madame Primas, je vais vous surprendre : je ne suis pas loin d’être d’accord avec vous !

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Nous avons voté la durée minimale de vingt-quatre heures dans cet hémicycle. Je n’avais alors rien dit, mais je n’étais pas d’accord. Je considérais que, s’il fallait fixer une durée pour le temps partiel, ce devait être la moitié du temps complet, ce qui convient à beaucoup d’activités, voire moins.

Je comprends la raison pour laquelle le seuil a été fixé à vingt-quatre heures. Pour la gauche traditionnelle, il s’agissait justement d’éviter le mi-temps.

Le mi-temps correspond pourtant à une réalité, me semble-t-il.

Au Sénat, nous sommes nombreux à employer deux assistants et demi. Évidemment, ils signent un papier dans lequel ils donnent leur accord pour faire un mi-temps, mais ont-ils le choix ? Je ne sais pas… Certainement souhaitaient-ils vraiment travailler à mi-temps, mais, de toute façon, ils n’avaient pas eu le choix puisqu’on ne leur proposait pas de plein-temps !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

En tout état de cause, je considère que la limite de vingt-quatre heures n’est pas adaptée.

Pour autant, au risque de vous décevoir, madame Primas, je ne voterai pas votre amendement. Vous proposez en effet de descendre au niveau de l’accord d’entreprise et vous connaissez mes réticences envers les négociations à ce niveau.

Par contre, je trouverais intéressant que l’option d’une durée minimale correspondant à un vrai mi-temps au lieu de vingt-quatre heures soit examinée au niveau des branches.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Vous voulez apporter de la souplesse avec vos projets d’ordonnances, madame la ministre : nous vous fournissons là un terrain pour le faire !

En effet, beaucoup de gens voudraient cumuler deux mi-temps. Or, deux fois vingt-quatre heures par semaine, cela fait trop d’heures.

Vingt-quatre heures, cela peut aussi être trop pour un employeur qui voudrait recourir à un salarié à temps partiel et qui préférera alors ne pas embaucher.

Par ailleurs, il existe beaucoup d’exceptions qui autorisent à demander au salarié son accord pour travailler moins de vingt-quatre heures.

On a là un taquet qui a finalement pour effet soit de maintenir les gens dans la précarité, soit de bloquer le développement de l’emploi.

Vous voulez favoriser l’emploi, madame la ministre. Voilà une occasion ou jamais de revenir, en supprimant ce taquet, sur une mesure plus limitative qu’ambitieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Madame Primas, l’amendement n° 200 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Mme Sophie Primas. Je ne ferai pas, monsieur le président, l’affront à la commission des affaires sociales de le maintenir.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Je veux seulement ajouter que nous sommes là dans un processus de dérogation, comme Mme la ministre l’a exposé assez longuement. Tous, dans cet hémicycle, nous essayons de trouver des processus de simplification de la vie des entreprises et des salariés. Or il me semble qu’il est plus simple de s’en remettre à un accord d’entreprise ou de branche prenant en compte la spécificité des activités que d’avoir à demander des dérogations.

Compte tenu de l’avis de la commission, je retire néanmoins mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 200 rectifié est retiré.

L’amendement n° 202 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 23

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Permettant, à défaut d’accord collectif dans les entreprises de moins de cinquante salariés, la conclusion de conventions individuelles de forfaits en jours et en heures sur l’année, sous réserve que l’employeur fixe les règles et respecte les garanties prévues aux articles L. 3121-62 et L. 3121-63 du code du travail ;

La parole est à Mme Sophie Primas.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Cet amendement a pour objet de faciliter le recours aux conventions de forfait dans les entreprises de moins de cinquante salariés, sans pour autant diminuer les garanties et les protections offertes aux salariés concernés.

Cette disposition, qui figurait dans l’avant-projet de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, exonère les entreprises de l’obligation de conclure un accord collectif pour mettre en place cette forme d’organisation du travail.

Toutefois, ces entreprises devront se soumettre aux conditions introduites par la loi Travail pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés en forfait, c'est-à-dire un suivi renforcé de l’activité et un contrôle, sous la responsabilité de l’entreprise, de l’adéquation de la charge de travail avec les temps de repos.

Une telle mesure est particulièrement intéressante pour les entreprises innovantes en phase de croissance, dont les jeunes cadres ont depuis longtemps abandonné les horaires fixes et le travail au bureau.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

J’en suis désolé, madame Primas, mais cet amendement tend manifestement à élargir le champ de l’habilitation et est donc, comme le précédent, contraire à l’article 38 de la Constitution.

L’une des pistes pour encourager le développement des conventions de forfait est l’élargissement des accords de branche, qui lui est prévu à l’article 4 du projet de loi. Mme la ministre pourra peut-être nous éclairer sur ce point.

S’agissant directement de votre amendement, madame Primas, ce sera donc une fois de plus une demande de retrait ; à défaut, l’avis ne pourrait qu’être défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Comme M. le rapporteur, je suis désolée d’avoir à émettre, pour des raisons de cohérence, un avis défavorable.

C’est en effet une question de logique d’ensemble. D’une part, nous avons prévu que les sujets de cette nature seront traités au niveau de la branche, avec des accords types pour les petites entreprises. D’autre part, les dispositions qui vont permettre de développer le dialogue social et favoriser la conclusion d’accords dans les entreprises ouvriront aussi le champ au niveau de celles-ci.

Nous disposons donc déjà, sans qu’il soit nécessaire de détricoter le reste du dispositif, de deux leviers. Nous voulons développer l’accord d’entreprise et nous nous donnons les moyens de le faire en élargissant les formes de négociation. Il ne faudrait pas, dans le même temps, donner l’impression que l’on n’a pas besoin de l’accord d’entreprise parce que l’on va se débrouiller autrement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Madame Primas, l’amendement n° 202 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Je suis sensible aux arguments constitutionnels de la commission et aux précisions de Mme le ministre : je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 202 rectifié est retiré.

L'amendement n° 208 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 23

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Permettant à l’employeur, à défaut d’accord collectif dans les entreprises de moins de cinquante salariés, de mettre en place une répartition des horaires sur une période ne pouvant être supérieure à douze semaines ;

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Nous proposons de porter de neuf à douze semaines la durée de la période de référence sur laquelle un dispositif d’aménagement du temps de travail peut être mis en place unilatéralement par l’employeur dans les entreprises de moins de cinquante salariés, disposition qui figurait dans l’avant-projet de loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

Cette disposition permet aux entreprises de mieux s’organiser pour s’adapter aux évolutions et aux contraintes de leur activité, même lorsqu’elles ne sont pas en mesure, comme les TPE et PME, de négocier et de conclure un accord collectif sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Sur le fond, les auteurs de l’amendement auront peut-être gain de cause si le Gouvernement encourage résolument le recours aux accords types ou la signature d’accords collectifs avec les délégués du personnel dans les entreprises dépourvues de délégué syndical.

Cependant, sur la forme, cet amendement tend à élargir, une fois de plus, et j’en suis désolé, madame Lamure, le champ de l’habilitation. Il est contraire à l’article 38 de la Constitution.

Je demande donc aussi son retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Mon avis est également, j’en suis désolée aussi, défavorable.

La loi du 8 août 2016 a déjà porté la durée de la période de référence de quatre à neuf semaines.

Je rappelle aussi que, par accord, nous sommes là dans un cadre annuel, voire pluriannuel.

Nous voulons encourager la négociation. Laissons donc du grain à moudre aux accords de branche et d’entreprise. Il me semble préférable de parier sur l’élargissement du champ de la négociation plutôt que de soustraire de celui-ci des sujets en les traitant à la marge.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Madame Lamure, l’amendement n° 208 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Il est important que nous soyons d’accord sur le fond, et j’en suis ravie, monsieur le rapporteur, mais, puisque mon amendement se trouve en dehors du champ, je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 208 rectifié est retiré.

L’amendement n° 203 rectifié, présenté par Mme Primas, MM. Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski, Poyart, Raison, Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet et Savin, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 23

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Permettant à un salarié de renoncer à tout ou partie de ses jours de repos ou de ses jours de congés payés, en contrepartie d’une majoration de salaire ;

La parole est à Mme Sophie Primas.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Cet amendement, qui va nous rappeler quelques devises des années passées, vise à permettre à un salarié de renoncer à tout ou partie de ses jours de repos ou de congé en contrepartie d’une majoration de salaire.

Ce dispositif est particulièrement attendu par les plus jeunes salariés, car ils y gagneraient une augmentation ponctuelle de leur pouvoir d’achat contre un peu plus de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Jamais deux sans trois, madame Primas ! Cet amendement contrevient également à l’article 38 de la Constitution : avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Vous faisiez allusion à d’anciennes devises, madame Primas… Je rappelle qu’aux termes de l’alinéa 11 du Préambule de 1946 « la Nation garantit à tous […] la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs », disposition qui a depuis été transposée dans le code du travail.

En outre, votre amendement serait contraire à la directive européenne relative au temps de travail qui pose comme principe que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines » et que « la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière ».

Sur les cinq semaines de congés payés, quatre doivent donc forcément être prises sous forme de repos effectif par les salariés.

Toutefois, ce que vous demandez est déjà concrètement possible en France, dans le respect du droit de l’Union européenne, par le biais des RTT. Les salariés en forfait jours peuvent en effet demander le rachat de leurs jours de RTT, à condition que soit prévu un avenant à la convention individuelle de forfait fixant le taux de majoration du salaire, lequel ne peut être inférieur à 10 %.

Pour les autres salariés, ce n’est pas possible, mais, s’il y a un accord relatif au compte épargne-temps dans leur entreprise, ils peuvent affecter à ce compte leurs droits aux congés non utilisés au-delà des quatre semaines imposées.

Sous ces deux formes, qui ne sont d’ailleurs pas toujours connues des employeurs non plus que des salariés – il y a là un sujet de communication –, il est donc déjà possible de mettre en pratique votre proposition tout en respectant à la fois notre Constitution et la directive européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Madame Primas, l’amendement n° 203 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Madame la ministre, je vous remercie de ses explications : comme sans doute un grand nombre de salariés et d’employeurs, je ne connaissais pas ces dispositions permettant d’aboutir de façon légale à l’effet que je recherchais.

Je retire donc mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 203 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 219 rectifié bis, présenté par MM. Assouline et Durain, Mmes Lienemann et Jourda, M. Labazée, Mme Meunier, M. Roger, Mme Yonnet, MM. Mazuir, Godefroy, Montaugé, Cabanel et M. Bourquin et Mmes Blondin, Guillemot, Monier et Lepage, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 24, lequel ouvre la voie à une réforme de la procédure prud’homale.

Une étude récente fait état d’une chute libre du nombre d’affaires soumises à la justice prud’homale. Quelles en sont les causes ? Est-ce le signe qu’un plus faible nombre de cas prêtent à contentieux ? Non !

D’aucuns considèrent qu’une des causes de ce phénomène tient à la nécessité, introduite par la loi Macron, de remplir un formulaire de sept pages, contre une seule précédemment, nécessité qui constitue un obstacle à la saisine de la juridiction.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je le rappelle en passant, tant on nous abreuve de la nécessité de simplifier. L’actuel Président de la République aura tout de même laissé son nom à un texte qui a nettement dissuadé d’engager ces procédures, au nom de la nécessité d’aller plus vite.

Une autre raison de cette baisse est peut-être la longueur des procédures devant les prud’hommes. Mais, là comme ailleurs, ces délais s’expliquent par le manque de moyens, notamment dans les greffes et dans les secrétariats.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

De surcroît, les réformes qui se sont succédé depuis la loi Dati ont eu pour effet le regroupement des tribunaux et la suppression des juridictions de proximité. Elles ont ainsi augmenté les embouteillages dans le traitement des affaires.

Pour raccourcir les délais d’instruction, il n’est pas nécessaire de limiter l’accès au juge : il faut simplement renforcer leurs moyens. Vous obtiendrez alors une justice efficace et de proximité.

Pierre Joxe s’est exprimé récemment sur ce sujet, rappelant que certains pays européens – la Belgique, la Suisse ou l’Allemagne – font bien plus que nous pour leurs juridictions sociales et obtiennent de meilleurs résultats.

L’engorgement des tribunaux n’est pas un phénomène récent : la juridiction administrative l’a déjà connu dans les années quatre-vingt. La réponse apportée alors, avec succès, fut le développement des tribunaux administratifs et des formations de jugement restreintes.

En 2015, nous avons déjà réformé la procédure prud’homale. Avant de légiférer à nouveau, il importe d’établir le bilan de cette réforme – nous vous le répétons depuis le début de ce débat –, laquelle a enrichi le rôle du bureau de conciliation et a créé une formation de jugement restreinte afin d’améliorer la qualité des jugements rendus et de raccourcir les délais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 179 rectifié bis, présenté par Mme Gatel et MM. Guerriau, Longeot, Capo-Canellas et Médevielle, n’est pas soutenu.

L’amendement n° 178 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier, Rapin, Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Après le mot :

modifier

Insérer les mots :

et simplifier

La parole est à M. Antoine Lefèvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Cet amendement a pour but de rappeler qu’il ne suffit pas de modifier le régime fiscal et social des sommes versées en cas d’indemnités abusives ; il convient également de simplifier le régime applicable, devenu beaucoup trop compliqué.

En effet, si l’on souhaite encourager la conciliation, il faut créer des règles fiscales et sociales simples et attrayantes, ce qu’elles ne sont pas toujours aujourd'hui. Les règles qui se sont superposées relèvent parfois de l’usine à gaz, sans cohérence entre les dispositions fiscales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Le Gouvernement souhaite favoriser le recours à la conciliation afin de réduire le volume du contentieux traité par les conseils de prud’hommes.

La commission partage cet objectif. Il est en effet préférable de résoudre les conflits qui peuvent survenir entre un employeur et son salarié par la voie de la conciliation, plutôt que d’en arriver à la voie juridictionnelle.

Elle est donc défavorable à l’amendement n° 219 rectifié bis

Notre collègue Antoine Lefèvre a parfaitement raison, les règles fiscales relatives aux indemnités de rupture de contrat de travail sont extrêmement complexes et inéquitables. Elles ont d’ailleurs été critiquées récemment par la Cour des comptes.

Pour autant, je ne vois pas la nécessité de mentionner le terme « simplifier ». L’habilitation demandée par le Gouvernement pour modifier le régime fiscal applicable vaut habilitation pour le simplifier.

La commission demande donc le retrait de l’amendement n° 178 rectifié bis ; à défaut, elle y serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

L’avis du Gouvernement est défavorable sur l’amendement 219 rectifié bis.

Monsieur Assouline, l’alinéa dont vous demandez la suppression n’a nullement vocation à habiliter le Gouvernement à engager une nouvelle réforme de la procédure prud’homale.

Une réforme importante a déjà été menée, sa mise en œuvre touche à sa fin, elle a fait l’objet d’un premier bilan transmis au Premier ministre du gouvernement précédent le 19 avril 2017.

Dans le présent texte, il s’agit seulement de favoriser la conciliation par des ajustements en phase de conciliation devant le conseil des prud’hommes, dans la ligne des progrès réalisés dans le passé.

En outre, cette habilitation vise à prévoir une éventuelle modification – rien n’est décidé – du régime fiscal et social des sommes dues par l’employeur et versées aux salariés à l’occasion de la rupture du contrat de travail.

Aujourd’hui, les dispositions fiscales et sociales sont beaucoup plus favorables en phase de contentieux qu’en phase de conciliation, ce qui un peu contre-intuitif.

Nous voulons garder la possibilité d’ajuster ces dispositions et donc maintenir l’alinéa 24 : l’avis est défavorable.

Contrairement à la commission – nous avons un désaccord, monsieur le rapporteur

Sourires.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il s’agit non seulement de modifier, mais aussi de simplifier le régime fiscal et social des sommes versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail. Nous sommes au stade de l’habilitation : examiner tout ce qui peut être modifié et simplifié pour être rendu plus accessible et compréhensible ne nous paraît pas une mauvaise idée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C’est l’intervention de M. Assouline qui me conduit à intervenir.

Nous avons discuté de la réforme des prud’hommes il n’y a pas si longtemps. Nous étions un certain nombre, nos camarades communistes et nous les écologistes, à être opposés à cette réforme… §Oh, allons-y : et les socialistes ! Nous étions ensemble à gauche !

M. Assouline a tout dit. Sept pages ! Cela signifie que seuls les cadres vont porter plainte aux prud’hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C’est donc un système censitaire ! Alors que les plus démunis ont déjà du mal, financièrement et culturellement, à engager une action – heureusement, ils sont aidés par les syndicats –, on fait en sorte que ce soit de plus en plus en plus difficile !

Madame la ministre, j’ai bien compris que vous n’étiez pas favorable à l’amendement n° 219 rectifié bis, mais vous auriez pu répondre à M. Assouline que, étant en empathie avec la classe ouvrière et les travailleurs les plus précaires, vous alliez mettre en œuvre tous les moyens pour que ceux qui souffrent le plus aient un accès libre au tribunal et puissent facilement porter des recours.

J’aurais aimé entendre, madame la ministre, l’expression de cette empathie envers les plus démunis de notre société qui sont aussi souvent ceux qui, justement, souffrent le plus de l’arbitraire patronal.

J’aurais aussi aimé que, dans vos projets pour favoriser la conciliation, vous teniez compte du fait que les cadres y sont plus habitués…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… et qu’il faut donc aider les plus défavorisés.

Pourquoi, madame Primas ? Parce que ceux qui profitent le plus de la formation aujourd’hui, ce sont les cadres, pas les ouvriers ! Ceux qui profitent le plus des prud’hommes, ce sont les cadres, pas les ouvriers ! Je pourrais vous donner des exemples à foison…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Pour rafraîchir la mémoire du Sénat, je rappelle que le groupe socialiste a voté la réforme des prud’hommes…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… dans le cadre de la loi relative à la croissance, à l’activité et à l’égalité des chances économiques.

Il fallait aller beaucoup plus vite ! La lenteur était préjudiciable à la fois aux employeurs et aux salariés. Les procédures duraient des mois, parfois plus. Le barreau de Meaux a ainsi été conduit à introduire un recours devant le Conseil d’État qui a abouti à la condamnation de l’État en raison des retards dus à l’engorgement du tribunal du ressort.

C’était bien sûr avant que la loi Macron ne porte ses effets.

Aucun lien direct n’a pu être établi entre la baisse du nombre d’affaires devant les conseils de prud’hommes et le fait que soient demandés, en amont de la procédure, le plus de renseignements possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

L’objectif est d’aller plus vite, et aussi de favoriser la conciliation.

En revanche, il existe un lien entre les règles de procédure applicables dans la phase de conciliation et la modification du régime fiscal et social. C’est pourquoi les deux font partie du champ de l’habilitation : dans un souci de cohérence, il convient de mettre en harmonie le souhait du législateur de 2016 et la modification du régime fiscal et social, afin que la conciliation soit privilégiée y compris au niveau de ce régime. Mais il n’est pas question de faire une nouvelle réforme !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il est facile de répondre à chacune de nos questions, surtout quand elles dérangent, qu’« il n’est pas question de », ou bien que ce n’est pas forcément ce qu’il y aura dans l’ordonnance. Et pour cause : ce qui est déjà écrit, madame la ministre, vous ne nous le montrez pas, et nous n’avons pas le droit d’en discuter !

Je ne vous fais pas de procès d’intention ; je constate simplement qu’une possibilité est ouverte.

Par ailleurs, il est tout de même un peu fort de café de soutenir qu’il n’y a pas de lien entre une réforme qui réduit sept pages en une et la diminution de 30 % que l’on observe depuis ce moment précis, sans qu’on nous fournisse d’autres raisons, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… du nombre des recours devant les prud’hommes. Il n’y a pas de lien direct, affirment ceux qui se réclament d’une science dont, au demeurant, ils n’ont pas beaucoup fait preuve par le passé…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je sais de quoi je parle, contrairement à vous !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Bien entendu, ma chère collègue : nous savons bien que vous êtes toujours, en tous lieux et dans tout débat, la seule qui sache de quoi elle parle. C’est sans doute pour cela que vous répondez souvent à la place des ministres : ministre, parlementaire, experte, vous êtes tout cela à la fois !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, veuillez laisser l’orateur poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Voilà un certain nombre d’années que, comme nombre d’entre nous, je siège dans cet hémicycle. Dans chaque discussion, nous débattons d’amendements qui, pour certains, ont une portée importante et, pour d’autres, ne visent qu’à préciser ou améliorer les dispositifs, même si leurs auteurs ne sont pas d’accord avec le texte. Lors de l’examen de la révision constitutionnelle de M. Sarkozy, que pourtant je rejetais, j’avais trouvé que les dizaines d’heures de débats dans l’hémicycle n’avaient pas été vaines, parce que nous avions obtenu telle ou telle modification.

Vous, en revanche, madame la ministre, commencez très mal. Au point que, franchement, nous allons commencer à nous demander ce que nous faisons ici… Sur très peu de propositions, et sur aucune venant de la gauche, vous n’avez daigné faire un petit pas ! Sauf un, me semble-t-il, hier ; mais, pour le reste, ce ne sont qu’avis défavorables et demandes de retrait !

Madame la ministre, je vous préviens : cela ne durera pas cinq ans. À un moment donné, nous allons nous révolter !

Sourires.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

En arrivant dans cette assemblée, je m’attendais tout de même à autre chose qu’à des échanges d’affirmations péremptoires et non démontrées, qui servent, semble-t-il, de pseudo-vérités. Plutôt que de nous lancer à la figure des choses non prouvées, il me semble que nous pourrions faire l’effort de rechercher les informations nécessaires pour démontrer ce que nous avançons !

« Conciliation » : le mot a une connotation extrêmement favorable et suggère la volonté de travailler ensemble pour essayer de trouver des solutions communes. J’avais tendance à penser que cette volonté était réelle, et que cet état d’esprit se retrouverait dans l’article 3.

Seulement voilà : entre les belles déclarations qui entourent le projet de loi d’habilitation, les intentions affirmées – dialogue social, sécurisation des parcours professionnels, protection des salariés, compétitivité –, toutes nobles et qui me paraissaient de bon augure, et la réalité du texte et des débats, je constate un écart considérable. Moi qui avais pensé que le débat serait intéressant et amènerait des progrès dans tous les domaines, de sorte qu’on pourrait dire aux salariés : nous avons amélioré vos conditions de travail…

Alors, quand on parle de favoriser la conciliation devant les tribunaux prud’homaux, je me dis qu’il y a encore une intention cachée… Cette intention, du reste, vous la donnez, madame la ministre, puisque vous dites qu’il faut que moins d’affaires soient soumises aux prud’hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

M. Jean-Louis Tourenne. C’est écrit ! De là à penser qu’on va mettre en place tous les moyens nécessaires pour faire pression sur les plaignants, pour les dissuader d’aller jusqu’au bout… Peut-être que j’exagère ; c’est une supposition. Mais, avec ce texte, j’ai appris à être extrêmement prudent !

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Il est naturel que la question des prud’hommes suscite d’abondantes discussions, car elle est de la plus haute importance.

Nous savons tous que le système actuel fonctionne mal, que, pour des affaires similaires, les jugements peuvent être différents d’un tribunal à l’autre et que, dans près de 80 % des cas d’appel, les cours d’appel cassent les jugements de première instance. Nous savons tous aussi qu’il n’est pas dans les intentions du Gouvernement, du moins pour l’instant, de réformer quoi que ce soit s’agissant des prud’hommes ; l’habilitation porte sur le code du travail, pas sur la réforme des tribunaux prud’homaux.

Monsieur Tourenne, j’ai proposé à la commission des affaires sociales, qui l’a accepté, de constituer un groupe de travail sur les prud’hommes, afin de réfléchir aux propositions d’amélioration qui pourront être faites dans le cadre d’un rapport du Sénat. Je lui ai également demandé l’autorisation de prendre contact avec le président de la commission des lois en vue d’un travail commun de nos deux commissions. Philippe Bas m’a évidemment donné son accord, d’autant que lui-même a élaboré un rapport sur la partie juridique et juridictionnelle, sans s’intéresser aux affaires traitées par les prud’hommes.

À la rentrée, donc, ce groupe de travail commun aux deux commissions sera mis en place, et nous travaillerons ensemble sur les prud’hommes. Vous savez que j’aime bien que l’on travaille ensemble ; ainsi, j’ai salué hier un rapport préparé par trois de nos collègues : un communiste, un socialiste et un membre des Républicains. Je pense que, de la même façon, le travail commun sur les prud’hommes donnera des résultats extrêmement intéressants, que nous pourrons ensuite proposer au Gouvernement.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 62, présenté par Mme D. Gillot, MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau, Magner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° De faciliter l’accès, le maintien et le retour dans l’emploi des personnes handicapées et de leurs proches aidants.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

J’aborde un sujet un peu plus consensuel en présentant cet amendement, forcément d’appel, qui viserait, si la Constitution le permettait, à étendre le champ des ordonnances pour définir ce qui doit constituer, selon moi et, surtout, selon la commission Travail, emploi, formation du Conseil national consultatif des personnes handicapées, une priorité en matière de politique de l’emploi.

Au fil de la discussion, les amendements que j’ai défendus, accueillis souvent avec bienveillance par vous-même, madame la ministre, et de manière unanimement favorable par mes collègues, ont permis de faire évoluer le regard porté sur le l’accès et le retour à l’emploi, ainsi que le maintien dans l’emploi, des personnes handicapées.

Toutefois, face à l’inertie et la rigidité des outils conçus au fil du temps, il est utile, même urgent, de revoir la politique d’insertion dans l’emploi des personnes handicapées pour éviter l’augmentation des inégalités et les trappes à exclusion que représentent trop souvent l’inaptitude au travail, voire la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, la RQTH, et la désinsertion professionnelle.

