Je voterai l’amendement de nos collègues du groupe CRC, même si la mesure n’est pas en lien direct avec le droit du travail et relève du droit des sociétés.
On nous explique que le droit de préemption des salariés ne serait pas constitutionnel, un débat que nous avons déjà eu au moment de la loi Hamon. On nous oppose à chaque fois que la mesure n’est pas constitutionnelle eu égard au droit de propriété, mais le Conseil constitutionnel n’a jamais délibéré.
Or il y a en France des exemples où le droit de propriété n’est pas remis en cause en cas de droit de préemption.
En effet, un fermier qui loue et cultive depuis des années un terrain bénéficie d’un droit de préemption au moment de la vente et est prioritaire pour le rachat. Que je sache, cela ne « spolie » pas le propriétaire pour autant. Pourquoi en irait-il autrement lorsqu’il s’agit d’une entreprise ou d’une usine ?
Évidemment, il ne s’agit pas de priver qui que ce soit de ce qui lui revient puisque le droit de préemption oblige à racheter l’entreprise au prix légitimement fixé. Nous avons déjà eu ce débat jadis au sujet des nationalisations.
Je rappelle que le droit de préemption des salariés en cas de cession de leur entreprise est une promesse de François Hollande. Je regrette beaucoup qu’il ne soit pas allé jusqu’au bout de sa démarche. Nous aurions alors eu connaissance des arguments du Conseil constitutionnel.
En réalité, le frein est culturel. On considère en France que l’entreprise n’est que la propriété du capital et on ne reconnaît pas les parties prenantes, contrairement à ce qui se pratique dans le droit anglo-saxon. Il ne s’agit pas de reconnaître à ces dernières des droits indus, mais uniquement de prévoir un droit de préférence de rachat en cas de vente ou de transmission.
Pour ma part, je considère que nous sommes ici face à des présupposés idéologiques. Nous devons aller au bout des discussions pour ne pas fermer cette possibilité de rachat, d’autant que, dans notre pays, je le rappelle, beaucoup d’entreprises meurent faute de repreneur, en particulier parce que l’on ne suscite pas la reprise par les salariés.