Madame la ministre, cet article traite du compte pénibilité, que vous souhaitez supprimer pour lui substituer un compte professionnel de prévention.
Sous prétexte de simplification pour les entreprises, vous poursuivez le recul des droits acquis engagé durant le précédent quinquennat.
Madame la ministre, pensez-vous qu’il n’a pas été difficile de mettre en place la loi de 1936 ? Le législateur de l’époque n’est pas, pour autant, revenu dessus l’année suivante en n’accordant plus qu’une seule semaine de congés, sous réserve d’un état de fatigue avancé !
Vous envisagez de supprimer quatre des dix critères prévus : la manutention des charges lourdes, l’exposition à des postures pénibles, à des vibrations mécaniques ou à des risques chimiques. Pis, vous changez le principe même du dispositif initial pour les six critères restants. Vous préférez guérir plutôt que prévenir ! Non, vous préférez accorder des soins palliatifs plutôt que de prévenir, tout en sachant que des maladies chroniques se déclareront !
Le principe retenu partait d’un constat simple : l’état de santé de nombreux salariés, qui souvent occupent des emplois peu qualifiés, est plus dégradé que celui des autres en raison de leur travail, quand leur espérance de vie n’est pas plus courte. Il s’agissait donc de rattraper un déséquilibre face à la vie, souvent lié au milieu social dont est issu le salarié. Pourquoi un ouvrier qui vit en moyenne moins longtemps qu’un dirigeant de grande entreprise ne pourrait-il pas partir plus tôt à la retraite, d’autant qu’il ne bénéficiera ni du même montant de ressources ni du même état de santé pour en profiter ?
Je ne veux pas, mes chers collègues, faire ici l’apologie de la lutte des classes. Néanmoins, les études sur les inégalités à la naissance et les chiffres sont têtus.
Par ailleurs, vous changez radicalement le mode de financement : plus de cotisations patronales, tout à la charge de la branche accidents du travail-maladies professionnelles ! Ne pouviez-vous pas, par exemple, répartir le coût par moitié entre celle-ci et celles-là ? Après tout, ce sont bien les conditions de travail qui créent ces maladies. Pourquoi, dès lors, cesser de faire contribuer les cotisations patronales au financement ?
Ne subsiste, dans votre projet de réforme, ni le fond ni la forme du compte pénibilité, qui n’était qu’un simple dispositif d’équité pour les salariés dont l’espérance de vie est plus courte et dont les conditions de retraite sont moins bonnes que celles des autres, que les nôtres, mes chers collègues. Cette réforme marque un nouveau recul pour les salariés, et un gain, en revanche, non pas pour les petits patrons qui se préoccupent de leurs salariés, mais pour les grandes entreprises et leurs dirigeants.
Mes chers collègues, ce texte manque vraiment d’équilibre. Pourquoi finalement ne pas l’appeler « projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances des mesures déstructurant le dialogue social » ?