Pour ce faire, il faudrait que, grâce au dialogue social renforcé, les politiques publiques soient réellement décloisonnées, transversales, pour qu’elles soient efficientes, et que leurs effets sur l’emploi des personnes handicapées et des proches aidants soient réellement mesurés ; que la primauté du droit commun soit être un élément fondamental recherché de l’insertion ; et que toutes les parties prenantes concernées soient sollicitées systématiquement et suffisamment tôt. En effet, les pouvoirs publics doivent veiller à la participation des personnes handicapées, ainsi que des représentants et des proches de celles-ci, au processus de décision.

Enfin, une stratégie pluriannuelle devrait être définie, intégrant l’objectif de réduction du chômage des travailleurs handicapés et d’accès de ceux-ci à un emploi de qualité, avec le déploiement de données et de règles de connaissance à partager dans la transparence.

C’est à ces conditions que les parcours vers et dans l’emploi seront sécurisés pour tous.

Le Président de la République a fait du handicap l’une de ses priorités. Cette priorité ne peut être à la marge, soumise à l’opportunité d’un volet handicap ou d’une communication bienveillante. Elle doit s’inscrire dans la continuité et dans la mise en œuvre des grandes lois d’affirmation des droits imprescriptibles des personnes handicapées, dans le cadre d’une politique inclusive unissant toutes les politiques publiques.

C’est dans cet esprit que je plaide pour que les ordonnances s’attachent à faciliter l’accès et le retour à l’emploi, ainsi que le maintien dans l’emploi, des personnes handicapées et de leurs proches aidants, un objectif actuellement absent du projet de loi d’habilitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Comme Mme Gillot l’a reconnu, son amendement est, sur la forme, contraire à la Constitution : il contrevient à l’article 38 de celle-ci en visant à élargir le champ de l’habilitation. Je lui demande donc de le retirer, étant entendu que, sur le principe, nous sommes évidemment tous favorables à sa proposition.

Au reste, nous avons adopté ce matin l’amendement n° 45 rectifié, qui visait les mêmes objectifs, mais pouvait être rattaché au projet de loi, dans la mesure où il se rapportait au télétravail.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Je souscris évidemment à l’analyse juridique de M. le rapporteur.

Je tiens cependant à vous signaler, madame la sénatrice, que le troisième plan de santé au travail, approuvé par l’ensemble des partenaires sociaux, prévoit des actions spécifiques pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Devant le COCT, le Conseil d’orientation des conditions de travail, que j’ai réuni voilà quelques jours, j’ai souligné que ce plan était l’une de nos priorités communes.

Je pense que, aujourd’hui, c’est surtout sur le terrain que la bataille se joue. Il faut gagner la mobilisation des acteurs, et cela dépend de nous tous. Je prends ma part de cet effort, avec le ministère du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Non, monsieur le président, je vais le retirer ; il est inutile qu’il soit maintenu pour être rejeté.

Madame la ministre, j’apprécie beaucoup l’écoute dont vous faites preuve depuis le début de la discussion. Simplement, évoquer le troisième plan de santé au travail me paraît insuffisant, puisque c’est encore rattacher la politique du handicap à la santé, alors que le Président de la République a bien décidé de sortir cette politique de la tutelle de la santé, sans bien sûr que ce ministère doive pour autant se désintéresser de la santé des personnes handicapées.

De fait, le travail des personnes handicapées ne relève pas seulement de la santé : il y a des personnes en situation de handicap qui ne souffrent d’aucun problème de santé, mais d’autres problèmes qui doivent être réglés, dans le colloque du dialogue social, par l’ensemble des partenaires.

Puisque deux amendements du Gouvernement doivent être examinés après celui-ci, vous auriez pu, madame la ministre, reprendre une partie de ma proposition dans l’un ou dans l’autre. Cela aurait permis d’inscrire dans les ordonnances, en respectant le cadre constitutionnel, la question de l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés, à laquelle vous avez prêté un intérêt particulier.

Je retire l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 62 est retiré.

L’amendement n° 220, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° De préciser les modalités du suivi médical exercé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration et les conditions de recrutement de ses personnels médicaux.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Permettez-moi, monsieur le président, de compléter ma réponse à Mme Gillot.

Je vous signale, madame la sénatrice, que l’emploi des personnes handicapées est explicitement prévu dans le champ de compétence des branches. De fait, le ministère du travail et les partenaires sociaux ont beaucoup à faire dans ce domaine !

L’amendement n° 220 porte sur le suivi médical exercé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, et les conditions de recrutement de ses personnels médicaux. Nous avons examiné de nombreuses questions de fond ; il s’agit, cette fois, d’un problème pratique et immédiat.

La visite médicale réalisée par l’OFII a pour objet d’offrir aux primoarrivants une première prise en charge à visée médicale, la prévention de l’introduction sur le territoire national de pathologies infectieuses en provenance de pays tiers relevant davantage du contrôle sanitaire aux frontières.

Il est donc proposé de remplacer l’expression « contrôle médical », qui qualifie de manière inadéquate cette activité de l’OFII, par l’expression, neutre, de « visite médicale », mieux à même d’accompagner l’évolution de cette mission.

Par ailleurs, parce que les médecins de l’OFII ont une compétence reconnue dans le domaine de la santé du public migrant, il serait souhaitable de pouvoir prolonger l’activité de ceux qui sont actuellement en poste et qui atteignent l’âge de la retraite. Je conviens, monsieur le rapporteur, que c’est un peu une rustine, mais nous en avons besoin !

En effet, comme dans la médecine du travail, les postes et les moyens existent, mais les candidats manquent. La poursuite d’activité, sur une base volontaire, des médecins atteignant l’âge de la retraite permettra, à court terme, d’éviter des files d’attente qui deviennent inhumaines – sans dispenser, bien sûr, de traiter par ailleurs la question à long terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon, rapporteur. Au cours des campagnes présidentielle et législative qui viennent de s’achever, il a beaucoup été question de « dégagisme » et de mettre les vieux à la porte le plus vite possible… Je constate que l’on a de nouveau besoin des vieux !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La commission des affaires sociales avait supprimé cet alinéa inséré dans le projet de loi par l’Assemblée nationale. Le Gouvernement propose de le rétablir.

Il ne faudrait pas, madame la ministre, que le présent projet de loi, relatif au dialogue social, serve de véhicule à toutes les mesures que vous voudriez inscrire dans la loi.

Toutefois, nous sommes prêts à faire un geste de mansuétude : j’en appelle à la sagesse de notre assemblée…

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 237, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° De sécuriser et de compléter l’article L. 1224-3-2 du code du travail, notamment en ce qui concerne son application dans le temps.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Merci de votre compréhension, monsieur le rapporteur, sur le précédent amendement. On en a éliminé beaucoup, mais celui-là est passablement urgent…

Certains secteurs très concurrentiels, notamment du nettoyage, ont mis en place avec les partenaires sociaux des modalités pour préserver l’emploi en organisant le transfert des personnels en cas de succession d’employeurs sur un même site ou à la suite de l’attribution d’un marché ou d’un changement de prestataire.

Ce système, qu’on appelle le transfert conventionnel, est destiné à éviter que, chaque fois qu’un marché change de mains, tous les salariés perdent leur emploi. Plus précisément, en cas de changement de titulaire d’un marché, les salariés voient leur contrat et ses principales conditions reprises par le nouveau prestataire.

La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a reconnu la légitimité de cette pratique et sécurisé le cadre de celle-ci, afin que la succession des entreprises sur un même site puisse s’effectuer dans le respect des règles propres à chaque site.

Toutefois, il est aujourd’hui impossible aux entreprises qui envisagent de répondre à un appel d’offres ou à une proposition de changement de prestataire, en même temps que de respecter les conditions de travail et les rémunérations propres au site en question, d’étendre ces conditions à l’ensemble de leurs salariés employés sur les autres sites. En somme, on ne peut pas envisager que les conditions maintenues aux salariés d’un site par l’entreprise qui reprend celui-ci soient étendues aux salariés de tous les sites de cette entreprise.

C’est pourquoi nous proposons de préciser le régime juridique applicable lorsqu’un accord de branche étendu prévoit la poursuite des contrats de travail entre deux entreprises prestataires se succédant sur un même site.

J’attire votre attention sur le fait que 500 000 salariés de 43 000 entreprises sont concernés, essentiellement dans le secteur de la propreté. Préserver leur emploi et les conditions qui leur sont faites est un enjeu d’intérêt général !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cet amendement du Gouvernement vise à sécuriser les transferts conventionnels, fréquents, notamment dans le domaine de la propreté.

Je rappelle que certaines conventions collectives contiennent des stipulations obligeant l’entreprise qui remporte un nouveau contrat avec un client à reprendre l’ensemble des salariés de l’entreprise évincée, dès lors qu’ils travaillaient sur le site du client.

La Cour de cassation a toutefois considéré, le 15 janvier 2014, que les transferts conventionnels ne constituaient pas une raison objective et pertinente justifiant une différence de rémunération entre salariés. C’est toute la construction des transferts conventionnels qui risquait de s’écrouler.

C’est pourquoi l’article 95 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a prévu que, en cas de transfert conventionnel de salariés d’une entreprise vers une entreprise d’accueil à la suite de la perte d’un appel d’offres, les salariés de l’entreprise d’accueil employés sur d’autres sites ne sont pas fondés à invoquer les différences de rémunération résultant d’avantages obtenus avant le transfert.

Cette question, très technique, justifie l’extension du champ de l’habilitation demandée par le Gouvernement. La commission a donc émis un avis favorable sur l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Dans le temps, madame la ministre, il existait des fusions-absorptions d’entreprises. Pourquoi ne privilégie-t-on pas ce mécanisme, qui assure une meilleure protection aux salariés ?

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Madame la sénatrice, les fusions-absorptions existent toujours, mais il s’agit d’une situation tout à fait différente.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

En l’espèce, il s’agit d’appels d’offres relancés tous les ans ou tous les trois ans, notamment dans le secteur de la propreté. Il n’est donc pas question d’absorption : le transfert conventionnel permet aux salariés de l’entreprise évincée d’être repris par l’entreprise retenue, ce qui assure la préservation de l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Madame la ministre, je ne comprends pas pourquoi vous restreignez l’application de ce dispositif aux entreprises de nettoyage. En réalité, tous les marchés sont concernés, notamment ceux qui sont conclus par les collectivités territoriales, qui portent sur des montants extrêmement importants, non seulement dans le domaine du nettoyage, mais aussi dans ceux du transport collectif, de la restauration collective, de la santé ou de la collecte et du retraitement des ordures ménagères.

Par ailleurs, je ne crois pas avoir vu écrites les conditions dans lesquelles ce transfert a lieu pour les salariés : conservent-ils leur statut et les avantages antérieurs ? Madame la ministre, rassurez-moi sur ce point.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Je vous remercie, monsieur le sénateur, de m’inviter à apporter une importante précision.

Le secteur de la propreté n’est qu’un exemple. Je précise que le système du transfert conventionnel suppose une convention de branche. Aujourd’hui, trois secteurs sont concernés : celui de la propreté, donc, ainsi que ceux de la manutention ferroviaire et de la prévention-sécurité.

Demain, d’autres secteurs pourront l’être aussi, si d’autres accords de branche sont conclus.

Par ailleurs, il est bel et bien prévu que les salariés transférés gardent toutes leurs conditions, sauf si celles qui sont proposées par l’entreprise d’accueil sont plus avantageuses. En somme, ce dispositif évite non seulement la perte d’emplois, mais aussi le dumping social. Il faut donc l’encourager !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

J’appuie cet amendement qui, d’après les informations dont nous disposons, est très attendu par les fédérations professionnelles.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 247, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° De diminuer ou supprimer la durée d’ancienneté minimale, prévue à l’article L. 1234-9 du code du travail.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Je vous dois d’abord des excuses, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour n’avoir déposé qu’aujourd'hui, et de plus tardivement, cet amendement. Relatif aux indemnités légales de licenciement, il amendement est un fruit récent de la concertation. Ayant conscience que ce n’est pas tout à fait le cas normal, je m’efforcerai d’être d’autant plus convaincante dans l’argumentaire…

Aujourd’hui, l’article L. 1234-9 du code du travail prévoit que le salarié en contrat à durée indéterminée a droit à une indemnité légale de licenciement dès lors qu’il compte, depuis la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur.

Cette disposition exclut donc du bénéfice de l’indemnité de licenciement, quel que soit le niveau de celle-ci, une partie non négligeable des salariés, alors même qu’un licenciement marque toujours une rupture dans la vie professionnelle du salarié, qu’il intervienne au bout de quelques mois ou de plusieurs années. En outre, elle induit des effets de seuil très importants pour les salariés licenciés disposant d’un peu moins d’une année d’ancienneté.

Le présent amendement a pour objet de permettre au Gouvernement d’abaisser, voire de supprimer, la condition d’un an d’ancienneté nécessaire à l’ouverture de droits à l’indemnité de licenciement, étant entendu que l’ancienneté sera bien entendu toujours prise en compte pour le calcul du montant de l’indemnité : le salarié licencié au bout de trois mois ne percevra pas la même indemnité que celui licencié après un an. Il s’agit d’éviter le couperet à un an d’ancienneté en prenant en compte un certain nombre de situations dans lesquelles, actuellement, des salariés licenciés ne perçoivent pas d’indemnité légale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Madame la ministre, je ne peux que regretter le dépôt bien tardif de cet amendement, quelques minutes seulement avant son examen en séance. Vous aviez, il est vrai, annoncé votre intention à l’Assemblée nationale voilà deux semaines.

Sur le fond, l’amendement vise à permettre au Gouvernement de faire bénéficier de l’indemnité légale de licenciement des salariés ayant moins d’un an d’ancienneté. Il offre donc potentiellement de nouveaux droits aux salariés.

La commission n’a pas pu se réunir pour examiner cet amendement ; je m’en excuse auprès de ses membres. À titre personnel, j’émets un avis de sagesse positive, mais en demandant à Mme la ministre de veiller à ne pas alourdir excessivement les charges pesant sur les entreprises, surtout les petites, en augmentant de manière inappropriée le montant de l’indemnité légale par voie réglementaire.

Je lui demande aussi d’adopter une approche globale lorsqu’elle fixera les montants des barèmes obligatoires en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui sont cumulables avec les indemnités légales de licenciement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 129 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :

1° À l’intitulé, les mots : « dix refus ou plus » sont remplacés par les mots : « plusieurs refus » ;

2° À l’article L. 1233-25, les mots : « Lorsqu’au moins dix » sont remplacés par les mots : « Lorsque plusieurs ».

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Actuellement, les entreprises ne sont pas dans l’obligation de présenter un plan de sauvegarde de l’emploi lors de licenciements économiques effectués à la suite d’un refus de modification du contrat de travail quand le nombre d’emplois concernés est inférieur à dix dans la durée d’un mois.

Or, dans de nombreux cas, les entreprises contournent l’obligation, par exemple en jouant sur la durée de trente jours consécutifs ou en contraignant les salariés à refuser une modification substantielle de leur contrat de travail, ce qui les conduits à être licenciés. Pourtant, le plan de sauvegarde de l’emploi représente souvent l’unique possibilité pour les salariés de retrouver un emploi à la suite d’un licenciement économique.

C’est pourquoi nous proposons de remplacer les mots « dix salariés » par les mots « plusieurs salariés ». Ainsi, il deviendra beaucoup plus difficile de déguiser un licenciement économique de plus de dix salariés en le fractionnant en plusieurs licenciements de différents types et en l’étalant sur la durée.

Il incombe au législateur de veiller au respect de l’esprit de la loi, surtout quand celle-ci offre aux salariés une seule et unique possibilité de ne pas se retrouver dans des situations dramatiques comme il y en a trop souvent lors de licenciements.

La loi prévoit que les règles du licenciement collectif s’appliquent au-delà de dix-huit licenciements économiques sur une année civile et au-delà de dix licenciements sur une période de trois mois consécutifs. Notre amendement vise à abaisser ce seuil de dix refus au-delà duquel on entre dans le périmètre du licenciement économique.

Madame la ministre, vous venez enfin de présenter un amendement positif pour les salariés… J’espère que vous continuerez dans cette voie en émettant un avis favorable sur notre amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon, rapporteur. Pour les auteurs de l’amendement, le seuil de déclenchement d’un licenciement collectif doit être fixé à deux salariés. En effet, ma chère collègue, le mot « plusieurs », ici, signifie « à partir de deux ».

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

L’amendement est contraire à la directive du Conseil du 20 juillet 1998, qui fixe a minima un seuil de dix salariés ou de 10 % des effectifs. En outre, il est contraire à l’habilitation demandée par le Gouvernement à l’article 3.

C’est pourquoi la commission demande à ses auteurs de bien vouloir retirer leur amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement.

Celui-ci pose un problème de cohérence par rapport au droit actuel, dans la mesure où le seuil des dix salariés refusant la modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail est calqué sur le seuil des licenciements collectifs, dont le régime est prévu aux articles L. 1233-21 et suivants du code du travail, et qui prévoit le licenciement de dix salariés ou plus dans une même période de trente jours.

Le mot « plusieurs » figurait dans le code du travail jusqu’à la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. À cette époque, il a été abandonné au profit de la référence au nombre « dix » pour que les employeurs ne soient pas contraints de respecter la procédure de licenciement pour motifs économiques, dès lors qu’ils envisageraient de procéder à un nombre infime de licenciements.

Pour la bonne information du Sénat, je rappelle à ce sujet que la directive européenne va au-delà de ce seuil de dix salariés. Pour le moment, la France conserve ce seuil, quelle que soit la taille des entreprises, alors que la directive européenne le fait varier en fonction de leur importance.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 133 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 1235-10 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1235 -10. – Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciements dont le motif doit être conforme à l’article L. 1233-3 concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l’article L. 1233-61 et s’intégrant au plan de sauvegarde de l’emploi n’est pas présenté par l’employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.

« La réalité et le sérieux du motif économique sont appréciés au niveau de l’entreprise ou de l’unité économique et sociale ou du groupe.

« La validité du plan de sauvegarde de l’emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l’entreprise ou l’unité économique et sociale ou le groupe.

« Le respect des obligations en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que la nécessité d’informer le plus en amont possible les représentants du personnel doivent être également pris en compte.

« La nullité du licenciement peut être prononcée par le juge dès lors que l’information et la consultation ne revêtent pas un caractère loyal et sincère ou lorsqu’elles ne comprennent pas un effet utile lié à la consultation.

« Le premier alinéa n’est pas applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

La loi El Khomri, dont vous amplifiez les dispositions au travers de ce texte, a facilité les licenciements économiques.

En effet, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, les difficultés économiques d’une entreprise peuvent résulter soit d’une baisse de ses commandes ou de son chiffre d'affaires, soit de pertes d'exploitation, soit d’une dégradation de sa trésorerie. Le salarié devient donc clairement une variable d'ajustement.

Par ailleurs, le pouvoir d’appréciation du juge sur le fond du motif réel et sérieux d’un licenciement a été mis à mal. Pourtant, cette latitude laissée au juge est à l’origine d’une jurisprudence considérable qui, bien souvent, a contribué à la protection des salariés.

Puisque vous défendez un projet de loi qui entend promouvoir le dialogue social, madame la ministre, vous vous honoreriez de restaurer l’intervention du juge dans sa plénitude.

Avec cet amendement, le groupe CRC propose de donner la possibilité au juge d’intervenir sur le fond et non plus simplement sur la forme. Après avoir restauré de véritables motifs réels et sérieux de licenciement, nous précisons à cette fin que « la nullité du licenciement peut être prononcée par le juge dès lors que l’information et la consultation ne revêtent pas un caractère loyal et sincère ou lorsqu’elles ne comprennent pas un effet utile lié à la consultation. »

Vous l’avez compris, cet amendement s’inscrit dans la suite logique de l’amendement que j’ai défendu ici même hier, et qui visait à interdire les licenciements présentés comme économiques, alors qu’ils sont en réalité uniquement motivés par des intérêts particuliers, les intérêts exclusifs des actionnaires.

Tandis que certains se gavent de stock-options, de dividendes à la hausse, d’autres, les salariés, souffrent !

Dans une étude récente, l’INSEE relève que seuls 15 % des personnes qui sont jetées au chômage après un licenciement économique, une faillite ou une cessation d’activité ont retrouvé un emploi trois mois plus tard ; d’après la même étude, 37 % des personnes licenciées pour raisons économiques doivent accepter des baisses de salaire lorsqu’elles retrouvent un emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Sans revenir sur les travaux menés l’an dernier dans le cadre de la loi Travail, je tiens à redire à notre collègue Dominique Watrin que son amendement ne tient pas compte de la réforme du PSE, le plan de sauvegarde de l'emploi, qui a été conduite dans le cadre de la loi relative à la sécurisation de l'emploi en 2013.

Le législateur avait alors fait le pari de confier aux syndicats et aux employeurs le soin de fixer le contenu du PSE. Les résultats sont très positifs, puisque deux tiers des PSE dans les entreprises in bonis sont définis par accord majoritaire, contre un tiers de PSE décidés unilatéralement par l’employeur.

La commission est naturellement défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Cet amendement créerait plus de difficultés qu’il n’en réglerait.

M. le rapporteur a rappelé la réforme menée en 2013 : le fait d’attribuer aux partenaires sociaux le pouvoir d’intervenir sur les PSE a contribué à faire baisser le nombre de contentieux. Grâce à cette clarification, le dispositif est aujourd'hui beaucoup plus simple.

Monsieur le sénateur, votre amendement vise à récrire l’article L. 1235-10 du code du travail. Il tend à sanctionner de nullité un licenciement en cas d’absence de décision d’une direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la concernant la validation ou l’homologation d’un PSE, en cas de décision négative de validation ou d’homologation émise par cette même DIRECCTE, ou en cas d’annulation par le juge administratif d’une décision de validation ou d’homologation du fait de l’insuffisance d’un PSE. Ces dispositions ne s’appliqueraient pas aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire.

En outre, et en dehors de toute considération de nullité, vous mélangez plusieurs notions, notamment le régime du licenciement économique, avec des éléments de définition du motif économique.

Sans chercher à être exhaustive, j’ajoute que votre amendement aurait pour effet de cantonner la nullité d’un licenciement à la seule hypothèse d’une absence de présentation par l’employeur d’un plan de reclassement des salariés aux IRP, alors que le dispositif de l’article tel qu’il est rédigé est plus large.

Je vous prie de m’excuser d’être un peu technique, mais tout cela est compliqué.

Vous introduisez également des critères de définition du motif économique qui figurent aujourd'hui à l’article L. 1233-3 et non à l’article L. 1235-10 du code du travail, si bien que vous laissez un libre choix du périmètre d’appréciation qui est très insécurisant pour les parties.

Enfin, vous évoquez, mais trop vaguement, le périmètre à prendre en considération pour apprécier les moyens du PSE, alors qu’il est clairement défini. En effet, le PSE est apprécié au regard des moyens dont disposent les entreprises. Si l’entreprise appartient à un groupe, le PSE est apprécié au regard des moyens du groupe, tel qu’il est défini à l’article L. 233-1 du code de commerce.

Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, votre amendement apporterait plus de confusion que de clarté dans un domaine qui a été simplifié et sécurisé ces dernières années. Le Gouvernement y est donc défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix l'article 3, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 137 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 132, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

1° L’article L. 2323-3 le code du travail est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il peut également élaborer des propositions complémentaires ou alternatives aux projets de l’employeur. » ;

b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’employeur est tenu de prendre en considération avis, vœux et propositions après les avoir mis à l’étude et en débat. Il rend compte, en la motivant, de la suite donnée aux avis, vœux et propositions. » ;

2° L’article L. 2323-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités de recours aux contrats de travail à durée déterminée et aux salariés des entreprises de travail temporaire font l’objet d’une consultation annuelle du comité d’entreprise et d’un avis conforme. Les contrats ne peuvent être conclus que s’ils respectent les modalités de recours ayant reçu l’avis conforme du comité d’entreprise, qui peut saisir l’inspecteur du travail. »

La parole est à M. Christian Favier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Avec cet amendement, nous vous proposons de renforcer les droits des comités d’entreprise dans notre code du travail.

Pour rappel, aujourd’hui, toute entreprise d’au moins cinquante salariés doit mettre en place un comité d’entreprise, composé de représentants du personnel et de représentants syndicaux, et présidé par l’employeur.

Ces comités d’entreprise disposent d’ores et déjà d’attributions économiques, sociales et culturelles. Comme le prévoit le premier alinéa de l’article L. 2323-3 du code du travail, il peut, par exemple, émettre des avis et des vœux, mais uniquement « dans l’exercice de ses attributions consultatives », c’est-à-dire qu’il peut formuler des propositions en lien avec les projets de l’employeur.

Nous suggérons que les comités d’entreprise puissent véritablement devenir force de propositions au sein de leur entreprise en leur permettant d’élaborer des propositions complémentaires ou alternatives aux projets de l’employeur. Nous suggérons également que ces propositions soient sérieusement considérées, mises à l’étude et en débat par l’employeur. Cela permettrait aux représentants du personnel et aux représentants syndicaux de se constituer en pouvoir de contre-proposition effectif, au besoin. Il s’agirait là d’une évolution indéniable dans la prise en compte des salariés, et d’une évolution positive pour toutes les parties prenantes.

En parallèle, nous proposons un renforcement des pouvoirs du comité d’entreprise en cas de recours par l’entreprise à des formes précaires de contrat de travail. L’avis conforme du comité d’entreprise serait requis, afin de prévenir de manière efficace le développement de contrats atypiques au sein du collectif de travail, ce qui apparaît d’autant plus nécessaire que nous sommes dans un monde où tous les types de contrats tendent à se précariser.

