Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons deux propositions de loi, l’une ordinaire et l’autre organique, pour le redressement de la justice, toutes deux présentées par le président de la commission des lois, M. Philippe Bas.
Ces deux textes sont la traduction législative de 42 des 127 propositions formulées par la mission d’information pluraliste de la commission des lois dans un rapport rendu le 4 avril 2017.
Pendant neuf mois, la mission que vous avez conduite, monsieur Bas, a abattu un travail considérable en effectuant de nombreux déplacements et en procédant à de multiples auditions.
Partant d’un constat alarmant, unanime et sans appel relevant combien la complexité et la lenteur de notre système judiciaire contribuent à rendre la justice illisible, vous soumettez à notre assemblée dans ces deux textes des propositions fort intéressantes.
Je pense, notamment, à l’amélioration de l’organisation juridictionnelle en première instance et en appel, ou encore à la révolution numérique.
Les objectifs affichés de maîtrise des délais, de qualité des décisions rendues, de proximité ou encore d’effectivité de l’exécution des peines sont éminemment importants.
Cependant, je m’interroge sur l’opportunité de voter ces textes à la veille de l’examen du projet de loi de finances et à l’orée de chantiers gouvernementaux sur la justice.
En effet, la proposition n° 126 du rapport d’information, qui a inspiré les deux propositions de loi, préconisait la présentation au début de la prochaine législature d’un projet de loi de programmation sur cinq ans pour le redressement des crédits et des effectifs, ainsi que des réformes d’organisation et de fonctionnement de la justice.
Le 4 juillet dernier, lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, M. Édouard Philippe, répondait, avant le dépôt deux semaines plus tard de ces deux propositions de loi, à cette demande en annonçant l’examen par le Parlement au premier trimestre 2018 d’une loi quinquennale de programmation des moyens de la justice, laquelle engagera notamment un vaste mouvement de dématérialisation, de simplification et de réorganisation de notre système judiciaire.
Le Gouvernement entendait ainsi démontrer sa volonté de faire de la justice une priorité.
C’est également la raison pour laquelle les crédits qui lui seront alloués dans le projet de loi de finances que nous nous apprêtons à discuter augmenteront de 3, 9 % en 2018 par rapport à l’année précédente, cela dans un contexte général de redressement des comptes publics.
Cette hausse budgétaire doit être considérée comme une première étape, puisque la future loi de programmation quinquennale, qui sera examinée début 2018, prévoira de nouvelles augmentations de 4, 3 % en 2019 et de 5, 1 % en 2020.
Par ailleurs, le 6 octobre dernier, vous engagiez, madame la garde des sceaux, un long et exhaustif travail de concertation avec les professionnels de la justice pour faire remonter les attentes et les initiatives innovantes des différents acteurs du monde de la justice, notamment autour des cinq chantiers que vous avez rappelés, à savoir : une transformation numérique de notre justice, qui permettra notamment de faciliter les procédures en ligne des justiciables ; l’amélioration et la simplification de la procédure pénale ; l’amélioration et la simplification de la procédure civile ; l’adaptation de l’organisation judiciaire ; enfin, le sens et l’efficacité des peines.
Les conclusions de ces travaux seront remises en janvier prochain ; elles seront intégrées dans ce projet de loi de programmation pour la justice et au sein des projets de loi de simplification civile et pénale qui nous seront présentés au premier semestre 2018.
Aussi me semble-t-il judicieux d’attendre, d’autant que le rétablissement dans la proposition de loi de la contribution pour l’aide juridique ou encore l’extension du suivi socio-judiciaire à tous les délits et les crimes font partie des points de divergence qui, à tout le moins, nécessitent de recueillir au préalable le fruit des consultations lancées début octobre.
Il ne fait aucun doute que nous avons tous ici conscience de la situation de quasi-misère dans laquelle se trouve l’institution judiciaire, et nous mesurons l’état d’épuisement des magistrats et des fonctionnaires. Notre volonté est évidemment d’œuvrer pour l’amélioration du fonctionnement de notre justice. Il y va de l’intérêt de tous, professionnels du droit et justiciables, de pouvoir bénéficier d’une justice de qualité. Cette préoccupation dépasse largement les clivages partisans.
Néanmoins, parce que je crois sincèrement que le texte de programmation à venir ira dans le sens d’un redressement de la justice, souhaité par tous, et malgré l’intérêt et la qualité des dispositions qui nous sont présentées, lesquelles, j’en suis certain, viendront nourrir le texte gouvernemental, le groupe La République En Marche s’abstiendra de voter ces propositions de loi.