Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la vice-présidente de la commission des lois, mes chers collègues, au terme de plusieurs semaines de travaux parlementaires sur la régulation de la vie publique, je voudrais vous dire toute ma satisfaction d’avoir vu le Gouvernement comme l’Assemblée nationale retenir l’essentiel des propositions du Sénat dans la quasi-totalité des domaines soumis à son examen, qu’il s’agisse de l’attestation fiscale des parlementaires au moment de leur entrée en fonction, de la prise en charge des frais liés au mandat parlementaire, des emplois d’attaché parlementaire qui ne seront plus autorisés ou du médiateur du crédit.
À chaque fois, nous avons veillé à enrichir les propositions qui nous ont été faites.
S’agissant de l’attestation fiscale, nous nous sommes assuré qu’un parlementaire de bonne foi ne soit pas déchu de son mandat en cas de retard de paiement, que le bureau de chaque assemblée puisse constater un éventuel manquement à cette obligation de déclaration et, enfin, que le Conseil constitutionnel ne soit pas réduit à une simple chambre d’enregistrement et puisse apprécier la gravité dudit manquement.
En ce qui concerne la prise en charge des frais de mandat, nous avons défendu une exigence non seulement de rigueur avec la nécessaire présentation de justificatifs, mais aussi de souplesse dans la prise en charge des dépenses.
Sur la question des emplois familiaux, nous avons fait preuve d’une préoccupation sociale, qui a été reconnue.
Enfin, pour ce qui est du médiateur du crédit, nous avons enrichi le texte gouvernemental en instaurant un véritable « droit au compte » pour les candidats à une élection, donnant accès à ceux-ci aux moyens de paiement nécessaires.
Nous avons également veillé à étendre aux ministres les nouvelles obligations faites aux parlementaires et aux membres des exécutifs locaux.
Sur ce plan, la bataille a été un peu plus rude. Ce n’est en effet qu’en commission mixte paritaire que nous avons fini par obtenir satisfaction sur les règles de déport en cas de vote en conseil des ministres, sur l’interdiction des emplois familiaux par les membres du Gouvernement, sur la possibilité offerte au chef de l’État ou au Premier ministre de consulter la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sur la situation de personnalités pressenties pour entrer au Gouvernement, ou encore sur l’obligation pour le Gouvernement de publier dans les six mois un rapport sur le pantouflage.
Dans un premier temps, le Gouvernement s’était montré assez ombrageux §et avait rejeté l’ensemble de ces propositions. Il a finalement compris, après un dialogue avec sa propre majorité d’ailleurs, combien il était nécessaire d’établir une telle symétrie, afin que l’on ne puisse pas stigmatiser une catégorie de responsables politiques par rapport à une autre.
Hélas, deux mesures ont suscité davantage de difficultés.
Il s’agit tout d’abord des dispositions habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour créer une banque de la démocratie. Le Gouvernement a reconnu lui-même avec la plus grande bonne foi qu’il n’était pas en mesure d’en préciser réellement les contours.
Cette mesure peut susciter le pire comme le meilleur, selon les décisions qui seront prises. Elle porte en elle une possible atteinte à l’égalité entre les partis politiques si l’État décidait un jour, au travers de ce bras armé que serait la banque de la démocratie, de sélectionner les partis qu’il aide en fonction de critères politiques. Habiliter le Gouvernement à prendre une telle mesure à notre place dans le flou le plus complet serait entaché, selon nous, d’un vice radical.
Dans un souci de compromis, nous avons néanmoins fini par accepter que cette disposition figurât dans la loi ordinaire, que nous avons adoptée il y a deux jours. Mais nous avons consenti à le faire pour une seule raison : notre conviction que la disposition sera annulée par le Conseil constitutionnel, qui ne manquera pas d’être saisi sur ce point ! Et si, d’aventure, le Conseil ne l’était pas, le fait que l’ordonnance ne puisse pas entrer en vigueur avant que nous nous soyons prononcés sur sa ratification me semble de nature à apporter les garanties de sécurité nécessaires, notamment sur le fait qu’il ne sera pas porté atteinte au principe de libre formation des partis politiques figurant à l’article 4 de la Constitution, partis qui « concourent à l’expression du suffrage ».
Il s’agit ensuite, et j’en viens, madame la garde des sceaux, au sujet qui nous occupe le plus aujourd'hui, de la réserve parlementaire.
C’est pour nous une nouvelle étape dans la rupture du lien entre la représentation nationale et les territoires. J’apprécie la manière dont vous avez abordé la question, laquelle montre que vous considérez vous-même cette disposition comme la conséquence d’une doctrine, que vous avez exposée et qui a été défendue par de nombreux orateurs à l’Assemblée nationale, selon laquelle députés et sénateurs se doivent d’être tout entier à leurs fonctions de législateur et d’autorité de contrôle de l’exécutif, et doivent en quelque sorte s’éloigner de toute responsabilité vis-à-vis des territoires qui sont à la racine de leur légitimité.
Après l’interdiction du cumul de tout mandat et avant la création d’un régime de représentation proportionnelle pour l’élection d’une partie au moins des députés, nous examinons aujourd’hui un texte qui donne le sentiment qu’un parlementaire qui voudrait jouer le rôle de médiateur ou d’intermédiaire entre la population et un État tout puissant serait un vestige du passé qu’il faudrait absolument éliminer.
J’entends également les fréquentes revendications de nouveaux députés, qui refusent de participer aux manifestations locales…