Ce renforcement des pouvoirs des comités d’entreprise nous semble indispensable à la lecture de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cet amendement vise à donner de nouveaux pouvoirs aux comités d’entreprise. Aujourd'hui, nous le savons, le comité d’entreprise est pour l’essentiel un organisme qui doit être informé et consulté par l’employeur sur la marche de l’entreprise.

Si nous adoptions l’amendement de notre collègue Christian Favier, il pourrait à l’avenir formuler des propositions complémentaires ou alternatives au projet de l’employeur. Ce serait une évolution majeure de notre droit, dont nous ne mesurons pas toutes les conséquences, et qui doit être conciliée avec le pouvoir de direction de l’employeur.

En tout état de cause, cet amendement empiète sur l’habilitation demandée par le Gouvernement à l’article 2, qui vise à créer une instance unique. La commission y est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement.

Dans le cadre du projet de loi d’habilitation, nous proposons déjà la mise en place d’un comité social et économique qui réunira les trois instances d’information et de consultation actuelles.

Monsieur le sénateur, vous souhaitez d’aller au-delà du rôle d’information et de consultation des comités d’entreprise. Ce serait une réforme majeure, qui ne peut s’envisager sans une réflexion d’ensemble et l’analyse de toutes ses incidences.

Dans le présent projet de loi, nous prévoyons également que l’employeur et les organisations syndicales puissent décider, après accord majoritaire d’entreprise, de mettre en place un conseil d’entreprise dont l’avis conforme serait en revanche requis sur des sujets convenus de concert, dans la logique de ce que vous suggérez.

Un dispositif fondé sur le volontariat a donc été voté hier. Une telle piste pourra être creusée dans le futur sous la forme de cet accord majoritaire d’entreprise. Il s’agit d’une révolution largement suffisante pour expérimenter un vrai dialogue social et constructif sur ces sujets-là, dialogue dont je me réjouis qu’il soit souhaité de tous.

L'amendement n'est pas adopté.

(Non modifié)

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de favoriser le développement de la négociation collective pour les salariés et employeurs de droit privé et de sécuriser les accords collectifs en :

1° Complétant les règles d’extension des accords collectifs afin d’améliorer et de sécuriser juridiquement le dispositif d’extension, en précisant les conditions dans lesquelles les organisations d’employeurs peuvent faire valoir leur opposition à une extension ainsi que les pouvoirs du ministre chargé du travail en matière d’extension ;

2° Définissant les conditions dans lesquelles tout ou partie des stipulations d’une convention ou d’un accord étendu peuvent être élargies aux entreprises, le cas échéant sous condition de seuil d’effectifs, relevant d’une branche d’activité ou d’un secteur territorial déterminé et se trouvant dans l’impossibilité de conclure une convention ou un accord ;

3° Tirant les conséquences des regroupements opérés entre les organisations professionnelles d’employeurs en procédant à la redéfinition des secteurs relevant du niveau national et multi-professionnel ;

4° Adaptant les modalités de fonctionnement du fonds paritaire prévu à l’article L. 2135-9 du code du travail et de versement des crédits par ce fonds aux organisations syndicales de salariés et aux organisations professionnelles d’employeurs pour permettre de tirer les conséquences, d’une part, des mesures de l’audience syndicale et patronale et, d’autre part, des opérations de restructuration des branches.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Contrairement à ce que certains avancent, l’article 4 n’est pas seulement un article technique. D’ailleurs, sous couvert de technicité, on pourrait vouloir passer rapidement sur cet article.

Or la procédure d’extension permet à notre pays d’avoir le pourcentage de salariés protégés par un accord de branche le plus élevé au monde. Jusqu’à présent, cette procédure donne au ministère du travail la possibilité d’étendre les accords de branche. Ainsi, cette extension a force de loi et s’applique à l’ensemble des salariés du secteur, y compris celles et ceux dont les entreprises ne sont pas adhérentes aux branches.

Il s’agit d’une procédure importante pour les salariés des TPE et PME qui n’ont pas de représentants syndicaux, comme cela peut être le cas, en particulier, pour les employés du secteur des services à domicile, dont on connaît les conditions précaires et flexibles de travail.

Depuis la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale de 2014, une ou plusieurs organisations patronales, dont les entreprises adhérentes emploient plus de 50 % des salariés des entreprises affiliées, peuvent déjà s’opposer à un accord de branche.

Ouvrir la possibilité de s’opposer encore davantage à l’extension et l’élargissement des accords de branche, ainsi qu’au pouvoir de la ministre, comme le laisse entrevoir cet article, priverait de très nombreux salariés des petites entreprises du bénéfice des accords signés par les branches.

En effet, la procédure d’extension, créée grâce à la mobilisation de 1936, permet de se servir de l’accord collectif comme d’un moyen d’uniformiser les conditions sociales de la concurrence et de rendre ce rôle effectif pour la branche.

Madame la ministre, vous nous dites que vous voulez prendre en compte les objectifs de la politique économique et sociale. Mais, dans les faits, ce sont principalement les accords de branche sur les salaires qui ont permis aux salaires de continuer à augmenter en France malgré la crise. Et vous voulez les faire voler en éclats !

Ce n’est pas en créant de nouveaux droits pour les salariés que vous porterez atteinte à la compétitivité des entreprises françaises. Bien au contraire, cela permettrait d’améliorer leur rentabilité, même si vous le réfutez malheureusement ! Il faut dire que la création de nouveaux droits pour les salariés n’est pas du goût du MEDEF. C’est sans doute la raison de votre positionnement !

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Je vais évidemment émettre une opinion assez différente.

L’article 4 aborde la question de l’extension et de l’élargissement des accords. Aussi me semble-t-il utile, au nom de ma collègue Élisabeth Lamure, de rappeler les conclusions de l’étude que la délégation aux entreprises a fait réaliser l’an dernier par l’institut allemand IFO pour comparer les pouvoirs et la représentativité des représentants de salariés dans l’entreprise en France et en Allemagne.

Cette étude montre notamment les incidences économiques de l’organisation du dialogue social. L’IFO indique qu’en France, l’extension quasi automatique des accords collectifs par l’État et par le ministre du travail, donc, aboutit à un taux de couverture de la négociation collective de 98 %, soit un chiffre bien plus élevé que le taux de salariés travaillant dans des entreprises membres d’une organisation patronale.

En Allemagne, ces deux taux sont équivalents et s’établissent autour de 57 %. Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, ce taux de couverture des conventions collectives est seulement de 23 %, la procédure de l’extension y étant plutôt rare.

L’IFO est très critique à l’égard de l’extension à la française, tant en termes d’effets sur le chômage, puisqu’elle renforce la dualité du marché du travail, que d’effets sur la concurrence. D’ailleurs, je rappelle que le Conseil d’État a déjà censuré l’extension de stipulations portant une atteinte excessive au principe de la libre concurrence.

Analysant les propositions du rapport Combrexelle, l’IFO a même suggéré de supprimer l’extension des accords de branche par le ministre du travail, afin de stimuler la concurrence et d’encourager la création d’emplois.

Les petites entreprises nous le confirment : elles ont besoin de plus de marges de manœuvre. Elles souhaitent notamment pouvoir conclure des accords d’entreprise, même en l’absence des délégués syndicaux : c’est la deuxième priorité mise en avant par les chefs d’entreprise que nous avons rencontrés sur le terrain, quand nous les avons sondés au printemps 2016 sur les réformes à mener en matière de droit du travail.

C’est pour prendre en compte la situation des plus petites entreprises que nous avons adopté un amendement lors de l’examen du projet de loi Travail au Sénat, lequel rend obligatoire l’adaptation des accords de branche pour les entreprises de moins de cinquante salariés.

Je le répète, il faut favoriser la prise en compte des contraintes des petites entreprises, quels que soient leur activité et leur secteur territorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

M. Jean-Louis Tourenne. Comme vient de le dire Laurence Cohen, l’article 4 n’est pas seulement technique, malgré les apparences. Pour citer l’un des écrivains les mieux classés au hit-parade de cette assemblée, et qui sert d’étalon en matière d’oxymore, je veux parler de Victor Hugo, c’est véritablement d’une « obscure clarté » !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Les troisième, quatrième et cinquième alinéas ne me semblent pas poser de problème majeur.

Le quatrième alinéa tire les conséquences des nouvelles dispositions en matière de représentation patronale à la suite de la loi de 2008 et du regroupement d’organisations dans l'U2P, l’Union des entreprises de proximité.

Le cinquième alinéa se situe dans la même perspective quant au fonctionnement et au financement du fonds paritaire. Il appartient aux organisations représentatives de régler ces questions.

Le troisième alinéa traite de l’élargissement d’un accord collectif, procédure qui permet au ministre du travail de rendre obligatoires, dans un secteur géographique ou professionnel qui n’a pas conclu un accord de branche depuis au moins cinq ans, les stipulations d’une convention de branche déjà étendue dans un secteur analogue. Cette disposition est en rapport avec le regroupement et la réorganisation des branches qui sont en cours. Elle est intéressante pour les petites entreprises qui pourront ainsi être couvertes par un accord.

En revanche, l’alinéa 2 vise à améliorer et sécuriser juridiquement l’extension des accords collectifs en précisant les conditions dans lesquelles les organisations représentatives d’employeurs peuvent s’y opposer et en réaffirmant les pouvoirs du ministre, ce qui concrètement pose question.

C’est la loi du 5 mars 2014 qui, en fixant les règles de représentativité des organisations patronales, a créé un mécanisme d’opposition à l’extension d’un accord de branche sur leur initiative. Dans ces conditions, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer ce que vous entendez exactement par « améliorer et sécuriser juridiquement le dispositif d’extension », ainsi que vos pouvoirs en la matière ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 57 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 84 rectifié est présenté par Mmes Yonnet, Lienemann et Jourda, M. Labazée, Mme Monier et M. Manable.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 57.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Quel est l’objet de cet article 4 ? Il organise tout simplement la suppression du principe d’extension, c’est-à-dire la possibilité d’étendre le bénéfice d’un accord collectif à l’ensemble d’une branche professionnelle.

C’est pourtant grâce à ce principe que les salariés français sont parmi les salariés européens les mieux couverts au niveau de la branche. C’est aussi ce principe qui sert à lutter contre le dumping social puisque, quelle que soit l’entreprise dans laquelle il est employé, un travailleur de la métallurgie sera protégé à un niveau équivalent. Il n’y aura donc pas de course à l’abaissement des conditions de travail dans ce secteur d’activité. C’est cet acquis du Front populaire qui a contribué à l’uniformisation actuelle des conditions sociales des travailleurs d’une même branche.

Par ailleurs, et en totale contradiction avec ce que j’évoquais précédemment, l’article prévoit la possibilité d’une extension extra-branche. En résumé, une entreprise ne serait plus obligée d’appliquer l’accord de sa branche et pourrait appliquer l’accord d’une autre branche. On autorise ainsi les entreprises à appliquer les accords qui penchent vers le moins-disant. Une entreprise de la métallurgie qui n’arriverait pas à signer d’accord de baisse des rémunérations pourrait appliquer l’accord de la branche Syntec, qui couvre les sous-traitants avec un niveau de protection plus faible.

Cet article nous paraît dangereux, raison pour laquelle nous proposons de le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour présenter l'amendement n° 84 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Mon amendement vise à supprimer l’article 4, qui prévoit de limiter l’extension des accords collectifs au sein de l’entreprise.

En effet, il est de mon avis qu’une telle mesure contraindra et musellera le dialogue social au sein des entreprises. L’adoption de ces réformes en procédure accélérée et par ordonnances ne me semble pas judicieuse si l’on souhaite réellement renforcer le dialogue social.

Alors que la majorité des effets de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ne sont pas encore évalués, il paraît peu opportun de modifier les règles qui exonéreraient certaines entreprises d’accords collectifs ou de conventions collectives.

Madame la ministre, votre volonté d’introduire davantage de souplesse dans le code du travail et davantage de libéralisme sur le marché du travail risquerait d’amplifier le dumping social à l’intérieur de notre territoire. Nos économies ont déjà suffisamment souffert et continuent suffisamment de souffrir de la concurrence déloyale en partie causée par les exigences de la mondialisation pour que, nous représentants de la Nation, n’amplifiions pas nous-mêmes ce phénomène !

Je tiens par ailleurs à rappeler la position émise fin mai par la Commission européenne : celle-ci ne plaide pas pour que la France mène plus loin la réforme du code du travail. Elle ne recommande pas non plus une libéralisation du marché du travail par la refonte du code du travail. Nul besoin donc d’aller plus loin en détricotant encore davantage les relations sociales ! Le silence de Bruxelles, qui ne s’oppose pas au projet présidentiel, sous-entend que ce projet de loi n’apportera rien à la croissance de la France ni à la compétitivité des entreprises tricolores.

Dans cette mesure, je ne peux que demander la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Les auteurs des amendements n° 57 et 84 rectifié ont manifestement mal interprété cet article 4. En effet, celui-ci ne permet en aucun cas à une entreprise de s’émanciper d’une convention de branche étendue et n’a absolument pas pour effet de favoriser le dumping social.

La commission est donc défavorable à ces amendements.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

En effet, il n’est pas question de supprimer les obligations en vigueur dans le cadre d’accords étendus. En revanche, je conçois parfaitement que la rédaction de l’article puisse paraître un peu complexe, dans la mesure où l’on traite de quatre sujets différents.

Je vais revenir un instant sur ces différentes dispositions pour examiner en toute clarté de quoi nous parlons, ce qui était d’ailleurs un peu le sens de votre question, monsieur Tourenne.

S’agissant du 1° de l’article, le Gouvernement souhaite codifier la jurisprudence du Conseil d’État pour préciser les pouvoirs du ministre du travail en matière d’extension. Le Conseil d’État autorise et même impose dans certains cas au ministère de prendre en compte une atteinte excessive à la concurrence et à l’intérêt des tierces parties à l’accord. Par exemple, dans le secteur de l’assainissement et de l’eau, un arrêté d’extension a été annulé sur ce motif.

Il s’agit ici de faire respecter les règles de la concurrence entre entreprises et les conséquences de certains avis d’extension. Comme nous le demande le Conseil d’État, nous souhaitons renforcer la prise en compte des besoins des petites entreprises, fil rouge de cette réforme, et de l’impact des accords de branche étendus en termes d’emplois.

Pour ce faire, nous pensons qu’il ne faut pas s’en tenir à l’appréciation du ministre. Nous allons donc regarder comment le ministre du travail, c’est-à-dire moi ou mes successeurs, pourra recourir à des avis d’experts pour prendre des décisions pertinentes et éclairées, tenant compte des besoins des petites entreprises, de l’impact en matière d’emploi et de l’intérêt de l’extension.

Il faut mesurer les conséquences de ces extensions et mettre en place un véritable processus qui permette de les mesurer de façon équilibrée et réaliste. Encore une fois, l’intérêt de ces extensions peut être assez différent d’un secteur d’activité à l’autre, car la situation est tout à fait différente selon les secteurs, que ce soit en matière de concurrence ou dans les rapports qu’entretiennent petites et grandes entreprises entre elles.

Le 2° vise à permettre l’élargissement partiel, à l’image de ce que nous venons de discuter, par exemple, sur les forfaits jours. Aujourd'hui, l’élargissement est total ou inexistant. Or de mon point de vue, cela peut faire sens qu’il soit partiel et ne concerne qu’un thème donné.

Le 3° porte sur la clarification et la redéfinition des secteurs relevant du niveau national et multi-professionnel. Ces évolutions sont absolument nécessaires dans la mesure où depuis le regroupement de plusieurs représentations patronales pour former l’U2P les professions libérales relèvent dorénavant de l’interprofessionnel.

Le 4°, enfin, vise à adapter les modalités de fonctionnement du fonds pour le financement du dialogue social, dont l’AGFPN, l’association de gestion du fonds paritaire national, a la charge.

Des discussions ont récemment eu lieu au sein du conseil d’administration de cette structure. Celle-ci nous demande un certain nombre d’évolutions pour éviter certaines procédures qui, à l’expérience, se révèlent relativement lourdes et complexes, sans apporter aucune valeur ajoutée aux entreprises et aux salariés. Cet alinéa a donc pour objet de répondre à la demande paritaire émanant de l’AGFPN, pour un meilleur fonctionnement du dispositif.

Tel est le contenu de cet article 4, mesdames, messieurs les sénateurs. Cela fait beaucoup, je le conçois, et j’espère que mes explications ont été suffisamment claires pour que vous puissiez, en toute connaissance de cause, rejeter ces amendements et adopter l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

J’avoue ne pas avoir toujours saisi la différence, du point de vue administratif, entre extension et élargissement : dans un dictionnaire, les deux termes ne seraient pas loin d’avoir la même signification… En tout cas, vous venez de m’éclairer sur la question, madame la ministre.

En revanche, j’observe tout de même une particularité française : alors que nous comptons 4 % de représentants syndicaux – un niveau tout de même très faible, surtout lorsqu’on le compare au niveau européen –, notre couverture conventionnelle atteint 100 % ! Comment tout cela s’articule-t-il ?

Du fait d’une extension administrative, je l’ai bien compris, toutes les entreprises de la branche peuvent être concernées par un accord conventionnel. Mais, très souvent, les accords de branche sont négociés avec les représentants des grandes entreprises, et non avec ceux des petites entreprises. Nous en avons parlé toute la journée d’hier, ainsi que celle d’avant-hier.

Ces petites entreprises, qui n’ont pas été représentées durant la négociation, peuvent connaître des situations économiques très différentes de celles des grandes entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Vous auriez pu le dire voilà un an et demi !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il faut se plonger dans tous ces éléments pour bien comprendre les options retenues par le Gouvernement !

M. Savary a évoqué, ce matin, je crois, les entreprises en croissance. Appliquer, à ces entreprises qui doivent avoir toute capacité à se développer, un accord de branche négocié sans elles et ne correspondant pas du tout, par définition, à leurs besoins de développement économique, c’est leur faire entrave !

Je comprends donc que le Gouvernement veuille regarder de près cette question, à laquelle, d’ailleurs, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, a consacré un rapport.

Il est souhaitable, avant de procéder à une extension d’origine administrative, de pouvoir en mesurer, de manière indépendante, les coûts et les avantages pour arbitrer en bonne et due forme, mais aussi d’apprécier la représentativité des organisations, notamment patronales, ayant participé aux négociations, afin de s’assurer que toutes les entreprises ont bien été représentées.

De telles dispositions favoriseront les petites entreprises, particulièrement celles qui naissent et ont des difficultés à grandir dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Je vous remercie de vos réponses, madame la ministre. Cependant elles sont d’une grande technicité, et je ne parviens pas à les analyser sur un plan politique.

Si j’ai bien compris, cet article tendrait à instaurer une sorte de tutelle de l’État à l’égard des petites entreprises, puisque celui-ci déciderait des seuils d’effectifs ou encore des branches susceptibles de se rapprocher.

Mme la ministre proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Madame la ministre, avec tout le respect que je vous porte, permettez-moi de dire que vous nous donnez des réponses techniques, qui sont de votre niveau, mais qui, pour ma part, ne m’éclairent absolument pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Soutenant la ministre dans son projet, je ne voterai pas ces amendements de suppression.

Il faut permettre aux entreprises de s’opposer à l’extension d’un accord, si elles ne souhaitent pas être soumises à celui-ci.

Le périmètre de la branche peut être utile, mais uniquement à la condition que les entreprises adhèrent pleinement aux conventions qui y sont négociées. Le seul périmètre à prendre en compte doit être celui des entreprises. C’est à cet échelon que tout se joue.

La philosophie des habilitations que nous examinons est bien de donner plus de liberté aux entreprises, à travers les définitions des règles qui leur sont applicables.

C’est pourquoi je soutiens pleinement l’article 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les remarques du président-rapporteur, ainsi que l’intervention de Mme la ministre sur ces amendements de suppression de l’article 4.

On peut comprendre les interrogations de ceux de nos collègues qui les ont cosignés. Tout comme les autres articles de ce projet de loi, l’article 4 est complexe. Certains ont évoqué sa technicité.

Les interventions de nos collègues de la délégation sénatoriale aux entreprises, Mme Lamure, sa présidente, et Mme Primas, ont elles aussi étaient éclairantes.

Dans nos départements, nous rencontrons régulièrement des chefs d’entreprise, notamment de petites entreprises, dont les attentes sont légitimes.

À un moment donné, il faut faire confiance aux pouvoirs publics, ce qui n’empêche pas d’être vigilants.

J’irai pour ma part dans le sens de l’avis de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je voterai les amendements de suppression pour une raison simple.

Hier, nous avons eu un débat sur l’importance que revêt en France l’extension des conventions collectives. Ce mécanisme garantit qu’une convention collective, une fois signée, bénéficie à tous les salariés de la branche, contrairement à ce qui se produit dans certains pays, où seuls les signataires d’un accord en bénéficient.

Réduire le champ de l’extension des conventions collectives présente un grand risque.

Le principe, déjà, c’est de réduire ce qui relève de l’ordre public social, c'est-à-dire de la loi, en sollicitant davantage les branches, mais aussi les entreprises. Si ayant réduit la part de la loi, on limite maintenant la capacité d’extension des conventions collectives, on favorise l’individualisation, par entreprise, secteur ou sous-branche, du droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Comme je l’expliquais, la crise de l’égalité est un phénomène fondamental dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

On vient nous expliquer que les branches ne sont pas toujours compétentes pour négocier, qu’elles pourraient ne pas tenir compte des petites entreprises dans leurs négociations et que l’on saurait mieux qu’elles comment prendre en considération les besoins des petites, comme des grandes entreprises.

Vous nous parlez de confiance, madame la ministre. Faites confiance aux branches : une fois que les négociations ont abouti, confiance et extension de la convention collective !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Vous avez, me semble-t-il, la confiance à géométrie variable !

Vous optez pour l’hyper fragmentation afin de permettre aux entreprises de jouer de la différenciation. À terme, cela comporte des risques de dumping social. Il ne faut surtout pas réduire le champ et les mécanismes d’extension des conventions collectives !

Derrière la technicité, on camoufle une orientation de plus en plus forte vers un droit social à la carte !

Ce n’est ni le projet porté par la République ni conforme à l’histoire de notre modèle social, qui n’a en rien été un handicap pour le développement de notre pays. Le « déclinisme », cela commence à bien faire ! Nous sommes tout de même la cinquième puissance économique du monde. Nous ne sommes pas au bord du gouffre. Certes, il y a des problèmes, mais ce n’est pas en choisissant la régression sociale que nous les résoudrons !

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Je reprends la parole, car, manifestement, je n’ai pas été suffisamment claire dans ma tentative de pédagogie.

Le principe de l’extension est le suivant : depuis 1936, le ministre du travail, après consultation de la Commission nationale de la négociation collective, la CNNC, a le pouvoir d’étendre ou pas – il ne le fait pas toujours – un accord de branche à l’ensemble des entreprises du champ concerné, qu’elles soient ou non adhérentes. En France, la question de l’adhésion ne se pose pas.

Le Gouvernement n’a aucune intention d’accroître son contrôle sur un dispositif qui, depuis 1936, est déjà aux mains du ministre. Mais nous considérons avec attention ce que dit le Conseil d’État, lequel a déjà rejeté certains arrêtés ministériels au motif que l’accord était étendu de manière automatique, sans considération d’une éventuelle atteinte excessive à la concurrence et de l’intérêt des parties à l’accord. Il s’interrogeait donc sur les impacts de l’extension.

Notre souhait est de renforcer le processus, tout en continuant, bien évidemment, à consulter les partenaires sociaux dans le cadre de la CNNC.

Par ailleurs, cela a été évoqué, nous allons demander de plus en plus aux branches de prendre en compte la situation des PME et des TPE. Tout cela va dans le même sens !

En attendant que l’ensemble de ce mécanisme soit parfaitement huilé, il importe d’écouter le Conseil d’État, faute de quoi celui-ci risque, de toute façon, de casser un certain nombre d’arrêtés ministériels, considérant que l’atteinte excessive à la concurrence, évoquée sur certaines travées de l’hémicycle, n’a pas été prise en compte.

En procédant de la sorte, nous pourrons continuer à consulter les partenaires sociaux, tout en recueillant l’avis d’experts – avis qui intéresseront les partenaires sociaux eux-mêmes – sur les conséquences d’un éventuel arrêté d’extension du ministre.

Tout cela interviendra en amont de la décision, qui sera prise dans les mêmes conditions que par le passé, c'est-à-dire après avis de la CNNC.

Nous devons veiller à tenir compte des conséquences éventuelles d’une extension au regard de la concurrence, de l’emploi ou de la situation des TPE et PME. C’est un devoir, dirai-je, de transparence, de pédagogie et d’enrichissement d’une décision publique vieille de plusieurs décennies et que nous ne remettons pas en cause.

Il faut éclairer et la CNNC, et le ministre chargé de prendre la décision, sur les conséquences de cette dernière. C’est ce que demande le Conseil d’État, et ce que nous proposons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

J’interviendrai en complément de Mme Marie-Noëlle Lienemann, que j’ai parfaitement comprise ! Tout cela peut en effet aboutir à une individualisation du droit et au renforcement des entreprises au détriment des branches.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame la ministre, vous êtes très forte !

Personne ne voyait Emmanuel Macron gagner l’élection présidentielle. Puis personne n’a vu venir les ministres du nouveau gouvernement non plus que les plus de 300 députés d’En Marche à l’Assemblée nationale, dont certains n’étaient d’ailleurs visiblement pas préparés à leurs nouvelles fonctions. Cela étant, nous ne nous attendions pas non plus à leur élection !

