Intervention de Philippe Dominati

Réunion du 18 novembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati :

En général, j’ai voté en faveur d’incitations fiscales destinées à favoriser l’emploi ou le développement. Cependant, du jour au lendemain, le vocabulaire change, puisqu’il s’agit désormais de « réduire la dépense fiscale ». En réalité, supprimer ces « niches » revient à créer des prélèvements nouveaux à hauteur de 10 milliards d’euros, qui pèseront aussi bien sur les particuliers que sur les entrepreneurs. Mais peut-être ces mesures sont-elles nécessaires ! C’est la raison pour laquelle il est important de trouver un équilibre entre le niveau des recettes nouvelles et celui des dépenses.

Mme Lagarde l’a fort bien expliqué ce matin, l’emploi constitue bien évidemment une troisième source de recettes. Elle a défendu un projet dont la vocation est d’accélérer les effets du plan de relance, grâce à la création de 100 000 emplois nouveaux.

En réalité, seules les incitations, que nous appellerons peut-être plus tard des « niches », peuvent véritablement redonner courage et envie aux entrepreneurs, accroître la compétitivité des entreprises et permettre aux grosses PME, c'est-à-dire celles qui ont 500 salariés et plus, de se multiplier, alors qu’elles sont quasi absentes de notre économie, ce que nous regrettons lorsque nous évoquons notre commerce extérieur.

Comment ne pas avoir le sentiment d’une certaine contradiction quand on constate que l’incitation fiscale prônée hier est aujourd’hui une niche fiscale qu’il faut combattre ?

J’en viens à la « réduction » de la dépense publique.

M. le rapporteur général nous l’a expliqué, il y a non pas réduction mais bien augmentation de la dépense publique, et à hauteur de 4, 5 milliards d’euros. Simplement, c’est l’emballement de la dépense publique qu’il s’agit de contenir et de diminuer. Reste que, pour l’instant, cette dépense publique continue d’augmenter.

C’est dans cette mesure que l’équilibre fixé entre recettes et dépenses est, pour nombre de nos concitoyens, difficilement compréhensible. Ces derniers ont en effet le sentiment que l’effort prévu en matière de dépense publique est insuffisant par rapport à celui qui est demandé avec la suppression de certaines incitations fiscales. À cet égard, je nourris moi-même une certaine inquiétude.

On me répondra très certainement – certains orateurs ont d’ailleurs insisté sur ce point – que la dépense publique est contrainte.

La dette constitue en effet le premier poste de dépense. Nous l’avons héritée des nombreuses années au cours desquelles nous n’avons pas su être suffisamment attentifs à sa progression. Elle croît plus vite que les autres dépenses, avec une augmentation prévue entre 15 et 20 milliards d’euros sur les trois ou quatre prochains exercices budgétaires.

Le ministère de l’éducation nationale représente le deuxième poste de la dépense publique. Sur les 30 000 emplois qui ne seront pas renouvelés dans la fonction publique, la moitié relève de ce ministère.

Pour autant, l’étude des chiffres soulève un certain nombre de questions. La suppression de ces 15 000 postes permettra de réaliser une économie de 390 millions d’euros. Or, pour revaloriser les fonctions, conformément à l’engagement du Président de la République, 199 millions d’euros seront réengagés, si bien que le gain engendré par cette mesure n’atteindra que 160 millions d’euros environ, et ce sur une masse globale de 18 milliards d’euros !

Cet exemple illustre parfaitement la difficulté qu’il y a à tenir un engagement en la matière. Lors de l’adoption du projet de loi de finances pour 2009, M. le rapporteur général l’a rappelé, l’État prévoyait de limiter à 1 % la croissance de la dépense publique. Or, finalement, nous avions enregistré une augmentation de 2, 4 % !

Telle est la réalité de ce qui constitue le deuxième poste de dépense pour l’État, je tenais à le souligner.

Comme je l’ai dit lors d’un précédent débat d’orientation budgétaire, vous faites face, monsieur le ministre, à une difficulté insurmontable, car, s’agissant de l’État, vous réfléchissez à périmètre constant. Pour ma part, j’ai une vision bien différente de l’État.

Le Gouvernement vient de réduire le nombre de ministres, ce qui est une bonne chose. Toutefois, cette décision aurait dû trouver sa traduction budgétaire. Le périmètre de cet « État assistance » doit être réduit progressivement, afin que l’on se concentre sur les missions essentielles.

À cet égard, je prendrai l’exemple du Grand Paris, que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer.

Sachez que nous sommes l’un des seuls États au monde à proposer un service public de transport. Or, comme le démontre un rapport de la Cour des comptes paru voilà un ou deux jours, l’État est parfois moins performant que des sociétés capables, elles, de fournir le service, mais à un coût bien moindre.

Pourtant, dans ce domaine, le Gouvernement n’a pas changé de vision. Lorsque j’entends dire que ce budget est inspiré par une vision libérale, je ne comprends pas. Où est donc la vision libérale ? Pour ma part, je ne la retrouve pas ici.

En revanche, je soutiendrai bien évidemment vos efforts, monsieur le ministre, et ceux de Mme Lagarde, pour défendre un dispositif qui a été évoqué par Jean-Pierre Fourcade, à savoir le crédit d’impôt recherche en faveur des entreprises. Je suggère même qu’il soit étendu aux jeunes entreprises innovantes. Ce dispositif est essentiel, car c’est de l’entreprise que vient l’emploi.

Obéir à une vision ultralibérale, ce n’est pas se contenter de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux pour réduire la dépense publique ! Si c’était le cas, quel serait le pays au monde le plus ultralibéral ? Cuba, mes chers collègues, car, cette année, 500 000 fonctionnaires et agents de l’État ont été reversés dans le secteur concurrentiel. Or ce pays est loin de mener une politique ultralibérale, et j’en prends à témoin nos amis siégeant sur les travées de gauche de cette assemblée !

Je souhaitais donc, monsieur le ministre, attirer votre attention sur ce problème de périmètre, à mes yeux essentiel.

Il est également indispensable de préserver et de développer les mécanismes qui ont fait leur preuve, comme le crédit d’impôt recherche et les dispositifs mis en place notamment par Hervé Novelli au moment de la création de l’auto-entrepreneur.

Bien évidemment, je me réjouis de la réforme de la fiscalité, annoncée pour le prochain collectif budgétaire. En libérant les énergies sur le plan fiscal tout un maintenant un équilibre indispensable, cette réforme complétera utilement celle de la taxe professionnelle, qui avait été, elle aussi, attendue de longue date.

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