Je voudrais tout de même rappeler que ces deux textes que nous examinons en première lecture sont la concrétisation d’un travail de fond réalisé en 2016 et au début de 2017. Quelques éléments démontrent à quel point il fut approfondi : nous avons mené 117 auditions au Sénat et effectué treize déplacements sur le terrain, à Brest, à Marseille, à Dijon, à Élancourt, à Viroflay, à Nancy, à Metz, à Riom, à Bordeaux, à la direction des services judiciaires, à Bobigny, à Saint-Lô, à Lille, à Marmande et à Agen.
Pourquoi cette énumération ? Pour montrer à quel point la commission a été au plus près de la justice de nos concitoyens afin de se rendre parfaitement compte de la situation.
Comme l’a rappelé le président Bas, nous avons formulé 127 propositions consensuelles dans le rapport que nous avons présenté devant la commission des lois le 4 avril dernier, propositions à l’ensemble desquelles, il faut y insister à cette tribune, un accueil favorable ou très favorable a été réservé. Notre rapport fait consensus ou quasi-consensus à tous les niveaux, même si, bien sûr, quelques points font, mais de façon modérée, discussion.
La proposition de loi d’orientation et de programmation comprend un volet de programmation des crédits budgétaires et des emplois sur la période quinquennale 2018-2022, des réformes d’organisation et de structures, ainsi qu’un rapport annexé précisant, sur la même période, l’ensemble des réformes à mener, qu’elles soient législatives ou réglementaires, concernant l’évolution de l’organisation et les pratiques administratives.
La proposition de loi organique concerne notamment la loi organique relative aux lois de finances et le statut de la magistrature.
La principale mesure proposée, qui se trouve à la base de l’ensemble des autres propositions, vise à sanctuariser les crédits de la justice dans la LOLF afin de la préserver de ce que l’on appelle le gel budgétaire, parfois même le « dégel », et des annulations de crédits en fin d’année. Il s’agit d’une mesure essentielle, parce qu’elle permet d’inscrire et d’engager la réforme dans la durée.
La progression des crédits de la mission « Justice » de 8, 7 milliards d’euros en 2018 à 10, 9 milliards en 2022 inclut la création de 15 000 places de prison, ainsi que la progression du nombre d’emplois, qui passe de 85 700 en 2018 à près de 97 000 en 2022, et du nombre de conciliateurs.
Un dispositif plus précis en matière d’open data judiciaire et d’encadrement des sites internet est proposé. Il s’agit d’une mesure très importante qui constitue un élément substantiel de modernisation de notre justice et de son accès. La protection de cet open data judiciaire est évidemment un enjeu majeur.
En matière budgétaire, nous proposons le retour à l’aide judiciaire et, en particulier, le rétablissement de la contribution pour l’aide juridique, à un niveau modique et modulable, de 20 à 50 euros, pour abonder le budget de l’aide juridictionnelle en maintenant l’exemption pour les personnes éligibles à celle-ci.
Autre élément tout à fait nouveau : la consultation préalable obligatoire d’un avocat, financée par le budget de l’aide juridictionnelle, avant toute demande. Il s’agit de s’assurer de façon effective de la pertinence de la demande du justiciable. C’est une question essentielle en termes d’efficacité et de gestion des flux. Disons les choses telles qu’elles sont : il y a de la quantité ; il faut lui adjoindre désormais de la qualité pour avoir de l’efficacité.
À côté de la création d’un tribunal départemental de première instance, dont Jacques Bigot parlera dans quelques instants, nous proposons de transformer les tribunaux de commerce actuels en tribunaux des affaires économiques et d’en élargir la compétence, de façon cependant volontairement limitée, aux procédures relatives aux difficultés des entreprises. Les nouveaux tribunaux se verraient confier les compétences qui sont actuellement celles des TGI pour le monde associatif et les professions libérales.
Telles sont les quelques avancées et précisions apportées par la commission.
Si la réinstauration d’un droit de timbre ne fait pas forcément l’unanimité au sein de la commission des lois et de notre assemblée, elle demeure un élément budgétaire essentiel puisqu’elle rapportera plus de 55 millions d’euros par an, ce qui n’est pas négligeable en période de disette, sans priver du bénéfice de l’aide juridictionnelle ceux qui en ont besoin pour faire valoir leurs droits.
Le tribunal des affaires économiques, quant à lui, aura l’occasion de montrer sa grande compétence dans des affaires extrêmement techniques.