Tout cela arrive très vite, et pourtant vous avancez un programme hypercostaud jusque dans les détails. Je me pose la question : d’où vient ce programme ?

Et d’où vient cette expérience ? Ce n’est pas l’expérience syndicale… Peut-être l’expérience de DRH ? Le niveau d’empathie n’est en tout cas manifestement pas le même envers les cadres et envers les salariés qui souffrent le plus !

On va me dire que le projet était dans les cartons du ministère du travail… Je croyais pourtant que tout était réglé avec la loi El Khomri, mais, visiblement, non !

Nos collègues de la majorité sénatoriale n’hésitent d’ailleurs pas à en rajouter. C’est le Toujours plus ! de François de Closets. Mais, qu’ils cherchent à grignoter davantage est de toute façon une constante et eux au moins avaient un programme, même si François Fillon a été empêché de le porter jusqu’au bout…

Mais d’où les gens autour d’Emmanuel Macron tirent-ils leur programme ? En plus, ils procèdent à toute vitesse par ordonnances. Il faut croire que ça urgeait !

Jusqu’à présent, on a débattu de choses dont on pouvait dire que c’était le programme présidentiel, mais pas là, madame la ministre ! Comme vous l’avez dit, vous avez la main sur les extensions et donc le temps de réfléchir. Qu’avez-vous besoin de prévoir de passer par une ordonnance maintenant ?

Si vous agissez de la sorte, c’est qu’il y a un loup, et ce loup, Mme Marie-Noëlle Lienemann l’a débusqué tout à l’heure !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix les amendements identiques n° 57 et 84 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 138 :

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 225, présenté par MM. Vanlerenberghe et Cadic, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

de droit privé

par les mots :

mentionnés à l'article L. 2211–1 du code du travail

La parole est à M. Olivier Cadic.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Cet amendement – rédactionnel ou de précision, selon les observateurs – reprend une proposition que nous avons déjà avancée aux trois précédents articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement, tout comme l’amendement n° 199 présenté à l’article 2, est plus que rédactionnel, et M. Olivier Cadic le sait.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

L’extension du champ de l’article 4 aux établissements publics à caractère industriel et commercial ainsi qu’aux établissements publics à caractère administratif se justifie moins que dans le cas de l’amendement n° 199 précité. Nous traitons effectivement ici de l’extension et de l’élargissement des accords de branche, ou encore de la représentativité nationale et multi-professionnelle, qui ne concernent pas directement ces établissements.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Nous devons être cohérents. Sur plusieurs points, nous avons décidé que tous les salariés de droit privé seraient couverts par l’ensemble des dispositifs que nous votons. On me confirme de plus qu’il s’agit bien d’une simple précision.

En ce sens, mon avis sera favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

La proposition ayant déjà été adoptée trois fois, nous pouvons parler d’un amendement de cohérence. Je le maintiens et demande à mes collègues de bien vouloir le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix l'amendement n° 225.

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

L'article 4 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.

(Non modifié)

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi pour :

1° Modifier, à des fins de simplification, de sécurisation juridique et de prévention, les règles de prise en compte de la pénibilité au travail, en adaptant les facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail, les obligations de déclaration de ceux-ci, les conditions d’appréciation de l’exposition à certains de ces facteurs, les modes de prévention, les modalités de compensation de la pénibilité ainsi que les modalités de financement des dispositifs correspondants ;

2° Modifier la législation applicable en matière de détachement des travailleurs, en l’adaptant aux spécificités et contraintes de certaines catégories de travailleurs transfrontaliers, notamment en ce qui concerne les obligations incombant aux employeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Je considère que la philosophie même du compte pénibilité risque d'être profondément modifiée par cet article. En effet, pour quatre des dix critères, c’est un retour en arrière, avec une vision médicalisée a posteriori et restrictive de la pénibilité, bref le contraire d’une politique de prévention pour des personnes qui manipulent des charges lourdes, subissent des postures pénibles, des vibrations mécaniques, ou sont exposées à des risques chimiques.

On nous dit que c’est l’expertise médicale qui décidera si elles doivent rester à leur poste. Or obtenir la reconnaissance d’un taux d’incapacité de 10 % s’assimile souvent à un parcours du combattant.

Quant aux autres, elles partiront en bonne santé à la retraite – du moins le croient-elles –, mais elles seront rattrapées quelque temps plus tard par le déclenchement d’une maladie.

Donc, pas de prévention et pas davantage de réparation : c’est la double peine pour certains travailleurs qui ont le nombre d’années d’incapacité le plus élevé et l’espérance de vie la plus courte.

Revenir sur ces critères, c’est aller à l’encontre d’un principe de justice et de lutte contre les inégalités. Car, rappelons-le, les inégalités de santé se constituent principalement dans le monde professionnel.

Vous proposez même de modifier l’intitulé de la réforme en effaçant le mot « pénibilité », ce qui pourrait signifier : « Cachez donc ces conditions de travail que nous ne saurions voir ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

M. Roland Courteau. Il semblerait que certains considèrent que l’emploi du mot « pénibilité » induit que le travail serait une souffrance. Bien sûr qu’il l’est, pour des centaines de milliers de Français, et c’est ignorer bien des choses que d’ignorer cela ! En effet, le nombre des maladies professionnelles augmente de 4 % par an. Que l’espérance de vie d’une ouvrière ou d’un ouvrier soit inférieure de six années à celle d’un cadre, est-ce un signe de bien-être au travail ou est-ce un signe de pénibilité ? S’il vous plaît, nommons les choses telles qu’elles sont, sans occulter de tristes réalités ! Le psychanalyste Jacques Lacan avait raison d'écrire que ce qui n’est pas nommé n’existe pas. Nommons ces choses-là, car elles existent, et n’en ayons pas honte !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Madame la ministre, cet article traite du compte pénibilité, que vous souhaitez supprimer pour lui substituer un compte professionnel de prévention.

Sous prétexte de simplification pour les entreprises, vous poursuivez le recul des droits acquis engagé durant le précédent quinquennat.

Madame la ministre, pensez-vous qu’il n’a pas été difficile de mettre en place la loi de 1936 ? Le législateur de l’époque n’est pas, pour autant, revenu dessus l’année suivante en n’accordant plus qu’une seule semaine de congés, sous réserve d’un état de fatigue avancé !

Vous envisagez de supprimer quatre des dix critères prévus : la manutention des charges lourdes, l’exposition à des postures pénibles, à des vibrations mécaniques ou à des risques chimiques. Pis, vous changez le principe même du dispositif initial pour les six critères restants. Vous préférez guérir plutôt que prévenir ! Non, vous préférez accorder des soins palliatifs plutôt que de prévenir, tout en sachant que des maladies chroniques se déclareront !

Le principe retenu partait d’un constat simple : l’état de santé de nombreux salariés, qui souvent occupent des emplois peu qualifiés, est plus dégradé que celui des autres en raison de leur travail, quand leur espérance de vie n’est pas plus courte. Il s’agissait donc de rattraper un déséquilibre face à la vie, souvent lié au milieu social dont est issu le salarié. Pourquoi un ouvrier qui vit en moyenne moins longtemps qu’un dirigeant de grande entreprise ne pourrait-il pas partir plus tôt à la retraite, d’autant qu’il ne bénéficiera ni du même montant de ressources ni du même état de santé pour en profiter ?

Je ne veux pas, mes chers collègues, faire ici l’apologie de la lutte des classes. Néanmoins, les études sur les inégalités à la naissance et les chiffres sont têtus.

Par ailleurs, vous changez radicalement le mode de financement : plus de cotisations patronales, tout à la charge de la branche accidents du travail-maladies professionnelles ! Ne pouviez-vous pas, par exemple, répartir le coût par moitié entre celle-ci et celles-là ? Après tout, ce sont bien les conditions de travail qui créent ces maladies. Pourquoi, dès lors, cesser de faire contribuer les cotisations patronales au financement ?

Ne subsiste, dans votre projet de réforme, ni le fond ni la forme du compte pénibilité, qui n’était qu’un simple dispositif d’équité pour les salariés dont l’espérance de vie est plus courte et dont les conditions de retraite sont moins bonnes que celles des autres, que les nôtres, mes chers collègues. Cette réforme marque un nouveau recul pour les salariés, et un gain, en revanche, non pas pour les petits patrons qui se préoccupent de leurs salariés, mais pour les grandes entreprises et leurs dirigeants.

Mes chers collègues, ce texte manque vraiment d’équilibre. Pourquoi finalement ne pas l’appeler « projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances des mesures déstructurant le dialogue social » ?

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Le groupe CRC, en ce qui le concerne, n’a jamais été « fan » du compte pénibilité. Je vous rappelle, chers collègues de gauche comme de droite, qu’il a été inscrit dans la loi sur les retraites de 2013 comme une contrepartie d’un nouveau recul de l’âge du départ à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Ce n’est donc pas un progrès social, mais un moindre mal, le salarié cumulant le maximum de points pouvant au mieux ne pas être pénalisé par la contre-réforme de 2013. On est très loin de satisfaire la revendication légitime du départ à la retraite à 55 ans pour ceux qui exercent un métier pénible.

Mais revenons-en aux ordonnances.

De toute évidence, le Président de la République et le Gouvernement cèdent au MEDEF et aux organisations patronales, qui n’ont eu de cesse de décrier ce compte pénibilité. La mise en œuvre de celui-ci est sans doute complexe, s’agissant de la prise en compte de certains facteurs de pénibilité, mais – c’était son atout principal – il devait favoriser la prévention plutôt que la réparation. Il a suffi, là encore, que le patronat crie « au loup ! » pour que l’exécutif cède !

Concrètement, quelles seront les conséquences de cette réforme pour les 800 000 salariés qui ont bénéficié du compte pénibilité en 2016 et pour les 18 000 salariés qui, selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse, auraient dû bénéficier d’un départ anticipé en 2018 ? La régression qui se profile nous paraît tout à fait malvenue quand on sait que 48 % des ouvriers sont exposés à un facteur de pénibilité et qu’un salarié sur huit, selon l’Agence nationale de santé publique, est exposé à un facteur cancérigène.

Enfin, le nouveau dispositif sera financé dans le cadre de la branche AT-MP – dont les ressources proviennent certes des seules cotisations des employeurs –, au détriment de ses excédents financiers actuels, qui auraient pu être utilisés, par exemple, pour ouvrir une voie complémentaire à la retraite anticipée pour les victimes de l’amiante. En définitive, les entreprises seront exonérées des deux taxes – d’un montant pourtant modeste – qui étaient prévues !

Je conclurai d’un seul mot : lamentable !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

L’article 5 du projet de loi prévoit de confier le soin au Gouvernement de « simplifier » et de « sécuriser juridiquement » – le mot « sécuriser » revient souvent – les nouvelles dispositions du code du travail relatives à la pénibilité.

Le Gouvernement invoque la difficulté, pour les chefs de petites et moyennes entreprises, à faire face à ces nouvelles obligations, qui ne sont pas exemptes, il est vrai, d’une certaine lourdeur administrative.

Qu’il faille entendre les difficultés de ces chefs d’entreprise, c’est une évidence. Mais, plutôt que d’imaginer un accompagnement par la puissance publique, le Gouvernement nous demande de l’autoriser à simplifier le compte pénibilité, mis en place sous le quinquennat précédent.

Dès lors, au regard des éléments à notre disposition, l’inquiétude est de mise. Le 29 mars dernier, le candidat Macron déclarait devant le MEDEF qu’il n’aimait pas le terme « pénibilité »…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… et qu’il entendait le supprimer, car il « induit que le travail est une douleur », ajoutant que « le mot “pénibilité” ne correspond pas à ce dont nous avons besoin, parce que le travail c’est l’émancipation, c’est ce qui vous donne une place dans la société ».

Le 8 juillet, en parfait accord avec cette déclaration, le Premier ministre a précisé la volonté présidentielle : exit le compte personnel de prévention de la pénibilité, bienvenue au compte professionnel de prévention.

On sait l’attachement du Président de la République aux symboles, mais, en l’occurrence, le changement n’est pas que sémantique…

Ainsi, quatre des dix critères de pénibilité, ceux qui déplaisaient le plus au patronat, seront modifiés et ne seront plus pris en considération au titre du compte à points : la manutention de charges lourdes, l’exposition à des postures pénibles, à des vibrations mécaniques, à des risques chimiques.

Les salariés exposés à ces risques-là pourront encore bénéficier d’un départ anticipé à la retraite seulement quand « une maladie professionnelle a été reconnue » et quand « le taux d’incapacité permanente excède 10 % », précise la lettre du Premier ministre.

En ces termes, comment accorder confiance au Gouvernement ? Par cette ordonnance, il entend donner pleine et entière satisfaction au MEDEF, sans considération pour la souffrance des 800 000 salariés déclarés au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Je rappellerai au Président de la République, qui est féru de philosophie, que le mot « travail » vient du latin tripalium, qui désignait un instrument romain de torture destiné à punir les esclaves rebelles… §De fait, des années de controverses philosophiques n’ont pas permis de déterminer si le travail était avant tout source d’émancipation ou d’aliénation.

Madame la ministre, je vous conseille d’attendre la fin du quinquennat de M. Macron pour voir si, à l’issue de celui-ci, l’ensemble des salariés se sont émancipés dans leur travail et sont heureux de leurs conditions de travail. Après seulement, nous pourrons discuter de la pénibilité !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Notre collègue Nicole Bonnefoy, qui, à son grand regret, ne pouvait être présente parmi nous cet après-midi, aurait souhaité s’exprimer dans les termes suivants :

« L’article 5 prévoit de modifier les règles de prise en compte de la pénibilité au travail dans le sens d’un allégement des obligations de déclaration des expositions à certains facteurs de pénibilité et de compensation, en redéfinissant les conditions d’appréciation de l’exposition.

« Je souhaite m’arrêter sur la question de l’exposition aux risques chimiques, dont la déclaration et la mesure dans le compte pénibilité furent un progrès important du dernier quinquennat.

« Cette avancée devait notamment contribuer à la prévention de ces maladies contractées au travail, qui, nous devons le rappeler, tuent encore régulièrement et ne font que rarement et dans une faible mesure l’objet de reconnaissance en tant que maladies professionnelles.

« Le Premier ministre a indiqué aux organisations syndicales le sens de la réforme voulue : les travailleurs soumis acquerront des “droits à départ anticipé à la retraite” s’ils développent une “maladie professionnelle” ayant été “reconnue” et entraînant un taux d’incapacité permanente supérieur à 10 %.

« Nous allons sortir d’une démarche de prévention pour passer à une logique de réparation. Avec le dispositif ainsi remanié, il ne s’agit pas de réduire l’exposition des travailleurs aux facteurs de pénibilité ; il importe qu’ils soient en mauvaise santé pour pouvoir bénéficier du dispositif…

« S’agissant des cancers professionnels, et plus généralement des “risques invisibles”, dont la matérialité n’est établie que lorsque s’en manifestent les effets, le problème essentiel réside dans le temps de latence entre l’exposition et l’apparition de la pathologie, laquelle survient souvent après la retraite : le dispositif risque donc d’être peu opérant et extrêmement injuste.

« Il risque en outre d’entretenir la faible connaissance des effets sanitaires et environnementaux de l’extrême contamination chimique dans l’activité au travail, laquelle contribue essentiellement à l’insuffisante protection des travailleurs et citoyens contre les risques chimiques.

« Le suivi lacunaire de l’exposition rend régulièrement impossible la détermination des causalités et des responsabilités dans l’empoisonnement. La très récente demande de non-lieu formulée par le parquet dans le volet pénal du dossier de l’amiante, en raison de la présumée impossibilité de dater le début de l’intoxication des victimes, en est un témoignage éloquent.

« Plus fondamentalement, le problème posé est celui de l’inscription dans notre droit de la légitimation de l’exposition en pleine connaissance de cause des travailleurs à des risques connus.

« Plutôt que de poursuivre l’objectif de faire cesser le scandale de l’empoisonnement, parfois mortel, des travailleurs exposés à des agents chimiques sur leur lieu de travail, le Gouvernement privilégie la logique d’une indemnisation censée compenser ce qui ne peut l’être : les atteintes irréversibles à la santé des travailleurs. »

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Monsieur le président, je ne saurais mieux m’exprimer que les orateurs du groupe socialiste et républicain qui m’ont précédé. Je passe mon tour et laisserai à Catherine Génisson le soin d’exposer la position de notre groupe dans cette triste affaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Le compte personnel de prévention de la pénibilité, auquel nous n’étions pas particulièrement favorables, comme l’a rappelé Dominique Watrin, est certes un dispositif difficile à mettre en œuvre, mais il avait le grand mérite de reconnaître la pénibilité de certains travaux et de certains secteurs d’activité et ouvrait ainsi la voie à la responsabilité sociale de l’entreprise. Surtout, il visait à permettre aux salariés d’arriver à la retraite en bonne santé.

Les simplifications annoncées par le Premier ministre pour satisfaire à la demande du patronat vont à l’encontre de ces objectifs, tant dans l’esprit que dans le financement. Elles nuiront, à mon sens, à la bonne performance de l’entreprise.

Ainsi, le projet de loi prévoit d’autoriser le départ à la retraite anticipée des seuls salariés qui auront développé une maladie professionnelle et pour lesquels un taux d’invalidité de 10 % au moins aura été reconnu. Quid de celles et de ceux dont les symptômes apparaissent après leur départ de l’entreprise, comme cela est fréquent dans le secteur de la chimie, pour l’exposition à l’amiante notamment ?

Je rappelle que l’espérance de vie en bonne santé des salariés effectuant des travaux pénibles est plus faible que celle des cadres. Ils ne pourraient partir plus tôt que s’ils sont déjà malades : c’est vraiment inacceptable, tout comme le transfert du financement à la branche AT-MP, qui n’a d’autre motif et n’aura d’autre effet que de déresponsabiliser les employeurs et d’alléger leurs obligations en matière de prévention, plus encore avec la réduction des moyens du CHSCT ou sa dilution dans la délégation unique du personnel, car l’on ne peut pas croire que cela se fera à moyens constants.

Nous sommes loin du plan « santé au travail », qui tend à agir contre les risques professionnels prioritaires et à favoriser la prévention, en tant que levier de la performance des entreprises. Il s’agit d’un retour en arrière inquiétant pour la santé des travailleurs, substituant une logique de réparation à la logique de prévention.

Pourtant, lorsqu’on voit les efforts du patronat pour s’exonérer de toute obligation en matière de protection des salariés, de contentieux et de recours en justice, on est en droit de s’interroger : de quel niveau de compensation ces salariés pourront-ils bénéficier ? Malheureusement, cet article n’apporte aucune réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Stéphanie Riocreux, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphanie Riocreux

Madame la ministre, je me fais le relais de notre collègue Anne Émery-Dumas, qui a dû nous quitter et qui souhaitait intervenir sur l’article 5, plus particulièrement sur l’alinéa 3 de celui-ci.

Comme l’indique à juste titre l’étude d’impact, en matière de détachement des travailleurs, le contexte est celui d’une augmentation constante du nombre de déclarations de prestations de services réalisées par des entreprises étrangères et des travailleurs détachés.

Nous avons pu constater que la priorité donnée à la lutte contre les fraudes au détachement, avec les moyens offerts tant par les dispositions de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et de la loi « travail » que par le dispositif opérationnel mis en place au niveau de l’inspection du travail, a permis l’augmentation sensible du nombre des déclarations. C’est donc un dispositif qui fonctionne bien et donne des résultats en matière de lutte contre le travail illégal et la fraude au détachement.

En matière d’encadrement du travail détaché, dont personne ne remet en question le principe, une avancée de la réglementation européenne est nécessaire. Nous nous félicitons que le Président de la République ait donné une impulsion forte à cet égard dès sa première rencontre avec nos partenaires européens.

C’est pourquoi, madame la ministre, la rédaction de l’alinéa 3 nous avait laissés quelque peu perplexes. Même si nous avons bien noté que le Gouvernement a déposé un amendement tendant à expliciter les choses, je souhaiterais que vous nous précisiez la nature des assouplissements que vous envisagez et quels seraient les prestataires frontaliers particulièrement concernés par le dispositif de cet alinéa 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

C’est la loi Fillon sur les retraites qui, pour la première fois, a introduit dans notre législation la notion de pénibilité. À gauche de l’hémicycle, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, nous nous étions alors opposés à la philosophie sous-tendant cette reconnaissance de la pénibilité, dans la mesure où il s’agissait de reconnaître une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle.

Nous sommes revenus sur la notion de pénibilité à l’occasion de l’examen de la loi de réforme des retraites de 2013, dont la philosophie était tout autre, puisqu’elle reconnaissait une différence d’espérance de vie – en particulier d’espérance de vie en bonne santé – entre cadres et ouvriers, ainsi que la nécessité fondamentale de prévenir les risques professionnels.

Comme l’a rappelé M. Watrin, le dispositif permettait la reconnaissance de la pénibilité par le biais d’un système de points, le maximum étant 100, et ouvrait trois possibilités aux salariés concernés : accéder à des formations en vue d’exercer un autre métier, moins pénible, travailler à temps partiel, partir à la retraite plus tôt.

Ce qui nous est proposé aujourd’hui nous laisse très perplexes et crée un doute très profond. M. le Président de la République a associé la notion de douleur, de souffrance, à celle de pénibilité. Bien sûr, il existe des métiers pénibles et des façons pénibles d’exercer un métier. Pour ne prendre que l’exemple du secteur sanitaire, le métier d’aide-soignant est pénible, d’autant plus qu’il est exercé par postes et souvent de nuit. Pour autant, la très grande majorité des hommes et –principalement – des femmes qui exercent ce métier le font avec plaisir. Personnellement, j’ai beaucoup travaillé la nuit et je ne suis pas pour autant, que je sache, une mater dolorosa ! Il est donc difficile de parler de douleur. En revanche, il est important de reconnaître la pénibilité de l’exercice de ce métier et de donner la priorité à la prévention.

Ce qui introduit un doute profond dans notre esprit, c’est que le présent projet de loi revient sur quatre des dix critères fixés par la loi que nous avions votée. On en revient à la logique de réparation en cas de maladie professionnelle déclarée de la loi Fillon. C’est inacceptable !

Nous comprenons que la prise en compte de ces quatre critères pose des difficultés, mais la solution proposée ne nous convient pas, d’autant que le nouveau dispositif sera financé par la branche AT-MP, ce qui conforte cette logique de réparation.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Certes, la branche AT-MP est financée par des cotisations patronales, mais il faudrait vraiment que cette disposition ne soit que temporaire, car elle est inacceptable !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

L’article 5 est très important. Son dispositif est très attendu par les entreprises, qui sont pour l’heure dans l’incapacité d’appliquer les critères de pénibilité.

Les salariés exposés au travail pénible doivent bénéficier de garanties, notamment en matière de départ à la retraite anticipée. Toutefois, il faut que les entreprises puissent appliquer les règles de mesure de la pénibilité ; or certaines d’entre elles sont totalement inapplicables par les TPE-PME.

Bien sûr, il ne faut pas abroger ce compte pénibilité, mais le simplifier et le rendre applicable. Les critères relatifs au travail en milieu hyperbare, de nuit, répétitif, en équipes successives, par alternance, avec exposition aux bruits, à des températures extrêmes sont clairement applicables. En revanche, il faut simplifier, quantifier et préciser les critères en matière de postures pénibles, d’exposition aux vibrations mécaniques, de manutention de charges lourdes, de risques chimiques ; ils sont inapplicables en l’état par les entreprises.

Aux termes de l’alinéa 2, la prévention de la pénibilité sera prise en compte dans le cadre d’accords collectifs, ainsi que les modalités de déclaration et de compensation par les entreprises.

Je le répète, cet article est très important, car il permettra aux entreprises d’appliquer la loi, au profit des travailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Le compte pénibilité est une grande avancée mise en place par la précédente majorité. Certains ont tendance à rejeter ce qui a été fait, mais, en ce qui me concerne, je suis fier d’avoir soutenu la loi El Khomri que le compte pénibilité y ait été intégré.

Votre texte, madame la ministre, conserve six critères de pénibilité, ce qui nous convient, et en supprime quatre. Certes, ces derniers, tout le monde le sait, étaient inapplicables, aussi bien pour les entreprises que pour les salariés. Cependant, comme vient de le dire Mme Génisson, ce que vous proposez ne nous convient pas totalement. J’ai conscience qu’il peut s’agir d’une solution transitoire, mais il faudra chercher comment améliorer le dispositif pour ces quatre critères. La réparation ne doit pas être la seule dimension de la prise en compte de la pénibilité. Il faut tenir compte en amont de ce que vivent réellement les femmes et les hommes exposés à ces quatre critères.

Toutefois, je comprends que vous ayez voulu écarter ces quatre critères, dont chacun reconnaît qu’ils étaient inapplicables. Il ne sert à rien de s’enfermer dans une posture dogmatique. En revanche, à un moment ou à un autre, il faudra aller plus loin pour redonner une portée concrète ces critères, au bénéfice des salariés, dans une logique de prévention et non de réparation.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Le CHSCT est le meilleur endroit pour faire de la prévention. Dans Le Monde, voilà quelques jours, le fondateur de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, M. Desriaux, déclarait que la suppression des critères de la manutention lourde, des postures pénibles, de l’exposition aux vibrations mécaniques et, surtout, aux agents chimiques, constituait un recul terrible. Rappelons que 2, 5 millions de salariés sont exposés à une substance cancérigène.

La prévention est essentielle, mais il faudra aussi réparer, parce que des salariés sont devenus handicapés du fait de leur exposition à des facteurs de pénibilité. Ils devront donc pouvoir partir à la retraite plus tôt. Si nous supprimons les quatre critères en question, on va inévitablement laisser des milliers de personnes sur le bord de la route.

