Mesdames, messieurs les sénateurs, le présent texte ne prévoit en rien de remettre en cause le caractère exceptionnel du travail de nuit. Sur ce point, il devrait y avoir consensus sur les travées du Sénat.
De plus, il me semble que nous sommes tous très conscients des effets du travail de nuit sur la santé. C’est d’ailleurs pour cela que ce dernier fait partie des dix facteurs de pénibilité récemment confirmés par le Gouvernement.
Cela étant, le Gouvernement souhaite sécuriser les entreprises qui ont recours au travail de nuit tout en veillant à protéger la santé et la sécurité des salariés dans un cas de figure précis.
Tout d’abord, la plage horaire du travail de nuit couvre la période comprise entre 21 heures et 6 heures du matin. Or, sans un changement des règles du travail de nuit, les entreprises ne peuvent pas faire travailler de manière effective leurs salariés jusqu’à 21 heures ou avant 6 heures.
De quoi s’agit-il concrètement ? Certaines entreprises calent leurs horaires de travail sur l’horaire de fermeture à la clientèle, par exemple vingt et une heures. Or le salarié est souvent conduit à rester dans son entreprise quelques instants après 21 heures pour effectuer du rangement ou pour fermer les locaux. Le départ effectif des salariés a donc lieu après 21 heures, sans pour autant que l’employeur ni d’ailleurs les salariés perçoivent cette situation comme relevant intégralement du régime du travail de nuit.
Le Gouvernement entend prendre en compte cet effet de bord sans remettre en cause en quoi que ce soit l’encadrement juridique du travail de nuit. Je le répète, ce dispositif répond aux exigences en vigueur, qu’il s’agisse de protéger la santé ou la vie personnelle du salarié.
De plus, le Gouvernement souhaite sécuriser le recours au travail de nuit. À cette fin, il entend le présumer justifié, notamment au regard de son caractère exceptionnel, en le faisant reposer sur l’accord des partenaires sociaux.
Cette position est conforme à la celle qu’a prise la cour d’appel de Nîmes dans un arrêt rendu le 22 septembre 2016 à l’occasion d’un recours contre un accord d’établissement qui a adopté une interprétation laissant davantage de place à la négociation collective et à la présomption de justification sous réserve de cette négociation collective.
Il faut donc faire confiance aux partenaires sociaux, qui connaissent mieux que quiconque la nécessité de recourir ou non au travail de nuit, qui – j’insiste sur ce point – conservera son caractère exceptionnel.
D’après les chiffres établis par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, pour l’année 2014, en France, 15, 4 % des salariés des secteurs public et privé confondus travaillent la nuit. Le secteur public en représente une proportion importante, tout le secteur hospitalier étant concerné.
Il ne s’agit en rien d’augmenter considérablement le nombre de salariés concernés. Il s’agit simplement de sécuriser à la marge les entreprises lorsqu’elles recourent au travail de nuit.
Pour ces raisons, je suis défavorable aux amendements n° 127, 157 et 46 rectifié.
Quant à l’amendement n° 66 rectifié, il vise à étendre le champ de l’habilitation afin que la négociation collective s’étende non seulement au travail de nuit, mais aussi à son caractère exceptionnel.
Ces dispositions se heurtent au principe que j’ai précédemment indiqué : conserver le caractère exceptionnel du travail de nuit. Toute ouverture en dehors de ce champ nous paraît inappropriée.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.