Intervention de Philippe Bas

Réunion du 4 août 2017 à 15h00
Confiance dans la vie politique — Article 9

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

Sur le fond, je me suis déjà exprimé, trop brièvement sans doute, mais je vais tout de même essayer d’être bref de nouveau.

J’insiste sur le fait que nous avons les plus grands doutes quant à la constitutionnalité de cette disposition.

Supposons que l’on puisse l’interpréter comme une restriction au droit d’amendement du Gouvernement. Vous connaissez mieux que moi la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment la décision du 25 juin 2009.

L’article 44 de la Constitution, que vous invoquez pour dire que la loi organique pourrait restreindre le droit d’amendement du Gouvernement ou du Parlement, ne me paraît pas pertinent.

En effet, cet article se borne à indiquer, en renvoyant d’ailleurs tant au règlement de chacune des assemblées qu’à la loi organique, que c’est à ces deux instruments de préciser les conditions d’exercice du droit d’amendement.

Quant aux restrictions au droit d’amendement, il va de soi qu’elles ne peuvent pas être apportées par ces précisions. Ces dernières portent, par exemple, sur les délais de dépôt des amendements, ou sur la manière dont ils doivent être préalablement discutés par les commissions. Mais, en aucun cas, il ne peut s’agir de limiter le droit d’amendement : les seules restrictions proviennent de la Constitution elle-même.

Mes chers collègues, aucune loi organique ne pourrait ajouter de nouvelles restrictions au droit d’amendement : heureusement, d’ailleurs, que nous ne pouvons pas nous lier les mains nous-mêmes, ou lier celles du Gouvernement, en modifiant des lois organiques. Aucun d’entre vous, j’en suis sûr, ne souhaiterait que cela soit rendu possible.

En conséquence, pour réduire le droit d’amendement du Gouvernement, il faut appliquer soit l’article 40, sur les irrecevabilités financières, soit l’article 41, sur les irrecevabilités résultant du partage entre la loi et le règlement, soit l’article 45, qui a fait l’objet d’une abondante jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ce que l’on appelle les « cavaliers législatifs » et la fameuse règle « de l’entonnoir », métaphores qui nous sont devenues familières… Nous sommes alors en présence d’un véritable fondement constitutionnel des restrictions à l’exercice du droit d’amendement. Pas avec l’article 44 de la Constitution ! La loi organique ne peut en aucun cas restreindre le pouvoir d’amendement dont dispose le Gouvernement. Et c’est heureux pour lui, madame la ministre, car, avec raison, il ne souhaiterait certainement pas qu’à d’autres occasions l’on cherche à restreindre son droit d’amendement.

De toute façon, on ne peut pas interpréter cette disposition de cette manière. À mon sens, il s’agit d’un neutron législatif : or, depuis bien longtemps, le Conseil constitutionnel a fait le ménage parmi les neutrons législatifs. Lorsqu’il estime que telle disposition d’une loi organique ou d’une loi ordinaire n’a pas de fondement dans la norme supérieure et n’énonce aucune règle de droit, lorsqu’il juge qu’il s’agit simplement – et je conclus par ce par quoi j’ai commencé – d’un discours politique mis en forme juridique, mais sans substance juridique, alors il annule.

J’ai essayé de convaincre la commission mixte paritaire que, dans l’intérêt même du Gouvernement, il vaudrait mieux qu’il évite une décision du Conseil constitutionnel qui lui serait défavorable, en renonçant purement et simplement à aborder cette question dans le projet de loi organique qu’il nous présentait. Il n’a pas été possible d’obtenir satisfaction sur ce point.

Vous aurez donc l’éphémère satisfaction d’obtenir de l’Assemblée nationale ce que vous voulez en obtenir, madame la ministre. Le Conseil constitutionnel ne l’entendra certainement pas de cette oreille !

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