En rédigeant les ordonnances, madame la ministre, vous ne pourrez pas aller au bout de votre projet. M. Macron a tort : la pénibilité existe. Dans ma mairie, j’ai supprimé les brosses électriques, parce que leurs utilisateurs avaient de graves problèmes à l’épaule ; certains ont dû être opérés. Les carreleurs qui ont les genoux cassés à la cinquantaine peuvent eux aussi témoigner que la pénibilité, cela existe !

Faites attention, madame la ministre ! Tout à l’heure, nous avons évoqué la facilitation des licenciements. Un simple formulaire CERFA suffira. En revanche, pour saisir les prud’hommes, il faudra remplir un document de sept pages ! Et maintenant, le compte pénibilité : où cela va-t-il nous mener ? Les salariés les plus humbles vont encore une fois « déguster »…

Madame la ministre, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Conservez le compte pénibilité ! C’est l’honneur de l’Assemblée nationale et du Sénat de l’avoir mis en place. Peut-être faut-il le simplifier, mais gardons-le, avec l’ensemble des critères, car ils concernent des personnes devenues handicapées du fait de conditions de travail difficiles.

MM. Jean-Yves Leconte et Jean-Louis Tourenne applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

On tire prétexte du fait que quatre critères difficilement applicables pour remettre en cause une logique. Mais c’est la logique qui importe le plus ! Le reste, on peut le régler, le préciser par la concertation.

Qui a demandé le retrait de ces quatre critères ? Des salariés ou des syndicats de salariés ? Non ! Cette demande émane encore du patronat.

Comme Catherine Génisson l’a parfaitement résumé, on ne peut pas, au motif que le dispositif est difficile à appliquer, changer la logique qui le sous-tend. Celle-ci revêt une importance fondamentale pour les travailleurs. L’objectif du compte de prévention de la pénibilité mis en place sous la gauche, qui rompt avec la logique d’individualisation et de réparation précédemment en vigueur, est qu’ils puissent vivre en bonne santé le plus longtemps possible. Dans cette perspective, la prévention est essentielle : il faut permettre aux salariés concernés de partir plus tôt à la retraite, de changer de métier…

Par conséquent, madame la ministre, voyez comment rendre ces quatre critères applicables, plutôt que de préconiser un changement complet de logique qui reviendrait sur un progrès ayant permis de rompre avec une situation absolument insupportable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 58 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 216 rectifié ter est présenté par MM. Assouline et Durain, Mme Jourda, MM. Labazée et Cabanel, Mmes Monier et Blondin, MM. M. Bourquin et Montaugé et Mme Lepage.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l’amendement n° 58.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Les interventions de MM. Watrin, Courteau, Desessard et Bourquin et de Mme Génisson valent défense de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Bonne intervention, mon cher collègue !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

En revanche, je ne partage pas du tout la position de M. Guillaume. Vanter la loi El Khomri, c’est faire fi de l’opinion des millions de salariés qui ont tranché en exprimant leur opposition à cette loi. Le projet de Mme la ministre amplifie encore le dispositif de la loi El Khomri.

Le Président de la République a déclaré vouloir supprimer le terme de pénibilité, car « le travail n’est pas une souffrance », mais pense-t-il sérieusement qu’en supprimant le mot il supprimera la réalité ? Nier la souffrance au travail et les conséquences de cette dernière sur la santé n’est franchement pas acceptable. Faut-il rappeler encore une fois que l’espérance de vie d’un ouvrier est en moyenne de près de sept ans inférieure à celle d’un cadre ? Quand on invoque la mondialisation et la compétitivité, cela implique que les salariés, y compris le maçon qui manie chaque jour plusieurs tonnes d’agglos ou le travailleur de la chimie qui ne bénéficie pas toujours des protections appropriées, doivent travailler un peu plus vite.

J’espère que vous entendrez ces arguments, madame la ministre, d’autant qu’ils émanent de diverses travées de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 216 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet amendement de suppression vise à remédier à une incohérence du Gouvernement. En effet, dans son discours de politique générale, le Premier ministre avait fait de la prévention une dimension phare du futur plan santé, or il nous est proposé ici d’en supprimer le principal outil.

Un récent rapport soulignait que les inégalités de santé se formaient principalement dans le monde professionnel. Plus précisément, ces inégalités sont principalement déterminées par « des expositions aux agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, des expositions à des facteurs de pénibilité – contraintes physiques marquées, environnement agressif, rythmes de travail contraints – et expositions à des facteurs de risque psychosociaux ».

Selon ce même rapport, en 2010, plus de 8 millions de salariés français, soit près de 40 % du total, étaient exposés à au moins un facteur de pénibilité, et 12 % à au moins un agent cancérogène.

Comme certains de mes collègues l’ont déjà dit, cet article marque le passage d’un système de prévention à un système de réparation. Cela pose notamment la question des effets qui se manifesteront après le départ à la retraite et qui, de ce fait, ne seront plus pris en compte. On ne peut pas ne pas évoquer l’exemple de l’amiante, qui illustre l’impossible réparation de maladies professionnelles qui se déclarent après le départ à la retraite.

Certes, vous avez raison de dire que, en principe, les entreprises ont un intérêt au moins économique à miser sur la prévention et à prendre soin des salariés. Le problème, c’est que cette logique, ou ce bon sens, n’est pas partagée par tous les chefs d’entreprise. Certains sont court-termistes et ne voient pas que, à moyen et long termes, la question de la prévention et de la santé est essentielle non seulement pour les salariés, mais aussi pour les performances économiques de leur entreprise.

Il ne faut pas que, sous couvert de lutter contre la bureaucratie, le dispositif des ordonnances désavantage les salariés. Nous attendons des réponses sur cette question sensible, madame la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il s’agit d’un sujet de fond extrêmement important.

Quelle situation avons-nous trouvée lorsque nous sommes arrivés aux affaires, voilà deux mois ? Le compte pénibilité répondait à un principe juste, mais inapplicable pour partie.

Un principe juste, parce que certaines situations de vie professionnelle créent de véritables difficultés et ont des conséquences sur la santé des salariés et leur espérance de vie. C’est un constat entièrement partagé aujourd’hui, reconnu, objectivé. Permettre à ces salariés de partir à la retraite à taux plein deux ans plus tôt nous paraît répondre à un principe de justice sociale qu’il faut absolument conserver. Il n’y a donc pas de débat sur le principe.

Simplement, nous avons constaté que, pour quatre facteurs de pénibilité – manutention de charges lourdes, postures pénibles, exposition aux vibrations mécaniques ou à des agents chimiques dangereux –, dont les déclarations devaient être faites avant le mois d’octobre 2017, les petites entreprises étaient dans l’incapacité de remplir leurs obligations. Seulement 13 branches sur 750 étaient parvenues à établir des référentiels – dans les autres, les entreprises étaient donc laissées seules face au problème –, et 700 000 déclarations avaient été faites, sur 3 millions attendues. Les entreprises allaient se trouver en défaut sans pour autant que les droits des salariés soient protégés, ces derniers n’étant pas déclarés. Se posait donc potentiellement un énorme problème d’accès au droit.

Les différents critères relèvent de modes d’analyse très divers. Le travail de nuit, le travail en équipes successives, le travail répétitif, le travail en milieu hyperbare sont déjà connus, répertoriés, documentés ; pour ces critères, il n’y a donc aucune difficulté, même une petite entreprise est en mesure de remplir ses obligations déclaratives. En ce qui concerne le bruit et la température extérieure extrême, la mise en application nous a paru également tout à fait réalisable.

Par conséquent, pour ces six premiers critères, nous avons considéré que les modalités d’application prévues étaient tout à fait réalistes et devaient donc être mises en œuvre dans le cadre du C3P tel qu’il a été conçu.

En revanche, en l’absence de dispositif approprié, la prise en compte des trois critères ergonomiques – je reviendrai après sur l’exposition aux agents chimiques, qui est un autre sujet –, que sont la manutention lourde, les postures pénibles et l’exposition aux vibrations mécaniques, a provoqué une véritable angoisse dans les toutes petites entreprises, essentiellement chez les agriculteurs et les artisans, qui ne peuvent pas être tous les jours derrière leurs salariés pour mesurer leur exposition à ces facteurs de pénibilité. Ubu se transformait en personnage de Kafka ! On risquait donc de se trouver face à un immense constant de carence. Les entreprises auraient été en faute et les salariés n’auraient pu accéder à leurs droits.

La responsabilité conjointe de l’exécutif et du législateur est d’élaborer des dispositifs justes, mais aussi applicables. Un droit non exerçable, non applicable, n’est pas un vrai droit.

Pourquoi avons-nous choisi pour véhicule ce projet de loi d’habilitation ? Parce que l’échéance était en octobre. Nous ne pouvions pas prendre un ou deux ans pour réfléchir, sauf à courir le risque d’un blocage complet.

Comme je l’ai indiqué au comité d’orientation des conditions de travail la semaine dernière, nous avons choisi de conserver les dix critères, contrairement à ce que j’ai pu entendre dire et à ce que certains auraient souhaité, car nous considérons qu’ils sont justes. Les six premiers critères s’inscriront dans le dispositif du C3P, avec le système de comptage de points. S’agissant des quatre derniers, nous proposons que les salariés qui y ont été exposés puissent partir à la retraite immédiatement après un examen médical conduit dans des conditions à définir, si leur taux d’incapacité est d’au moins 10 %.

Tout système présente des avantages et des inconvénients, et je ne prétends pas que le nôtre est parfait, mais je pense que c’est le plus juste qui soit applicable en l’état actuel des choses. Grâce à lui, environ 10 000 personnes pourront partir en retraite anticipée à taux plein dès l’année prochaine. Avec le système de points, cette génération n’aurait pas pu en profiter. En effet, sauf pour ceux nés avant 1955 et qui avaient une bonification, il fallait attendre dix ans, soit 2027, en cas d’exposition à plusieurs facteurs, et vingt ans, soit 2037, en cas d’exposition à un seul facteur.

Oui, ce dispositif repose davantage sur la réparation que sur la prévention, mais il est applicable et juste : il va permettre à des personnes ayant subi des conditions de travail difficiles de partir à la retraite dès l’année prochaine.

Concernant la prévention, il s’agit en effet d’un sujet essentiel. La prévention sera toujours préférable, mais elle ne peut pas marcher à 100 %, donc il faut toujours prévoir un volet réparation.

En matière de prévention, nous entendons agir sur trois leviers.

En premier lieu, la prévention de la pénibilité relèvera expressément de la responsabilité des branches. Ce sera inscrit en toutes les lettres dans les ordonnances. En effet, les spécificités des métiers et des secteurs sont extrêmement importantes à cet égard. Les facteurs de pénibilité les plus fréquents ne sont pas les mêmes d’une branche à l’autre.

En deuxième lieu, la semaine dernière, nous sommes convenus, avec le comité d’orientation des conditions de travail, que la prévention primaire était prioritaire dans le cadre du troisième plan « santé au travail ». Nous allons suivre ce point de près avec les partenaires sociaux.

En troisième lieu, le financement sera assuré par la branche accidents du travail-maladies professionnelles de la sécurité sociale. Comme elle est financée par les cotisations des employeurs, ceux-ci sont incités à être attentifs à la prévention de la pénibilité pour éviter que trop de gens ne partent à la retraite de façon anticipée, ce qui aboutirait à alourdir les cotisations.

La philosophie générale est donc la suivante : la prévention sera toujours préférable, mais un droit non applicable ne constitue pas un progrès pour les salariés. Nous verrons comment progresser sur ces sujets à l’avenir.

En ce qui concerne l’exposition aux agents chimiques, il s’agit bien d’un critère spécifique, car il y a des effets différés à plus long terme. Aujourd’hui, la réglementation et les accords de branche prévoient beaucoup d’éléments importants, en matière tant de prévention que de réparation. Nous voulons que les branches continuent à jouer ce rôle, mais j’ai tout de même demandé à des experts de vérifier que ce qui est en place est suffisant et pertinent au regard de l’esprit de prévention que nous souhaitons privilégier. C’est un sujet sur lequel et les branches de la chimie et le COCT vont continuer à travailler, même si on a déjà beaucoup progressé. La science fait des découvertes tous les jours, et il faut donc rester en alerte.

J’ai été un peu longue, mais je voulais vraiment préciser ces points, afin que vous ayez l’assurance que nous partageons complètement l’idée que, pour les salariés ayant eu une vie professionnelle pénible, partir à la retraite à taux plein deux ans plus tôt est un élément de justice sociale. Cependant, un droit qui n’est pas applicable ne profite à personne, et il est donc de notre responsabilité de faire en sorte que le principe puisse trouver une application. On peut se réjouir que ce texte permette à 10 000 personnes de prendre une retraite anticipée dès l’année prochaine. Certes, il ne s’agit que de réparation, mais la réparation, c’est aussi une mesure de justice.

Notre système n’est peut-être pas parfait, mais je demande le retrait de ces amendements de suppression, afin de permettre un progrès immédiat pour un certain nombre de personnes et de rendre applicable un principe juste que vous avez adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je vous remercie de ces explications détaillées, dont je prends acte. Que 10 000 personnes puissent partir tout de suite à la retraite constitue en effet un progrès, mais cela ne peut pas servir d’argument pour remettre en cause le principe des quatre derniers critères. La logique de prévention doit continuer à prévaloir.

On peine à déterminer comment appliquer ces quatre critères. Vous avez raison de dire, madame la ministre, qu’un droit inapplicable n’est que formel, mais il revient alors au législateur d’y remédier, plutôt de remettre en cause ce droit.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Madame la ministre, vous avez cité l’exemple des agriculteurs, mais je pourrais vous citer des métiers pour lesquels le système est parfaitement applicable. Le travailleur qui utilise un marteau-piqueur, pour ne prendre que cet exemple, est clairement exposé à un facteur de pénibilité.

Personne ne nie ici qu’un problème d’applicabilité se pose pour quatre critères. Il faut donner du temps aux partenaires sociaux – l’ordonnance peut le permettre – pour qu’ils précisent les choses, en leur fixant une obligation de résultat.

Je salue le progrès que constitue la mesure de réparation permettant à certaines personnes de partir à la retraite dès l’année prochaine, mais les difficultés d’application constatées ne doivent pas conduire à substituer à la logique de prévention une logique de réparation pour quatre critères, avec le risque que, demain, cette dernière soit étendue aux autres critères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je remercie Mme la ministre d’avoir pris le temps de décrire avec précision son projet sur un point que je sais sensible.

Je voudrais simplement rappeler que la notion de pénibilité a été introduite dans la loi sur les retraites de 2010. Nous sommes à la mi-2017 : cela fait donc sept ans, et ce droit n’est toujours pas ouvert. Nous sommes devant une question de responsabilité politique : soit on considère que l’effectivité du droit est essentielle, soit on se fait plaisir en gardant le compte pénibilité tel qu’il est aujourd’hui.

Je souligne que les branches seront compétentes en matière de prévention. S’agissant des risques chimiques, le Premier ministre a été très clair dans la lettre qu’il a adressée aux partenaires sociaux : ils feront l’objet d’une réflexion spécifique et ne sont bien sûr pas négligés.

Je le répète, il s’agit de savoir si nous nous préoccupons de l’effectivité du droit ou si nous faisons du C3P tel qu’il existe un totem, en nous satisfaisant qu’une disposition votée voilà plus de sept ans ne soit toujours pas appliquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le décret n’a été pris qu’il y a quelques mois, et il a été d’emblée contesté ! Peut-être n’étiez-vous pas présent, monsieur Assouline, mais nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises, en commission comme en séance publique.

Je ne pense pas que ceux qui partiront à la retraite anticipée l’année prochaine se poseront la question de savoir s’ils bénéficient d’une mesure de réparation ou d’une mesure de prévention. Ils constateront que leur situation a été prise en compte. C’est ce qui me paraît important.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les explications qui ont été données par Mme la ministre, qui a beaucoup insisté sur les notions de pénibilité et de prévention. Cela fait de nombreuses années que l’on évoque ces sujets dans cette enceinte. Nous avons tous en mémoire la réforme des retraites de 2010, qui avait déjà donné lieu à de longues discussions.

Nous avons chaque année l’occasion d’aborder le volet financier lors de l’examen du budget de la branche AT-MP de la sécurité sociale, mais nous donnons bien sûr la primauté à l’aspect humain et au respect des salariés. Nous rencontrons beaucoup de personnes qui exercent encore des métiers particulièrement difficiles, par exemple dans le bâtiment et les travaux publics ou dans la grande distribution. Je pense aussi aux personnes qui travaillent des journées entières devant un écran. Outre la prévention, Mme Génisson a eu raison d’évoquer la notion de reconnaissance.

Je suivrai la commission des affaires sociales sur ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Je suis toujours un peu surpris d’entendre certains tenir un discours à géométrie variable, variant en fonction des époques et des appartenances… J’admire que l’on puisse défendre aujourd'hui ce que l’on condamnait hier !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Ils se reconnaîtront !

Nous convenons tous, madame la ministre, qu’il est particulièrement difficile d’apprécier et surtout de quantifier la pénibilité au regard des quatre critères en question. Nous sommes parfaitement d’accord sur ce point, mais vous avez fait montre de telles capacités d’imagination, d’une telle faculté à agir vite, en recourant aux ordonnances, que je m’étonne que, sur ce point particulier, vous ne manifestiez pas la même efficacité !

En outre, s’agissant d’un projet de loi d’habilitation au travers duquel vous vous êtes fixé des objectifs, je m’étonne que vous n’y indiquiez pas de quelle façon vous comptez essayer de faire en sorte d’intégrer ces quatre critères dans le dispositif d’ensemble, d’ici à l’automne, pour que les ordonnances permettent de résoudre le problème qui nous occupe. En effet, on ne peut pas rester dans la situation que nous connaissons aujourd'hui, avec des gens dont on se borne à constater la dégradation de l’état de santé, sans avoir rien fait auparavant pour empêcher celle-ci !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mme la ministre nous a dit des choses intéressantes, notamment quand elle indiqué que la mise en œuvre du système par points ne produirait ses effets, pour les salariés concernés, qu’en 2027 au plus tôt. Je rappelle que notre groupe avait prévenu, lors de l’instauration du compte pénibilité, que, à cette échéance, nombre de ces salariés ne seraient malheureusement plus en vie…

Le projet du Gouvernement revêt une dimension idéologique. En effet, supprimer la cotisation des employeurs revient à écarter de facto le principe de responsabilité des entreprises. Avez-vous consulté les représentants des salariés ? Je suis persuadé, madame la ministre, qu’eux aussi ont des propositions à formuler.

Si notre groupe est opposé au compte pénibilité, c’est parce qu’il nie l’universalité de la sécurité sociale en tendant à l’individualisation des protections. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il faut examiner comment passer à une reconnaissance générale des métiers pénibles. Je crois savoir que les organisations syndicales ont, comme nous, des propositions à faire sur le sujet. Il y a des solutions, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Le Premier ministre a donné les premières pistes de simplification du compte pénibilité dans un courrier adressé aux partenaires sociaux ; je m’en réjouis. Je vous remercie, madame la ministre, pour les éclaircissements complémentaires apportés aujourd'hui.

La pénibilité est un véritable sujet. Devoir subir une succession de prises de parole répétitives sur l’article 5 en a été une illustration pour certains d’entre nous !

Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Personne ne remet en cause la difficulté de certains métiers et ses conséquences potentielles sur la santé. Mais plutôt que d’essayer à tout prix de déterminer le degré de pénibilité salarié par salarié, tâche par tâche, il faut améliorer les conditions de travail et la prévention. C’est le choix de l’Allemagne et des pays scandinaves, notamment.

En cas de métier pénible, devenu dangereux l’âge avançant, il faut privilégier le reclassement dans un emploi moins rude, toujours grâce à la formation. La France fait le choix de prévoir des départs anticipés à la retraite. On attend le dernier moment pour agir, en indemnisant plutôt qu’en protégeant.

La pénibilité d’une carrière pourra évidemment être prise en compte pour un départ anticipé à la retraite, mais cela impliquera, pour assurer la pérennité du système, que les régimes spéciaux soient entièrement revus

M. Jean Desessard rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Je voterai contre les amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Adopter aujourd'hui ces amendements, c’est empêcher des milliers de personnes de percevoir des indemnités et de partir à la retraite de manière anticipée, c’est refuser un progrès au nom d’une position maximaliste.

Si je ne suis cependant pas favorable à la solution proposée par le Gouvernement à propos des quatre derniers critères, c’est parce qu’elle ne peut être que temporaire. Cet article sera sans nul doute maintenu dans le texte après la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale et la commission paritaire se réunira, mais je suis convaincu qu’il sera nécessaire de revenir sur le sujet, peut-être dans le cadre de la réforme des retraites.

Un certain nombre de collègues trouveraient préférable de poser un acte politique en supprimant purement et simplement cet article. Je respecte leur position, mais j’estime pour ma part que cela comporterait un risque. Il faut aussi penser à ceux qui vont bénéficier du dispositif.

Nous avons inscrit la notion de pénibilité dans le dispositif du compte personnel d’activité lors de l’élaboration de la loi El Khomri. Dans les mois à venir, il faudra aller plus loin, afin de trouver une autre façon d’aborder le sujet. Nous l’avons tous dit, la prévention est nécessaire, car la réparation ne suffit pas.

Les petits arboriculteurs de ma région me disent que, dans le secteur agricole, il est impossible de mettre en œuvre le compte pénibilité. Ils ne savent pas faire. Les patrons de PME, y compris les artisans maçons, disent la même chose. Il faut prendre les problèmes les uns après les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je rappelle que le groupe écologiste partageait la position du groupe CRC au sujet du compte pénibilité. Nous étions opposés à un relèvement du nombre d’annuités nécessaires pour pouvoir partir à la retraite, pensant qu’il y avait d’autres solutions. Pour les communistes, il fallait trouver des solutions de financement complémentaires, taxer les stock-options, le capital. Pour notre part, nous prônons aussi le partage du travail à l’échelle d’une vie.

Je rappelle en outre que, pour la gauche, la création du compte pénibilité était la contrepartie de l’allongement de la durée de cotisation. Et maintenant, une partie de cette gauche se ravise, au motif de difficultés d’application du dispositif !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est surtout La République en marche, ils ne sont pas de gauche !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je sais, mais tout de même ! Nous, écologistes, nous nous sommes battus au côté des communistes comme des beaux diables contre cette mesure, en vain, et puis, quelques mois plus tard, ceux qui l’avaient votée nous disent que cela ne marche pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je le sais bien, vous vouliez carrément nous faire travailler jusqu’à 70 ans ! Votre logique n’est vraiment pas bonne, mais au moins vous vous y tenez !

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Mme Sophie Primas. Vous pouvez tenir jusque-là, regardez la forme que vous avez encore !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Franchement, quel bilan ! Je vais partir en vacances et achever mon mandat sur une note vraiment désespérée ! Je comprends que la dynamique En marche a complètement bouleversé les choses, mais il faut tout de même un peu de sérieux en politique !

Les écologistes et les communistes étaient partisans de ne pas repousser l’âge de départ à la retraite. Cette mesure a été votée à l’Assemblée nationale et, en contrepartie, il était convenu que les travailleurs exerçant des métiers pénibles ne seraient pas concernés. Il faut continuer selon cette logique !

Je viens d’entendre affirmer que ce n’est pas possible et que si on vote les amendements de suppression, on supprimera toute protection pour les salariés concernés : non, ce sont les dispositions actuelles qui continueront à s’appliquer !

Mme la ministre nous a dit qu’il était pénible pour un chef d’entreprise de mesurer la pénibilité. Si cela peut être utile, je veux bien que l’on rajoute un onzième critère, celui de la pénibilité supportée par l’employeur contraint de quantifier la pénibilité subie par ses salariés…

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Vous devriez faire un « Vis ma vie » avec un chef d’entreprise !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Sur ce sujet, il ne faut pas dire n’importe quoi : 1 300 000 salariés vont bénéficier du dispositif, la moitié des grandes entreprises ont mis en place le compte pénibilité. À cet égard, il faut le dire, les PME ont été beaucoup plus vertueuses.

Il faut arrêter de dire que l’on ne peut pas appliquer ce droit ! Gardons le compte pénibilité en le simplifiant !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Mettons en place un groupe de travail pour cela, mais ne supprimons pas les quatre derniers critères ! Nous le devons aux salariés qui subissent de mauvaises conditions de travail ! Il y a des gens qui meurent de maladies professionnelles, qui se trouvent définitivement handicapés.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Aurait-on reconnu les victimes de l’amiante si on avait supprimé ces critères ? Vous rendez-vous compte de ce qu’on s’apprête à faire ici aujourd'hui, sous prétexte de complexité ? On va mettre de côté des milliers de salariés qui subissent la pénibilité et des conditions de travail qui portent atteinte à leur santé !

Arrêtons de tourner autour du pot : le Gouvernement fait droit à une demande forte du MEDEF ! Quand M. Macron dit que le mot « pénibilité » ne lui plaît pas, il commence à dresser la table ! On va tout bonnement éviter de mettre en place le compte pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

C’est l’honneur du gouvernement Ayrault que d’avoir mis en place ce compte pénibilité ! Examinons les difficultés que pose son application, mais ne le supprimons pas : nous le devons à ces salariés !

