Le débat relatif à la durée légale hebdomadaire du travail est au moins autant philosophique qu’économique. Quelle société voulons-nous ? N’en déplaise à l’ancien Premier ministre qui fustigeait « la société du farniente », le droit au temps libre est inscrit dans l’ADN du courant de pensée émancipateur auquel nous adhérons.
Tout d’abord, je tiens à faire remarquer que, y compris à droite, l’idée des 32 heures rémunérées à équivalence temps plein a fait du chemin. Elle a même été appliquée : on peut penser à la loi Robien de 1996, qui, en l’échange d’exonération de cotisations sociales, permettait aux entreprises d’appliquer les 32 heures. C’est ainsi que des sociétés comme la Macif, Fleury Michon ou Télérama avaient sauté le pas.
À l’étranger, ce sont des grands patrons comme Carlos Slim ou Larry Page, patron de Google, qui ont défendu la semaine des 32 heures, laquelle est à même de favoriser à la fois l’émancipation humaine et les mutations économiques.
En effet – on en vient au pur débat économique –, l’augmentation du temps libre est aussi une chance pour le développement de nouvelles activités économiques.
Toutefois, pour appréhender concrètement l’intérêt des 32 heures hebdomadaires payées 35, il faut dresser un portrait précis de la société : la productivité par travailleur augmente en permanence, tout comme le chômage de masse. Par principe, la consommation et les besoins ne sont pas infinis, ce qui implique, à terme, la raréfaction de l’emploi.
Un nouveau partage du temps de travail nous semble donc le meilleur moyen de lutter efficacement contre le chômage tout en maintenant le niveau de productivité par travailleur. C’est notamment le raisonnement qu’a suivi la Suède pour appliquer les 32 heures, après une première expérimentation par Toyota en 2002. Le résultat est clair : cette réforme a permis une progression de la consommation intérieure et une réduction du taux de chômage.
Enfin, je citerai un dernier élément, qui est régulièrement oublié par les détracteurs de la réduction du temps de travail hebdomadaire : ses vertus pour la santé des travailleurs, et donc pour la santé financière de la sécurité sociale.