S’agissant d’un projet de loi d’habilitation, le Gouvernement sera libre d’écrire ce qu’il voudra dans les ordonnances une fois que vous l’aurez voté, mes chers collègues ! C’est le principe des ordonnances !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Moi, je vous le dis franchement, au vu de ce qui se passe, je ne suis pas très confiant pour la suite !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix les amendements identiques n° 58 et 216 rectifié ter.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 139 :

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 136 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Au début de cet article

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 1242-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1242 -2. – Le contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas suivants :

« 1° Remplacement d’un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail et pour pourvoir directement le poste de travail du salarié absent ;

« 2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise. Au titre de ce motif, le nombre de salariés occupés en contrat de travail à durée déterminée ne peut excéder 5 % de l’effectif moyen occupé au cours de l’année civile précédente. Le nombre obtenu est arrondi à l’unité supérieure. En cas de dépassement de ce taux, les contrats de travail excédentaires et par ordre d’ancienneté dans l’entreprise sont réputés être conclus pour une durée indéterminée ;

« 3° Emplois à caractère saisonnier de courte durée définis par décret ou pour lesquels dans certains secteurs d’activité définis par décret, il est d’usage constant et établi de recourir à des emplois temporaires en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

« 4° Remplacement d’un chef d’entreprise temporairement absent ;

« 5° Contrats d’apprentissage. » ;

2° Les articles L. 1242-3 et L. 1242-4 sont abrogés.

La parole est à M. Christian Favier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Cet amendement vise à modifier quelque peu le code du travail – preuve que nous ne sommes pas contre toute évolution – afin de mieux encadrer l’usage du contrat de travail à durée déterminée.

Le code du travail précise que « le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. »

Pourtant, jamais on n’a signé autant de CDD en France. La part des CDD dans les embauches a atteint 87 % en 2015 : un record depuis quinze ans! Une étude du ministère du travail portant sur la période 2000-2012 indiquait que le nombre de contrats à durée déterminée avait progressé de plus de 75 % en France.

En dix ans, le nombre de CDD de moins d’un mois a plus que doublé, passant de 1, 8 million à 3, 7 millions entre les troisièmes trimestres de 2003 et de 2013.

Certes, le CDI reste le contrat de travail le plus représentatif du salariat en France, mais une majorité des embauches se font donc désormais en CDD. Ces contrats temporaires touchent surtout les jeunes et les moins qualifiés, avec toute la précarité que cela entraîne.

Compte tenu de ces éléments, et puisque vous avez l’ambition de modifier le code du travail pour apporter plus de protection aux salariés, nous vous proposons d’adopter notre amendement, qui vise à limiter le recours aux CDD à des cas précis. Nous souhaitons qu’ils cessent d’être utilisés comme des variables d’ajustement des entreprises, qui dérogent allègrement à la réglementation en les substituant très souvent à des emplois permanents.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cet amendement, qui tendait initialement à insérer un article additionnel après l’article 3, est contraire à l’habilitation que nous voulons donner au Gouvernement, à ce même article, pour fixer les règles du recours aux CDD dans les limites fixées par le droit. J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Avis défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements n° 48 rectifié et 142 sont identiques.

L'amendement n° 48 rectifié est présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 142 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour défendre l’amendement n° 48 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je veux, à mon tour, vous remercier, madame la ministre, pour les longues explications que vous nous avez données concernant le difficile sujet de la pénibilité. Nous prenons bien évidemment acte du fait que le dispositif mis en place pour les quatre critères permettra à 10 000 personnes de partir à la retraite dès l’année prochaine, mais ce n’est pas pour solde pour tout compte.

Nous sommes tous d’accord, me semble-t-il, pour dire qu’il ne peut pas y avoir deux logiques antagonistes pour promouvoir la reconnaissance de la pénibilité. Les organisations patronales, peut-être plus encore la CGPME que le MEDEF, et les organisations syndicales des salariés nous ont les unes et les autres indiqué qu’il est très difficile de quantifier la pénibilité à l’aune des quatre critères en question. Néanmoins, nous avons été nombreux à dire que la solution proposée ne peut être que temporaire et ne saurait valoir sur le long terme.

Vous avez également dit, madame la ministre, que la prévention, notamment primaire, est fondamentale. Pouvez-vous nous donner quelques indications sur les moyens que le Gouvernement entend mettre en place en faveur de cette prévention primaire ? La médecine du travail, qui est dans une triste situation, a un rôle important à jouer, mais elle n’est pas seule concernée : c’est toute l’organisation du travail à l’intérieur de l’entreprise qui doit être prise en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 142.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous demandons la mise en place de critères collectifs de reconnaissance de la pénibilité dans chaque branche, remplaçant les fiches individuelles qui rendent complexe la prise en compte de la pénibilité et permettant, en fonction du nombre de critères de pénibilité dans chaque métier – travail de nuit, horaires décalés, chaleur, vibrations… –, d’obtenir notamment des départs anticipés à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 18 rectifié quinquies, présenté par Mme Génisson, M. Cabanel, Mmes Campion, Conway-Mouret, Féret, D. Gillot et Guillemot, MM. Jeansannetas, Lalande, Tourenne, Daudigny, Duran et J.C. Leroy, Mmes Meunier et Monier, MM. Raoul, M. Bourquin, Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Avant le mot :

compensation

Insérer les mots :

reconnaissance et de

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je ne suis pas certaine que nous accordions tous exactement le même sens aux mots « reconnaissance » et « compensation ». Nous parlons pour notre part de la reconnaissance de la pénibilité telle qu’elle a été mise en place par le précédent gouvernement. Dès lors que la pénibilité est reconnue, il doit y avoir compensation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Les amendements n° 48 rectifié et 142 visent à supprimer la réforme du compte personnel de prévention et de pénibilité que le Premier ministre a annoncée dans un courrier aux partenaires sociaux et dont Mme la ministre vient de préciser les modalités.

Nous considérons que cette réforme est indispensable, mais elle ne doit pas pour autant conduire à remettre en cause le principe d’une prévention et d’une compensation de la pénibilité. Elle assurera, en tout cas, une plus grande égalité entre les salariés de toutes les entreprises, alors que, à l’heure actuelle, les TPE ne sont pas en mesure d’évaluer précisément l’exposition de leurs salariés à certains facteurs de pénibilité.

Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable aux amendements identiques n° 48 rectifié et 142.

L’amendement n° 18 rectifié quinquies a été rectifié pour tenir compte des observations que j’avais formulées en commission. En conséquence, l’avis est favorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n° 48 rectifié et 142. Les branches vont bien évidemment continuer à travailler sur le sujet.

J’émets, au nom du Gouvernement, un avis favorable sur l’amendement n° 18 rectifié quinquies, car il va tout à fait dans le sens de ce que j’ai indiqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix les amendements identiques n° 48 rectifié et 142.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 140 :

Le Sénat n’a pas adopté.

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’amendement n° 18 rectifié quinquies.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je ne voterai pas l’amendement présenté par Mme Génisson. En effet, la compensation de la pénibilité importe plus à mes yeux que sa reconnaissance ! La compensation, c’est du concret, ça se compte en nombre de mois en termes de départ anticipé à la retraite !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Je suis le seul à ne pas être au courant !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur Desessard, l’amendement de Mme Génisson a été rectifié. Nous votons sur l’amendement n° 18 rectifié quinquies, quand vous avez encore sous les yeux l’amendement n° 18 rectifié quater.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Alors j’abandonne la partie !

Nouveaux s ourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié quinquies.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 143, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

L’alinéa 3 porte surtout sur l’adaptation de la législation du travail détaché à certaines spécificités. On ne peut néanmoins voter ce projet de loi d’habilitation sans traiter du sujet d’ensemble. Alors que l’Europe travaille en ce moment même à une refonte de sa directive sur le travail détaché, nous n’avons de fait aucune garantie que les demandes portées par la France seront satisfaites, qu’il s’agisse du contrôle à la source de l’entreprise qui envoie des travailleurs détachés, de la réduction de la durée du détachement, du cabotage ou des sociétés boîtes aux lettres.

Madame la ministre, c’est le principe même de la directive européenne sur le travail détaché qui doit être revu. Il n’est pas acceptable que des entreprises qui envoient des salariés détachés en France ne paient pas les cotisations sociales qui sont exigées des entreprises françaises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 233, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Modifier la législation applicable en matière de détachement, en l’adaptant aux spécificités et contraintes de certains prestataires accomplissant habituellement leurs prestations en zone frontalière ou intervenant de façon récurrente pour des prestations de courte durée dans des secteurs définis ou dans le cadre d’événements ponctuels.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il n’a échappé à personne que la France et l’Allemagne ont pris une position forte sur le sujet des travailleurs détachés. Nous avons finalement obtenu le soutien d’autres pays, qui ont accepté, au Conseil des ministres du travail du 15 juin, que nous ne nous prononcions pas sur le projet de directive qui était proposé par la présidence actuelle et dont nous avons estimé qu’il était insuffisant.

Ce sujet est donc remis à l’ordre du jour, et nous travaillons de concert avec plusieurs pays pour améliorer significativement le texte sur plusieurs points très importants que vous avez évoqués. J’en ajouterai un, selon moi le plus important : le respect du principe fondamental selon lequel « à travail égal, salaire égal ». La discussion sur ce principe est a priori bien engagée. Nous discutons également des sociétés boîtes aux lettres, du contrôle transnational et des transports, en particulier le cabotage. Il n’est donc pas question de traiter tous ces sujets maintenant, puisque nous y travaillons encore avec nos partenaires européens.

La question qui nous occupe ici est d’ordre est plus directement opérationnel. Aujourd’hui, la France impose des formalités administratives qui vont au-delà de ce qu’imposent les directives européennes. Ces formalités ne permettent pas un meilleur contrôle, mais elles représentent des coûts et des lourdeurs accrus pour les prestataires. Tel est notamment le cas pour les prestations de très courte durée. Aujourd’hui, on applique les mêmes règles de déclaration de détachement aux personnes qui viennent pour six mois d’un pays lointain et à celles qui entrent en France pour participer à une foire, à un salon ou à un événement sportif ou culturel – il s’agit alors davantage, à mon sens, de mouvements transfrontaliers que de détachements. Seule la France demande des déclarations de détachement dans de telles situations, qui sont juridiquement traitées comme relevant du détachement !

Nous souhaitons donc alléger ces règles. Cela montrera à nos voisins que nous allons de l’avant. Surtout, on pourra alors se concentrer sur les sujets essentiels liés au détachement, en vue de mieux protéger nos salariés et nos PME.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Concernant l’amendement n° 143, qui vise à supprimer l’habilitation relative au détachement des travailleurs, le Gouvernement vient de préciser quelque peu ses orientations en la matière. Cette habilitation est destinée à faciliter les démarches administratives pour les travailleurs détachés frontaliers. Les craintes que vous aviez, mon cher collègue, auront certainement été apaisées par les propos de Mme la ministre. Je vous invite donc à retirer cet amendement, faute de quoi la commission sera obligée d’émettre un avis défavorable.

Pour ce qui est de l’amendement n° 233, le Gouvernement souhaite élargir le champ d’habilitation relatif aux travailleurs frontaliers. Il désire en effet assouplir les règles de détachement applicables aux entreprises étrangères qui réalisent régulièrement de courtes prestations sur le territoire national. Sont notamment visés les sportifs, les artistes ou encore les scientifiques. Le renforcement des règles relatives à la déclaration préalable de détachement issu de la loi dite « Savary » du 10 juillet 2014 permet d’améliorer la lutte contre les fraudes qui déstabilisent nos entreprises et minent notre modèle social. Ces règles doivent toutefois être assouplies dans les secteurs qui ne sont pas exposés au risque de fraude, faute de quoi les échanges entre la France et l’étranger risquent d’être freinés. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 143 ?

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il est défavorable.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 230, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° Améliorer et simplifier la gestion et le recouvrement de la contribution prévue à l’article L. 1262-4-6 du code du travail, ou à défaut supprimant cette contribution.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Là aussi, la France s’est singularisée en créant un droit de timbre de 40 euros pour chaque travailleur détaché. Ce n’est pas cela qui va empêcher le détachement dans des conditions qui ne nous conviennent pas ! Nous devons soit adapter cette disposition, qui est mal perçue, soit la supprimer. Là encore, nous voulons nous concentrer sur les grandes choses, et non pas sur les petites. Nous avons beaucoup à faire sur le détachement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Le système d’information-prestations de services internationales, ou SIPSI, est un système dématérialisé de déclaration et de contrôle du détachement des travailleurs en France. Un décret du 3 mai 2017 a fixé la contribution versée par les employeurs pour couvrir ses coûts de fonctionnement à 40 euros par salarié détaché. Nous n’avons pas d’opposition de principe à sa simplification. Il est toutefois regrettable qu’il faille la simplifier moins d’un an après qu’elle a été instituée… Cela dit, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

À deux ou trois reprises déjà, au cours de l’examen de ce texte, des dispositions prises antérieurement n’étant pas appliquées, on a légalisé l’illégalité. C’est un aveu d’impuissance : le politique perd toute crédibilité.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 139 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 8221-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 8221 -6. – Est réputé salarié tout travailleur qui exerce son activité dans des conditions de droit ou de fait caractérisant un lien de subordination juridique ou un lien de dépendance économique vis-à-vis d’une autre personne physique ou morale.

« Est présumé être l’employeur de ce salarié la personne physique ou morale qui utilise directement ou indirectement ses services.

« Outre les clauses du contrat conclu entre les parties, le lien de subordination juridique et/ou le lien de dépendance économique sont établis notamment :

« 1° Lorsque le travailleur ne possède pas la maîtrise des moyens matériels ou immatériels utilisés pour la production des biens ou services ;

« 2° Ou lorsque le travailleur ne peut entrer en relation avec l’utilisateur final des services que par l’intermédiaire obligé d’un tiers ;

« 3° Ou lorsqu’un tiers, gérant une plate-forme numérique de mise en relation entre le travailleur et les clients peut librement radier le travailleur de la liste des prestataires figurant sur la plate-forme ;

« 4° Ou lorsque le travailleur, prétendument indépendant, ne fixe pas lui-même, ou par entente avec le client, le prix de ses prestations ;

« 5° Ou lorsque le travailleur, pour l’exécution de ses prestations, applique des instructions ou sujétions telles que celles portant sur des horaires ou des méthodes de travail, émises par une personne physique ou morale autre que l’acheteur final des services ;

« 6° Ou lorsque le travailleur se voit imposer la vente de telles marchandises à l’exclusion de toutes autres ou se voit imposer le prix de vente de ces marchandises. » ;

2° Après l’article L. 8221-6-1, sont insérés des articles L. 8221-6-2 à L. 8221-6-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 8221 -6 -2. – Lorsque le travailleur, utilisé dans les conditions prévues par l’article L. 8221-6 du présent code, emploie lui-même d’autres salariés, ceux-ci sont réputés être liés par contrat de travail au même employeur.

« Art. L. 8221 -6 -3. – La sous-traitance de toute activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce est prohibée au-delà du second rang. Les travailleurs occupés en méconnaissance de cette interdiction, y compris ceux visés à l’article L. 8221-6-1, sont réputés être salariés du sous-traitant de second rang.

« Art. L. 8221 -6 -4. – Toute décision de faire appel à la sous-traitance d’une partie de l’activité ou des fonctions de l’entreprise est soumise à l’avis conforme du comité d’entreprise. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Cet amendement tend à protéger les salariés de l’ubérisation. À cette fin, nous proposons d’instaurer une présomption de salariat reposant, conjointement ou alternativement, sur la subordination juridique et la dépendance économique.

Notre amendement vise aussi à encadrer le recours à la sous-traitance par sa limitation légale à deux degrés et son contrôle par les travailleurs. Le recours à la sous-traitance serait soumis à l’avis conforme du comité d’entreprise, qui a toute compétence pour apprécier les besoins et possibilités de l’entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cet amendement, qui visait initialement à créer un article additionnel après l’article 3, tend à protéger les salariés de l’ubérisation. C’est un amendement très intéressant, car les critères proposés pour établir l’existence d’une relation salariale sont pertinents. Tel n’est cependant pas l’objet de ce projet de loi d’habilitation. Il nous faudrait beaucoup plus de temps et procéder à des auditions complémentaires pour traiter cette question. J’invite donc ses auteurs à le retirer, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il est lui aussi défavorable, bien que le sujet des travailleurs du numérique soit extrêmement important et qu’il faille prendre en compte cette évolution des organisations de travail. Selon moi, les mesures entérinées l’an dernier en faveur de la reconnaissance des droits sociaux de ces travailleurs ont déjà représenté un progrès. Pour aller plus loin, il faudra mener une réflexion de fond et de long terme, après une expertise beaucoup plus approfondie et un dialogue avec les partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur Foucaud, l’amendement n° 139 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Non, monsieur le président, je suis l’avis de notre rapporteur et je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 139 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 5, modifié.

L’article 5 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L’amendement n° 146, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La deuxième phrase du II de l’article L. 4624-2 du code du travail est complétée par les mots : « dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, le salarié devant bénéficier d’une visite de contrôle a minima tous les deux ans ».

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

La loi El Khomri a profondément réduit les capacités de la médecine du travail. Au motif du manque de praticiens, le gouvernement dirigé par Manuel Valls avait décidé de réduire des visites médicales jugées trop nombreuses et trop souvent inutiles, plutôt que de s’attaquer aux raisons de la pénurie de médecins du travail.

Notre amendement vise à revenir sur cette modification de la médecine du travail, qui prévoit un suivi attentif uniquement pour les salariés exerçant des métiers dits « pénibles ». Nous ne pouvons que nous étonner d’une telle conception de la médecine du travail, qui ne serait plus là pour veiller à la santé de tous les travailleurs.

Permettez-moi de revenir sur deux raisons qui expliquent notre position.

En premier lieu, tout type d’emploi et de fonction est potentiellement à risque. Bien évidemment, il ne s’agit pas de prétendre que tous les risques ont le même degré de gravité : la différence d’espérance de vie moyenne entre les cadres et les ouvriers est là pour montrer que tel n’est pas le cas. Cependant, à quel moment commence la pénibilité ? Devons-nous considérer qu’une personne travaillant à la caisse dans un supermarché ne souffre ni physiquement ni psychologiquement dans son emploi ? Le développement des troubles musculo-squelettiques tend à montrer le contraire.

En second lieu, le médecin du travail devrait être, avec le CHSCT, le plus à même de constater les troubles physiques et psychiques des salariés. Combien faudra-t-il de drames ? Je pense notamment à France Télécom ou à La Poste, mais aussi aux hôpitaux, où le nombre des suicides a considérablement augmenté. Il est important de prendre des mesures à ce sujet afin de pouvoir offrir une médecine du travail de qualité. Il s’agit de revaloriser la médecine du travail et de lui donner les moyens de fonctionner. Ce n’est pas du tout l’esprit de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

C’est une question particulièrement intéressante. En effet, on manque de médecins du travail sur l’ensemble du territoire national. On en a beaucoup discuté lors de l’examen de la loi « santé » et de la loi El Khomri. Pour l’instant, aucune solution n’a été proposée.

On sait très bien que le métier de médecin du travail n’est pas très attirant pour les docteurs en médecine. Il faut donc essayer de trouver des solutions pour rendre ce métier attractif. Nous devons également faire en sorte que la ministre du travail et la ministre de la santé mènent un travail en commun pour que les docteurs en médecine qui sortent de la faculté s’intéressent à cette spécialité. En tant que médecin, je crois qu’il y a des spécialités plus intéressantes que celle-là…

Cela dit, il faut des médecins du travail. Le travail en commun entre les deux ministères que j’ai cités devra aussi impliquer le ministère de l’enseignement supérieur, ainsi que les doyens de la faculté de médecine, qui ne trouvent pas non plus un grand intérêt à inciter leurs étudiants à aller travailler dans ce domaine.

L’avis de la commission sur cet amendement est défavorable, parce que ce sujet ne rentre pas dans le cadre du présent projet de loi. Il était toutefois intéressant de pouvoir en parler à nouveau.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Je pense qu’il y a une erreur de rédaction dans votre amendement, madame la sénatrice. Il tend en effet à modifier le II de l’article L. 4624–2 du code du travail. Or cet alinéa traite des salariés qui sont déjà en surveillance renforcée et bénéficient donc déjà d’une visite médicale tous les deux ans.

Cela dit, sur la question de fond de la médecine du travail, je crois avoir dit hier que ma collègue Agnès Buzyn et moi-même attendons la remise, d’ici à environ un mois, d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur la médecine du travail. Il existe un problème d’attractivité de la fonction de médecin du travail. C’est un sujet que nous devons rapidement reprendre sur le fond à un échelon interministériel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je me permets d’exprimer un désaccord avec notre rapporteur : le métier de médecin du travail est tout à fait intéressant. Il s’agit d’une forme de médecine sociale passionnante.

Je voudrais par ailleurs évoquer un sujet qui n’a pas été abordé concernant le statut du médecin du travail : celui de son indépendance. Dans les services interentreprises, le médecin du travail se sent plus protégé que ses collègues qui travaillent dans une entreprise spécifique : ceux-ci peuvent avoir l’impression, parfois justifiée, d’être fortement dépendants de la direction de l’entreprise. J’estime donc que l’indépendance du médecin du travail est un sujet qu’il ne faut pas oublier de traiter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous maintenons notre amendement, non par obstination, mais parce que le problème est réel. J’entends tout à fait positivement les remarques de notre rapporteur et de Mme la ministre. Effectivement, il faut travailler sur le sujet, car tout cela ne se fait pas, nous en sommes bien conscients, d’un coup de baguette magique. La médecine du travail a été tellement affaiblie qu’il y faut des moyens.

Cela étant, il est problématique que les visites médicales soient réservées aux travailleurs reconnus comme soumis à des facteurs de pénibilité. Nous pensons nécessaire de prévoir une visite pour l’ensemble des travailleurs. C’est pourquoi nous maintenons notre amendement, qui doit faire office de rappel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Je soutiendrai cet amendement. Je lie cette question de la médecine du travail à celle du maintien du CHSCT. Il me paraît important qu’il reste une trace, dans cette discussion, des engagements pris par Mme la ministre de prendre l’attache de la ministre de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Encore une fois, il faudra rendre le métier attractif, sinon il n’y aura pas d’étudiants qui se destineront à la médecine du travail.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.

(Non modifié)

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin d’harmoniser l’état du droit, d’assurer la cohérence des textes, d’abroger les dispositions devenues sans objet et de remédier aux éventuelles erreurs en :

1° Prévoyant les mesures de coordination et de mise en cohérence résultant des ordonnances prises sur le fondement de la présente loi ;

2° Corrigeant des erreurs matérielles ou des incohérences contenues dans le code du travail à la suite des évolutions législatives consécutives à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et à la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté ;

3° Actualisant les références au code du travail modifiées à la suite des évolutions législatives mentionnées au 2° du présent I dans les codes, lois et ordonnances en vigueur.

II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, et jusqu’au 31 octobre 2017, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi mentionnées aux 1° et 2° du III de l’article 120 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, en tenant compte des modifications du droit résultant des ordonnances prises sur le fondement de la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 59 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 80 rectifié bis est présenté par M. Antiste et Mme Jourda.

L’amendement n° 85 rectifié ter est présenté par Mmes Yonnet et Lienemann, MM. Labazée et Manable et Mme Monier.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 59.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

L’article 6 habilite le Gouvernement à modifier le code du travail en vue d’harmoniser l’état du droit pendant douze mois après la promulgation du présent projet de loi.

Sous couvert de coordination et de mise en cohérence rédactionnelles, cet article laisse de trop grandes marges de manœuvre, selon nous, au Gouvernement pour modifier le code du travail sur le fond, les réécritures du code étant rarement faites à droit constant.

Pour ces raisons, les auteurs de cet amendement demandent la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Maurice Antiste, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

L’article 6 habilite le Gouvernement à modifier le code du travail en vue d’harmoniser l’état du droit pendant douze mois après la promulgation du présent projet de loi.

Cette habilitation très large laisse au Gouvernement une marge de manœuvre excessive, des modifications notables du code du travail pouvant être introduites au nom de la mise en cohérence des textes. Compte tenu de l’objet du texte, qui touche aux bases mêmes du droit social, une habilitation aussi vague dessaisit à l’excès le Parlement.

Pour ces raisons, je propose la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° 85 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Cet article autorise le Gouvernement à harmoniser l’état du droit, à assurer la cohérence des textes, à abroger les dispositions devenues sans objet et à remédier aux éventuelles erreurs. En l’état, il permet au Gouvernement de modifier le code du travail en l’alignant sur la philosophie, présumée fortement libérale, des ordonnances. Cet amendement a donc pour objet la suppression de cet article.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il est lui aussi défavorable. C’est une disposition assez classique. Il faut toujours un certain temps pour assurer une codification « nickel » et procéder à la correction des renvois ou à l’élimination des coquilles. Nous ne demandons ici rien d’exceptionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je ne comprends pas pourquoi vous voulez supprimer cet article, mes chers collègues. C’est l’occasion d’harmoniser le droit. Je vous signale que, depuis 2015, c’est la quatrième fois qu’on modifie le code du travail. Il est donc normal que l’exécutif, quel qu’il soit, regarde si toutes les dispositions sont cohérentes entre elles et les codifie au mieux.

Je signale aussi que, souvent, dans des textes législatifs, on corrige des erreurs qui ont été faites dans une loi antérieure et dont l’administration s’est aperçue ensuite. Il faut procéder à ces corrections.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Depuis trois jours, nous sommes confrontés à des formulations qui laissent une latitude un peu excessive au Gouvernement pour la rédaction des ordonnances ; en l’occurrence, la formulation de cet article permet vraiment presque tout ! Votre argument n’est guère recevable dans le cas d’ordonnances, madame Bricq. Permettez que nous soyons méfiants, car il y a de quoi l’être !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix les amendements identiques n° 59, 80 rectifié bis et 85 rectifié ter.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 147, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

harmoniser

insérer les mots :

à droit constant

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Sous couvert de coordination et de mise en cohérence rédactionnelles, cet article laisse de grandes marges de manœuvre au Gouvernement pour modifier le code du travail sur le fond, les réécritures du code étant rarement faites à droit constant. Pour cette raison, les auteurs de cet amendement proposent d’ajouter la mention « à droit constant ». Je pense que Mme Bricq sera d’accord avec nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je comprends bien l’intention des auteurs de cet amendement, mais l’habilitation prévue à l’article 6 ne permet pas au Gouvernement de modifier le fond du droit. La correction des erreurs matérielles et des incohérences qui sont le legs des réformes qui se sont succédé ces dernières années, tout comme les moyens d’assurer la bonne insertion dans notre ordre juridique des modifications apportées par les ordonnances, ne peuvent mécaniquement pas se faire à droit constant par rapport à la situation actuelle, c’est-à-dire antérieure à la publication des ordonnances.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les mêmes raisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur Foucaud, l'amendement n° 147 est-il maintenu ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 226, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

code du travail

insérer les mots :

ou d’autres codes

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il convient de compléter l’habilitation pour permettre que la correction des erreurs matérielles et des incohérences ne se limite pas au seul code du travail, mais concerne aussi les autres codes. Il s’agit non pas d’apporter des modifications, mais de corriger les renvois à des articles d’autres codes, pour ne pas créer d’incohérences entre les codes.

L'amendement est adopté.

L'article 6 est adopté.

I. – Au second alinéa du I et au deuxième alinéa du II de l’article 257 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, le mot : « vingt-quatrième » est remplacé par le mot : « trente-sixième ».

II. – Le I du présent article entre en vigueur le 31 juillet 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

L’article 7, tel que modifié par la majorité sénatoriale en commission, prolonge la période transitoire relative à la mise en place du nouveau zonage dérogatoire au repos dominical prévu par la loi Macron. Les membres du groupe CRC s’étaient déjà opposés à cette loi d’inspiration libérale qui a étendu de fait le champ du travail le dimanche et ils maintiennent leur refus de ce qu’ils considèrent comme une régression sociale.

Les sociologues Laurent Lesnard et Jean-Yves Boulin ont publié une enquête très intéressante intitulée « Travail dominical, usages du temps et vie sociale et familiale », qui analyse les conséquences du travail dominical sur la vie personnelle des salariés du privé et des fonctionnaires mobilisés ce jour-là.

Hors agriculture, on estimait à 6, 5 % la part de la population active qui travaillait le dimanche en 1970. En 2010, cette proportion est passée à 14 %. Elle ne cesse d’augmenter. Nous sommes face à un renversement que l’on peut qualifier d’historique : jusqu’à présent, le droit au repos obligatoire le dimanche était la règle.

Par ailleurs, le travail dominical a des conséquences sociales. Avec un dimanche entièrement travaillé à l’extérieur, les temps de sociabilité diminuent. En effet, ce jour est consacré aux liens familiaux, notamment entre parents et enfants, et à la sociabilité amicale.

Le travail dominical hors domicile est aussi un facteur d’inégalités sociales, car il concerne surtout les ouvriers, les employés du commerce et des services, notamment publics, par exemple les transports.

« Qui détermine vos horaires de travail ? » À cette question, 86 % des personnes travaillant le dimanche ont répondu que leurs horaires leur étaient imposés, seuls 4 % s’estimant libres de choisir. À l’évidence, le rapport de force n’est pas du tout en faveur des salariés appelés à travailler le dimanche, quelles que soient les compensations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 60 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 163 est présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 60.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Il est proposé de supprimer cet article qui prévoit de proroger l’échéance de la période transitoire prévue en matière de travail du dimanche aux I et II de l’article 257 de la loi de 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, s’agissant des « communes d’intérêt touristique ou thermales », des « zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente » et des « périmètres d’usage de consommation exceptionnelle ».

Alors même que la commission des affaires sociales du Sénat a porté le délai de douze mois à trente-six mois, cet article constitue un recul sévère pour les droits des salariés tout autant qu’un danger pour le petit commerce local.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 163.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Nous avons déjà débattu de ces questions cet hémicycle. Doit-on travailler le dimanche ? Doit-on banaliser le dimanche ? Doit-on faire travailler les salariés pour vendre des sandwiches dans les centres commerciaux, alors qu’ils seraient mieux en famille, à s’occuper de leurs enfants ? Je ne prolongerai pas ce débat jusqu’à dimanche…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Les écologistes sont opposés au travail dominical. Il faut conserver cette pause importante pour la convivialité citoyenne. C’est la raison pour laquelle je me rallie à la position de mes collègues du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je mets aux voix les amendements identiques n° 60 et 163.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 86 rectifié, présenté par Mmes Yonnet, Lienemann et Jourda, M. Labazée et Mme Monier, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer le mot :

trente-sixième

par le mot :

trentième

La parole est à Mme Évelyne Yonnet.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Cet article prévoit de proroger d'une année supplémentaire la période transitoire prévue en matière de travail du dimanche par l'article 257 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Au regard de l'application d'ordonnances remettant en cause les modalités de négociation des accords et conventions dans le domaine salarial, il convient que cette prorogation ne s’étende que jusqu'à l'application du droit actuel. Cette mesure permettrait aux entreprises qui n’auraient pas trouvé un accord collectif concernant le travail dominical dans les zones touristiques internationales de disposer d’un délai supplémentaire de six mois pour mettre en place un tel accord.

Cet amendement vise donc à modifier l’article 257 de la loi du 6 août 2015 pour porter à trente mois la période transitoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. La durée de trente-six mois que prévoit l’article 7 correspond en effet à la position du Sénat en 2015.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 130 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° L’article L. 3132-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132 -3. – Dans l’intérêt des salariés, de leurs familles et de la société, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.

« Aucune dérogation à ce principe n’est possible à moins que la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement ou l’importance de la population à desservir ne le justifie. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 3132-13 est ainsi rédigé :

« Dans les commerces de détail alimentaire d’une surface inférieure à 500 mètres carrés, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures. Le seuil maximal de 500 mètres carrés n’est pas applicable dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. » ;

3° L’article L. 3132-23 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132 -23. – Le principe du repos dominical ne peut pas être considéré comme une distorsion de concurrence. » ;

4° L’article L. 3132-25 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132 -25. – Sans préjudice de l’article L. 3132-20, dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, il peut être dérogé au principe du repos dominical, après autorisation administrative, pendant la ou les périodes d’activité touristique, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel.

« La liste des communes d’intérêt touristique ou thermales est établie par le préfet, sur demande des conseils municipaux, selon des critères et des modalités définis par voie réglementaire. Pour les autres communes, le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente est délimité par décision du préfet prise sur proposition du conseil municipal.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. » ;

5° L’article L. 3132-25-3 est abrogé ;

6° L’article L. 3132-25-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132 -25 -4. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20, L. 3132-25 et L. 3132-25-1 sont accordées pour une durée limitée, après avis du conseil municipal et de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers et des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés de la commune. » ;

7° L’article L. 3132-27 est abrogé ;

8° Le paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 est complété par un sous-paragraphe ainsi rédigé :

« Sous-paragraphe …

« Garanties et protections pour les salariés qui travaillent le dimanche

« Art. L. 3132 -27 -1 -1. – Dans le cadre des dérogations prévues aux articles L. 3132-20 à L. 3132-27-1, seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit peuvent travailler le dimanche.

« Une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher.

« Le salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’aucune mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.

« Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

« Art. L. 3132 -27 -1 -2. – Le salarié qui travaille le dimanche, à titre exceptionnel ou régulier, en raison des dérogations accordées sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-27-1, bénéficie de droit d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.

« Un décret précise les conditions dans lesquelles ce repos est accordé soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos.

« Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur est donné le jour de cette fête.

« Art. L. 3132 -27 -1 -3. – Sans méconnaître les obligations prévues à l’article L. 3132-27-1-2, toute entreprise ou établissement qui souhaite déroger au principe du repos dominical sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-27-1 présente à l’autorité administrative compétente pour autoriser la dérogation un accord de branche ou un accord interprofessionnel, fixant notamment les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical et les contreparties accordées à ces salariés.

« Art. L. 3132 -27 -1 -4. – L’employeur demande chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise. L’employeur l’informe également, à cette occasion, de sa faculté de ne plus travailler le dimanche s’il ne le souhaite plus. Le refus du salarié prend effet trois mois après sa notification écrite à l’employeur.

« Le salarié qui travaille le dimanche peut à tout moment demander à bénéficier de la priorité définie au premier alinéa.

« Le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Il en informe préalablement son employeur en respectant un délai d’un mois.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.

« Art. L. 3132 -27 -1 -5. – Aucune sanction l’encontre d’un établissement ou d’une entreprise méconnaissant la législation sur le repos dominical ne peut avoir pour conséquence le licenciement des personnels employés et affectés au travail ce jour. Ces salariés conservent le bénéfice des rémunérations et des primes qu’ils percevaient antérieurement à la sanction administrative ou financière. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Cet amendement est retiré, monsieur le président. Nous le représenterons à une autre occasion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 86 rectifié est retiré.

L'amendement n° 148, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3132-26 du code du travail est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du premier alinéa, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « cinq » ;

2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 20 rectifié bis, présenté par M. Mouiller, Mmes de Rose et Mélot, MM. Morisset, Commeinhes, César, Lefèvre, Bonhomme, D. Laurent et Savary, Mmes Lopez et Estrosi Sassone, MM. Pointereau, Longuet et de Legge, Mmes Morhet-Richaud et Billon, MM. Rapin, Kern et Pellevat, Mmes Debré, Deromedi et Di Folco et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le début de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 3132-29 du code du travail est ainsi rédigé : « Lorsqu’au sein d’une zone géographique déterminée, un accord sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d’employeurs représentatives d’une profession, le préfet… (le reste sans changement) ».

La parole est à M. René-Paul Savary.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Il s’agit de s’assurer que les accords sociaux concernant le travail du dimanche soient conclus par des interlocuteurs représentatifs des professions concernées.

Le parallélisme des formes doit être rétabli. Dès lors que des organisations syndicales représentatives peuvent demander au préfet l’abrogation de l’arrêté, il est logique de prévoir que les organisations syndicales demandant au préfet l’adoption de cet arrêté soient, elles aussi, représentatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La commission demande l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il s’agit d’un sujet technique. Cet amendement vise à ajouter une condition à l’édiction des arrêtés préfectoraux de fermeture dominicale prévue à l’article L. 3132-29 du code du travail. Les accords sur lesquels ils s’appuient devraient être conclus par des organisations représentatives.

Une telle mesure est difficilement applicable, car les périmètres des arrêtés de fermeture sont aujourd’hui départementaux et infradépartementaux. La profession à laquelle ils peuvent s’appliquer peut recouvrir de nombreuses branches – ainsi, pour la vente de pain, le commerce de détail alimentaire, la boulangerie-pâtisserie… Prendre en compte la représentativité des organisations syndicales d’employeurs à un échelon infradépartemental et intermétiers poserait une multitude de difficultés. Cela deviendrait rapidement une usine à gaz et compliquerait le travail des préfets.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis tout à fait défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Cela ne règle pas le problème ! La situation est confuse, les arrêtés du préfet pouvant être remis en cause par certains.

Je retire cet amendement, mais il faudra éclaircir ce point, madame la ministre !

(Non modifié)

Pour chacune des ordonnances prévues aux articles 1er à 7, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 158, présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. La discussion s’accélère…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement vise justement à critiquer la précipitation de la méthode des ordonnances. Les sujets abordés auraient mérité de plus amples débats. Il aurait fallu connaître les positions des organisations syndicales, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… étudier les exemples qu’a donnés à foison Mme la ministre, bref mieux travailler le dossier.

À cet égard, je regrette que le groupe CRC ait retiré son amendement sur l’ubérisation. Sur ce sujet, il y a urgence ! Nous avons besoin d’un débat sur l’ubérisation de notre économie et les moyens de financer la sécurité sociale. Cet amendement posait une vraie question qui méritait d’être traitée en urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Je maintiens cet amendement, mais je comprends que vous vouliez aller encore plus vite, madame la ministre, monsieur le rapporteur ! Ce n’est plus « en marche », c’est « au galop » !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je vais tout de même prendre le temps de souligner la malice de M. Desessard et des cosignataires de cet amendement de suppression !

L'article 8 fixe le délai de dépôt des projets de loi de ratification à trois mois à compter de la publication des ordonnances. Il s’agit d’une obligation constitutionnelle, dont le non-respect entraînerait la caducité des ordonnances…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Vous l’avez vu ? C’est dommage !...

Sourires.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Je salue également l’habileté de la tentative, mais suis bien évidemment défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté.

(Non modifié)

Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement afin de procéder à une évaluation précise de l’effet des ordonnances prises sur le fondement des articles 1er à 8. Ce rapport doit plus particulièrement permettre de mesurer l’impact des mesures prévues par ces ordonnances sur la compétitivité des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises, ainsi que sur la protection des salariées et des salariés. Un débat peut être organisé au Parlement sur la base des conclusions de ce rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous clôturons nos travaux sur ce projet de loi par l’examen d’un article et de quatre amendements portant article additionnel visant à demander au Gouvernement de réaliser des rapports à destination du Parlement. Je réitérerai sur mon opposition et celle de la commission des affaires sociales – bien ancrées, mais pas absolues – à cette pratique, en me fondant sur des exemples récents tirés de la discussion des dernières lois majeures relatives au droit du travail.

Dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, le Gouvernement s’était engagé à remettre au Parlement quinze rapports, le dernier au plus tard le 31 décembre 2015. Seuls deux nous ont été communiqués.

Aucun des cinq rapports prévus par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale n’a été transmis au Parlement. Idem pour les trois rapports prévus par la loi Rebsamen du 17 août 2015.

Enfin, ce sont déjà cinq rapports prévus par la loi El Khomri du 8 août 2016 qui sont en retard. Je vous informe d’ailleurs, madame la ministre, que vous devez transmettre au Parlement, avant le 8 août prochain, un rapport dressant le bilan de la mise en œuvre de la base de données économiques et sociales – c’est l’article 20 de la loi El Khomri –, un rapport sur l’état des discriminations syndicales en France – c’est l’article 30 –, ainsi qu’un rapport présentant des propositions pour renforcer l’attractivité de la carrière de médecin du travail – c’est l’article 104.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Bonnes vacances, madame la ministre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je peux dire, à titre d’exemple, que nous espérons toujours obtenir un jour le rapport sur l’articulation entre le code du travail et les statuts des personnels des chambres consulaires, qui aurait dû être remis le 31 décembre 2013, en application de l’article 26 de la loi du 14 juin 2013, ou encore celui sur la redéfinition, l’utilisation et l’harmonisation des notions de jour dans le code du travail, que je sais cher à Nicole Bricq et qui aurait dû nous être remis avant le 9 mai dernier en application de l’article 13 de la loi El Khomri.

Je tiens enfin à lever un malentendu qui est apparu lors de la discussion ce matin de l’amendement n° 177 rectifié ter à l’article 3, relatif au télétravail. À cette occasion, il a bien été fait mention d’un rapport, très utile d’ailleurs, sur ce thème. Il s’agit toutefois non d’un rapport du Gouvernement au Parlement, mais du résultat de la concertation engagée par les partenaires sociaux en application de l’article 57 de la loi El Khomri.

C’est l’occasion de souligner, pour conclure, que ce même article prévoyait que le Gouvernement remettrait au Parlement avant le 1er décembre 2016 un rapport sur l’adaptation juridique des notions de lieu, de charge et de temps de travail liée à l’utilisation des outils numériques. Comme vous vous en doutez, mes chers collègues, nous l’attendons toujours…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je partage tout à fait l’analyse du rapporteur. En disant cela, je ne me prononce pas sur les demandes de rapport que nous aurons à examiner dans quelques instants.

Lorsque je présidais la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, qui a été dissoute depuis et dont les travaux ont été salués, j’ai redit tous les ans que le Parlement ne s’honorait pas à faire des demandes auxquelles il ne croyait pas lui-même.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

En effet, ce faisant, il dévalorise son propre travail. Le taux de remise des rapports prévus dans la loi est tellement ridicule qu’il devient presque humiliant de continuer à faire semblant… La pratique a peut-être un peu décliné, mais elle perdure. On m’avait même appris, lorsque j’étais jeune sénateur, que si l’amendement que je souhaitais présenter n’était pas recevable, il suffisait de demander un rapport pour être sûr que le sujet serait abordé !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il n’est guère souhaitable que la Haute Assemblée poursuive dans cette attitude quelque peu adolescente. Je ne suis pas opposé par principe aux demandes de rapport, mais quand on en présente systématiquement et à tout propos, le Gouvernement ne se sent plus tenu à aucune obligation à cet égard, la tâche étant impossible, sauf à ne se consacrer qu’à cela.

L'article 8 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 144 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 8 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente, au plus tard le 31 décembre 2017, un rapport d’évaluation sur les dispositifs de sécurisation de l’emploi existants et les axes d’amélioration en vue de mettre en place une sécurité sociale professionnelle pour tous les salariés.

Ce rapport s’attache plus particulièrement à présenter les pistes de réflexion permettant d’assurer à chacun un travail décent ou un revenu de remplacement, ainsi que des droits sociaux continus en matière de salaire, de formation, de qualification, d’ancienneté, et de représentation syndicale.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Cet amendement vise précisément à demander au Gouvernement la remise, au plus tard le 31 décembre 2017, d’un rapport d’évaluation des dispositifs de sécurisation de l’emploi existants et des axes d’amélioration, en vue de mettre en place une sécurité sociale professionnelle pour tous les salariés. Je ne rappellerai pas ici les propos tenus par Ambroise Croizat et les membres du Conseil national de la résistance lorsqu’ils ont mis en place la sécurité sociale. Peut-être pourraient-ils figurer dans ce rapport…

S’appuyant sur la proposition de loi n° 4413 pour une sécurité de l’emploi et de la formation, déposée le 25 janvier 2017, cet amendement vise à lancer le débat sur la mise en œuvre d’une véritable sécurité sociale professionnelle pour tous.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Compte tenu des plaidoyers du rapporteur et de M. Assouline, avis défavorable !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 47 rectifié bis, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 8 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 30 juin 2018, le Gouvernement présente au Parlement un rapport examinant la possibilité de conserver au salarié concerné par un licenciement économique les éléments du statut de salarié lui permettant de maintenir un lien avec l’entreprise pendant la durée d’une formation qualifiante.

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

M. Jean-Louis Tourenne. Il y a une erreur dans la rédaction de cet amendement : c’est non pas un rapport, mais une réflexion qui est demandée au Gouvernement !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Nous vivons une période de chômage qui dure depuis plus de trente ans et la vérité, c’est que le chômage ne disparaîtra pas. Il connaîtra peut-être des reculs, mais ils seront suivis de périodes de recrudescence, car nous sommes dans une économie qui évolue.

Or, même s’il pourrait ne pas en être une, le chômage est vécu comme une malédiction pour celui qui le subit, autant pour des raisons financières lorsqu’il se prolonge que pour des raisons psychologiques et sociétales. Il induit un sentiment d’humiliation, la perte d’estime de soi, la peur du regard des autres, la perte des savoir-faire.

Le nombre de suicides liés au chômage est considérable. Selon une étude, dont j’ignore si elle est véritablement scientifique, 500 000 cancers dans le monde seraient liés au chômage. Les traumatismes subis sont souvent irréversibles et ont des conséquences sur la vie familiale, la capacité éducative – quand on a perdu l’estime de soi, on ne peut plus s’intéresser aux autres, en particulier à ses enfants –, et peuvent entraîner des conduites addictives et l’exclusion sociale.

Le maintien d’un lien avec l’entreprise, lorsque celle-ci n’a pas disparu, permettrait d’éviter ce type de trauma, sans entraîner de coût supplémentaire.

L’indemnisation du chômage représente 40 milliards d'euros. La formation des chômeurs coûte 30 milliards d’euros. Ces 70 milliards d’euros dépensés chaque année seraient peut-être mieux utilisés s’ils permettaient de conserver au salarié son statut pendant la période de formation, ce qui éviterait cette humiliation, ces difficultés, ces traumatismes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

L’amendement prévoit explicitement la remise d’un rapport, et c’est sur cette rédaction que la commission doit s’exprimer, même si je suis d’accord avec les remarques qui ont été formulées, en particulier sur les difficultés de santé que peut entraîner le chômage.

Sur la forme, je l’ai dit, je ne suis pas favorable aux demandes de rapport.

Sur le fond, nous avons déjà eu ce débat il y a un an lors de l’examen de la loi « travail ». Je rappelle que, dans les entreprises employant plus de 1 000 salariés, les salariés licenciés pour motif économique bénéficient d’un congé de reclassement qui leur permet justement de rester liés contractuellement à leur entreprise d’origine pendant leur formation. Toutefois, une telle obligation ne pourrait pas être généralisée à toutes les entreprises en deçà de ce seuil.

Je crois savoir que le Gouvernement et les partenaires sociaux souhaitent améliorer le contrat de sécurisation professionnelle auquel ont droit tous les salariés licenciés pour motif économique dans les entreprises de moins de 1 000 salariés. Peut-être souhaiteront-ils explorer la piste ouverte par M. Tourenne, pour créer un préavis plus long. Laissons la réflexion se poursuivre sur ce point et revoyons ce sujet dans quelques mois, lors de l’examen du projet de loi de ratification des ordonnances. Peut-être pourrons-nous alors demander ensemble un rapport…

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Même avis défavorable sur cette demande de rapport, mais une telle réflexion doit être menée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur Tourenne, l'amendement n° 47 rectifié bis est-il maintenu ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 149 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 8 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre de la loi n° 2016-10-88 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

La parole est à M. Christian Favier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

N’en déplaise à notre excellent rapporteur, étant donné la faiblesse des études d’impact qui accompagnent les projets de loi et dans la mesure où nous sommes souvent bridés par l’article 40 de la Constitution pour formuler des propositions concrètes, notre seul recours est de demander un rapport…

En l’occurrence, nous souhaitons la remise d’un rapport tirant le bilan de la mise en place de la loi El Khomri, afin de voir si, à l’horizon de six mois, le bouleversement, pour ne pas dire la destruction, du code du travail en cours aura eu des effets significatifs sur la baisse du chômage. Nous sommes très curieux de le savoir !

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° 166 rectifié, présenté par MM. Yung et Leconte et Mmes Lepage et Conway-Mouret, est ainsi libellé :

Après l'article 8 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la situation, au regard de l'assurance chômage, des agents contractuels recrutés sur place dans les services de l'État à l'étranger.

Ce rapport explore les pistes susceptibles de permettre aux agents non titulaires de droit local de bénéficier d'une indemnisation au titre de l'assurance chômage lors de leur retour sur le territoire français. Il aborde notamment la possibilité de mettre en place un dispositif d'indemnisation dans le cadre de l'auto-assurance ou d'une convention de gestion ou, à défaut, d'autoriser les agents de droit local à adhérer à titre individuel au régime français d'assurance chômage. Il évalue également l'impact financier des différentes options envisageables.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Madame la ministre, je n’ai pas d’autre solution que de vous demander un rapport sur la situation, au regard de l’assurance chômage, des agents non titulaires français recrutés localement par les administrations françaises à l’étranger.

Ces personnels représentent, par exemple, environ un tiers des 4 500 recrutés locaux du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Leur nombre va croissant à mesure que les postes d’expatrié sont supprimés.

À leur retour en France, les recrutés locaux –contrairement aux agents détachés à l’étranger ou expatriés – se voient refuser le bénéfice d’une allocation d’assurance chômage, qu’il s’agisse de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, ou de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, l’ARE. Or, en vertu de l’article L. 5424-1 du code du travail, l’État et ses établissements publics administratifs ont l’obligation d’assurer leurs agents non fonctionnaires contre le risque de privation d’emploi.

Dans une décision du 27 février 2013, le Défenseur des droits considère que les recrutés locaux « subissent une différence de traitement qui n’apparaît pas justifiée tant au regard de la situation des agents non titulaires de l’État, que de celle des salariés du secteur privé placés dans une situation comparable ». Il recommande donc au Gouvernement de « prendre les mesures nécessaires en vue de permettre à ces agents […] de bénéficier des droits à indemnisation chômage à leur retour sur le territoire français ».

Force est malheureusement de constater qu’aucune suite positive n’a encore été donnée à cette recommandation, qui va dans le même sens qu’un télégramme diplomatique en date du 9 septembre 2009, selon lequel l’ouverture des droits à l’assurance chômage « s’applique […] aux ADL – agents de droit local – qui décideraient de venir résider en France dans les douze mois qui suivent la fin de leur contrat ».

En déposant cet amendement, nous souhaitons que le Gouvernement indique au Parlement comment il entend améliorer le régime de protection sociale des personnels de droit local, qui jouent un rôle central dans le fonctionnement des postes diplomatiques et consulaires, des instituts culturels et des établissements scolaires français. Toutes les pistes doivent être explorées, y compris l’auto-assurance, la conclusion d’une convention de gestion avec Pôle emploi et l’adhésion individuelle au régime français d’assurance chômage.

Madame la ministre, je doute de l’adoption de cet amendement, mais, compte tenu de vos fonctions précédentes, peut-être serez-vous en mesure de nous indiquer comment vous pensez pouvoir nous aider à avancer sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Il s’agit d’une question technique relative à la politique du ministère de l’Europe et des affaires étrangères envers les agents qu’il recrute à l’étranger sous l’empire du droit local. J’espère que la ministre pourra y apporter une réponse. Je lui en souffle une : je pense que si nous adoptions cet amendement, aucun rapport ne verrait jamais le jour !

Je vous propose, monsieur Leconte, de poser plutôt une question orale sur ce sujet au ministre concerné. Vous recevrez alors sans doute une réponse beaucoup plus précise que celle que vous pourrez obtenir ce soir.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement est défavorable à cette demande de rapport. Je pense que le mieux serait effectivement de saisir le ministre concerné.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cher collègue, il fallait non pas demander un rapport, mais rédiger ainsi votre amendement : « Dans les conditions prévues à l’article, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toutes mesures relevant du domaine de la loi pour sécuriser la situation des agents non titulaires de droit local et leur permettre de bénéficier d’une indemnisation au titre de l’assurance chômage. »

Ainsi formulé, votre amendement passerait, du fait de la mention des ordonnances !

Si M. le rapporteur ou Mme la ministre jugent la question posée intéressante, je leur suggère de reprendre l’amendement sous cette forme…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Jean-Yves Leconte. Si le Gouvernement demande à être habilité à légiférer par ordonnance sur ce sujet, je m’en réjouirai !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Certes, c’est le droit local qui prévaut pour les agents de recrutement local. J’attire cependant votre attention, monsieur le rapporteur, sur le fait que certaines personnes relevant du droit local sont parfois considérées, dans le pays où elles travaillent, comme des agents diplomatiques et, pour cette raison, ne bénéficient pas des prestations sociales locales. Il y a là une difficulté spécifique, qui s’ajoute à l’absence couverture par l’assurance chômage en cas de retour en France.

Si nous abordons cette question aujourd'hui, c’est parce que le ministère des affaires étrangères ne bouge pas, malgré les interpellations du Défenseur des droits.

Cela étant dit, je retire mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Je rappelle que l’article 9 et l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 9 ont été examinés par priorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Comme d’autres, je suis présent dans l’hémicycle depuis lundi après-midi. En cet instant, je m’exprimerai en mon nom personnel, mais aussi au nom d’un certain nombre de mes collègues.

Ayant soutenu et voté la loi Rebsamen et la loi El Khomri, j’ai adopté, en cohérence avec cette position, une approche favorable du projet de loi soumis à notre examen cette semaine. Depuis lundi, j’ai apporté à ce texte un soutien certain, mais aussi nuancé et vigilant – s’agissant notamment du travail de nuit, des prud’hommes ou de la pénibilité –, toujours guidé par la défense des convictions et des valeurs qui sont les miennes.

La procédure des ordonnances est conforme à nos institutions républicaines, cela ne fait pas débat. Elle a d’ailleurs été largement utilisée par les gouvernements de gauche depuis le début de la Ve République.

Sur le fond, la primauté des accords d’entreprise et de branche est de plus en plus régulièrement affirmée, et ce depuis une ordonnance Auroux de janvier 1982, ce qui est assez surprenant.

Je souhaite insister fortement, madame la ministre, sur la nécessité de conforter les moyens destinés à assurer la présence syndicale dans les entreprises. C’est selon moi un levier indispensable du renforcement du dialogue social. À cet égard, je me félicite de l’adoption hier de l’amendement tendant à créer, au sein de l’instance unique de représentation des salariés, une commission spécifique chargée de traiter des questions d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

D’une façon plus générale, je partage l’idée que les décisions que nous prenons doivent absolument pouvoir être mises en œuvre et fonctionner dans la réalité. Il y va de la crédibilité de l’action politique.

Entre certaines situations aujourd'hui insupportables, indignes pour les salariés ou défavorables au développement économique et le monde idéal dont nous avons tous une vision et dont nous rêvons, il existe – c’est ma conception de l’action politique – un champ de la réforme ambitieuse.

L’ambition peut être d’aller plus loin en matière de prise en compte des quatre derniers critères de pénibilité, comme nombre d’entre nous l’ont demandé cet après-midi. Nous souhaitons une réforme ambitieuse qui à la fois prévoie des protections nouvelles pour les salariés – à cet égard, nous attendons, madame la ministre, les textes relatifs à la sécurisation des salariés, c’est-à-dire portant sur la formation professionnelle et sur le chômage – et permette d’accroître notre efficacité économique, sans détruire notre système de protection sociale.

En conclusion, je serai amené à voter contre ce projet de loi, pour marquer mon opposition très forte aux modifications qui y ont été apportées par la majorité sénatoriale au fil du processus législatif. Nous formerons bien sûr notre jugement définitif lorsque nous connaîtrons le texte des ordonnances et nous l’exprimerons lors de l’examen du projet de loi de ratification.

Mme Catherine Tasca applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Nous arrivons donc au terme de la discussion de ce projet de loi. Durant quatre jours, les membres de notre groupe sont intervenus pour en critiquer les conséquences négatives. Nous avons démontré en quoi le postulat qui fonde ce projet de loi est faux : penser qu’une amélioration de la productivité des entreprises pourrait résulter de la réduction des droits des salariés relève d’un raisonnement indigent.

Nous avons dénoncé une rupture d’égalité des droits entre les salariés et souligné qu’il est dangereux de réduire le pouvoir de ceux-ci dans l’entreprise et leurs droits syndicaux.

Parmi les nombreux reculs que comporte le texte, nous citerons le plafonnement des indemnités de licenciement, la suppression du compte pénibilité, la réduction des délais de recours aux prud’hommes, la fusion des instances représentatives du personnel.

Non, mes chers collègues, il n’est pas difficile de licencier en France ! Non, les contraintes qui pèsent sur les entreprises ne sont pas trop rigides, notamment en matière de licenciement. Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur les indicateurs publiés par l’OCDE qui permettent de comparer ce que l’on appellera, selon le point de vue où l’on se place, les rigidités imposées aux patrons ou les protections accordées aux salariés.

Ainsi, en matière de licenciements individuels, nous nous situons dans la moyenne des pays étudiés. En termes de délais de préavis, d’indemnités de licenciement, les dispositions de notre code du travail ne sont pas plus contraignantes, en moyenne, qu’elles ne le sont dans d’autres pays. L’OCDE, qu’on ne peut tout de même pas soupçonner de complaisance à l’égard de notre modèle social, rappelle même qu’il est plus facile de faire un plan social en France qu’en Irlande, en Hongrie, en Allemagne, en Suisse, en Italie, en Belgique, parmi d’autres pays.

Malgré ces éléments objectifs, le Gouvernement a choisi d’aligner son texte sur le cahier de revendications du MEDEF. Logiquement, vous avez refusé l’intégralité des amendements que nous avons proposés visant à renforcer les droits des salariés dans les entreprises. Vous avez également refusé l’ensemble de nos propositions alternatives, qu’il s’agisse de l’interdiction des licenciements boursiers, de l’instauration d’un droit de veto des représentants du personnel, de la réparation intégrale par les prud’hommes, des mesures de protection juridique des syndicalistes…

En réalité, outre que votre projet de renforcement du dialogue social réduira les protections des salariés, il sera contre-productif au regard de la santé de notre économie. C’est pourquoi nous voterons contre l’ensemble de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je voudrais remercier le président-rapporteur de la commission des affaires sociales, laquelle a introduit des ajouts peu nombreux, mais importants, précis et conformes à la philosophie du texte. Ils visent en effet à instaurer la flexibilité nécessaire pour fluidifier les parcours vers l’emploi tout en prévoyant un certain nombre de garanties en matière de protection des salariés.

Nous avons effectué un travail important en commission et serons attentifs à ce qu’en conservera la commission mixte paritaire. Comme nous l’avions annoncé, nous voterons ce projet de loi, un certain nombre de nos amendements ayant été adoptés. Nous nous retrouverons dès la semaine prochaine, madame la ministre, et suivrons avec une grande vigilance la suite du processus législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Lorsque nous avons abordé l’examen de ce projet de loi, nous avions des craintes, des inquiétudes sur ses orientations, madame la ministre. Malheureusement, les débats et les réponses que vous nous avez apportées ne les ont pas dissipées, bien au contraire.

Vous avez trouvé dans l’hémicycle une majorité qui, non contente de soutenir votre projet, est même allée plus loin que ce que vous proposiez. C’est une mauvaise nouvelle pour les salariés et l’ensemble du monde du travail, mais ce n’est pas non plus, comme l’a dit mon collègue Dominique Watrin, une bonne nouvelle pour l’économie. La mise en œuvre de vos propositions ne va pas ouvrir la voie à un recul du chômage, bien au contraire. Le MEDEF se réjouit de cette réforme, contrairement aux grandes organisations syndicales.

Prétendument pour réduire le chômage, vous avez choisi de faciliter les licenciements, de limiter les recours pour les salariés, de plafonner les indemnités auxquelles ils peuvent prétendre, de fusionner les institutions représentatives du personnel, d’étendre à de nombreux domaines l’inversion de la hiérarchie des normes et la suppression du principe de faveur, avec toutes les inégalités que cela va engendrer, de rendre la loi supplétive, voire accessoire, de généraliser la précarité en créant des CDI de projet – j’ai dénoncé cet oxymore – qui sont en fait des CDD… Bref, vous allez créer une société de « mini-jobs », une société où l’on travaille encore plus le dimanche et la nuit, un monde du travail où l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes reste un simple objectif. Ce n’est vraiment pas une bonne nouvelle !

Quant à nous, nous nous félicitons tout de même d’avoir obtenu davantage de soutien de la part d’un certain nombre de nos collègues socialistes que lorsque nous nous sommes battus contre la loi El Khomri. C’est un point d’appui intéressant pour construire l’avenir et des propositions alternatives.

Vous avez pris pour cible, madame la ministre, les salariés, ceux qui n’ont pas la chance de bénéficier de stock- options, de parachutes dorés. Notre combat n’est pas terminé. Il se poursuivra ici, dans l’hémicycle, mais aussi dans la rue, au côté des salariés, le 12 septembre.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon, rapporteur. Je prie les orateurs inscrits pour expliquer leur vote de bien vouloir m’excuser d’intervenir maintenant, mais je dois prendre le dernier TGV de la journée afin de pouvoir être à Avignon ce soir et profiter un peu de la Provence dès demain !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je tiens à remercier les présidents de séance qui se sont succédé au plateau, ainsi que Mme la ministre et ses collaborateurs, avec qui nous avons réalisé un travail intéressant. Nous verrons dans quelques jours ce qu’il en adviendra. Enfin, je remercie les membres de la commission des affaires sociales, car, malgré nos divergences, nous sommes parvenus à travailler dans une ambiance sereine et même amicale, ce à quoi je tiens beaucoup.

Étant plutôt un spécialiste des questions de santé et de sécurité sociale, je dois avouer que je ne connaissais pas grand-chose au droit du travail. J’adresse donc des remerciements particuliers à nos collaborateurs de la commission des affaires sociales, qui m’ont beaucoup appris en moins de trois semaines. Leur aide m’aura permis, du moins je l’espère, de ne pas avoir l’air ridicule devant vous, mes chers collègues !

On se récrie sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je tiens en outre à vous faire part de mon inquiétude sur la façon dont risque de se dérouler la CMP. J’en ai déjà parlé aux membres de mon groupe et à Mme la ministre. La représentation de l'Assemblée nationale à la CMP n’a pas été constituée d’une manière conforme à la tradition, qui veut que quatre de ses membres titulaires soient issus de la majorité et trois des groupes de l’opposition. En l’occurrence, elle comprendra cinq représentants de la majorité et deux de l’opposition. J’ignore si cela tient à un manque d’expérience ou à une volonté d’imposer quelque chose, mais en tout cas le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale a refusé mes invitations à échanger, madame la ministre… Je devrai donc arriver tôt à l'Assemblée nationale lundi afin de pouvoir discuter avec lui. Je ne mets pas en cause le Gouvernement dans cette affaire, mais nous devons être extrêmement vigilants sur les relations entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Le Sénat a un rôle important à jouer dans l’élaboration des lois, notamment parce qu’il apporte souvent une forme d’apaisement. J’espère que les choses se passeront mieux à l’avenir.

Je donne rendez-vous aux membres de la CMP lundi, à seize heures à l'Assemblée nationale, et à vous tous, mes chers collègues, jeudi 3 août, pour le vote du projet de loi d’habilitation tel qu’il résultera des travaux de la CMP.

Applaudisse ments .

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Au cours de ces quatre jours de discussions, toutes les sensibilités ont pu s’exprimer. Comme vous avez pu le constater, madame la ministre, l’hémicycle du Sénat peut être le lieu de débats vifs et passionnés.

L’examen de la loi El Khomri avait lui aussi été l’occasion d’échanges parfois musclés. La raison en est simple : le travail structure nos vies et celles de nos concitoyens.

Deux visions s’opposent sur le droit du travail : d’aucuns le souhaitent centralisé, légal, exhaustif ; d’autres, dont je fais partie, veulent faire confiance à l’intelligence collective.

J’ai dit lors de la discussion générale que notre groupe souhaitait vous faire confiance, madame la ministre. La teneur des débats me permet de vous confirmer notre soutien.

Je remercie le président Milon de son action. Au long de ces trois dernières années, j’ai eu plaisir à apprendre le métier de sénateur au côté de mes collègues de la commission.

Madame la ministre, c’est maintenant à vous de jouer. La partie sera difficile. Soyez ferme face à ceux qui cherchent à vous déstabiliser. Ne reculez pas devant les dogmatismes et les vieilles lunes. Il y aura de nombreuses résistances, peut-être violentes, comme nous avons pu en voir l'an dernier. Accrochez-vous aux principes qui doivent guider votre réforme. Placez le dialogue social au plus près de l’entreprise, au plus près du terrain. Fluidifiez le dialogue social dans les entreprises, un dialogue direct, sans intermédiaires obligatoires. Simplifiez les règles applicables aux administrations et adaptez le rôle de celles-ci. Enfin, flexibilisez le marché du travail pour permettre aux entreprises de s’adapter.

Nous nous reverrons prochainement pour parler de formation professionnelle, d’assurance chômage, de retraites. Vous nous proposerez alors d’autres mesures visant à sécuriser les parcours, afin de permettre à la flexibilité de jouer pleinement son rôle dans l’économie. C’est alors que nous saurons si le gouvernement auquel vous appartenez a pris en compte les immenses attentes qui se sont exprimées. Vite, vite, vite : vous le devez, nous le devons aux entreprises, à celles et à ceux qui contribuent à leur réussite, ainsi qu’aux chômeurs qui souhaitent retrouver un emploi. Bon courage !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je voterai contre ce projet de loi.

Si le recours aux ordonnances n’est pas à condamner de façon générale, il me paraît tout à fait regrettable s’agissant d’un texte qui porte sur des sujets sensibles, qui divisent le pays, d’autant que la mise en œuvre de la loi El Khomri n’a encore fait l’objet d’aucune évaluation. Les débats l’ont montré, sur des points très importants, nos échanges se sont trouvés limités parce que nous ne connaissons pas le contenu des ordonnances. Je suis pourtant convaincu qu’elles sont déjà rédigées : je vous l’ai dit à plusieurs reprises, madame la ministre, et vous ne m’avez pas démenti !

Je voterai contre ce texte parce que, pour l’essentiel, ses dispositions renforcent la flexibilité et affaiblissent la sécurité. La flexibilité n’est absolument pas à rejeter. En effet, le monde du travail connaît des évolutions importantes, et personne n’imagine pouvoir exercer le même métier toute sa vie. Cela étant, le renforcement de la flexibilité ne doit pas s’opérer au détriment de la sécurité. La flexibilité doit s’inscrire dans un parcours de vie et de travail.

Dans le présent texte, malheureusement, ce renforcement s’accompagne d’un affaiblissement de la sécurité : je citerai la facilitation des licenciements, l’extension du CDI de chantier à de nouveaux secteurs, l’instauration de barèmes prud’homaux avec plafonnement des indemnités, l’affaiblissement de la représentation syndicale par la fusion des instances représentatives du personnel, l’abandon de la spécificité des CHSCT, sur lequel nous avons eu un beau débat…

Je voterai d’autant plus résolument contre ce texte qu’il a été aggravé par la commission et la majorité sénatoriale de droite, dont beaucoup d’amendements ont été acceptés par le Gouvernement, au contraire de la quasi-totalité des amendements émanant de la gauche.

Beaucoup de mes amis socialistes voteront également contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Les écologistes, que je représente ici, voteront contre ce projet de loi.

Sur le plan de la méthode, tout d’abord, ce n’est pas parce qu’il est possible et légal de recourir aux ordonnances qu’il est bien de le faire. Réformer le modèle social français nécessite un débat préalable avec les partenaires sociaux et les parlementaires. Nous aurions pu prendre le temps d’établir un constat, de conduire des études de cas afin d’être précis. On a manqué, dans ce débat, d’exemples concrets, d’études, de travail préparatoire. Ce n’est pas là pour le Parlement une bonne façon de travailler. On aurait aussi pu organiser des états généraux de l’économie et de l’emploi. Cela aurait permis de mobiliser les territoires et l’ensemble des acteurs économiques et syndicaux.

Sur le fond, s’il est beaucoup question de flexibilité dans ce texte, le volet relatif à la sécurité n’est pas suffisant, comme l’a dit M. Assouline. Ainsi, vous facilitez les licenciements sans garantir en contrepartie à ceux qui seront licenciés qu’ils seront indemnisés et qu’ils pourront ensuite de nouveau s’insérer dans la société. Certes, l’entreprise ne peut garantir l’emploi à vie, mais il revient à la société d’assurer à chacun les moyens de vivre. Or vous n’avez rien mis en place à cet égard.

Par ailleurs, vous dites vouloir renforcer le dialogue social dans l’entreprise, mais vous avez refusé tous nos amendements tendant à introduire des éléments de cogestion. Dans ces conditions, les employeurs indélicats pourront faire la loi dans leur entreprise. Le rapport de force est tout de même en faveur des employeurs !

En définitive, madame la ministre, quelle société voulez-vous mettre en place ? Vous appartenez à un gouvernement tout neuf, la population un nouveau contrat social. Au lieu de nous permettre d’y réfléchir ensemble, vous agissez dans la précipitation, vous contentant d’introduire quelques aménagements soufflés par le MEDEF et, sans doute, par d’autres forces politiques.

En conclusion, je constate avec tristesse que ce que j’avais annoncé lors des débats sur la loi El Khomri est en train de se produire. J’avais dit à Mme El Khomri que son texte nous plaçait au sommet d’un toboggan, qu’il enclenchait un processus de libéralisation dans les entreprises que d’autres se chargeraient ensuite de pousser encore plus loin. Nous y voilà ! La loi El Khomri n’existe plus : nous allons aujourd’hui vers une libéralisation accrue au sein des entreprises.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Je ferai part tout d’abord d’un motif de satisfaction. Nos débats ont été, me semble-t-il, de qualité, toujours cordiaux et empreints de courtoisie. C’est l’honneur du Sénat de débattre de cette façon. Cela tranche avec la manière un peu moins sereine dont les choses se passent dans une autre assemblée…

Si je devais choisir trois mots pour traduire la façon dont je perçois nos débats et les conclusions auxquelles nous sommes parvenus, je retiendrais les suivants : trompe-l’œil, naïveté – ou malice, peut-être – et toxicité.

Trompe-l’œil, d’abord : vous connaissez ces peintures présentant des perspectives fuyant au loin, vers lesquelles vous vous précipitez pour finalement vous cogner la tête contre le mur… Lorsqu’on nous a présenté ce projet de loi, on a affiché de belles intentions avec des mots aimables, annoncé l’ambition de parvenir à un équilibre entre recherche de compétitivité dans un pays qui connaît de nouveau la croissance et sécurisation accrue des parcours des salariés. Il n’en a rien été : le texte offre plus de facilités, de liberté et de moyens aux entreprises, au détriment des salariés.

Naïveté ou malice, ensuite : vous avez essayé de nous faire croire que les négociations entre les patrons et les salariés pouvaient se dérouler de façon équilibrée sans que l'intermédiation des syndicats soit nécessaire. C’est un peu comme prétendre qu’un dialogue est possible entre le renard et la poule : en définitive, la poule a simplement le droit de demander à quelle sauce elle sera dévorée. C’est un peu la même chose dans l’entreprise.

Toxicité, enfin : on voit bien que de nombreuses mesures contenues dans le texte détérioreront encore la situation des salariés. Les conditions de travail se trouveront modifiées de façon extrêmement négative. Cela est tout à fait regrettable. Les apports de la commission sont encore venus aggraver les choses.

Madame la ministre, vous nous dites que vous voulez faire une révolution. Je vous rappelle qu’une révolution, c’est une rotation à 360 degrés, qui vous ramène à votre point de départ… Je crains que, emportée par votre élan, vous n’ayez raté le point de départ et que votre projet ne nous entraîne vers une aggravation de la situation.

Nous voterons contre le projet de loi qui nous est présenté.

Mme Catherine Génisson et M. Jean Desessard applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

J’ai le sentiment que le Sénat a fait correctement son travail. Je tiens à remercier l’ensemble de mes collègues de leur contribution. En commission comme en séance publique, il y a eu des avancées, parfois timides certes, vers des compromis positifs. Cela me semble de bonne méthode quand on veut réformer.

D’une certaine manière, le projet de loi d’habilitation amplifie, précise, sécurise toutes les réformes concernant le marché du travail qui ont déjà été mises en œuvre, particulièrement au cours de la seconde partie du quinquennat précédent.

La présente réforme et sa méthode, le recours aux ordonnances, ont été annoncées. Il y a urgence. On a suffisamment reproché au Premier ministre et au Président de la République précédents d’avoir attendu, de ne pas avoir mené de concertation. Pour votre part, madame la ministre, vous avez su conduire en même temps le processus parlementaire et des négociations avec les partenaires sociaux. Ce travail n’est pas achevé. Vous en rendrez compte dans les prochains jours. C’est vraiment là un tour de force, et la méthode est inédite. Nous nous sommes adaptés, par exemple en examinant des amendements parfois déposés tardivement par le Gouvernement.

Annoncée, engagée, cette quatrième réforme de fond est également assumée. Elle est de nature à redonner confiance aux acteurs économiques, aux chefs d’entreprise, mais aussi, au travers de cette concertation, à redonner aux syndicats leur rôle de partenaires dans le dialogue social à tous les étages. L’articulation entre branche et entreprise, qui manquait dans la loi El Khomri, permettra de surmonter les obstacles rencontrés lors du précédent quinquennat.

Cependant, le groupe La République en marche s’abstiendra, en raison du rejet par la majorité sénatoriale, à propos des articles 1er et 2, des accords majoritaires, alors que l’essentiel était réglé. Cela nous gêne et jette le doute sur votre sincérité, mes chers collègues. §En tout cas, nous ne sommes pas d’accord sur ce qu’est le dialogue social. Vous ne pouvez pas l’instaurer à tous les étages de la démocratie sociale si vous n’acceptez pas le principe de l’accord majoritaire.

Enfin, vous avez voulu à tout prix forcer la main du Gouvernement sur le périmètre national pour les licenciements, mais je pense que c’est la commission mixte paritaire qui réglera cette question. Concernant la composition de la CMP, ma vision des choses n’est pas aussi négative que celle de M. le rapporteur, même si je trouve un peu dommage que les règles habituelles de la démocratie parlementaire ne soient pas respectées. Au Sénat, nous les respectons !

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Fidèles à la tradition et aux valeurs du groupe du RDSE, nous portons un regard différencié sur ce texte.

Traditionnellement, nous ne sommes pas favorables au recours aux ordonnances, même si elles font partie des outils à notre disposition. Nous y sommes encore moins favorables s’agissant d’un texte relatif au dialogue social dont l’examen se déroule alors même que des négociations sont en cours.

Par ailleurs, nous ne pensons pas que la fusion des instances représentatives du personnel soit de nature à améliorer le dialogue social.

De même, nous portons un regard différencié sur votre interprétation de la pénibilité.

Nous regrettons encore une fois le déséquilibre entre efforts salariaux et bénéfices patronaux. De notre point de vue, la performance d’une entreprise tient à son chef d’entreprise, à ses outils de production, à ses salariés.

Pour ma part, j’ai beaucoup appris sur un texte éminemment complexe. Je n’ai malheureusement guère été entouré par mes collègues du RDSE, pour des raisons diverses, mais j’ai tenu à assister à l’ensemble du débat afin que le jeune parlementaire que je suis puisse étoffer ses compétences en la matière.

Cela étant, il me sera difficile de présenter les mesures adoptées comme des avancées aux salariés de mon territoire, puisque le tissu économique et l’environnement ultramarins ne sont pas les mêmes qu’en métropole. Je suis donc inquiet pour la rentrée.

La majorité des membres du RDSE s’abstiendront sur ce texte. Ils ne voteront pas contre, car il est nécessaire d’avancer pour inverser durablement la courbe du chômage.

Madame la ministre, mes derniers mots seront pour vous : j’ose espérer que, à l’inverse de vos prédécesseurs, vous aurez trouvé les bonnes réponses ; pour les salariés, j’espère que vous avez raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 141 :

Le Sénat a adopté.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie pour ces quatre journées passées ensemble. Nous aurons l’occasion de nous retrouver, notamment pour l’examen du projet de loi relatif à la sécurisation des parcours professionnels, qui sera présenté l’année prochaine.

J’ai apprécié que nos échanges soient axés sur le fond. Comme vous, nous voulons faire œuvre durable. Renforcer le dialogue social en s’appuyant sur notre histoire tout en le transformant pour l’adapter au monde d’aujourd’hui et à celui de demain est une tâche importante.

Je tiens à remercier les présidents de séance qui se sont succédé au plateau, l’excellent président-rapporteur de la commission, les membres de celle-ci, ainsi que l’ensemble des sénatrices et des sénateurs. J’ai beaucoup appris sur le fonctionnement du Sénat ! Merci de ces échanges, et à bientôt !

Applaudisse ments .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 1er août 2017, à seize heures quarante-cinq :

Questions d’actualité au Gouvernement.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures quinze.